dimanche 23 juillet 2017

Gorges de Galamus : à contre courant

Voilà encore un jour de juillet passablement maussade qui s'annonce. Autant des journées merveilleuses se sont succédé depuis mai, autant juillet prend sa revanche. Une revanche sucrée salée. Aigre douce dira t'on.
Je choisis donc d'emmener Dominique, qui pourrait être mon petit fils au vu de l'âge, découvrir le canyon de Galamus. La montagne est trop peu sûre question météo.

Cette fois c'est un parcours découverte autrement musclé que celui que j'ai fait voilà 10 jours, que j'espère. Je lui présente d'abord le canyon vu d'en haut, depuis la route, ainsi quand nous serons en bas, il aura une idée, une vue d'ensemble. Qui donnera à la "promenade" un peu plus de peps.

Le canyon vu de la route
La hauteur totale des falaises
atteint 500m



Nous traversons l'ermitage suspendu à son nid d'aigle : tant qu'à faire, allions le sportif au culturel. Il est supposé qu'à l'origine des temps l'homme préhistorique avait implanté son habitat dans les grottes du canyon: celle-ci s'y serait prêtée à merveille  ! Vaste et fraîche, protégée, elle abrite actuellement St Antoine, le Christ et la Vierge. L'endroit est grandiose et empreint de majesté. Il n'y a pas dans le canyon une grotte rivalisant avec celle ci.

Grottes dans les falaises



La grotte de St Antoine








Grotte en haut des falaises














Nous dévalons assez rapidement le "chemin interdit" ; cette fois il y a foule qui monte et si je m'attends à quelques réprimandes, je ne serai pas déçue. Les guides ne sont pas contents , on se fait discrets et petits mais c'est voie unique alors...
Unique, le parcours qui nous attend l'est.
Le chemin interdit à la descente
Forte pente : 42 °

D'abord on va le remonter alors que tout le monde, sans exception, le descend. Pourquoi ? Allez savoir...c'est mon initiative mais je n'en connais pas le mobile.

Nous voilà en tenue : maillot, tee shirt par dessus, sans casque ni combis,  l'appareil photo qui inaugure une tenue "grandes eaux" et nous voilà partis.
Endroit du décor

Et envers: de l'autre côté du goulet


Très vite nous arrivons au rocher qui m'a stoppée l'autre jour; mais cette fois je n'ai plus de pansement à la main et je suis en tenue de bain: quelques brasses et le passage est franchi.
Commence alors la merveille des merveilles...

Chemin d'eau
Imaginez une eau verte que rien ne trouble, transparente, un fond très visible car on remonte donc nos remous sont derrière, des parois très étroites et très hautes, les chants d'oiseaux qui se répercutent de mur en mur, de grotte en grotte, une végétation cramponnée aux falaises et qui se penche pour mieux nous observer. Imaginez un certain silence coupé par le bruit mouvant de l'eau, imaginez des cascades bondissantes et des "lacs" étales, et puis la fraîcheur, l'ombre, l'eau soyeuse sur le corps, l'avancée sur les rocs ou dans la fluidité de l'eau verte, imaginez...
Au jacuzzi







Imaginez aussi les voix des groupes qui arrivent et le petit pincement au coeur à l'idée de se faire admonester ! Nantis de casques et de combis, ils suivent, petits et grands , jeunes et moins jeunes le guide sûr de lui qui leur fait franchir quelques goulets d'eau qu'il nous faudra bien remonter. Ils nous gratifient au passage de regards heureux qui contrastent avec le regard courroucé du guide : "C'est interdit ! Dangereux...vous n'êtes pas équipés....". Nous faisons silence et profil bas....
Quand le groupe a disparu dans quelques éclats de voix joyeuses, nous reprenons le chemin à l'envers. Jusqu'au suivant...

Premier franchissement

Un premier passage délicat nous ralentit mais on le franchit par la voie des eaux; le second a été descendu par les canyonneurs en suivant la voie d'eau, pour nous ce sera un passage en escalade.

