Barballeixa, un lieu dit dans les montagnes est aussi le nom d'un ravin affluent de la rivière La Rotja. Barballeixa signifie mauvaise herbe, herbe de mauvaise qualité. C'est tout dire !
Barballeixa : un nom qui me plait et m'amuse.
Pour atteindre Barballeixa, il y a un joli sentier de randonnée qui mène jusqu'à Escaro, si l'on veut, ou à Sahorre, Thorrent; on a même le choix de revenir par le canal. Une très belle rando. Un chemin en balcon avec vues superbes dans un décor rocheux assez tourmenté, voire "sauvage".
|
Point de vue sur la vallée de la Rotja depuis le chemin de Barballeixa |
Et puis il y a l'autre, un étage en dessous, en pointillés noirs sur la carte et qui va jusqu'au ravin de Barballeixa, son terminus : c'est sans doute, me dis-je, un ancien chemin agricole menant à un ravin dont l'eau permettait des récoltes. Il devrait alors rester des vestiges de ce passé paysan : des terrasses et sans doute quelque habitat pastoral car c'est loin du village. Bien que ce soit commune de Sahorre, l'accès se fait par Py.
|
En pointillés noirs surlignés de rouge, ce chemin |
Car si accès il y a encore, cela doit être bien dégradé; et en découdre dans du terrain dégradé, cela me plait!
En ce 1er jour de décembre, je prends le départ à 9 h 26. C'est tard, mais le trajet n'est pas long en km. En temps ce sera une autre histoire.
Je pars du "Veïnat" soit le hameau de Py. Le temps est beau, le soleil brille et dore déjà les hauteurs.
Sitôt passé le beau mas en rénovation, le sentier de randonnée grimpe et bifurque vite sur la droite, c'est ma direction, on ne voit rien sur le terrain hormis une petite croix orange quasi effacée, je quitte la civilisation. Il ne faut pas manquer le départ, ensuite le chemin est bien tracé, entre deux murs, large, dans un paysage de terrasses, mais illusion fugace, tout de suite le chemin ressemble à un vague cheminement, je vois ce qui m'attend.
|
Le point de départ au dessus de Py |
|
Début du chemin |
|
En suivant, dans La Solana |
|
Py s'étire au soleil |
Le paysage familier d'en face, Bareu, Soteilles, est dans l'ombre grise et froide des arbres nus. Je marche au soleil. Le chemin reste lisible en courbe de niveau . C'est La Solana. Rapidement, en m'éloignant du village il sombre dans un fouillis végétal : c'est normal les cultures proches du village ont perduré. La lecture de la carte m'a dit que d'ici au ravin, le paysage sera stérile et sans cultures donc le chemin sera bien abimé. Ensuite il y aura une longue traversée d'un secteur très rocheux, c'est lui que je redoute car j'imagine le trajet complètement démoli.
|
Toujours dans la Solana |
|
Le décor change |
Le chemin suit transversalement les replis du terrain, quasi en courbe de niveau (économie de fatigue pour les travailleurs d'autrefois) et bien qu'il soit enfoui dans un couvert végétal très fouillis, il est lisible pour une raison très simple : il fut entretenu par les chasseurs, abandonné il y a quelques années, cela se voit aux coupes des végétaux. Ils ont bien repoussé, m'engloutissent parfois mais les chasseurs ont cairné, je n'ai même pas besoin du GPS. Ce n'est pas un boulevard, c'est un taudis semi lisible .
|
Reliques du chemin |
|
Vestiges des chasseurs |
|
Le chemin dégradé |
|
Tout autant dégradé |
|
Quelques passages plus lisibles |
Je traverse ainsi Le Marcenil, toujours dans la commune de Py puis j'entre dans celle de Sahorre. Le paysage est beau, ouvrant sur la vallée de La Rotja, les lointains noyés de brume, ou les hauteurs de forteresses de roches. Pas un bruit, pas un animal, le monde végétal m'a engloutie et je me sens bien.
|
Sur la rive en face : sous les fumées, l'élevage du bord de route |
|
La brume noie la vallée de la Têt |
J'ai même oublié le trauma de ma chute et de ma blessure, j'ai replongé dans ce qui est mon monde...rassurant !
