samedi 29 mars 2014

Le Pas de l' Escalette (Hérault)

Lorsqu'on vient des villes du grand sud ou de la Méditerranée et qu'on s'élève vers le Massif Central, on emprunte l' A75, dite Méridienne qui a supplanté la N9, ancienne Route Royale.
Puis Route Impériale.



Cette autoroute -gratuite- s'élève progressivement, avant d'aborder  la redoutable muraille du Causse du Larzac en ce lieu mythique nommé Pas de l' Escalette (le passage de la petite échelle), dernier rempart avant les plates étendues du Causse du Larzac.

Montée au Pas de l'Escalette

A75 sur le Larzac



Entre ces deux photos se trouve  le longtemps redouté Pas de l' Escalette, franchi aujourd'hui par un tunnel.


Ce tunnel a été mis en service en 1994 et  a une longueur de 845m pour une pente de 8%.




Cette portion d'autoroute très pentue a été fort accidentogène et la vitesse réduite a permis de réguler ces dangers car de nombreux poids lourds l'empruntent aussi. Au vu de sa gratuité.

Ce préambule posé, retournons vers le passé...
Sur cette photo prise en roulant on voit, en face, l'ancienne route qui était dépourvue de tunnel.


Un peu d' histoire :


Par le passé, avant l'existence de cette route, l'accès au Causse, vers Millau se faisait au moyen d'un sentier muletier qui gravissait des marches taillées dans le roc, d'où son nom.
Il paraît qu'on en voit encore...
La dernière ville avant le passage, Lodève était très isolée. D'autres voies de communication empruntant des passages moins redoutables existaient dans les environs, rallongeant le trajet.
Une ébauche de voie romaine, des chemins médiévaux, fort éloignés du site, étaient les voies du passé.. Les sentiers muletiers furent ceux qui étaient au plus près du site.
Cependant au 18 eme siècle, la route fit son apparition.Deux routes d'accès au Causse.
La première par Gignac et le Pont du Diable, bien éloignée aussi et la seconde, de proximité, que j'emprunte souvent fut vraiment celle qui désenclava le lieu ; elle porta le nom de Route Royale et reliait Lodève au Caylar par Soubès.

Au 19 eme siècle, la redoutable muraille du Causse, au Pas de l' Escalette,  fut enfin affrontée.
C'est un ingénieur nommé André MIALANE (1822 1890) qui entreprit le travail (tracé photo ci-dessus).

  
Etonnante histoire que celle de cet homme.
Natif de l’ Aveyron, il fut orphelin de père à l’âge de 2 ans mais sa mère se remaria et il fit des études classiques avant de devenir entrepreneur de Travaux Publics, spécialisé dans la construction des routes.
En 1861, il obtient l’adjudication pour les 11, 187 km de la Route Impériale N° 9 reliant Pégairolles de l’ Escalette  (dernier village) au Pas de l’ Escalette. Il s’installe à Pégairolles avec épouse et enfants (7 naîtront) et commence les travaux.
En 1864, le budget dépassant lourdement, il investit son propre argent mais doit s’arrêter à 150m du but, la redoutable muraille calcaire étant au dessus de ses possibilités tant stratégiques que financières.

Cependant, étonamment, un an après il reçoit l’autorisation de poursuivre les travaux.
Et il n’y a pas de dépassement de budget !
Ce n’est pas un miracle ; un  Conseiller Général du Canton l’envoie en Allemagne où Nobel, jeune chercheur vient tout juste d’inventer le moyen de transporter sans risque de la nitoglycérine (Dynamite) découverte par un Italien, Ascanio Sobrero .
Ainsi, Mialane pourra percer la muraille, il semblerait que le Pas de l’ Escalette fut en France un des premiers sites où fut expérimenté ce procédé révolutionnaire en matière de technologie. Et l’on apprit plus tard, que lui même fabriquait la dynamite, sans avoir besoin de la transporter.