Franchissement : on descendra en toboggan !




2nd franchissement
petite escalade



Faire le chemin à l'envers dévoile le dessous du décor, l'ombre sombre des abris sous roche où se devinent des draperies de calcaire qu'on n'aurait jamais vues, les fonds transparents que la surface étale dévoile, nos remous étant derrière nous; et puis les poissons qui nagent avec nous : le retour sera moins plaisant assurément.

Sous les rochers : draperies








Et puis il y a ce petit frisson d'adrénaline, jusqu'où pourra t'on aller? Nous restons attentifs à la manière dont nous aborderons le retour, le passage le plus adéquat à la descente: nous nous amusons avec nos deux générations d'écart de la même manière.

Deux visages pour un canyon

Nous savons qu'il y a un passage difficile, nous avons évalué sa position depuis la route, nous savons qu'il y a un dénivelé de 8 m et que nous avons toutes les chances de ne pas passer.
Qu'importe ...
Nous y voilà : un gros bloc coincé, une grande vasque d'eau fraîche et un mur de roche infranchissable . Nous ne tenterons ni le Diable qui peut sommeiller dans une grotte, ni l'impossible qui peut nous attendre au tournant. C'est tellement beau vu d'en bas....On est comme ailleurs....
Alors nous entamons le demi tour à la nage: l' appareil survit bien abrité dans son étui.
Terminus pour nous
passage infranchissable







Voir le canyon sous ses deux faces, montante et descendante offre un atout majeur. Nous lisons deux parcours avec leur unicité à chacun . La roche, les grottes, les marmites de géant, les traces des crues bien au dessus de nos têtes, la végétation dans des postures inimaginables et même, ce dont une combi nous aurait privés, le courant chaud d'une source thermale jaillie des profondeurs de la terre jusque dans le lit de la rivière. Un ruban d'eau chaude qui s'enroule à nos jambes et que rien ne distingue à la vue, de son compère froid. Un cadeau qui nous est donné.
Au retour ce sont nos remous qui nous empêchent de voir le fond et rendent notre marche plus cahotante.



Au final ce sera deux heures dans l'eau en marchant ou nageant tranquillement, pour profiter au maximum, trois  admonestations et des  regards courroucés, près de 1.4 km d'eau aller retour, un monde hors du temps et de la vie...d'en haut...



Sac étanche pour Monsieur APN
Décathlon, 6.99 euros


De retour à la civilisation, nous ne pouvions pas ne pas terminer par un verre sous les ombrages du moulin de Cubières. Né en 1076 sur les bords de cette rivière Agly avant sa plongée dans les gorges, il est encore opérationnel, pour les touristes






Moulin de Cubières (Aude)
An 1076



Cependant il a fonctionné jusqu'en 1962 et tout son mécanisme est revêtu d'une épaisse couche de calcaire. Aujourd'hui le lieu est bucolique : restaurant, bar, camping sous les ombrages dans la prairie, on ne se croirait pas dans un sud de France surchauffé .



 Le ciel est sombre, l'orage gronde et se répercute de falaise en falaise. Ce soir, quel que soit le temps, les sangliers iront boire à la fraîche aux portes du moulin. Quand les touristes auront déserté et qu'un aspect intemporel revêtira la vallée.







mercredi 19 juillet 2017

Le Pic de l' Homme 2464 m (Ariège)

Mon avant dernière randonnée eut lieu au Pic de la Femme (de la Dona, clic), je trouvai donc logique et un brin amusant d'aller saluer le Pic de l'Homme d'autant que ces deux-là n'étaient pas amenés à se rencontrer. Hormis par un vaste séisme...et encore ! Entre les deux j'étais allée au Roc Colom, le Roc de la Colombe, symbole de paix.

