vendredi 27 avril 2018

L'Hermione

Ce joli prénom issu de la mythologie grecque évoque en moi une douce et jolie jeune fille aux longs cheveux flottant au vent. Si elle ne fut pas directement mêlée à la Guerre de Troie,  son nom est étroitement mêlé à celui d' Andromaque et...mais là n'est pas le propos.

Hermione devient en fin du 18 eme siècle, une guerrière, sous forme d'un imposant navire à trois ponts, dont un sous la ligne de flottaison. Les deux autres ponts sont équipés de 26 canons (34 à l'origine) et le vaillant navire officia de 1777 à 1793.
La frégate fut construite entre 1777 et 1779, en 11 mois seulement.

On la vit aux Amériques, avec à son bord Lafayette, on la vit dans l' Océan Indien, on la vit combattre contre les Anglais, avant que de sombrer lamentablement au large du Croisic, en Bretagne, suite à une mauvaise manoeuvre, en 1793.
En 2005, des fouilles archéologiques allèrent à sa rencontre et remontèrent divers objets dont l'ancre de 4 m pesant une tonne et demie.

En 1997, un groupe de passionnés créa une association et se lança dans la reconstruction à l'identique du navire (équipé cependant de moyens modernes), un trois mâts d'envergure, mis en eau en septembre 2014, celui avec lequel j'ai -comme des milliers de personnes - , rendez vous à Port Vendres.

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Port Vendres, 20 avril 2018, 6 heures du matin, route du Cap Béar.
La crainte de la grosse affluence nous a amenés au point du jour à Port Vendres en ce matin augurant d'une journée magnifique.
Il fait nuit sur Port Vendres mais dans les premières lueurs de l'aube,au large, se devine une imposante et sombre silhouette : l' Hermione.


6 h du matin : Port Vendres et le fort St Elme


Hermione au loin dans la grisaille de l'aube





Les badauds arrivent aussi et les photographes avec des télés à me donner honte. Mais curieusement cela ne me crée pas l'envie.









Alors je scrute. Le ciel flamboie, la mer aussi, et ruisselant, le soleil émerge, étonné de ce qu'il a devant son nez. Il prend vite de la hauteur et cela devient féerie...

Lever de soleil et Hermione
D'encre et d'or






Giroflées du bord de  mer













Un peu plus tard, tout commence à s'agiter : l'Hermione grossit mais n'enfle pas ses voiles, on comprend tous avec déception qu'ayant ancré au large, elle rentrera au moteur. Son approche est longue, lente mais pas silencieuse . Les badauds rompent le silence mais surtout la mer se met à bruire. Des multitudes de bateaux s'élancent à sa rencontre, la mer devient vivante, bruyante, alors que les pêcheurs impassibles poursuivent leur labeur.

Barque catalane


Comme l'Hermione : le bateau de pêche et son escorte bruyante
Port Vendres non loin s'habille de monde et la mer aussi. Certains virevoltent en attendant...La gendarmerie est là bruyante et  tourbillonnante.
Jeu d'eau


L'escorte se forme

Le cortège est en marche

Grandiose, l'Hermione arrive, avec sa flottille de petits bateaux sagement au pas, comme elle.


Détails : il y a du monde aux étages




Grappes humaines

Lorsque tout ce monde arrive aux abords de la jetée, la foule clame, les bateaux cornent, la mer devient vacarme, dissonnance, mais dans la liesse. Ce qui lui donne du charme, de la solennité, de l'émotion.

On entre au port


Oui l'émotion est au rendez vous.
Précédée du navire pilote, l' Hermione entre enfin dans le port, il y a 3 h 30 qu'on la suit des yeux, le temps est suspendu, il n'a pas de poids, il n'a pas de durée.


Entrée au port, vue d'en bas : photo Mathieu Zaher

L'Hermione fait une entrée triomphante, immense et majestueuse, ses canons crachent flammes et fumées auxquels répondent clameurs et claxons. C'est simplement grandiose. Elle est exacte au rendez vous.

Les canons en action

Tout feu tout flamme

Les falaises nous la cachent enfin, nous ne la verrons pas manoeuvrer. Nous découvrirons cela sur les pages Facebook des spectateurs.

A quai : photo Mathieu Zaher
Le soleil est déjà haut, le ciel lumineux, le vent n'est pas venu, l'écrin de Port Vendres, revêtu du vert jeune des vignes accueille dignement sa digne visiteuse.

