En ce dimanche où l'on nous promet un record de température, je choisis d'aller "gratouiller" la dernière neige là haut sur les cimes à 1100 m d'altitude.
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Depuis les 4 Termes |
Les Albères, relation de proximité que je découvre comme si je n'y étais pas née en plein dedans voilà 72 ans. Quelle ironie de la vie!. En bonne paresseuse, je gare ma voiture au bout de la mauvaise piste de plus de 3 km, je préfère garder mon énergie pour là haut. Départ à 8 h à 423 m d'altitude. Je commence bien, le sol vient brutalement à ma rencontre; j'ai glissé sur un rocher mouillé, sitôt la chapelle du Christ et ND du Château franchies, bon faudra pas compter sur la protection du Ciel, c'est bien enregistré !
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Au départ |
Le sentier est escarpé et rocheux, qu'est ce qui ne l'est pas dans les Albères ?
Rejoindre le Roc de las Medes, est "terra cognita", mais ici on ne se lasse jamais des points de vue sur mer, étangs, et Canigou qui m'accompagneront tout le jour.
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J'y vais mais ..par le sentier ! |
Même si le sentier est toujours en forêt, les ouvertures sont superbes.
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La magnifique forêt d'alzinas (chênes verts) |
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Brucs (bruyeres) i altres |
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Roc Mèdes |
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La croupe parcourue |
Roc de las Medes : 665 m, 3.32 km et 1 h 06, je marche bien. Le silence est vaste, la montagne aussi, l'horizon n'a rien à envier. Petite pause énergie au pied du Roc et la "terre incognita" s'ouvre à moi, j'en suis très curieuse. Je marche toujours dans un sous bois tantôt dense, du maquis, tantôt plus allégé, des bois. Mais c'est chêne vert, résolument. Bois qui furent dévastés pour l'exploitation des charbonnières: les arbres sont bas, et aux multiples troncs, conséquence des coupes. Bruyères et cistes leur servent de compagnons.
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Petit casse croûte |
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Le Roc face sud |
A la côte 769, (4.7 km) le chêne vert stoppe et laisse la place sans transition au hêtre, mâtiné de chêne rouvre. C'est une hêtraie d'exception, celle qui couvre cette face albérienne, si proche de la mer, à une altitude si basse, j'en reparlerai. Quelques taches de neige pointent leur nez, quant au sentier, il est rocheux et croulant à souhait. J'accorde un temps de lecture à la géologie variée et à la végétation d'exception. Voici des arbres étonnants, l'appli "Plant net" me dira que ce sont des ifs du Canada, arbre très toxique utilisé en chimiothérapie contre le cancer. Les vues sur mer qui se profilent sont sublimes, il suffit sans bouger de tourner la tête à 180° et c'est Canigou, même du côté de la Rhune (64), c'est moins varié.
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casse pattes |
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If du Canada |
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If du Canada, taille XXL |
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815 m : Je l'ai ramené chez moi |
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Il veille sur moi |
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Ce sera l'image de tout le jour avec le Canigou |
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Port Argelès |
Me voici à l' Aranyo, 935 m: c'est une sorte de colline rase, peuplée de gros rocs débonnaires mais ce nom provient du catalan , le prunellier ou prunier sauvage, ou "épine noire" aux vertus thérapeutiques.
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Le décor |
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Pic du Canigou, 2784 m |
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On ne s'en lasse pas, mais il est peu enneigé pour un février, hélas |
Je m'attarde sur cette colline douce car le panorama est merveilleux, il pourrait inciter à la paresse, à la contemplation, à l'écriture, je me contente de la photo.
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Tours de la Massane (gauche) et de Madeloc (droite) |
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Je vole... |
Et je continue. Un col éponyme, en contrebas, a son content de neige et, sitôt franchi, j'entre dans le joyau des Albères, la hêtraie. 900m (5.51 km, 2h marche). Cette hêtraie, classée au Patrimoine de l'Unesco depuis juillet 2021 est une relique de l'époque glaciaire; les arbres ne sont plus exploités pour le charbon de bois depuis 1885 et sont donc préservés, suivis par des scientifiques; la sécheresse les perturbe mais leur longévité donne espoir de survivance.
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Les sportifs du jour : une branche de hêtre a fait un pont naturel |
Entrer là dedans est un univers enchanteur que je ne saurais décrire. Il va m'accompagner jusqu'à la sortie sur les crêtes. Plus aucun paysage mais la forêt en est un qui se suffit à elle même.
Sitôt passé le Col des trois Hêtres (els tres faigs), (1041 m, 6.66 km, 2 h 25), le froid glacial du au vent me fait passer sans transition de la tenue été à celle d'hiver. Je suis mon chemin dans une neige épaisse et je calque mes pas dans ceux, anciens, d'un prédécesseur, par chance, ce qui ne m'empêche pas d'avoir les pieds trempés. me voilà dans "le Camp des Soldats" recouvert de neige. la forêt, ici est une remarquable volière : sont ce des rossignols cette féérie de roucoulades. Enchanté vous dis-je...
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Col des trois hêtres |
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Dans la forêt, on voit la taille des arbres Pourtant ils ont été exploités jusqu'en 1885 d'où les troncs à plusieurs ramifications |
Camp des Soldats, 1100 m (7.22 km, 2 h 41)
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Lieu nommé "le camp des soldats" car il en fut un |
Au sortir de la forêt, sans transition, à 1143 m (et 8 km), c'est l'espace dégarni des crêtes ondulant entre cols et pics.