Pic de l'Homme vu depuis la cabane
 d' Agnelle Morto 1374 m



Le Pic de l' Homme est en Ariège. Dans mon département, nous avons bien un pic de l'Homme mais il est Mort. Je le connais aussi. Il surplombe l'Ariège. Ils peuvent presque se voir.
Pour aller à ce pic de l'Homme ariégeois, le voyage se mérite : plus de 130 km de routes de montagne, puis une piste forestière de 7.5 km nantie de 14 lacets.
Mais ce mérite est un cadeau : je passe la nuit à Orgeix, en bord d' Oriège, face à la Porteille d'Orlu. Ce fut souvent mon camp de base par le passé.

6 h du matin : Orgeix

Une aube grise encombrée de nuages comme le sont mes poumons par une bronchite épuisante me garantit le repos forcé et nécessaire mais le voile se déchire, le soleil jaillit et moi aussi de mon lit.
Ainsi à 8 h 15, je pose mon camion en bout de piste à 1404 m et je m'enfonce dans la forêt glacée. J'ai l'onglée, il ne doit pas faire plus de 7°.

Presque terminus de la route forestière


Ce n'est pas la première fois que je traverse cette forêt qui a sur moi un étrange pouvoir : celui de me terrifier. Pourquoi ? Je ne saurai jamais rien de la cause de ce malaise énorme qui m'oppressa toute la traversée (200 m de dénivelé) dès la première fois.. Aujourd'hui, la chaîne sera rompue et c'est la sérénité : enfin ! Allez savoir...Oh j'ai fait ma petite enquête mais il ne semble pas que cette forêt soit emplie de sortilèges et de maléfices...

En Ariège, dès qu'on quitte un parking, ça grimpe dur. Prise de dénivelé rapide, c'est bien. Par contre avec ma féroce bronchite installée à domicile, c'est un vrai soufflet de forge que je trimballe ! Et près de 1100 m de D+ sont devant moi.

La forêt est bordée d'un torrent qui cascade joliment, c'est frais et je rencontre même deux timides girolles sous un rocher. Je passe mon chemin.

Au débouché de la forêt, 1636 m, je revois avec plaisir un des jolis coins d' Ariège : un ruisseau, une passerelle de bois, une cabane, et des prairies.

Jasse de Cizarols








Mais aussi le sentier qui monte, monte, au milieu des fleurs et des ruisselets d'eau fraîche. Mon soufflet de forge portatif se transforme en sifflet de marmottes : mais non ne fuyez pas , ce sont mes poumons ! Pas une marmotte n'ose...



Je monte lentement mais sûrement, j'ai déjà compris que j'y arriverai car c'est un grand bonheur cette Ariège retrouvée. Et même si je sais le paysage, le décor, la pente, je sais que ce n'est pas lassant.
De plus allez savoir comment, j'ai la forme !

Dans mon dos le décor s'amenuise : la piste et au fond le St Barthélémy
J'avance au milieu des fleurs et de l'eau dans un désert animal et humain, la vie prend toutes les couleurs. Lentement car je poursuis un but essentiel : ne pas commencer à tousser !
Mes yeux se perdent sur les cimes , sur les éboulis, dans les ravins, je parle à mon père qui ne me répond plus depuis si longtemps. Je me pose pour lui parler car je respire si mal...

Plus très loin de l' Etang

 2076 m et 2 h 27 plus tard: il est là, dans son décor unique, l'étang d' Ayguelongue. Ah il a quelque chose de bien particulier mais il faut prendre de la hauteur pour voir cet unique spectacle.
Vu du bord de l'eau il est sombre.

Etang d' Ayguelongue





Il est cerné de pics quasi inaccessibles mais je cherche déjà et je ne ferai que ça, un moyen d'y accéder. C'est faisable, c'est musclé. Ce sera pour plus tard.Un projet de plus.

J'ai connu Ayguelongue sous d'autres aspects: dans son berceau fleuri un 24 juin 2012

24 juin 2012

Et dans la blancheur glacée du début de l'hiver , sans que le soleil ne l'atteigne jamais; j'avais même osé marcher sur la glace..

