jeudi 29 janvier 2015

La Roca : un village hors du monde

17 mars 2013
La première fois que je suis passée ici, j'ai été très surprise de voir, dans un fond de vallée de montagne, cette roche en forme de chapeau de gendarme, ou en crête de coq, hérissée de quelques maisons.
Un ensemble fort surprenant.
Il s'agit de la vallée du fleuve Ter, en Catalogne espagnole, ou Vallée de Camprodon, du nom du bourg le plus important situé tout près de là.
Plusieurs fois ma route a frôlé ce La Roca, ma route de randonnées hivernales ou non, jusqu'à ce que je me décide, le 1er jour de l'an 2015 à aller voir de plus près ce que j'avais plusieurs fois photographié avec une avide curiosité.





Octobre 2013, dans un joli écrin de verdure dorée

Ce petit village, car c'en est un , s'étale derrière cette roche, au grand soleil, exposé au sud, comme une aïeule sur un banc, lissant les plis de sa robe autour d'elle et profitant de la chaleur du midi.

A la soulane, côté sud

Au fond la roche supportant autrefois le château

Une grande place dallée, un petit parking, un restaurant, des gîtes, La Roca affirme sa vocation touristique qui remplace la vocation paysanne, laquelle se substitua à une vocation défensive et militaire.
Une succession de destinées qui racontent son histoire.

A 1040 m d'altitude, le village a une existence très ancienne, pour preuve son église datée du milieu du 12 ème siècle et son château dont l'existence est avérée à cette époque également.



L'église de la Mare de Deu, remaniée plusieurs fois est située sous la roche et on a découvert au niveau de sa toiture les vestiges d'un ancien chemin de ronde.
Par le trou de la serrure, l'appareil photo insinue son regard indiscret ....


Un long et étroit escalier  fermé d' un cadenas conduit, je crois, au cimetière .

Je ne connais pas l'histoire du village quand mes pas me conduisent tout en haut, au château et je me laisse juste porter par le charme de cette balade en rues.
Plus tard je saurai, mais peu m'importe vraiment l'histoire...
Je saurai que en 1244, le seigneur du château exempte les habitants d'impôts pour éviter le dépeuplement , car tous les villages des environs, écrasés de droits féodaux se vident de leurs habitants.


Je saurai, en lisant l'histoire, la succession de sièges, de changements de seigneurs, mais peu m'importe
Je lirai aussi qu'au 14 eme siècle, ce lieu si petit était considéré comme la meilleure défense des environs. Il est vrai que perché sur un ilôt rocheux en plein centre de la vallée, c'est une étonnante position stratégique.
Et que son voisin le château de Camprodon, à la même époque complétait ce féroce ensemble défensif.
Inévitablement, comme tous les châteaux de système défensif, au cours des siècles il perdra de sa superbe.
On ne va pas épiloguer là dessus. C'est le cours de l'histoire.
Jusqu'au jour où, en 1843, un commerçant de la ville de Vic l'achète . Il change de destinée, pas pour longtemps.
En 1854, l'état procède à l' expropriation et la Seigneurie disparaît totalement.

Plus curieuse de géologie que d'histoire, je me pencherai plutôt sur cette curiosité géologique qui en fit inévitablement un site militaire unique : un éperon rocheux en plein milieu d'une vallée et si haut ! Je ne trouverai aucune explication à ce curieux phénomène; ce n'est pas de la roche volcanique bien qu'il y ait dans cette région de Garrotxa un parc volcanique. Ce n'est apparemment pas un chaos de moraines, non, juste une roche dure non érodée. Du calcaire.  Qui demeura piton fier et majestueux.
Petit cependant.

En parcourant les rues, du château non plus on ne  trouve pas trace sinon quelques pans de muraille pour l'oeil averti qui ne fut pas le mien. Ne connaissant pas l'histoire à ce moment là, je ne vis rien.










Oui, je vis des petites rues et des ruelles escaliers montant au sommet du piton rocheux gris et nu, sous lequel dorment des maisons comme des lézards au soleil.


Lequel piton offre une imprenable vue sur la vallée.






Au confluent de deux vallées






Je vis des murs ocres et des emplacements d'anciens fours, des granges et une vie agricole discrètement évoquée.




Ancien four ?


Les outils agricoles d'autrefois

Je vis des ruelles désertes...c'était un 1er janvier...





