Lorsqu'on vient des villes du grand sud ou de la Méditerranée et qu'on s'élève vers le Massif Central, on emprunte l' A75, dite Méridienne qui a supplanté la N9, ancienne Route Royale.
Puis Route Impériale.
Cette autoroute -gratuite- s'élève progressivement, avant d'aborder la redoutable muraille du Causse du Larzac en ce lieu mythique nommé Pas de l' Escalette (le passage de la petite échelle), dernier rempart avant les plates étendues du Causse du Larzac.
Montée au Pas de l'Escalette |
A75 sur le Larzac |
Entre ces deux photos se trouve le longtemps redouté Pas de l' Escalette, franchi aujourd'hui par un tunnel.
Ce tunnel a été mis en service en 1994 et a une longueur de 845m pour une pente de 8%.
Cette portion d'autoroute très pentue a été fort accidentogène et la vitesse réduite a permis de réguler ces dangers car de nombreux poids lourds l'empruntent aussi. Au vu de sa gratuité.
Ce préambule posé, retournons vers le passé...
Sur cette photo prise en roulant on voit, en face, l'ancienne route qui était dépourvue de tunnel.
Un peu d' histoire :
Par le passé, avant l'existence de cette route, l'accès au Causse, vers Millau se faisait au moyen d'un sentier muletier qui gravissait des marches taillées dans le roc, d'où son nom.
Il paraît qu'on en voit encore...
La dernière ville avant le passage, Lodève était très isolée. D'autres voies de communication empruntant des passages moins redoutables existaient dans les environs, rallongeant le trajet.
Une ébauche de voie romaine, des chemins médiévaux, fort éloignés du site, étaient les voies du passé.. Les sentiers muletiers furent ceux qui étaient au plus près du site.
Cependant au 18 eme siècle, la route fit son apparition.Deux routes d'accès au Causse.
La première par Gignac et le Pont du Diable, bien éloignée aussi et la seconde, de proximité, que j'emprunte souvent fut vraiment celle qui désenclava le lieu ; elle porta le nom de Route Royale et reliait Lodève au Caylar par Soubès.
Au 19 eme siècle, la redoutable muraille du Causse, au Pas de l' Escalette, fut enfin affrontée.
C'est un ingénieur nommé André MIALANE (1822 1890) qui entreprit le travail (tracé photo ci-dessus).
Etonnante histoire que celle de cet homme.
Natif de l’ Aveyron, il fut orphelin de père à l’âge de 2
ans mais sa mère se remaria et il fit des études classiques avant de devenir
entrepreneur de Travaux Publics, spécialisé dans la construction des routes.
En 1861, il obtient l’adjudication pour les 11, 187 km de
la Route Impériale N° 9 reliant Pégairolles de l’ Escalette (dernier village) au Pas de l’ Escalette. Il
s’installe à Pégairolles avec épouse et enfants (7 naîtront) et commence les
travaux.
En 1864, le budget dépassant lourdement, il investit son
propre argent mais doit s’arrêter à 150m du but, la redoutable muraille
calcaire étant au dessus de ses possibilités tant stratégiques que financières.
Cependant, étonamment, un an après il reçoit l’autorisation
de poursuivre les travaux.
Et il n’y a pas de dépassement de budget !
Ce n’est pas un miracle ; un Conseiller Général du Canton l’envoie en
Allemagne où Nobel, jeune chercheur vient tout juste d’inventer le moyen de
transporter sans risque de la nitoglycérine (Dynamite) découverte par un
Italien, Ascanio Sobrero .
Ainsi, Mialane pourra percer la muraille, il semblerait que le Pas de l’
Escalette fut en France un des premiers sites où fut expérimenté ce procédé
révolutionnaire en matière de technologie. Et l’on apprit plus tard, que lui
même fabriquait la dynamite, sans avoir besoin de la transporter.La route était enfin tracée et la vallée désenclavée.Quand on se trouve au Pas de l' Escalette, on peut admirer l'envers du décor, soit la vallée de La Lergue qui file plein sud en passant par Lodève.
La Lergue, 54 km de long, naît dans le Causse, se Jette des falaises du Pas de l' Escalette et 50 km en aval rejoint le fleuve Hérault (où elle rencontre les eaux de la Vis), puis la Méditerranée.
Vallée de la Lergue |
Le franchissement de la muraille, taillé dans la pierre calcaire |
Allons chercher quelques images témoins du passé vivant de cette route.
Franchissement de la muraille |
Et aujourd'hui, abandonnée depuis 1994, qu'est devenue cette route ?
Je lui rends visite parfois, une visite empreinte d'émotion car j'ai une affection particulière pour les ouvrages d'art du passé un peu oubliés, beaucoup abandonnés et qui parlent à qui veut bien les écouter.
Ils content une histoire pleine de bruits, de drames, de joies, de découragement et d'exaltation.
Ils content une histoire pleine de bruits, de drames, de joies, de découragement et d'exaltation.
Il en est ainsi des ponts, murettes, routes, chemins.
Ces ouvrages qui ont jalonné la vie quotidienne des gens simples dont personne ne parle jamais.
Alors à ma manière, je leur rends hommage.
La vie file tout près au rythme des voitures que le tunnel éructe et ici, c'est silence, mais pas vraiment
sérénité, plutôt sévérité.
Et ce sort, c'est le délabrement.
Les roches s'effondrent, la route aussi.
Les pluies torrentielles ravinent, creusent, engloutissent.