Montgaillard a quelques maisons, quelques habitants, quelques vignes ...et quelques anciennes mines désaffectées.
Montgaillard |
Je redécouvre Montgaillard sous le grand et chaud soleil de ce début de printemps, bien loin de la grisaille de l'autre jours (cf mon article ...clic ici).
Son clocher laïque ne respecte pas l'heure, ni l'ancienne d'hier, ni la nouvelle de ce matin mais l'Aude est rebelle par essence. Montgaillard somnole comme un serpent repu au soleil.
La place de Montgaillard, face au Mont Tauch |
Comment ai je découvert ce site que rien ne signale ?
Ma légendaire curiosité m'a fait "éplucher" le site de Géoportail à mon retour, l'autre jour, car je n'avais pas de carte détaillée de la région. A noter que j'étais alors partie sans but précis. Et voilà que la carte indique "anciennes mines". Un petit tour sur Google pour en savoir plus et me voici en ce beau jour bleu en train de pique niquer avec mon petit Kangoo que je viens tout juste d'aménager. Aucun chat n'est du voyage mais un sac à dos, une grosse lampe et une corde, sait on jamais, sont dans le kangoo. Ainsi qu'un couteau...Je pars dans le désert.
Presque l'été ! |
Mini camping car en kangoo |
Une jolie piste de terre longe trois vignes, croise une rivière cristalline et s'enfonce en grimpant dans le maquis désert et odorant où chantent les oiseaux.
Tout au fond le site minier |
Vignes et Mont Tauch |
Nulle présence humaine. J'ai pour me guider des morceaux de carte sur l'écran de mon APN: suis je sur la bonne voie ?
Soudain au sol je remarque un caillou étrange et je sais que j'y suis.
La première mine est là, en bord de chemin, dans la falaise, petite et à ciel ouvert. Je m'en approche en écartant les buissons.
Des étais en bois pourri jonchent le sol. Rien à voir ou presque, sur ce site.
Petite mine à ciel ouvert |
Je continue et au croisement des pistes, j'imagine que les mines sont sur celle abandonnée qui se mue en sentier de sioux. Bien vu.
Finalement pour les mines c'est les deux voies |
Sentier vers les mines à ciel ouvert |
J'escalade le cône de déjection |
Puisque un pierrier me dit que c'est juste un cône de déjection de mine.
J'escalade le calcaire sonnant en trébuchant et, au sommet, je LA vois, la mine désaffectée. Elle est assez vaste, profonde, à ciel ouvert, envahie de buissons mais elle a bonne mine : de belles couleurs.
Alors , revenue chez moi , je me penche sur ces mines où j'ai levé les yeux.
Barytine , malachite et azurite |
La mine à ciel ouvert |
Un peu de géologie :
L'Aude a une région calcaire nommée Corbières, très vieux site géologique du "trias" (moins 200 à 252 millions d'années). Bien sûr à cette époque il y avait de l'eau salée ici, c'était bien avant la naissance des Pyrénées qui eut lieu il "n'y a que" 40 millions d'années.
Je ne vous conterai pas l'histoire mais de ces rencontres géologiques naquit une roche blanche, ou brune nommée barytine, riche en baryum et en autres minéraux . Le baryum signifie lourd ce qui n'est pas un vain mot puisque à taille égale un caillou pèse le double d'une roche ordinaire. Ici il est d'un blanc immaculé mais ce qui en fait le charme ce sont les inclusions de malachite et d'azurite qui lui donnent d'incroyables couleurs.
Dans ces lieux audois, l'extraction de ce minerai, connu et extrait dès l'époque romaine, ainsi qu'au Moyen Age, se situa surtout au 19 eme siècle et jusqu'en 1960; le minerai partait alors par Port La Nouvelle. Ce minerai avait de multiples utilisations industrielles : en extraction pétrolière, fabrication de plastiques, peintures, verres, béton, en médecine, en joaillerie et en élaboration de pigments.
Ce minerai peut avoir différentes teintes selon le sol mais ici il est blanc, mâtiné d'azurite (connue dès l'époque égyptienne, au 27 eme S av JC) et de malachite (mentionnée par Pline l' Ancien). Ces deux minéraux sont utilisés en joaillerie et en objets ornementaux, polis, ciselés, taillés. Magnifiques. C'est l' azurite qui donna son nom au "bleu de cyan".
La mine creusée en grottes |
Cependant le plafond, s'il n'est pas celui de "la Sixtine" est un émerveillement de couleurs et de lumières mouillées par les infiltrations.
en blanc : la barytine |
en vert la malachite |
en bleu, l'azurite |
Le décor |
quasi souterrain, le décor |
Je me sens petite et écrasée, je ressens l'isolement et la solitude, j'éprouve un immense respect pour la Nature. J'ai du mal à m'arracher au site malgré mon manque de courage pour m'aventurer dans grottes et galeries.