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La sortie, 1143 m |
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La crête et un buisson de houx "sculpté" par les vaches |
La frontière est marquée par une sévère clôture à bétail dont je ne vérifie pas si elle est électrifiée, je me coule en dessous. Pour échapper à la neige et au vent glacé venu du nord. Me voici au chaud, au sec, et si je tourne le dos à la mer c'est pour contempler ce versant sud abrupt couvert de chênes verts et rouvres là où au nord c'étaient des hêtres. Une immensité de collines où se devinent des pistes, où se logent des mas, des chapelles que je ne verrai pas sinon une ruine qui va me séduire au plus profond de moi. Je vais marcher un instant vers l'ouest, Col des émigrants (1122 m) qui se jette dans le vide des abruptes falaises mais où jadis devait bien exister un sentier. Pic des Pradets, 1168 m, et je pourrais continuer sans fin.
En images, balade en crête
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Versant sud |
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Le mas ruiné de Gamarus |
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Sortie de la hêtraie et vue sur mer : 1140 m de dénivelé |
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Echancrure couloir sur versant sud |
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Inévitable..il ne me lâche pas |
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La crête des Albères, direction ouest |
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Neulós et Canigó |
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Majesté depuis le Pic de Pradets 1174 m (8.32 km, 3 h) |
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Lui faisant face : Cap Creus |
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Versant sud, plaine de l'Emporda |
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Versant nord, plaine du Roussillon |
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Tour de Madeloc (zoom) |
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Pic de l' Aranyo |
Je reviens sur mes pas, le but du jour est d'observer. Jusqu'au Pic des Quatre Termes (= des 4 bornes, 1158 m), je reste versant français, mais il me faut basculer au sud pour aller me protéger du vent glacé. je vais me jucher au coeur d'un tas de rochers suspendus sur le vide, dans ces falaises comme croquées par un ogre géant, pour une fois, exceptionnellement je ressens le vertige. Ce n'est pas le moment! Ni le lieu !
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Pic de 4 Termes 1158 m |
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1er sourire du printemps |
Panorama depuis les 4 Termes:
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Collioure |
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Port Argelès |
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Cap Béar |
La table est inconfortable, le fauteuil aussi, mais le panorama le vaut bien. La robe de la Catalogne s'étale sous mes pieds, hérissée de collines, creusée de vallées, puis s'épanouit en plaine d'où montent des fumées avant d'aller se perdre en mer, baie de Rosa, Cap Creus, et autres anfractuosités bleutées. Que c'est beau...j'ai négligé les Albères, quelle idée...Je croque à belles dents le décor ...et mon jambon!
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Les molaires de la crête |
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Les mâchoires des Albères : Col des Emigrants |
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Zoom dans les forêts de chênes versant sud |
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Décor du restaurant |
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Cap Creus |
Il me faut déjà songer au retour, l'approche des ces crêtes est longue. Personne ne s'est profilé sur cet horizon qui ondule comme la croupe de dromadaires marchant à l'amble sur les dunes. Sauf que le paysage est coloré et que la vue est aérienne.
La solitude et l'immensité conviennent à mon émerveillement.
Je pourrais continuer, encore, je me retiens, le retour est long et doit se clôturer par une obligation familiale. Oui, le retour sera long mais aussi beau que l'aller car cette fois j'aurai du bleu au fond des yeux, cette mer en filigrane derrière les arbres nus, qui va m'accompagner pendant 700 m de dénivelé. Une petite incursion sur un piton à escalader, à l' Aranyo, et je redescends les étages de végétation, les étages de géologie, avec prudence car les Albères ont un piège ! Le sol y est si incertain, si "caillasseux" de ces rocs qui roulent sous les pas que je redouble de prudence. Toutes mes sorties dans les Albères se sont soldées par un épuisement sans nom, je comprends enfin.
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Bleus sur mer |
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Le tronc est énorme (près de 90 cm de diamètre) |
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Aranyó : j'irai caresser son sommet |
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Mais pas ceux ci |
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Si je me loupais, je me noierais |
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Hameau de La Vall et Roc de Montbran |
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Tour de la Massane |
Me voici à une croisée de chemins (670 m, 13.7 km, 5h 03) : la Font dels Miracles m'invite insidieusement, alors je me lance, je me jette à l'eau dans ce sentier nouveau. Làs.... Une grande descente malaisée et il n'y aura pas de miracle ; fontaine je ne boirai pas de ton eau...je ne remplirai pas ma gourde, je ne guérirai pas de mes maux, le secteur est sec à souhait et je perds le sentier juste à la fontaine.
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Sentier du "Miracle" |
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Roc de las Medes |
Inutile de remonter et d'user ses forces, j'économise donc mon eau, je marche vite et je termine mon périple après 6 h 22 de marche et 17.6 km. Usée et heureuse : cela va de pair dans les Albères.
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Fin de journée paisible |
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Château d' Ultrera |
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ND du Château me fait les gros yeux |
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Elle aussi ! Si j'ai du courage c'est que je suis au volant. |
En complément, décembre 2016:
- Château d'Ultrera (clic)
-Roc de las Medes (clic)
En chiffres
Distance : 17.6 km
Dénivelé positif cumulé : 1070 m
Temps de marche : 6 h 22
La route : 42 km AR
Partie 1 : de la piste au Roc de las Medes (en rouge variante du retour)
Partie 2 : du Roc de las Medes aux Crêtes (en rouge, variante du retour)