De ma rando de dimanche (billet précédent), m'étaient restés un manque, une curiosité ,
les pics de Cincreus et Gallinasse que j'avais vus là haut. Le vent m'avait empêchée d'aller plus haut mais bizarrement, c'était devenu une obsession, au détriment de mon angoisse que ma curiosité avait évincée.
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le Massif du Canigou vu de chez moi, ce jour 18 janvier |
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Zoom sur le Gallinasse |
Pour ce faire il me fallait une bonne fenêtre météo : mardi eut été un jour idéal mais le temps de me décider, j'optai pour mercredi et je n'ai pas eu à le regretter. Des entrées maritimes, phénomène courant ici, étaient annoncées ce qui signifie la plaine sous la grisaille et les montagnes au bon grand soleil. Je suis partie plus tôt, ma route allait être la même, plus encombrée en ce petit matin de semaine. Le ciel était sombre, sans étoiles et je grimpai allègrement vers
Batère dans un petit matin glacé d'humidité. Dès avant
Corsavy, dernier village, la brume céda le pas aux montagnes bien dégagées, promettant d'être belles. Je m'élevai rapidement au dessus d'une mer de nuages, c'était simplement grandiose.
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Au dessus de Corsavy |
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Parking La Descarga 1393 m |
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Le Pic Neulos (Albères), 1257 m un vaisseau fantôme |
8 h 30, les mains raides de froid, je démarre alors qu'un soleil éclaire de rouge la montagne. Et j'avance, me délestant vite de la veste, je suis en tee shirt. Pas un bruit, pas un soufle d'air, un chaud soleil et des oiseaux de printemps qui s'égosillent dans les sapins, c'est magique.
Le sentier se décline un peu plus vite que dimanche bien que je me sente un peu fatiguée. Alors que j'atteins le col de la Cirera 1731 m, un grand feu de bois s'allume dans la vallée, c'est la saison des écobuages maîtrisés, il y avait déjà une voiture de pompiers sur la route.
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Col de la Cirera 1731 m |
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Versant nord : autre vaisseau fantôme |
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Versant sud, brume et fumée mêlées |
Pendant que j'entreprends la montée vers le Pel de Ca, le feu grandit, m'envoie ses parfums de sous bois, côté sud tandis que côté nord un autre feu étale ses fumées rousses sur la brume blanche.
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Montée vers Pel de Ca |
Je suis à l'aise, sans angoisse sinon la crainte de voir la brume monter et envahir les sommets. Je trace un cap à la boussole, ce sera cap 60 si je n'y vois plus rien. De toute façon, sentier ou pas c'est du très pentu ! Je retrouve avec plaisir cette grimpe à 35 °, la neige en plaques et la glace sont toujours là, je les évite avec soin.
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Pente raide et mer de nuages : c'est irréel |
Je fatigue un peu pourtant! 10 h 43, J'arrive au col 2108 m mais avec la brume qui recouvre la plaine et la mer, il n'y a plus ce magnifique panorama, contraste entre cette montagne si élevée et la mer toujours présente. Je domine une autre mer, boursouflée de vagues grises d'où émergent de beaux navires bleus, avec un phare qui me servira d'amer : le Neulos; 1257 m.
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L'homme de pierre |
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En tête à tête avec moi |
A partir de là commence ma
"terra incognita", le Gallinasse est en ligne de mire, pas un instant il ne disparaîtra de ma vue. Un petit en cas et me voilà repartie, sur un parcours que je vais adorer et qui a des airs de faux plat. ça monte dans les rochers, exempts de neige, et jusqu'à la crête, des pierres plantées peintes en rouge, alternant avec des cairns indiquent le meilleur chemin, mais sur ce terrain on a le choix du parcours. Par moments les parfums du feu arrivent à mes narines, il en sera ainsi jusqu'à la crête.
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Montée vers le Gallinasse (à droite) dans un désert minéral |
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Pierres plantées |
J'aime beaucoup ce parcours; bien sûr la vue sur la plaine et la mer serait superbe mais cette mer de nuages donne une atmosphère irréelle que je savoure avec bonheur. Tout est silence. Pas d'oiseaux, rien que mes pas et les cailloux que je heurte de mes bâtons. Il fait chaud, comme en été.
Un peu avant la crête, j'entrevois deux petits fragments de mon prochain décor; ces esquisses qui restent un mystère, dans un parcours que je ne connais pas attisent toujours la curiosité mais cette fois ce sera grandiose!