Je marchai dans ces ruelles escaliers juste accompagnée par des aboiements. On eut dit un village fantôme.





Quelques objets en fer, fichés dans les murs parlaient seuls à qui écoutait leur murmure :
l'"esquixe calces" (le déchire pantalons) n'a pas besoin d'explication: c'est un des éléments clés des villages catalans du sud au nord !


Une ou autre poignée de porte, des anneaux où l'on attachait chevaux et mulets, paysage familier s'il en est, de nos villages.




Voyez vous, juste un discret village. Hors du monde vous disais je....
Immergé dans les lointains bleutés de son décor

Dans l'or du soir qui tombe

Alors le temps qui coule goutte à goutte s'égrène inlassablement depuis la nuit des temps.


On peut même l'entendre couler ce temps qui fuit, presque endormi.



Additif...c'est où ?





vendredi 23 janvier 2015

Autoroute A9 : un ruban à remonter le temps...


Une petite histoire, à vous conter. Sans grand intérêt.

C'était un jour de cette semaine, parmi tant d'autres. 
Je taillais ma vigne située en bordure de l' A9.

Les danseuses

L' A9 est un ruban de 280 km de long qui relie Avignon au Perthus et donc à l' Espagne, en croisant Nîmes, Montpellier, Narbonne et Perpignan. Et en longeant ma vigne. Au km 266. Donc près du terminus.
Un ruban à 3 voies jusqu'à Perpignan.
Cette autoroute est très fréquentée : de nombreux camions venus de l'Europe et au delà, roulent vers l' Espagne. Puis reviennent. Plus de 2000 camions / heure parfois. Donc je travaille dans le vacarme.



Malgré un superbe décor qui se dessine entre les camions.


Cependant entre Perpignan et Le Boulou, l'autoroute se met au XXL, elle s'élargit pour la 3 eme voie.
Là où je travaille : il y a donc, en plus du trafic,  un important chantier bruyant, animé, que j'observe.
En me souvenant du premier chantier, en 1975, lorsque l'autoroute était en construction.
En images très abîmées.
Cette année là, sur la commune c'était l'attraction.


(Vues ci-dessous) prises à ma vigne qui a fait peau neuve depuis.
1975


même vue, 2015




2015
même chose en 1975

 Tout en travaillant, j'observe et je me souviens...le temps se dévide à l'envers, 
autoroute à contresens...
J'égrène, en taillant, de vieux  souvenirs.

1969 : j'ai 19 ans . Avec mon amoureux, nous sommes étudiants à Montpellier, à 160 km. Insouciants.Nous faisons le trajet avec une vieille 2 CV que nous bichonnons comme un trésor! La route est très fréquentée, l'autoroute n'existe pas, elle est en chantier je ne m'en souviens pas. Elle sera inaugurée 2 ans plus tard. Et se nommera La Languedocienne.




Doubler les camions est un véritable exploit qui demande une technique à laquelle nous sommes rôdés : coller à l'arrière train du camion pour être aspirés par l'appel d'air, déboîter furieusement comme une F1 et espérer qu'arrivés à hauteur du camion on ne sera pas refoulés...vers l'arrière. C'est hardi.

Le plaisir, c'est de faire la course avec d'autres étudiants, eux aussi en 2CV.
Les noms chantent en mes souvenirs : Pézenas, Valros, Montagnac, Nissan lez Ensérune, la Vitarelle...


1975 : un mariage et un enfant plus tard, notre carrière s'enrichit d'une formation à Montpellier. Sous le capot, un CV de plus, nous sommes en Dyane. L'autoroute existe entre Narbone et Montpellier mais nos finances ne nous permettent que les retour, pas les aller. La route est plus aisée et la fête estudiantine revient à pas vifs. D'autres noms chantent : la mer,La Grande Motte,  Palavas, la Plage des Aresquiers où nous campons certains soirs. Un petit canot pneumatique nous accompagne, les copains aussi et les pêcheurs nous offrent des petits poissons qu'on grille sur le sable.



Au retour, par l'A9 toute neuve, à Narbonne c'est "Tout le monde descend" : le ruban 2 fois 2 voies amorce une courbe élégante qui se perd dans les pins, la terre et son destin...Ce sera la petite dernière : Perpignan Narbonne mai 1978.

