(Ceci en référence au
rendez vous manqué (clic), d'août 2014, 4 ans déjà...mais je suis opiniâtre, on le sait).
Après Molières, je m'octroie une journée de repos forcé : rivière, bain de soleil et d'eau, découverte, pinxos et vin blanc en terrasse, la vraie touriste.
Je fais le plein de forces, dont je ne manque pourtant pas, pour le lendemain.
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Le lendemain c'est aujourd'hui, 7 août 2018, à 6 h 26 du matin. Mon sac d'écolière studieuse est prêt depuis la veille, je quitte le parking, celui de
Conangles, de l'autre côté de la route nationale. J'ai allégé mon sac et les crampons y sont logés. Une lampe de poche est en ma main, il fait presque nuit en forêt. Tout commence par un chemin qui descend donc je perds 36 m de dénivelé. Pas sympa comme apéro !
Oh, je les retrouve vite en forêt, sur le sentier qui grimpe dur. La lampe est inutile, la forêt dort et la rivière tonitrue.
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Que d'eau ! |
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Sentier végétal en forêt |
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Sentier minéral en forêt |
Un marcheur me double, encourageant : Le Bésiberri ?? Ouh...difficile...Bon je revois mon programme à la baisse. En guise de baisse c'est hausse franche du sentier désert. Désert et pentu il le reste jusqu'au
lac de Besiberri, 1995 m. Un beau lac où mon marcheur est à l'ouvrage, il pêche! Je ne vais pas m'arrêter là, non ? 475 m de dénivelé c'est juste le début de l'apéro.
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Lac du Besiberri |
Je descends vers le lac que je longe sur un sentier de terre, de roche et de toiles d'araignées que j'évite pour ne pas briser leur travail. J'ai froid, je ne sens pas mes pieds et le décor n'est guère engageant, c'est sinistre. Le lac qui ressemble beaucoup au Laurenti d' Ariège est beau. Je vois un peu du décor où j'étais avant hier.
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Lac du Besiberri |
J'arrive en bout du Lac, me perdant entre images du Laurenti et images d'ici et je file vers le second lac, l'
Estagnet. Altitude
2154 m. C'est un petit lac alimenté par une belle cascade, au pied d'un cirque de rochers, cirque glaciaire. Selon la carte mon chemin devrait grimper le long de la cascade, dans les dalles de granit.
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Austère et minéral |
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Lac de Besiberri vu d'en haut |
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La cascade de l'Estagnet La prochaine fois je suivrai son cours, en rochers |
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L'Estagnet |
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L'estanyet |
Sur le terrain, le chemin est ailleurs. Comme j'ai décidé de continuer, je grimpe. ça grimpe dru, fort et efficace. Un point à la boussole et carte me conforte que je suis sur le bon axe, d'ailleurs le premier chemin d'eau, celui de la cascade, est proche.
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Jardin d'altitude |
Un peu de pelouse, de l'eau, des fleurs, une halte carburant et me voilà repartie, quand soudain...dans la solitude et le silence les plus absolus, un vacarme éclate, un pan de rocs s'effondre et un rocher saute de roc en roc dans un nuage de débris, sur le chemin que je vais emprunter.
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Lac du Besiberri et mon cairn |
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Massif de l'Aneto |
Bon il est tombé, ça ne tombe pas toutes les 5 mn non plus...oui mais c'est là que je vais passer et pas question de courir dans ces blocs monstrueux. Toutefois, on peut toujours s'abriter sous les auvents des plus gros. Alors j'y vais et, selon ma formule, partout et ailleurs : "on verra quand on y sera".
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Austère, minéral et désert |
Deux marcheurs redescendent et m'indiquent le chemin sommital en ajoutant....que c'est pas facile...le couloir très glissant.... Décidément ! Heureusement j'ai connu Didier et ses encouragements ! ici je sais que vais grimper seule.
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Parcours en rocs, vers l'amont |
Je grimpe toujours dans le silence avec un paysage minéral peu ouvert mais déchiqueté, austère, pas vraiment riant ni harmonieux.
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J'adore ces arêtes |
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Chemin de rocs vers l'aval |
J'arrive au névé, long, pentu et rougeâtre. Un peu de carburant et sans le piolet je grimpe. C'est sécurisant, il n'y a pas de difficulté majeure les crampons et le piolet restent dans le sac, je n'ai même pas le frein à main. Ce n'est pas prudent !
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Je vais tout en haut, ça se rapproche |
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Chemin enneigé |
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Altitude Canigou : 2784 m |
Me voici en haut du névé, les yeux rivés sur ce col, là haut où je dois arriver. La dernière partie est la plus complexe : je suis au pied d'un couloir que 4 personnes descendent avec difficultés. Pour du glissant ça l'est. On verra...quand on y sera...pas vrai ? Sauf que j'y suis et que les 4 compères me refroidissent d'un coup : "le pire c'est ce qui est derrière toi, "la tormenta"!
Derrière moi? Il y a la Maladetta, l' Aneto, le Molières, tous coiffés d'un ciel gris jaune, bref l'orage est annoncé pour l'après midi.
Je suis près de l'altitude sommet Canigou, il me reste 300 m et il m'arrive la terreur ?
Plus tard, ils me diront "on t'a vue monter à toute vitesse". Comment fais je pour monter si vite ce couloir glissant où je ne glisse pas, où je mets le turbo sans ces maudits étouffements et manque de souffle d'autrefois ? Merci à mon cardiologue de m'avoir changé le traitement...20 ans de moins. Sans m'en apercevoir je suis au col, et j'attends, comme toujours dans ce cas, le panorama qui va me sauter au visage : des lacs !! Juste sous le col, de beaux lacs bleus, les
Estanys Gelats et ceux de
Gemena.