Même le Canigou la regarde

Les festivités du week end pourront commencer...sans moi qui vais m'envoler à plus de 100 km de là vers des murailles de pierre.
Mais je sais que je ferai tout pour revenir assister à son départ.

Port Vendres, dimanche 22 avril, 18 h, route du Cap Béar.
J'ai filé depuis les montagnes, 123 km plus loin, me voici perchée avec mon camion sur la minuscule route, j'ai eu beaucoup de chance de trouver une place, qui n'en est pas vraiment une, d'ailleurs.
L'Hermione est dans le port, là où je l'ai laissée voici 33 heures.
Suivie d'une flotille de petits bateaux, les mêmes peut être, dans un grand calme plat sans vent, un beau soleil, une mer étale, la clameur de la foule et les claxons des bateaux, elle quitte lentement le port, toujours au moteur, comme il se doit.
Encore une fois je ne la verrai pas quitter le quai mais d'autres m'ont offert leurs images!

Départ : photo Josy Calvet Muxart

Elle quitte le port : photo Josy Calvet Muxart
là haut, mon camion tout petit

Puis elle prend la route, sa route, qui va la conduire vers Nice, Bastia et plus tard, le Portugal. Les badauds, dont je suis, à pied, la suivent sur la petite route. Et la flottille sagement en fait autant.


Vue depuis là haut

Je la suis du haut des  falaises

Presque vers le large: elle a mis les voiles (en partie)

J'espérais qu'elle revêtirait vite sa  grande voilure mais il n'en sera rien et c'est court vêtue, qu'elle s'éloigne vers un lointain horizon, avalée par la brume légère et bleutée d'une journée presque d'été, abandonnée enfin au calme de la haute mer, tandis que soudain pressés les petits bateaux foncent vers le port.
Au revoir, belle Hermione.



En chiffres: 
longueur : 65 m
largeur : 11m
hauteur du grand mât : 57 m
poids : 1200 tonnes
2200 m2 de voilure
14.5 noeuds de vitesse
1000 poulies
27 km de cordages
1 tonne d'étoupe
242 personnes au 18 eme siècle
28 canons

Sa  reconstruction à l'identique  a nécessité 2000 chênes bien choisis dans les forêts françaises




jeudi 19 avril 2018

Le soleil, le vent et les rochers : Vingrau

Un repas de midi bien trop tôt avalé et je prends la route du sud au nord où le dessert m'attend : des rochers. Pas ceux de la célèbre marque : les miens sont gris, durs et calcaires.
Moins d'une heure après, je suis au pied de la Serra de Vingrau et de ses falaises d'escalade.


Même vue : mon trajet

 Non pour escalader mais pour (re) découvrir cette Serra de manière plus originale et plus musclée. J'ai repéré l'an passé un couloir de descente des grimpeurs que j'ai envie d'emprunter en sens inverse soit en montée.
C'est plus facile que la descente.
Vingrau a une succession de falaises d'escalade et les grimpeurs, une fois au sommet, ont deux possibilités de descente, en rappel avec une corde ou à pied par un couloir, logé entre les falaises. Il y en a plusieurs.
J'ai posé la voiture et pris un sac léger contenant quelques fruits secs, une bouteille d'eau citronnée, un casque et une corde au cas où...et mon short, c'est l'été revenu.
Un temps estival qui succède à une semaine de pluies et à des jours de grisaille et de froid.

J'ai envie de grimpe, de crêtes, de roches alors je me sers.

Départ du sentier
Tout de suite le sentier grimpe vers le cône de déjection, ce monticule de débris rocheux plus ou moins gros, plus ou moins glissants.  Tout cela dans une végétation griffue, odorante et fleurie : romarin, ajoncs, pins et autres genévriers pour ne citer qu'eux. Je garde le pantalon !

C'est de l'or et ça pique : ajoncs épineux





Les falaises grises, vraie muraille, s'entr'ouvrent pour loger le couloir: c'est du sérieux ! J'entre dans un monde à part. Ce n'est pas vertical, bien sûr mais cela affichera un 35° de moyenne, avec des passages à plus de 40°. J'ai grimpé du + 50° cela m'est familier. Et j'aime ça !