La route était enfin tracée et la vallée désenclavée.Quand on se trouve au Pas de l' Escalette, on peut admirer l'envers du décor, soit la vallée de La Lergue qui file plein sud en passant par Lodève.
La Lergue, 54 km de long, naît dans le Causse, se Jette des falaises du Pas de l' Escalette et 50 km en aval rejoint le fleuve Hérault (où elle rencontre les eaux de la Vis), puis la Méditerranée.


Vallée de la Lergue


Le franchissement de la muraille, taillé dans la pierre calcaire



Allons chercher quelques images témoins du passé vivant de cette route.








Franchissement de la muraille


Et aujourd'hui, abandonnée depuis 1994, qu'est devenue cette route ?


Je lui rends visite parfois, une visite empreinte d'émotion car j'ai une affection particulière pour les ouvrages d'art du passé un peu oubliés, beaucoup abandonnés et qui parlent à qui veut bien les écouter.

 Ils content une histoire pleine de bruits, de drames, de joies, de découragement et d'exaltation.
Il en est ainsi des ponts, murettes, routes, chemins.
Ces ouvrages qui ont jalonné la vie quotidienne des gens simples dont personne ne parle jamais.
Alors à ma manière, je leur rends hommage.

C'est impressionnant de se retrouver en ce lieu désert, rendu à la vie sauvage et oubliée.






















La vie file tout près au rythme des voitures que le tunnel éructe et ici, c'est silence, mais pas vraiment
sérénité, plutôt sévérité.

Comme si cette route chèrement gagnée en voulait au monde de l'avoir abandonnée à son triste sort.
Et ce sort, c'est le délabrement.
Les roches s'effondrent, la route aussi.
Les pluies torrentielles ravinent, creusent, engloutissent.
la végétation rebelle et agressive reprend ses droits.





C'est un paysage de désolation.









Un peu plus vivant sera mon prochain billet sur le dernier village de la vallée dans un écrin original 
Pégairolles de l'Escalette



mercredi 26 mars 2014

Bonheur de chat

Câline est une belle chatte siamoise.
Elle est la maman de ce chenapan de Peluche, qui vient faire le cabotin chaque fois que je vais au jardin,
tout ça parce qu'il a eu les honneurs de mon Blog et celui de vos visites.
Alors il n'en loupe pas une.
Hier encore...devant le cerisier en fleurs, sur le capot de ma voiture.
Mais si je l'ai pris en photo je lui ai bien dit que cette fois ce ne serait pas lui... qui..


Alors, il a eu beau faire des pieds et des mains devant le cerisier en fleurs et me lancer le regard implorant de son seul oeil, c'est pas lui...qui...



Non, c'est Câline, sa maman siamoise.





Pour une fois que Câline accepte de poser...


 Elle revient de loin, Câline...



Un jour, ou un soir, elle n'est pas rentrée à la maison.
Ses humains, petits et grands l'ont cherchée, appelée, attendue, en vain...
Espéré et désespéré...
En vain...


Le temps a passé, s'est suspendu, s'est arrêté...
15 jours plus tard, le miracle est arrivé.
On ne l'attendait plus.
Le voisin a ouvert un abri de jardin  et Câline a surgi, le fantôme d'elle même.


Maigre, desséchée, affamée, déshydratée, traumatisée, mais vivante.
Ses humains l'ont conduite chez le vétérinaire; et l'ont nourrie doucement, il ne fallait rien brusquer.




Cette première nuit elle a dormi dans le lit, donnant une patte "à maman", "une patte à papa", terrifiée, traumatisée.

La vie a repris; Câline ne se laisse plus enfermer, demeure circonspecte et prudente.
C'est une chatte heureuse, une chatte bonheur.
Qui joue avec Daisy.
Les yeux dans les yeux.



 Et reste maître du jeu.







