vendredi 30 juin 2017

Sur les hauts plateaux (2400 m) depuis Mantet

Avant propos : ce récit sera le résumé de deux sorties; la première, au lendemain du Pic de la Dona (clic), m'a conduite en un lieu peu connu, peu emprunté et pourtant plein de charme, la vallée de la rivière Mantet, nommée Vallée du Ressec, jusqu'à près de 2200 m d'altitude. Une séance de décrassage, en somme, après la grande rando de la veille.
Cela me plut tellement que le dimanche suivant, j'y retournai afin d'aller arpenter les hauts plateaux, au fin fond de la vallée, ceux qui s'apparentent à l' Altiplano Bolivien..
La vallée du Ressec ou de Mantet
"Route" vers l'Altiplano
Jour 1 : dimanche 11 juin
Lorsque je m'éveille, fraîche et dispose, il fait trop beau pour rentrer à la maison. Ma décision est vite prise et à un peu plus de 6 h, je traverse le village endormi, noyé d'ombre bleue, pour le sentier d'eau, de fleurs et de rocs qui longe le torrent mugissant. Le parcours est magnifique, près de l'eau, surligné de mille fleurs qui se penchent sur mon passage entre eaux vives et prairies d'élevage.

Mantet

Le sentier balisé de jaune perd vite ses marques et donc moi les miennes ce qui me vaudra un demi tour et une re descente inutiles, j'étais bien sur le bon sentier . En effet il ne suit pas la rivière après passage de la passerelle et grimpe allègrement en forêt alors que je l'espérais en bord d'eau. Une montée très vive qui conduit à une clairière bordant un grand promontoire rocheux lequel permet un point de vue superbe. Il ne reste plus qu'à se laisser guider par un sentier en forêt, à flanc de pente, quasi rectiligne, montant sans efforts, régulier et plaisant.
Jasse de Cap de Roc 1974 m



Me voici à Cap de Roc 1974 m;  Lucien et Michel, me précèdent depuis mon demi tour et sont mes guides : ici une source, là des coscolls, et puis les épinards sauvages...j'apprends des choses. Je ne reste pas dans leurs pattes mais eux ne me perdent pas du regard jusqu'au moment où se séparent nos routes. Je prends le temps de visiter ! Eux connaissent. Ils vont récolter.

Ce jour là j'irai jusqu'à la côte 2150 environ ; la rivière est devenue ma compagne j'en ressens la fraîcheur sur mon pied maussade et très douloureux depuis le départ. Je rencontre d'intéressants vestiges sur une toute petite surface : des restes de mines de fer ? Une ancienne forge ? Le mystère demeure...


Trouvailles minérales
Je me décide au demi tour alors que j'atteins la limite de la forêt. C'est décidé je reviendrai et pour un grand périple encore ! Je laisse la dernière rampe grimper sans moi , j'ai vraiment trop mal au pied et je marche nu pieds grandement.
Toutefois je m'offre une ascension en belvédère, celui de Cap de Roc, à 2058 m qui domine la vallée de l'Alemany et quelques "comas". La chaleur est intense et la soif bien vive.

Le "Coscoll" ou angélique sauvage
prisé des catalans (tiges en salade)

Une soif de fou ! Cap de Roc 2058 m

N'empêche cela valait le détour....
( 11 km AR pour 700 m de dénivelé)

Une partie de mon trajet
Et les perspectives à venir

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Jour 2 : dimanche 18 juin
Même lieu, presque même heure, même trajet mais cette fois avec une belle et vaste prolongation en perspective. Objectif, les Hauts Plateaux.


