Tout a commencé par une fuite. Obligée, car je n'avais aucune envie de bouger du coin du feu où le froid et la tramontane à 120 me bloquaient comme une marmotte en hibernation. Un vent fou, froid, exaspérant qui donnait envie de se terrer. Alors je me suis boostée et j'ai filé en Espagne où j'ai trouvé rapidement un ciel serein, un vent nul et un froid certain, surtout dans mon hôtel. J'ai logé mon hôtel portatif à Gisclareny, 1400 m d'altitude, face à MA Pedraforca,(clic), sous des millions d'étoiles. Au terme de 7 km où les pentes de la route varient entre 13% et 15%.
Le village comptait ce soir là un seul habitant : moi !
Mes voisins étaient l'église, le cimetière, la mairie, deux maisons ...et la Pedraforca enneigée.
Gisclareny : le village |
La Pedraforca au couchant |
Au matin...
Mon hôtel: à l'intérieur, moins 2°, dehors moins 4°, mais le froid, connais pas!
Surtout devant ce "papier peint"!
En fait, j'ai un amour de petit chauffage à gaz qui assure le bien être dans mon cocon et un lit douillet. Un chauffage que j'allume soir et matin, pas la nuit.
Ainsi qu' une bonne bouillotte: Lison qui s'enfouit dans la couette.
Comment voulez vous avoir froid devant cela ?
Dans le matin glacé je file sur la piste de terre vers " les empedrats".
Dans la Sierra du Cadi (mon lieu de prédilection actuel, en Catalogne espagnole) ce site est ainsi nommé car le sentier qui suit la rivière Pendis était jadis empierré; chemin muletier qui traversait la sierra pour relier les versants nord et sud, entre Baga et Bellver de Cerdagne.
Le départ, au bord de la rivière Bastareny est à 912 m d'altitude et Bellver à 1035 m. Entre les deux, 17 km qui franchissent le col de Pendis, 1786 m. Je n'y suis pas arrivée, ce qui m'intéressait, c'était le site des "Empedrats".
Les gorges des Empedrats |
restes du pavage du sentier |
Un muret en demi cercle, comme un banc, face à ... |
face à une vasque d'eau limpide dans la rivière |
Le sentier sent bon le sous bois, l'odeur âcre des buis, le sous bois respire la rivière dans un vrai désert humain: là aussi, un seul habitant, moi.
Le "bullidor de la llet" (là où bout le lait) : le lait a trop bouilli, la casserole a brûlé et le lait s'est évaporé; il ne reste que des blocs moussus d'un beau tapis en camaïeux de verts. J'emprunte des images sur internet pour voir à quoi ça ressemble "en eau".
Même chose pour ce curieux chenal taillé dans la roche par l'eau ; pour l'eau (laiteuse et bouillonnante), je repasserai au printemps.
Ensuite, j'entre dans "les Empedrats" par la porte de service: l'entrée de la gorge.
Un imposant relief calcaire au fond duquel coule une rivière aux eaux limpides, en cascades et en vasques.
Un abri sous roche permet d'entrevoir un monde ocre et des vitraux exceptionnellement bleu vert.
Une merveille !
Partout, le chant de l'eau, quelques oiseaux qui ne craignent pas encore l'hiver, des murailles rocheuses et un calme ! Solitude garantie pour qui l'apprécie.
Comment on marche là dedans? Il y a le sentier, muletier, mais dans les gorges, il disparaît parfois au bénéfice des rochers à franchir. Non, c'est plutôt facile quand on a le pied "marin". Et qu'on est habitué à crapahuter mais attention: ça glisse !
Un beau jacuzzi |
L'étonnement, c'est les arbres et les végétaux qui s'accrochent à la roche, puisant leur nourriture on ne sait où et ancrant leurs racines dans on ne sait quoi : magie végétale de ces chênes suspendus dans le vide,
de ces étonnantes "fleurs de roche"
et surtout, surtout, très haut dans les airs, cet arbrisseau qui s'est soudain ravisé ou bien a eu le vertige, ou bien a eu peur du vide...enfin, qui d'un coup s'est ravisé et a élégamment changé de cap !!
Moi aussi, je changerai de cap, plus tard, dans l'après midi, après mon farniente / lecture au soleil d'automne.
Direction l'autre versant de la sierra du Cadi enneigée, par le tunnel du Cadi (5km).
Vous me suivrez dans ma balade du lendemain en raquettes? Altitude 2500 m .