 L'air de rien, c'est elle qui décide du début et de la fin...



vendredi 21 mars 2014

Un petit air printanier et gai venu du sud

En vrac, à bâtons rompus, avant un reportage plus sérieux, un peu de mon printemps à moi, décalé, décousu, poétique, sans prétention..

Une Lison gourmande 


(Vous voulez rire ? Clic ici)

Un coucher de soleil doré






Un coucher de lune orangé




Un Canigou festonné





Un bourgeon nouveau né




Une surprise "rosée"


Un chrysanthème attardé




Et une rose annoncée




Avec un chat printannier






                                                                                  A bientôt...
Un nouvel article sur mon second blog (clic)

mercredi 19 mars 2014

Un tour de Vis

Dans mon précédent billet je vous conviais à un tour de Vis.

La Vis est une rivière affluent du fleuve l' Hérault qui, si elle a un petit parcours, à peine 54 km, est dotée d'une forte personnalité et d'une grande originalité.


Je suis allée à sa découverte en vue d'une conférence et je vous emmène dans un décor particulier.

 Il faut parcourir des pistes chaotiques pour arriver à sa source dans le Massif des Cévennes, au St Guiral, 1366 m..
Une jolie piste de 20 km, dans les bois et les genêts, loin de toute vie humaine. Ce qui n'est pas pour me déplaire.
Avril 2010
Il y a beaucoup de petits ruisseaux dans ce massif.
N'importe lequel peut être la Vis.



Est ce la Vis ?














Un peu plus bas dans la montagne, le doute n'est pas permis: cette jolie rivière grossie de nombreux ruisseaux, c'est Elle.

















Nous sommes à Alzon, Gard, le 1er des 9 villages de son parcours.

Et pourtant, mystère ? la voici en aval d' Alzon !
Cette originale se perd dans son lit et s'enfouit dans les sables comme les serpents du désert : il en sera ainsi pendant 15 km.

Elle change de nom -et de sexe- et devient Le Vissec. Qui passe au village de Vissec.

La Vis et son lit sec
Vissec et son méandre

Cette Vis facétieuse a engagé un parcours de 15 km sous terre que PERSONNE à ce jour ne connait (1850 mètres ont été seulement reconnus depuis 1952).
Le lit supérieur existe, en usage lors des fameux épisodes cévenols , mais indépendant du cours du lit souterrain.
Le Vissec en crue

Ce lit sec, je l'ai parcouru dans une petite partie : abandonné, impressionnant, encombré de rocs qu'il faut escalader ou bien franchir en rampant dans d'étroits couloirs, le tout dans un effrayant silence : mon courage a fini par capituler.

Parfois des trous d'eau limpide, parfois des amas de débris d'arbres à plusieurs mètres de hauteur témoignent d'énormes crues, c'est angoissant car ...il n'y a personne.Et j'imagine ce vacarme et cette puissance des crues.
Alors je rebrousse chemin et je m'engage sur le sentier à flancs de pente, sentier botanique fleurant bon la garrigue et ouvrant sur des vues du Vissec plus hospitalières.




Chaos de rochers dans le Vissec

Des grottes ponctuent le trajet à flanc de falaises, soit des résurgences, soit des grottes ayant servi d'habitat préhistorique: les gorges de la Vis en comptent grand nombre d'exemplaires.





Quand enfin le silence est rompu par une sourde rumeur qui grossit, enfle, gronde et effraie à la fois:
La résurgence de la Vis.

Basses eaux
 La première fois que l'on se trouve confronté à "ça", c'est saisissant, stupéfiant. Les fois suivantes, cela reste très impressionnant.
Mais rien de comparable à la crue de l'épisode Cévenol. Surtout que ce jour là, pluie battante, il n'y avait personne.

Lors de l'épisode Cévenol : en crue

Notre mince ruisseau qui s'est enfoui dans les sables a rencontré sous terre ce que tout le monde ignore jusqu'à ce jour : la Virenque elle aussi enfouie, mais quoi encore ? Un lac ? Des cours d'eau ? Qui saura un jour?...

