J'avais fixé rendez vous au Bésiberri, de préférence le Nord (ils sont 3) car je savais
qu'il était le plus difficile.
|
Besiberri nord 3008 m auréolé |
Moins haut que le Sud mais plus technique : de l'inutile ambition.
Celui du milieu ne me tentait pas, il n'atteint pas les 3000 (2995m) et je voulais atteindre un 3000.
On a le droit d'avoir de l'ambition, on a droit à l'erreur aussi...
Donc les voici (image internet) en vue aérienne.
La donne n'était pas la même : davantage d'enneigement cette année...vous verrez que cela changea beaucoup de choses.
En ce matin d'août ruisselant de lumière (samedi 16 août), bien préparée physiquement et mentalement je m'élance sur le sentier qui longe le barrage, je franchis la passerelle et je constate que tous les randonneurs suivent une autre route. Pourtant ma carte porte celle ci comme directe.
Ah je comprends vite : directe, elle ne peut l'être davantage. Elle suit le torrent et un torrent...ça fait un tout droit ! Donc, seule, extrêmement seule, inquiète même, je persévère.
Et ça grimpe, très vite dans le roc.
Je viens de tout en bas là bas ( ph de gauche) j'escalade un sentier très raide, souvent rocheux (ph de droite)
|
L'étang noir brille comme un miroir |
|
L'eau et la pierre |
Et je monte vers le ciel
|
On devine le sentier |
Toutefois mon regard scrute sans cesse vers l'aval : voir enfin des humains qui me diraient si je suis sur la bonne voie : ma carte dit "oui", l'isolement dit "peut être", l'inquiétude dit autre chose...L'eau ne dit rien, elle chante, insouciante de ma course, elle suit la sienne en bouillonnant.
Deux petits points mobiles grossissent, je ralentis fort et ils me rejoignent au lac de Malvesina (2500m)
Deux jeunes hommes qui montent au sommet et me découragent : oui, c'est dur, difficile, technique, il faut une corde (elle est enroulée sur leurs épaules). Je renonce donc mais pas à tout.
Je prends une autre route qu'eux : pas le nord ? Et bien ce sera le sud !
|
Un regard sans regret vers "mon" sommet acéré (je ne me vois pas là dedans !) |
|
Le pédalo du lac |
Un regard vers "l'iceberg" du lac et je grimpe.
Facile à dire, facile à faire : j'aime cet élément nommé la pierre.
La pierre, elle est en grandes dalles granitiques, en gros blocs monumentaux pour certains, en petits cairns délicatement posés comme un bouquet sur un meuble, que je suis autant que possible.
Mais la pierre ne résonne pas des voix des humains : je suis la seule.
Et c'est immense, chaotique, impressionnant, magique.
Mélange d'exaltation, de peur, de prudence surtout, de curiosité et d'un féroce appétit : continuer.
|
C'est une sorte d'escalade aussi! Ils ont le mérite d'être stables |
|
J'adore grimper là dedans
Mais je n'ai guère l'occasion de le faire |
|
Pour éviter les névés je dois contourner et passer haut en dévers.
J'aurai même un passage en corniche |
Face à moi, le cirque des Besiberris est assez impressionnant: j'entends les voix des 2 jeunes grimpeurs; difficiles à repérer dans cette caillasse. Deux points minuscules...
|
Ils sont quelque part là dedans, petits points perdus dans l'océan |
Je laisse à ma droite ce cirque et je me prépare à entrer dans ce couloir rocheux où coule un ruisseau.
Derrière moi se déroule un beau cirque enneigé qui conduit directement au lac.
Je ne prends presque pas le temps de regarder très loin en arrière où se découvrent tous les beaux lacs dont j'ai parlé dans un précédent billet. La vue est belle mais je suis trop concentrée sur mon parcours en rocs.
|
Au télé puissant...Etang Noir |
Si je ne sais pas danser le rock, je vous assure que j'essaie de ne pas valser entre les rocs : il y a de belles crevasses, qui viendrait m'y chercher ?Je ne suis pas très rassurée, c'est peu dire... je suis curieuse de la suite du parcours. Aller plus haut.
...il y a longtemps que j'ai renoncé au 3000, je ne serai pas au rendez vous.
Je ne suis pas déçue en arrivant au bout de mon possible.
Au bout de mon possible, il y a une grand champ de neige d'où émergent des blocs; sous cette neige, il y des blocs cachés, avec leurs tailles différentes, leur enchevêtrement, leurs crevasses : pleines ou vides ?
Je ne connais pas assez la montagne, je préfère arrêter.
Les contourner pourrait se faire...ou non ?
Ce qui me fera rebrousser chemin ce ne sera pas la force : je suis à 2850 m, j'ai l'énergie pour aller à 3000 et au delà.
Mais je ne suis pas sûre du terrain ni des lieux : qui est qui, là autour ? Besiberri del mitg ? du sud ?
Non, ce qui me fait renoncer c'est l'extrême solitude...tout bêtement...qui engendre la prudence....
Pas déçue car je me suis dépassée, j'ai affronté un élément, pour la première fois de ma vie, aussi énorme.
Et somme toute pas familier.
|
Besiberri del Mitg |
|
Besiberri del mitg 2995 m (semble t'il) |
Un dernier regard vers ces inconnus de pierre, anonymes, auxquels je donnerai un nom plus tard avec les vues aériennes.
Le Besiberri sud (3023 m) était encore loin vers le sud : accompagnée je l'eusse atteint.
Seule, on se sent vraiment toute petite, mais très très petite....
Et j'aborde en douceur la descente car mes jambes sont usées et le terrain c'est tout ce long chemin de rochers que j'ai grimpés.
Inutile de préciser que le terrain sera tout aussi désert .
Même les animaux sont absents.
Quant aux jolies fleurs des montagnes, ce n'est pas là qu'on les trouve !!!
|
J'entame la descente |
Mon chemin de pierres, il me faudra attendre bien longtemps avant qu'il ne devienne "tout doux".
|
Estany Nègre (étang noir) et sa longue cascade
Un chemin tout "en douceur"...sur les dalles |
Et bien c'est juste l'envers de cela :
Au retour, il y a encore des mordus du rocher dans d'autres états; je les entends crier, sans les voir, minuscules araignées sur les parois d'escalade.
|
Falaises d'escalade |
Tout au long du barrage de Cavallers.
En chiffres
Dénivelé : 1150 m
Temps de marche aller / retour : 7 h 30
Parcours très pentu et très physique
Km total aller retour : 8 km dont 3 km en terrain "plat" (100m de déniv).
Les 1050 m de grimpe se font sur 2.5 km de montée ce qui indique un fort %
(ces détails pour les lecteurs randonneurs)
Un article sur mon second blog : portrait d'un village abandonné : Peranera (clic)