Etang d' Ayguelongue et col de la Parade : 11 décembre 2011


De beaux souvenirs attachés à ce site. Malgré ma terreur de cette forêt !


J'amorce la suite du parcours : vers le Pic de l' Homme.. De l'étang un sentier très raide permet de monter au col de la Parade, 2241 m, distance vite franchie car cela monte très dur. Toutefois c'est de là que l'étang prend toute sa dimension et son originalité !
C'est la France vue du ciel qui baigne dans l'eau...

Etang d' Ayguelongue



Jasse de la Parade, Pic de  Nabre , Esquine d' Ase, Madides


Le col de la Parade ouvre sur de vastes espaces où se perd le regard. Je reconnais de nombreux lieux où je suis allée : Madides avec Camille, l' Estagnet et la Porteille des Bésines.


Chemin en crêtes
A présent la partie la plus rude du parcours s'annonce pour moi: non qu'elle soit plus pentue ou plus difficile, mais ma bronchite altère mes forces. J'ai opté pour un rythme qui n'a qu'un seul but : m'éviter de tousser !Je reste concentrée sur cet objectif . Le tracé sur une crête douce est régulier, plutôt pentu mais régulier, je donne donc à mon avancée une régularité de métronome et ça passe.
Je marche sur un sentier bien tracé, bordé de cette pelouse si glissante nommée gispet, le verglas de l'été !




Une idée de la pente 
Et toujours ce sublime décor....




Gispet

Près du Pic de l'Homme, le passage change de direction, un petit passage en crête festonnée et me voici au sommet . J'ai avalé 1070 m de dénivelé sans trop de difficultés malgré mon mauvais état, je lance ma joie au ciel.

2464 m
Voici le pic de l'Homme vu d'en bas (zoom)







Eglantine naine des cimes
Le Pic de l'Homme est absolument désert, j'ai tout loisir d'en faire mon belvédère : vue sur les sommets dans la musique des brebis , bleu des étangs Tort (2216 m)  et Déroun (2133 m), les Pic , Coumes et étangs d'Agnel où s'égayent les brebis, comme le nom l'indique.
Une petite cabane au bord du lac, des flaques bleues, le vent léger et des fleurs jusqu'au sommet ou presque. Instant de grande béatitude.
Je me sens en pleine forme malgré cette invalidante soufflerie , quel dommage !
J'avalerais bien quelques autres sommets !




Etang Déroun (fond gauche) et Etang Tort (1er plan)
Ils sont au dessus du barrage de Naguille

Du sommet j'aperçois une grande partie de mon chemin : voici la piste forestière tout en bas, je distingue même le point minuscule qu'est mon camion.

La piste forestière, la parking, la forêt et la montée dans la prairie ou Jasse des Cizarols


D'en bas, un peu plus tard, ce sera moins saisissant...

La vue en sens inverse

Je quitte mon perchoir et reprends à l'envers exactement le même chemin.
Au col de la Parade, je me pose pour observer longuement les pics de la Girouneille 2374 m et d'Ayguelongue 2394 m  , à la recherche d'un chemin de gispet et d'éboulis qui, un jour, peut être, m'y conduira...Et bien sûr j'ai trouvé. tant qu'à faire on y associera le Pic de la Perdrix 2310 m, les 3 pics qui enserrent de leurs dents la goutte bleue de la France vue du ciel....


Je me lance dans la descente, chemin de fleurs et d'eau sur lequel s'essaient quelques randonneurs un peu tardifs, n'ayant qu'une vague idée du chemin à parcourir, les touristes des montagnes, insouciants et tranquilles.









Je plonge dans la forêt en une petite course que ma bronchite "apprécie fort", je caresse la douce linaigrette ondulant mollement au vent léger : je suis arrivée...

Surprise de ma forme. Dans la soirée et le lendemain ce sera une autre chanson...Mais cela valait bien la peine de jouer cette partition!


Linaigrette




En chiffres
Dénivelé : 1070 m
Temps de marche ...?? 
Distance : 11 km environ