Des contingences familiales m'ont fait ajourner cet original Noël et c'est un de bien plus banal que je suis allée chercher pas loin de chez moi.
Ce fut Padern dans l' Aude. Pourquoi Padern? Je ne saurais expliquer ce flash qui me traversa l'esprit, en roulant l'autre jour, aux portes de mon village avec en ligne de mire la ligne bleue des Corbières.
J'embarque mes compagnons de route, Nina et Mathurin, et nous voilà partis.
Padern : Aude |
Padern est tellement proche que je me suis offert sur la route un morceau de Roquefort, en préambule au Réveillon (que je ne fis pas). Roquefort, comprenez le, est un des nombreux Roquefort de France, celui ci se nomme "des Corbières".
Au pied de la falaise : les vignes |
Ce sympathique village adossé à une muraille calcaire sur laquelle s'écrase impitoyablement le vent du nord, est entouré de belles vignes comme un tapis de laine changeant de couleur au rythme des saisons. Ce Roquefort là n'a aucun parfum de brebis ni de fromage à pâte bleue, juste une fragance de vignes et de vins.
Au pied de la falaise : Roquefort |
Mais c'est un original Roquefort, voie sans issue, que j'entreprends et j'y trouve le chemin de la Serre, traduisez "la colline" que je traduis plutôt par falaises.
Voilà Roquefort à mes pieds, toitures rousses et lotissements incongrus dans cet ensemble vieux de toute une vie et en deçà...Trois anciens moulins y sont joliment restaurés, même s'ils ont perdu leurs ailes au fil des ans, au gré des vents. Vents salés, même, puisque la mer et les étangs sont tout proches.
Roquefort vu d'en haut |
Deux des trois moulins |
Un jour d'été nimbe ici ce 24 décembre, j'en profite : repas et repos avec les chats, balade solo sur la roche, entre les roches, en varappe sur les calcaires. Est ce vraiment l'hiver ??
Hauteur de falaise |
Du haut de la falaise, à 73 km, le mont Saint Clair à Sète la mer et les étangs |
Toits de Roquefort |
Je bifurque vers Padern, ce n'est pas la porte à côté, je tourne le dos à la mer, je vais accoster au Verdouble, ce long fleuve pas tranquille qui murmure à mon oreille car ce soir personne ne l'écoute. Je vais dormir contre lui mais ce sont mes chats qui vont ronronner à mes oreilles. C'est Noël alors on se doit de le fêter dignement : le poêle ronronne, les lampions scintillent, la musique chantonne et le village, derrière les carreaux, est mort, bien mort ! Il y a juste face à moi un soupçon de vie derrière une fenêtre.
Reflets sur le Verdouble, ou Padern en double |
Et puis le château en jaune et vert qui se rit de la nuit d'hiver avant de s'enfoncer à son tour dans la nuit sans lune.
La soirée de Noël peut commencer : un repas dans la chaleur douce du poêle qui ronronne, des chats frileux qui se pressent aux portes du feu et moi qui écris.
Les chats se chauffent sur le lit |
Mes bouillottes |
Tandis que j'ai aménagé un petit chevet supportant des lampions : c'est Noël, une fête de la lumière.
Autour tout est silence, silence dedans, silence dehors...Je suis bien, je lis.
Des heures de sommeil et voici que point un jour gris, sale, humide, triste à périr.
Un silence immense a habité la nuit d'un village emmuré au pied de son château.
Automne : 25 décembre, vu de mon lit, dans le lit de la rivière |
Que c'est triste ce matin !! |
Même lieu vu du château (zoom) |
Ce château auquel je me hâte de grimper, 10 minutes d'un sentier mouillé et escarpé, un panneau en interdit l'accès, j'en fais fi et je me glisse sous la porte entre les murailles. Un vrai nid d'aigle sur son éperon rocheux. J'admire au passage l'assemblage de ses pierres, les ouvertures dans des murs d'une étonnante épaisseur, les murailles crénelées jetées sur un vide à lui seul dissuasif, et le point de vue imprenable de puis cette imprenable forteresse à la proue effilée. Padern dort toujours, se réveillera t'il dans la journée ?