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Que me réserve le décor que j'entrevois derrière la crête ? |
La vallée profonde d'une rivière
, le Riuferrer, née dans une vallée suspendue de la réunion de plusieurs torrents, envoie depuis 800 m en contrebas et à pic un mugissement soutenu. Le bruit de l'eau est vraiment, dans un décor minéral, le retour à la vie. Mais quel à pic ! Je fais quelques pas sur ma gauche pour aller saluer le Pic de Cincreus, les 5 croix qui devaient être de bois, jadis, ont disparu.depuis longtemps sans doute. Seul en reste le nom, en souvenir. Ce pic sans envergure est une magnifique proue de navire ouvrant sur une mer gris perle d'où émergent des sommets catalans. Le plafond demeure inchangé: 1200 m.
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En fond la vallée du Riuferrer |
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Cirque du Riuferrer et à gauche Pic de Tres Vents |
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Pic des Cincreus |
Je tourne résolument le dos et je file cap au nord vers le Gallinasse, il n'y a pas beaucoup de trajet, pas beaucoup de dénivelé mais ma fatigue est bien installée et me rend la montée difficile; heureusement le panorama est sublime , la crête plaisante et une harde d'isards trace son chemin sans lever un regard vers moi, les impolis !
La neige fait son apparition par plaques bien gelées que je contourne au mieux sauf la dernière: celle ci je la franchis en faisant bien attention: glisser ne m'inspire en rien! Je ne sors pas l'appareillage du sac toutefois et à midi sonnantes, je touche le grand cairn sommital.
Moment de félicité car le panorama est grandiose, j'ai pu parvenir sans cette angoisse du Canigou qui semble être restée sous la mer de nuages et je vais rester une demi heure au sommet, moment de solitude et de félicité. Un petit en cas mais surtout je visite les lieux, le parcours continue vers le Roc Nègre
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En mode panorama |
J'étudie les lieux avec la carte, j'essaie de nommer mes voisins quelque peu échevelés, je fais des projets d'avenir, je me verrais bien, un jour d'été, continuant vers le Roc Nègre, quelques 3 km plus loin et seulement 253 m de dénivelé supplémentaire. Mais...il y a ce petit "hôtel" bien particulier, monoplace et peu adapté aux claustrophobes !
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Le petit orri |
Je photographie les sommets environnants, j'engrange des images et des émotions, dans cette si parfaite solitude qui me convient tellement. Et je mesure encore une fois le contraste qu'offre cette montagne dont les sommets à plus de 2700 m sont nombreux, alors que juste en dessous on voit un village, Valmanya, aux toits de tuiles, ce qui est plutôt rare en montagne, avec, en général, des longues vallées d'approche et des toits d'ardoise. Mais ce massif est une muraille érigée sur la plaine!
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Pic du Canigou 2784 m |
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Plaque à vent dans les Tres Vents |
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Et toujours le Neulos en bas près de ma maison, 1257 m |
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Montserrat près de Barcelone |
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Valmanya au zoom |
Ensuite, à 12 h 30 sonnantes, je reprends le chemin à l'envers. Une variante terriblement longue est possible, dans les bois : même pas envie d'y songer !! Mon parcours aérien est si beau !
Je franchis le névé cette fois avec des talonnettes crampons peu efficaces mais sécurisantes et je suis au plus près le sentier, plus confortable que les rochers. Je pense à mon pied ...Et au long parcours. Je marche vite et bien toutefois. La fumée s'est étendue, caresse mes narines à 2200 m d'altitude, parfum de la montagne original
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Au balcon |
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L'immeuble est très haut : vallée du Riuferrer en bas, là bas |
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Sur l'altiplano : descente |
La fumée odorante offre des voilages soyeux aux montagnes, c'est magnifique.
Au passage pentu et glissant, la forêt m'entendra vitupérer sur une erreur de trajectoire me transformant un instant en sanglier furieux mais cela fait partie des moments souriants !
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Descente (suite) dans la pente soutenue qui rejoint la forêt |
2 h 15 plus tard, sans le moindre arrêt , je rejoins mon kangoo au grand soleil...d'été évidemment !
Sans avoir rencontré personne...évidemment !
Mais que j'ai adoré cette randonnée!!
En chiffres :
Distance : 10.2 km
Temps de marche pour le sommet : 3 h 15 (360 m / h en moyenne)
Dénivelé positif cumulé (D+): 1100 m
Temps de marche total : 5 h 30