Il faut parfois se servir des mains, le calcaire d'ici est corrosif.  Je vais grimper 250 m de dénivelé sur 450 m de trajet quasi linéaire.
ça grimpe dur


Et ça me plait


La progression dans ce type de terrain est parfois difficile et toujours énergivore. On recule souvent  au lieu d'avancer, il faut éviter à tout prix les graviers qui roulent mais par contre, permettent de descendre en vitesse. J'opte pour les rocs plus ou moins grands, les murets souvent.

Le gravier qui glisse énormément
Alors je marche sur les rocs plus gros







Je m'accroche à certains rochers ou à certains arbustes. Derrière moi se dévoile un paysage magnifique, qui s'amenuise; mon kangoo aussi devient petit.

Dans la montée , le paysage dans mon dos
Cela réconforte, on ne se rend pas compte combien ça monte; c'est quand je serai en haut et que je verrai cet entonnoir ! Mes velléités de descente , alors que c'est un beau parcours tout aussi musclé en descente, vont s'effriter comme éboulis. Ce sera le sentier.

Vu de plus haut

Pause contemplative



Le damier des vignes au zoom
Il fait chaud, le couloir est bien abrité. Il débouche dans un cirque rocheux où se frayent des passages. Je vais en choisir un et bifurquer vers la droite pour me glisser entre des petites falaises puis sur les roches. J'exagère pour le fun, grimpant des petites falaises dont je pouvais me passer.


Un moment de joie

Sans danger aucun. Pas plus qu'en ses escaliers, on risque la chute. Juste être un peu plus prudent. Je sais l'être.
Et je parviens au cairn sommital d'où j'embrasse le paysage superbe.

Vingrau

La route de Tautavel
Je quitte mes pantalons pour le short et je vais danser sur les crêtes, hors sentier et au plus près du vide. Le vent n'est pas assez soutenu pour me pousser mais je surveille quand même.

Cairn en haut des crêtes

Cette fois je découvre le paysage côté est : la mer, le cordon littoral et les étangs
 Je croise une jeune fille avant de quitter le sentier, je ne verrai plus personne.
Ce qui me gêne c'est l'absence d'animaux, j'aurais bien aimé, tout en me méfiant de la vipère aussi friande que moi de ces lieux.
Je suis les crêtes au plus près, de rencontre en rencontre : les fleurs, la roche très tourmentée, crevassée, et le superbe Canigou enneigé, dans les lointains. Les abîmes, la petite vallée entre les falaises d'escalade, là au milieu, que j'ai parcourue.

Au fond le Canigou, noyé dans les lointains


Jardin de roche





















Romarin dans son vase de pierre




Vallée sèche (Correc dels collets) entre 2 rangées de falaises d'escalade
 (sur les faces nord non visibles)



Une étonnante (fausse) coquille St Jacques de quartz






J'arrive enfin au sommet, sommet modeste avec ses 561 m, mais témoin de la violence des éléments : cette tour a été pliée par le vent comme un bâton de guimauve.











Sous le sommet, je vais m'amuser un moment : descendre regarder le vide à partir d'une autre crête (car je repère ma prochaine incongruité), et remonter en roche, jouant à escalader.

Sur la proue de mon navire en plein ciel...euh dans mon dos le vide


Oh un petit 2 ou 3 mais je suis satisfaite : si à 68 ans je suis si à l'aise là dessus, avec 30 ans de moins je ferais du 6a et en solo en plus ! Je me moque de moi au passage, ça fait du bien l'autodérision. Les rêves aussi font du bien.

Facile et amusant

Je regagne en grimpe pour la 2nde fois le sommet et devant mon nez apparaît cette vue que je n'aurais jamais eue en marchant sur mes deux pieds !! Marcher sur les mains fait ouvrir l'oeil !

Arrivée au sommet , vu autrement ...Il y a le ciel, l'eau, le soleil et la roche
Et puis l'été, et le silence, et la quiétude
Beaucoup pour moi toute seule...

Alors, sagement, je prends le chemin du retour par le sentier puis la route comme une classique randonneuse .
Sentier dans la garrigue



Asphodèle

Face à moi, quel décor 

Vu d'en haut

La même vue d'en bas
Un autre couloir à grimper

Seules mes jambes griffées témoignent de mes facéties.










































Un peu plus tard, à Tautavel, je troquerai shorts contre pantalons et eau citronnée contre....




Sur le blog : 2 balades dans cette "Serra de Vingrau" en mai 2017, en un clic

1ere balade 

2 eme balade