Ce pic ne faisait pas du tout partie de mes projets : mon but était un joli lac nommé Laurenti, dans une belle vallée, à 1941 m d'altitude, non loin du
Tarbezou. Mais la montagne offre des impondérables qu'il faut respecter. A Mijanes, petit village où j'ai retrouvé mes anciens quartiers d'étape nocturne , renseignements pris, la vallée s'avère fort enneigée, la piste sans doute aussi, et, la connaissant, la pluie qui tombe dru ne la rendra qu'encore plus impraticable. Qui irait me dépanner là haut?
Au matin, sous un ciel mitigé, j'ai déjà changé ma destination : ce sera
le Tarbezou, bien plus en altitude, avec ses
2364 m, mais plus accessible.
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Le Tarbezou vu de la station de ski de Mijanes (Ariège) |
Une route en lacets, prisée des courses cyclistes et des motards, conduit au C
ol de Paillhères (2001 m), récemment désenclavé de ses neiges hivernales. Aller au Pic n'est "qu'une formalité " donc. La neige est plus haute que mon camion sur les bords de route mais le Tarbezou qui mérite peu le nom de Pic est partiellement déneigé et il ne doit pas cela à la DDE du 09 !
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Hauteur de neige en congères au col |
Un Pic ? Cette sommité arrondie, telle une colline ? S'il n'offre que quelques 400 m de dénivelé faciles à gravir, il vaut par le panorama somptueux qui se découvre de là haut. Je l'avais gravi avec une Lison bébé de 4 mois 1/2 qui était montée à la force de ses petites pattes. Inutile de préciser qu'elle avait dormi toute la descente et plus encore ! Ses premiers pas de randonneuse ! En 2009.
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Lison au sommet du Tarbezou 30 août 2009 |
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Encore très enneigé l'ensemble. Vu d'en bas |
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L'envers du décor : vu d'en haut |
Pour atteindre ce pic, je me gare à 1955 m d'altitude et je dois traverser une plate prairie bourbeuse, une toundra dira t'on. Elle est en partie enneigée, une neige molle qui me casse les jambes tout de suite . Aïe ce sera dur aujourd'hui, ma santé n'est pas terrible. Alors je traverse en ce matin silencieux et désert tout en étudiant ma route au mieux pour éviter la fatigue.
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Bleus ariégeois |
D'abord, arrivée au pied des festivités je vais grimper un "tout droit" bien raide, mais le plus court chemin, qui m'amènera sur la ligne dorsale, laquelle est la frontière entre versants nord et sud, le nord étant sans neige. Je marcherai au maximum hors neige.
Je chausse mes crampons par sécurité, et, piolet en main, j'attaque la pente. 70 m de dénivelé, 35 ° environ de déclivité, je monte bien. Je ne sais si en cas de glissade le piolet me serait d'un grand secours dans cette neige molle, mais une chute sur la toundra ne me serait quand même pas fatale. Je reste prudente tout en me livrant à quelques acrobaties photographiques (monter et descendre) car un personnage rend mieux la déclivité. Comme il n'y a que moi...le choix est vite fait. Je me régale et gère au mieux un souffle fort défaillant. Je n'en suis qu'au hors d'oeuvre!
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Je monte |
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Vers le ciel |
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La pente prononcée |
Arrivée en haut, je déchausse les crampons et marche vers la piste qui conduit, je pense, aux installations du domaine skiable d' Ascou. Ensuite je la quitte pour le sentier semi enneigé mais je louvoie et ne pose quasi plus les pieds sur la neige.
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La végétation des cimes |
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Deux montagnes face à face et illusion d'optique |
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St Barthélémy et Soularac |
Jusqu'au sommet, je vais marcher lentement, essayant de calmer un coeur endiablé : c'est qu'il est content le bougre, de retrouver l'hiver !! Mais il me fait suer d'une sueur glacée, il fait danser des papillons noirs devant mes yeux, un comble alors que tout est blanc. Je négocie avec lui car j'ai un peu la frousse mais je veux arriver en haut, j'en ai vraiment envie. Alors je monte. Le paysage est magnifique même sous la grisaille. Des sommets étincelants, des lointains bleutés, des champs de neige ourlés de corniches, des vallées blanches et même une étonnante montagne/cratère, juste l'illusion d'optique de deux montagnes se faisant face.
Le sommet est tout proche, il n'a rien perdu de ses rondeurs, elle ne sont pas illusoires.
Après 2 h de marche, je suis en haut : 2 h pour 409 m de dénivelé, un record...de lenteur !
Mais le coeur le valait bien !
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Le toit du jour et son décor pyrénéen
2364 m |
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Version été (2009) |
Là haut, je pose sac et bâtons et vais à la découverte des lieux en "hiver". Pour ce faire je redescends un peu et j'admire....
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La Dent d'Orlu 2222 m et sa grise face d'escalade |
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La Jasse de Parau où j'ai randonné la semaine avant |
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Une montagnette posée en dessous de moi |
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et son étang en train de dégeler |
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Le Canigou |
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Version hivernale des Rabassoles et son décor |
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Et version estivale du même lieu |
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Vers Péric, Carlit, Cometa d' Espagne, les 2700 à 2900 m des Pyrénées Orientales |
Plus tard, je reprends le chemin du retour, cette fois décidée à ne le faire "qu'en neige". Un dénivelé de 380 m qui ne requiert pas les crampons, juste le frein nommé piolet, mais surtout de la prudence. Ces champs en pente douce sont bien ourlés de corniches et risquent de se détacher avec la chaleur : quel roulé boulé !! Alors je suis des traces anciennes et me tiens au plus près de la limite terre neige. La descente est amusante, j'en redemanderais.
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Une corniche de neige |
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Descente dans la neige |
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Les seuls humains rencontrés..de loin Je crois qu'ils ne m'ont même pas vue, petit point rose dans cet océan blanc |
Les trois skieurs qui sont arrivés au sommet après moi, se lancent dans la pente en un gracieux ballet.
A la fin je décide de ne pas reprendre mes traces de montée et je me lance sur une ancienne empreinte qui doit me conduire dans la pente. Au moment de se lancer "dans le vide", curieusement les traces font un virage à 90°. Supputant que mon prédécesseur a eu peur de la pente, je suis son chemin et je comprends rapidement : une belle corniche l'eut précipité dans le vide, et moi aussi si je ne l'avais suivi. Bon 50 m de glissade vers la toundra n'eussent peut être pas été méchants, mais on ne peut préjuger de rien en montagne. Pour une fois j'ai été très raisonnable.
En fait la neige de printemps me fait assez peur car je ne la connais pas et elle est très piégeuse. Donc je redouble d'attention. Ici l'attention se nomma chance...Je pouvais vraiment me lancer dans la pente donc dans la chute inévitable.
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Les champs de neige du Col de Pailhères: altitude 1950/2000 |
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Décor de Noël |
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La corniche que j'ai évitée par hasard |
Sur "la toundra", les eaux issues de toute cette neige sortent à l'air libre, étonnées et chantantes, brillantes sous le soleil enfin arrivé. C'est joli. Je croise les premiers promeneurs, leTarbezou prend vie, alors que les skieurs ont disparu de ma vue, avalés par les forêts éparses.
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Couleurs et musique du grand dégel |
Une fatigue sans nom s'est emparée de moi et je ne sais pas encore qu'il me faudra trois jours pour récupérer d'un petit 400m D+. C'est dur de prendre 20 ans d'un coup !
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Trajet approximatif : en jaune montée, en bleu descente 420 m de dénivelé positif, petite balade |