Murailles du château |
Le château construit au 9 eme, détruit au 16 eme et reconstruit au 17 eme |
Padern vu du château |
Eperon face ouest |
Un long et glacial hurlement, répété d'écho en écho dans les taillis mouillés et les crêtes calcaires donne froid dans le dos, même à l'abri des murs de "mon" château. Sont ce des chiens de chasse ou les longs hurlements modulés d'une meute de loups ?
Je redescends prestement au village dont je visite le silence et les rues vides et je me réfugie dans la tiédeur du camion auprès de mes chats. Faut-il être sotte pour quitter la chaleur d'une maison vivante et ne trouver que vide, silence et grisaille, fort sinistres par ailleurs! Si Noël est triste il l'est partout! Comme si je l'ignorais...
Kaléidoscope de Padern |
Je ne vais pas bien loin continuer à festoyer, car nous festoyons quand même !
Les bulles du champagne donnent un petit pétillement à cette fête qui n'en est pas une, en tout cas pas la fête cévenole de Noël 2016. Une jolie table égaye un peu l' histoire, deux chats partagent le "festin" banal, quant au décor je dirais presque qu' heureusement derrière les vitres je l'aperçois fort peu : de sinistres falaises coiffées de brume, une route déserte qui serpente dans ce canyon, non il n'est pas festif, il est juste au diapason de ce jour gris.
Pour donner un sens à la fête, tout à coup, prise d'une subite impulsion, je m'élance à l'assaut du paysage. En deux temps trois mouvements, j'accroche pieds et mains à la roche et je file bon train vers là haut. La route tout en bas s'amenuise à une vitesse impressionnante, comme si le Diable était à mes trousses. Ou la meute de loups de ce matin.
Vers le bas |
Vers le haut |
Le souffle court, je file dans les éboulis, entre les buissons, j'avale les murs de roche grise, âpre et rugueuse sous les doigts: je suis dans mon élément, la fête est enfin là! J'arrive aux brûlis du dernier incendie, je me faufile entre les squelettes calcinés, le paysage a pris une teinte brune qui se perd dans la brume toute proche.
La brume n'est pas loin |
Le brûlis (incendie été 2016) et la route tout en bas |
Il y a 20 minutes que je grimpe comme l'éclair, bientôt la brume m'engloutira ! Il ne me reste plus qu'à redescendre. Je choisis un autre chemin qui ne va pas manquer de piquant même si les buissons l'ont déserté et pour cause.
Je traverse le brûlis pour gagner le ravin |
Une très haute cascade à sec : chemin de l'eau avec "marmites" et chutes Pas la mienne en tout cas , je viens d'en haut |
Des pas sûrs |
Je descends prudemment |
Cascade sèche |
Cuvettes d'eau |
Dans ce paysage aride et abrupt, des ravins encaissés conduisent les rares eaux de pluie ou d'orages vers le Verdouble. Ces chemins d'eau, véritables escaliers de roche ont arraché la terre et mis à nu le rocher, percé de cavités ou autres marmites où dorment encore des flaques . Le paysage y est particulier et ne parle pas précisément de douceur. La violence des éléments liquides depuis des millénaires a gravé son empreinte .
C'est un étrange chemin que ces rides profondes de la terre, un chemin abrité, encaissé, isolé, plein de charme . Ma descente y est moins aisée que n'y serait la montée, prudente et téméraire à la fois; le fessier prendra même la place des pieds, je dois faire attention, je n'ai même pas pris mon téléphone; ce serait idiot de me blesser toute seule dans ce désert lunaire ! Qui m'entendrait ou viendrait me chercher ? C'est Noël, et je suis en train de m'offrir mon cadeau!
A reculons et prudemment Bon si j'ai posé l' APN en bas c'est que je suis déjà descendue une fois |
Mon chemin de roche et de ravin |
Un cadeau se partageant, je fais goûter à Nina et Mathurin les joies de la varappe, moyennement appréciées, surtout par Nina. Il faut dire que je les ai extraits brutalement de la sieste pour ce faire.
Enfin nous prenons le chemin du retour, sous la grisaille évidemment.
"Je déteste ça !" |
"J'adore ça" |
Mais j'ai donné un peu de piquant à la fête!
Mon Noël 2017 a moins ce goût de sucré salé .
J'ai sauvé mon Noël.
Pour mémoire, une randonnée en ces lieux un jour de tempête: avril 2017, en un clic