Pendant ce temps l'autoroute se construit chez nous , à grand renfort de monstrueux engins, les scrappers. Nuages de poussière et bruit infernal. Curiosité  ambiante. Inquiétude aussi; notre paysage va t'il être à jamais défiguré ?
La vigne qui sera mienne plus tard est amputée d'une moitié, d'autres plus ou moins mutilées. C'est la rançon de la modernité.

Mon amusement du dimanche est de rouler à fond de train sur l'autoroute en chantier, en 2CV toujours, avec l'enfant de 4 ans qui rit comme un petit fou ! (je ferai la même chose 32 ans plus tard sur la LGV)


1975
1976 : l'autoroute peaufine son cours et le 30 juin 1976, le tronçon jusqu'au Boulou est inauguré.
Une 2CV
Jour de la mise en service

Vers le Sud : faible trafic ce jour là

D'hier

et d'aujourd'hui
(2013, 1ers jalons de l'élargissement)
La circulation est faible, les camions s'imposent vite et les vacanciers remplissent les voies tout l'été.
C'est la Catalane, qui fuit vers l' Espagne et sa promesse d' Eldorado saisonnier.
Le département pousse un grand soupir : finis les bouchons de 30 km.
Le dernier tronçon entre le Boulou et le Perthus s'est construit il y a longtemps, à grand renfort de ponts et viaducs, de drames aussi., hélas..

39 ans ont passé....
L'autoroute a fait partie du paysage, sa déchirure jaune et laide s'est habillée de vert, d'arbres et de végétation, s'est incluse discrètement dans le quotidien, comme a fini par le faire sa proche voisine, la LGV.
La vie passe au rythme des saisons, des trains et des camions...

Le trafic a gonflé , enflé, débordé, les 3 voies bien ancrées ailleurs vont enfin voir le jour ici . Ainsi les camions passeront au ras de mes rangées de vigne...Sans que j'y prête davantage attention.




mercredi 21 janvier 2015

Une trouvaille symbolique.

Dans mon dernier billet je raconte ma rando catalane : terre catalane, groupe catalan,
 langue catalane.
Voilà qu'au plein coeur de cette étonnante randonnée, je fais une bien étonnante découverte.
Etonnante à deux titres:

A l'entrée d'une grotte qui servit d'abri aux bergers, mon regard est attiré par une petite pièce ronde et toute noire sur le sol. Je ramasse l'objet, une pièce de monnaie sur laquelle se devine un lion.



" C'est une pièce de 1870" me dit l'érudit du groupe après un rapide coup d'oeil.
" C'est de l'époque du Gouvernement provisoire" ajoute t'il, et, effectivement, après dépoussièrage de l'objet, apparaît la date : 1870.

Il me raconte l' Histoire que j'ai complétée avec Wikipédia.



En 1868, en Espagne, régnait Isabelle II, qui fut "renversée" par la Révolution de 1868.
Réfugiée en France, elle abdiqua en 1870 et fut remplacée par un Gouvernement Provisoire, celui d' Amédée de Savoie, lequel en 1873 céda la place à la République.
Pendant le règne d' Amédée dit Ier (1870 - 1873), des monnaies furent frappées.
Celle - ci en est une .

Plus petite et plus mince que nos 5 cts d'euro, elle est en cuivre, pèse 2 grammes et a été tirée à 116 000 exemplaires ce qui ne lui concède aucune valeur marchande puisqu'elle vaut environ 6 euros.






Une de ses faces représente une femme, mais la 2nde face est plus intéressante.





















Le lion tient entre ses pattes un écusson représentant 5 Royaumes d'Espagne.


Aragon et son écusson,
Léon et son Lion,
Castille et son château,
Navarre et son entrelacs de chaînes
Grenade et une pomme ouverte comme une grenade.





Polie et nettoyée elle a retrouvé son éclat premier, tel qu'il était lorsque un inconnu la perdit devant la grotte entre 1870 et 1873 voilà 145 ans. En attendant que je la ramasse.

Amédée de Savoie



Mais ce qui me surprit le plus, c'est la symbolique de cette trouvaille.
Mon véritable prénom (pas Lison) est très rare, il n'existe à vrai dire pas.
Quand je suis née, il y en avait quelques unes dans mon département et dans ma famille. Je me plais à dire qu'on ne le trouve que sur des plaques tombales.
Et ce prénom est le féminin...d' Amédée!

Alors trouver au milieu de nulle part une pièce d' Amédée 1er par 
une Amédine c'est ...pas ordinaire.
N'est ce pas ?