Rassurée mais prudente, j'avance, j'ai hâte d'aborder la roche, que j'observe de loin, j'essaie de deviner le chemin, j'entrevois sa cohérence, un ou autre mur, il est peut être encore existant ? Si les chasseurs l'utilisaient...il devait exister !
|
Que va me réserver ce terrain rocheux ? |
|
J'y devine le sentier à quelques murets |
Et il existe ! Au delà de mes espérances : quel décor, quel parcours...mon enthousiasme ferait rire les chasseurs ! Je fais une découverte stupéfiante, deux scories de forge à bras médiévale. Même ici ?
|
Il passe en éboulis |
|
Il garde quelques beaux restes |
|
Veillé par deux sentinelles |
|
Dans les lointains |
|
Le décor dans lequel il se faufile |
|
LA trouvaille ; scorie de forge à bras médiévale |
Des murs soutiennent le chemin, d'autres se sont effondrés, j'imagine en évitant les rocs, les végétaux, entraversant des éboulis, à quoi devait ressembler ce joli parcours en balcon, propre et bien carrossable...Des bribes de murs étayent encore cette sente.
J'entrevois le canal coulant quelque peu en contrebas.
|
Passage en roche |
|
Escarpé et beau |
|
Vestiges de marches |
|
A flanc de falaise |
|
La route de Sahorre à Mantet |
|
Le chemin |
|
Petit col taillé dans le rocher |
Le ravin de Barbailleixa creuse son sillon devant moi, plongeant vers la Rotja : la face sud est aride et stérile, la face nord boisée et sombre
|
On distingue le route, dans l'ombre et au soleil, la saignée du ravin de Barballeixa |
Un dernier virage et le chemin descend, en s'enfonçant en forêt, vers le ravin de Barballeixa.
|
La végétation et le climat changent |
|
Le balisage aussi |
Je ne vois rien, sinon le chemin qui a changé d'aspect, propre, entretenu, dévié de sa trajectoire d'origine et balisé de rose : chemin de chasse. Il traverse le ravin où coule de l'eau glacée et un air aussi glacé. Une ébauche d'ancien canal se devine, mais nulle trace de cultures. Je délaisse le chemin de chasse qui entame sa remontée, je me restaure un peu et je repars en sens inverse, bien décidée à ne pas reprendre ce chemin fatigant. Les chasseurs, ils sont bien arrivés par un "chemin rose", donc je dois le retrouver ! Et je n'y arriverai pas...
|
Dans la vallée |
A mon avis, ils venaient par le canal Py Thorrent. Qui coule en contrebas
Alors je tente un pari un peu fou, piquer droit dans la pente, en évitant les barres rocheuses, pour gagner le canal. Je balise le départ, je me lance sur une sente animale et, surprise, je trouve une série de petites terrasses, hautes et superbes. Je cesse de baliser, la pente est très raide mais facile...enfin...escarpée toutefois et très sale. Et j'atterris sans m'en apercevoir dans le canal vide.
|
Une descente de 100 m linéaires |
|
Et le canal, bien à plat |
Je reste sur ma faim, je n'ai pas vu ce que j'espérais. Je vais voir le croisement entre canal et ravin, je reconnais les lieux et là se trouvent les points roses...évidemment. Un petit canal adjacent amène de l'eau du ravin de Barballeixa au grand canal, en complément.
|
Suivons la trace ! |
Alors je vais remonter, soyons folle, revenons à Barballeixa, c'est un chemin tracé par et pour les chasseurs, donc direct dans la rivière, puis direct dans la pente ! Je souffle, je grimpe et j'arrive à la balise que j'ai posée.
|
Ma balise |
|
Arrivée en haut |
|
Vue vers l'amont du ravin de Barballeixa : le "vrai" sentier" de rando passe là haut |
Mission accomplie, d'autant que j'ai rencontré les terrasses, les anciennes cultures et, cerise sur le gâteau un magnifique cortal . Pari gagné, je suis ravie, je visite. L'obstination a été payante
! |
Les terrasses cultivées |
|
Le cortal |
|
Immense cortal |
Je redescends et, arrivée au ravin, prise d'une intuition, je vais visiter le lieu, en amont. Là aussi je vais trouver : une ruine, et une cabane. Consulté plus tard, le cadastre napoléonien reste très peu loquace sur ce secteur.
|
Ravin de Barbailleixa |
|
La porte de la maison |
|
Les ruines de la maison |
|
Et la jolie cabane bien conservée |
A présent, je sais que j'ai fait le tour du domaine, que j'ai rempli ma mission et que je peux "rentrer à la maison". En suivant le canal. Barballeixa m'a livré ses secrets enfouis sous les arbres, la mousse, les ronces et les feuilles mortes ...et l'oubli.
Le trajet : en rouge le chemin, en jaune mes recherches, en blanc le retour par le canal. 7. 5 km