Comme tout a changé en une semaine ! La montagne c'est tellement changeant ! Le sentier a été nettoyé, plus la moindre fleur ne se penche sur mes pas. La rivière grossie par l'orage tonitrue à souhait . Je file bon train, je connais le chemin, j'ai la forme et du boulot en perspective. Bientôt au sortir de l'épaisse forêt, le paysage est bouleversé . La grêle du violent orage a créé des ruisseaux charriant des montagnes de débris: fleurs, feuilles, herbes de la pelouse, branches et pommes de pin décimées.
Vératre en lambeaux


 C'est le chaos: les rhododendrons n'ont plus une fleur, les vérâtres et gentianes pendent comme des rideaux à lanières, framboises et myrtilles seront absentes du paysage estival, c'est impressionnant ! L'air seul a de la gaieté, il n'est qu'un immense chant d'oiseau rivalisant avec le mugissement du torrent.
Le vératre (avant la grêle)










Joli passage sur le Fourquets 1940 m

J'arrive rapidement au terminus de mon parcours précédent et la nouveauté s'ouvre à moi en même temps que le paysage , avec la disparition du sentier et de la forêt. Mais je ne peux pas me perdre !

Cirque d'el Callau, en fond la Portella et le Roc Colom (à gauche)
Alt 2300 et plus

Insolite : il a poussé sur le roc

Naissance de la rivière de Mantet

Le cirque est un réservoir d'eau

Les guides siffleurs
du jour















 Au lieu de suivre la rivière, pour éviter la dernière rampe et ne pas faire de méandres, j'oblique en courbes de niveau au milieu des rocs, des ruisseaux, des arbres épars, des marmottes : solitude complète, immensité d'un cirque grandiose, derniers névés et, sur les crêtes, des chapelets de silhouettes qui arpentent les portes du ciel. D'un pas rapide. Ombres chinoises sur un bleu dur.
M'y voici aux portes du ciel : la Portella del Callau,  2387 m. 3 h 17 de marche et 1000 m de dénivelé. 10 km aussi.


Côté France : montée à la Portella en pente douce

Côté Espagne, descente de la Portella en pente brutale

Je prends le temps de savourer le paysage et mon en-cas, face à l'Espagne. La ligne de crête toute douce et pierreuse bordant l'altiplano, est bien fréquentée. Ils ne font que passer à quelques mètres de moi. Pressés. Qui vers le Roc Colom, qui vers l'ouest, autres Portellas, autres sommets. Jusqu'à Hendaye même pour une jeune aventureuse n'ayant pas seulement une carte !! Juste quelques feuillets épars d'un trajet internet...léger léger...



Sol de l'altiplano











Reliefs rocheux sur l'altiplano

Imaginez un immense plateau en pente douce, couvert de roches petites et blanches et d'une végétation rase. A perte de vue. Quelques anciens cirques glaciaires mordent ce plateau, celui que je viens de quitter en est un. Côté Espagne la fracture est brutale et des précipices s'ouvrent, encore encombrés de névés. Ce sont aussi des cirques glaciaires. Imaginez une immensité peuplée de rares silhouettes filant bon train , imaginez le silence...Imaginons les tempêtes d'hiver que rien n'arrête, le blizzard, les vents hurlants, ou l'orage et les trombes d'eau...Imaginons les nuits étoilées et glacées de l'automne où on entend seul le craquement du gel...Je reprends ma route à travers ce plateau où l'on pourrait errer sans fin.. Et se perdre sans fin dans le brouillard...Je crois aller au Pic de la Llosa mais ces cairns ne le sont pas. Altitude 2440, ce sont "Els Rocs Blancs".


Gra de Fajol 2714 m

 Tout le secteur, à perte de vue est couvert de quartz laiteux. Et pour la petite histoire bizarre, ce plateau s'élève de 6 mm par an !!


Là s'impose un choix difficile : revenir par la vallée de l'Alemany, qu'il faut aller chercher fort loin? Revenir par le même chemin de ce jour, ce qui ne m'intéresse pas? Ou alors...bien sûr par le Pla Ségala, trajet nouveau mais long. J'ai déjà parcouru 11 km, autant m'attendent. C'est vite décidé : la nouveauté m'attire et j'irai bien saluer, en prime, le Roc Colom à 2507 m, tout proche. Avec sa colombe blanche, il est noyé dans un univers d'un blanc pur qui ne le change pas de l'hiver.