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Estanys Gelats et de Gemena |
Un paysage minéral, désert -évidemment- qui n'a pas le côté somptueux du panorama découvert depuis Molières, mais qui vaut par son immensité, son silence et sa solitude. Je savoure un immense désert (et dessert) pour moi seule. Et une grande joie. Je suis au
Col des Abellers, 2884 m, d'un côté se trouve le pic éponyme, 2965 m et de l'autre le
Besiberri Sud, 3017 m. Je grimpe en un temps record la crête de ce pic, louvoyant entre sentier et rocs, cela s'apparente au Puigmal côté français. Je m'arrête le temps d'une photo à la symbolique altitude du Carlit et me voici déjà au sommet, après avoir croisé un autre solitaire.
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Altitude Carlit : 2921 m En fond Pic des Abellers 2965 m |
Je suis ma progression sur l'altimètre, j'ai loupé le 3000 et me voilà au 3017 : le sommet ! Cette fois ci le rendez vous ne sera pas manqué . Je suis heureuse. Je suis émue...
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Joie au sommet : il se mérite, aussi |
Je prends, malgré ma peur (euh...ma terreur...) de l'orage, le temps de contempler. Le paysage est magnifique aussi : des lacs, des sommets que je reconnais, et puis ce proche
Comaloforno, 3030 m un vrai éperon rocheux qui m'attire comme un aimant...Oh, celui là, il aura un jour ma visite, je le lui promets!
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Estanys Gelats de Comaloforno |
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Pic de Comaloforno, là haut, 3033 m, tout en roche |
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Massif des Besiberris, où je m'étais arrêtée, quelque part, en 2014, à 2850 m |
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Besiberri nord 3004 m, tout en escalade |
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Besiberri del Mitg |
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Il y a la Punta Alta de Comalesbianas (3014 m) et le pic du même nom Ma destination en 2016 |
J'essaie de deviner où j'avais stoppé en cette année 2014, à 2850 m, je devine un peu dans ce dédale de rocs et de névés. J'ai de l'énergie encore pour aller plus haut et si le temps ne menaçait pas, le voisin
Abellers, 2965 m, aurait bien l'honneur de ma visite. 81 m de dénivelé c'est si peu...Dommage... Mon temps est compté et je redescends en vitesse jusqu'au col; un temps d'arrêt : "C'est là que je dois descendre?"...un couloir étroit, véritable mur, ne m'incite guère, mais le ciel jaunâtre a raison de mon hésitation, et je plonge.
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Plongée vers le bas et le névé, du presque vertical |
A hauteur de mes yeux, une plaque fichée dans la roche rappelle qu'une jeune femme perdit ici la vie. Brr...et je file. Les couloirs ou tarteras, en descente, c'est mon terrain de prédilection. J'ai le pied ferme, la marche sûre, la vitesse rapide et en un rien de temps je suis au grand névé. Je chausse les crampons, empoigne le piolet et c'est parti pour 150 m de D-, sur une longueur de quelques 300 m au moins, sans problème, j'ai de bons freins. Je profite au maximum du névé pour gagner du temps en douceur.
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Jusqu'en bas là bas |
Les rochers m'accueillent bien gentiment, personne n'a bougé, je retrouve mon chemin, je les reconnais même !! Le ciel demeure serein, soit jaune et silencieux, je n'en demande pas plus, que l'orage et la pluie attendent ma sortie de ce chaos. J'ai mal au pied, j'ai soif, qu'importe, je file. Les ruisseaux font leur apparition, je m'abreuve presque sans m'arrêter.
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Mini ou maxi, des cascades partout |
C'est désert et j'ai la frousse de l'orage. Mon pied hurle de douleur mais je fais la sourde oreille, il attendra !
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Je descends à fond de train |
Enfin le lac est comme un havre de paix; un soin au pied dans l'eau glacée, un changement de pneus, un peu de carburant et c'est reparti, plus doucement; rien ne bouge. Je récolte un peu d''arnica, caresse les douces linaigrettes, en entrevois les premiers touristes lorsque le ciel se met à gronder. Les montagnes résonnent , je ne sais d'où ça vient mais j'accélère, juste dans la montée au dessus du lac.
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Lac de de Besiberri sous l'orage |
C'est un moment, l'accélération en côte, dont on se passerait le plus. Ouf, les premières gouttes m'atteignent au moment où je plonge sous le couvert des arbres.
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Plongée en eau du ciel |
Il y a un peu de monde qui laisse passer "cette femme pressée" (mais non, "qui a peur", rectifiai-je, en espagnol.."una mujer que tiene miedo" ) et j'avale les 475 m de D- sous la pluie, la grêle, les roulements de tambour et les flashes des radars du ciel. C'est là que je m'aperçois que ma peur s'est enfuie et que je me régale de tout cela, et des parfums envoûtants de la forêt mouillée. Et que j'aimerais que ça dure encore...Et que je ralentis...Dieu que c'est beau ....
Un peu plus tard, après avoir récupéré les 36 m de D+ qui m'attendent sagement sous la pluie, j'arrive, trempée jusqu'à la peau, à mon camion, presque déçue que cela fut fini, ce voyage au pas de course pour un rendez vous enfin réussi...Le Besiberri de l'an 14.
A Didier qui m'avait dit "Tu peux"!
En chiffres
Dénivelé (D+) positif cumulé : 1602 m (mon record)
Distance AR : 14 km
Temps de marche (hors arrêts): 9 h 15 environ
Temps de marche pour le sommet : 5 h 45 env