Cette eau sort à température constante de 10°, traverse deux moulins datant de la nuit des temps, qui ont très longtemps été en service, ont été détruits par des crues, et sont aujourd'hui musées: c'est le site de la Foux., proche de Navacelles.
L'eau met 29 jours pour parcourir les 15 km souterrains (testés au colorant).
Il y a eu des évènements troublants: plusieurs fois, au cours de l'histoire, la résurgence s'est tarie, quelques heures ou quelques jours, la dernière fois en 1961,  explosant enfin dans un grand bouillonnement d'eaux rougeâtres, à la terreur de tout le monde dans la vallée.
Etonnante Vis qui s'en va ensuite, dans  sa belle robe bleue de danseuse glacée, vers l'aval, vers Navacelles assez proche.

Ancien méandre de Cerizière
Sentier dans les buis





















Le sentier conduit à de surprenantes rencontres : des résurgences diverses crachant de l'air froid, des petites parcelles anciennement cultivées, de la vigne sauvage témoin d'autrefois, des mûriers, des sentiers de buis comme de frais tunnels et des passages de rocaille calcaire écrasants de blancheur et de chaleur.

Et puis l'étonnant méandre abandonné de Cerizière, haut perché car très très vieux, inculte aujourd'hui, hormis une minuscule vigne, mais empli de témoins du passé enfouis dans la broussaille, un patrimoine hélas en perdition.



Vestiges du siècle passé


Alors on arrive à Navacelles...Ou on a fait halte la dernière fois.


Donc, continuons notre périple vers l'aval.

Commence à Navacelles ce qu'il convient de nommer les gorges de la Vis, tout au fond d'un canyon de 300m de haut.
Un joli parcours à pied, sauvage, désert, violent, tantôt longeant le canal, tantôt le dominant, avec des vues vertigineuses sur la rivière, ses boucles de serpent; parfois un sentier de pêcheur permet de rejoindre l'eau froide, ou bien le chemin frôle une ancienne magnanerie (élevage du ver à soie), une ancienne poterie.
Quelques lieux avaient été aménagés en terres agricoles, avec des murettes délimitant de minuscules parcelles et de la terre apportée à dos d'âne...ou d'hommes.
Des sentiers arides s'élancent vers le Causse, anciens chemins d'échange commerciaux entre le plateau et la rivière


Sentier d'accès au Causse

le Canal, début 20 ème siècle, 10 km long





Ce canal construit en 1906 servait à alimenter une usine électrique, il est toujours en fonction et ponctué de nombreux tunnels dangereux.

Mas del Pont (poterie et magnanerie)










L'économie de la région fut longtemps autarcique: tissages, cultures vivrières, poteries, vers à soie, etc...






En levant la tête, on a toujours ces redoutables falaises percées de grottes où nichent les oiseaux, redoutable barrière entre le plateau et la vallée. J'ai essayé de les explorer mais trop dangereux. Ce sont des corniches au dessus de 300m de vide vertigineux.

Cependant j'ai trouvé sur les hauteurs un ancien atelier de taille de pointes de flèches préhistoriques, dominant la vallée.
corniche calcaire
Par contre la rivière, plus large et plus paisible est le paradis des pêcheurs qui n'apprécient guère ma curiosité. Et on trouve sur les berges de beaux fossiles, témoins de la mer il y a tant de millions d'années.
Corniches



















Fossile (la feuille donne l'échelle )



Les gorges débouchent à Madières, 4 ème village de la vallée.

Le pont de Madières


Ensuite la Vis n'a qu'un cours paisible pour rejoindre l' Hérault qui la guidera jusqu'à la mer : vallée élargie, villages, jardins et champs, le monde et la vie dite normale..

















Vous voilà arrivés au terme de 54 km, un petit tour de Vis, 
disais-je...