Quartz laiteux


Le Roc Colom



J'oublie la colombe au profit du vélo qui m'a doublée me faisant croire à l'hallucination de l'ivresse des cimes ! Le jeune catalan avale les sommets en souplesse! Son beau vélo fait sensation et lui aussi.
Insolite au sommet : 2506 m

Je navigue un moment au jugé entre des blocs étincelants et je récupère mon altiplano en saluant au passage, en un infime détour, les sources du Tech et la Portella de la Mort de l'Escola (enfant de choeur).

Et le cycliste va là haut ....
Costabonne : 2465 m
Quelques nuées envahissent le ciel et comme je déteste ces intempestifs voyageurs dont je ne connais ni la destination ni l'objectif j'attaque bon train les 11 km du retour. L'altiplano est désert, le sentier cairné suit la clôture protégeant le bétail des précipices qui bordent le plateau. On ne peut se perdre ici mais que c'est désert, plat, monocorde et quasi monochrome! Il faut aimer les déserts comme je les aime pour se perdre en ces lieux.




Retour par l'altiplano : Plans de Canmagre
le Pic de la Dona (femme) et son drôle d'aspect côté est

L'altiplano et son chapeau



Descente vers le Pla Segala 2200 m (prairies au bout de la pente)

Pla Segala

Et les souliers autour du cou


Point de paysage grandiose, point de vie, point de relief...que suis je venue donc chercher ici où je me sens si bien? Je vais marcher quatre heures et demie sans jamais m'arrêter, tantôt nu pieds tantôt chaussée, ne me retournant jamais pour ignorer les nuées, ne m'alimentant pas, ne buvant pas par mesure d'économie, un peu en automate, d'une foulée cadencée et régulière. La descente en forêt est brutale, 300m de dénivelé,  je n'en vois jamais la fin; ne serait-ce la majesté des rhododendrons qui allument de belles couleurs ce serait insupportable !

Rhododendron, la fleur de l'été

Sentier en forêt
















Lorsque j'arrive enfin au Col de Mantet, j'ai hâte de le traverser; des foules bigarrées et bruyantes donnent à la forêt un air agressif et indécent. Rires gras, cris, je les laisse derrière moi et me lance dans le dernier km, le plus éprouvant qui m'amène au village, au terme d'un long périple que j'ai beaucoup aimé dans sa monotonie, son immensité et sa solitude. Oui encore une Randonnée Bonheur...

En chiffres
Dénivelé positif cumulé : env 1200 m
Distance : 21 km
Temps de marche : 7 h 20

NB en 3 sorties (cette semaine) j'ai parcouru plus de 50 km à pied dans ce secteur





vendredi 23 juin 2017

Le Roman Icaresque : chat-pître 10 et FIN

Mardi 13 juin 2017 :

" Voilà...Tout a une fin. Elle arrive de sa vigne et a creusé entre deux très vieux ceps une petite fosse peu profonde parce que la terre est sèche, dure et que la chaleur est trop forte. En ce jour de 13 juin 2017, ce n'est pas une tâche facile. Dans cette fosse Elle m'a couché, encore un peu souple j'étais...Elle m'a étendu de tout mon long, elle ne pouvait faire autrement. Elle m'a recouvert de feuilles  et de fleurs de son jardin, et a posé sur ma tête une rose rouge. Ensuite Elle a étendu un linge sur moi, l'a arrosé de fuel et m'a recouvert de terre.



Elle m'a juste dit Adieu et qu'Elle m'aimait. Cela je le savais déjà.Il fallait qu' Elle m'aime pour faire tout ce qu'Elle a fait pendant ces deux années !
Voilà...Moi Icare, je suis mort.
Désormais je vogue vers un ailleurs que personne ne connaît. Elle a posé sur ma tombe un rameau de vigne et une pierre blanche  tout juste ramenée de la montagne. Et du fuel encore pour qu'aucun animal ne vienne m'emporter.