Je regagne le grand soleil et la lumière crue, un autre monde.
Un peu plus loin, d'anciens bâtiments miniers se devinent sous le lierre.
en haut, cônes de déjection des mines |
Mais je devine dans les broussailles les anciens chemins; le paysage parle, il faut juste l'écouter.
Je vais changer de secteur, vers le village voisin : Maisons.
Une route sinueuse à travers bois me conduit entre 2 cols : Ferreol et Couisse. A moi de me débrouiller avec mon bout de carte dans l' APN.
Je ne pouvais mieux faire. Ici c'est sinistre bien que près de la route.
La première galerie, fermée par une grille, s'enfonce sous terre, c'est un vrai ruisseau.
Je ne vois point de barytine . La roche a une couleur bleu gris que je ne sais identifier. Du fer ? Sottement je goûte et je crache : et si c'était de l'arsenic ??
Galerie de mine ou de drainage ? |
La roche |
Je poursuis un chemin détrempé en contrebas de la route, dans un lieu où la végétation grandit , recouvrant peut être des sites invisibles. Je ne vois rien sinon une sorte d'inquiétude lourde poindre en moi. Arrivée à un emplacement assez large, un vieux poste électrique se défait au fil du temps. Tout en pressentant que ce site a une importance, je rebrousse chemin, il n'y a rien d'engageant ici. Pourtant, plus tard, chez moi, je verrai sur Google combien le site était riche et stratégique! C'est le coeur de la vaste exploitation argentifère connue depuis l'Antiquité : un site majeur nommé la Canal, dont Google donne une fabuleuse description. Aucun regret, je ne m'y aventurerai jamais seule. Mais accompagnée...
Parlons un peu de cette mine de La Canal (plomb et argent ) que je ne verrai pas, fermée par une grille. Elle aurait été creusée par les Romains ou par les Maures.
La galerie et le canal sur la droite image internet |
La galerie noyée : image Net |
Tout en marchant je me dis combien il serait intéressant de faire revivre ce passé par un circuit, un parcours commenté, des panneaux.
Je remonte sur la route, reprends la voiture et en suivant la voie, je remarque des petites carrières dans la falaise. Je m'arrête et entreprends d'explorer la plus grande : quelle surprise !
La falaise et la mine : extraction à ciel ouvert |
Détail de l'excavation |
Un relief tourmenté, des excavations creusées dans le roc, des galeries qui s'enfoncent dans le ventre de la roche, naturelles ou non, des creux d'ombre que ma lampe ne balaie même pas. Inutile de dire que je n'entre pas !
J'escalade la falaise en haut de laquelle une plate forme maçonnée semble être un lieu de départ du minerai : par câble aérien peut être car c'est juste à l'aplomb du poste électrique de tout à l'heure.
Beaucoup de questions et peu de réponses.
Du haut de la falaise (en contrebas du kangoo, le site de La Canal) |
Excavations vues d'en haut |
Un patrimoine :
Quoiqu'il en soit, je n'ai vu qu'une très faible partie des 300 mines qui furent répertoriées dans le secteur (Palairac, Padern, Montgaillard, Maisons). Mines de cuivre, argent, barytine, fer, or, plomb, antimoine, galène. Beaucoup furent exploitées dès l' Antiquité ou au Moyen Age( Au Moyen Age une querelle féroce opposa les Seigneurs de Termes et l' Abbaye de Lagrasse, concernant cette richesse notamment au niveau des métaux précieux) , on en recense aux 17 eme, 19 eme mais une chose est certaine, le 20 eme vit leur mort.
Une thèse leur fut consacrée en 1986 par Gauthier Langlois, dans le cadre de ses études universitaires.
Le chemin de fer arrivé en 1901 dans ces contrées leur redonna de la vigueur et les mines du Monthaut, que je n'ai pas vues vont avoir l'honneur de ma visite car des restes de transport aérien par wagonnets sont encore visibles et attisent donc ma curiosité insatiable.
Ainsi se termine mon petit voyage hors des sentiers battus, dont on aimerait bien, pour une fois, que de vrais sentiers de découverte voient le jour. Mais sur ces 300 mines, peut être un site que je n'ai pas rencontré est il ouvert au public ?
A bientôt donc pour de nouvelles aventures en....
Car sur le chemin du retour, j'ai trouvé une autre curiosité à aller explorer et pas minière cette fois.
Sur mon second blog je me pencherai sur "L'insolite et moi". Bientôt.
C'est fait : sur mon 2nd blog : "l'insolite et moi" (clic) vous attend