Comme ça Elle va me garder encore, pour longtemps..
Ce qui m'est arrivé ? Quelle importance puisque j'ai emporté mon secret. Elle m'a bien examiné . Elle a dit : " Pas de plaie, pas de sang, pas de trace de souffrance. Il est serein comme si une crise cardiaque l'avait terrassé".
Et oui, c'est Romain qui m'a trouvé dans son jardin,au grand soleil, comme si je dormais.
Tous les jardins étaient mes jardins, toutes les maisons étaient mes maisons.
Moi, la Sale Bête qui était maudite partout et par tous, depuis qu'Elle m'avait adopté, j'étais le Roi du Quartier. La table était mise pour moi, même le lit parfois.
Quand ils ont su, ils y sont allés de leur petite larme.



Je suis le chat à l'oreille cassée
 Romain a dit :" Icare est décédé dans mon jardin" comme si j'étais un humain.
Delphine avait la larme a l'oeil, elle lui a confié que parfois je dormais avec elle.
Mauricette a dit :" C'est idiot mais j'ai pleuré"
Et d'autres aussi qui me regrettent.
Je m'étais fait adopter partout, malgré mon sale caractère . Mais on aimait mon regard vif et intelligent. faut dire que je savais y faire...
Pas content ...comme d'hab

Avec Elle aussi. Presque tous les matins j'y allais, au restaurant. Tous ses chats m'avaient adopté c'est pas comme ce crétin d' Edmond incapable de faire du mal à une mouche tant il a peur. Alors il crie, feule et se met tout le monde à dos. J'avais ma préférée dans cette maison : Nina. On jouait tous les deux dans la maison ou le jardin. S'apercevra t'elle de mon absence ? Comme c'est bête que je sois mort, j'aimais tant la vie...

Plutôt relax...avant ...vous voyez quoi

Et Elle ? Je lui criais toujours dessus depuis qu'Elle m'avait martyrisé (soigné qu'Elle dit) les oreilles. Elle a failli remettre ça avec ma patte qu'Elle inspectait malgré mes jurons. Elle voyait tout, une griffure, une maladie de peau. mais depuis le coup des oreilles...oui je sais j'étais pas courageux...mais qu'est ce qu'Elle m'aurait encore fait couper?

En général j'étais plutôt ça

Ce que j'aimais le plus ? Quand Elle pointait son doigt  sur mon nez. Je râlais mais je lui laissais poser le doigt sur le bout de mon nez et ensuite Elle me caressait la tête. Ces humains sont si bizarres.



Là où je m'éclatais c'était la nuit.

Accident de nuit, autrefois

Je me battais avec tout ce qui traînait. Je ne pouvais m'en empêcher. Aucun Humain ne réagissait à la tornade de hurlements. Tous savaient qu'on allait la voir débouler en chemise, pieds nus, comme une tornade, un piquet de vigne à la main. Alors l'ennemi fuyait, moi après lui. C'était un jeu.
J'adorais jouer, j'adorais la nuit, j'étais le Prince de la Nuit.



Maintenant, la nuit elle est dans mes yeux qui ne voient plus, mes oreilles qui n'entendent plus.
La nuit, c'est ce silence autour de ma tombe, avec parfois le vent dans les feuilles. Cela me fait  de la musique, celle là je l'entends.
Il y aura la pluie, le soleil, la vie, les oiseaux
Et moi je suis bien puni
J'aimais tant la vie...."


la première photo de moi, avril 2015
La dernière photo de moi, juin 2017



En archives, pour revoir "Les aventures d' Icare et la Tribu du Sujet":


Chat-pitre 1 : Icare et la Tribu du Sujet.  2 juin 2015
Chat-pitre 2 : Le Sixième élément : 3 janvier 2016
Chat-pitre 3 : Dur dur, une vie de chat..13 février 2016
Chat-pitre 4: de l'Amour 2 mars 2016
Chat-pitre 5 : Je te l'avais bien dit ! 12 mars 2016
Chat-pitre 6 : Le roman Icaresque  22 mars 2016
Chat-pitre 7 :Le Roman Icaresque 24 mars 2016
Chat-pitre 8 : Le Roman Icaresque 5 avril 2016
Chat -pitre 9 : Le Roman Icaresque 11 mai 2016