mardi 30 avril 2019

Sansa (66) : comptage du gros gibier en montagne

Ou une randonnée vraiment originale.
Ce samedi 27 avril, c'est jour de comptage dans tout le Massif du Madres. Chaque commune a son (ses) compteur(s), adhérent (s ) de la société de chasse. Sansa ne déroge pas à la règle et je compte parmi les invités même si je ne suis pas compteur. Je compte me régaler et je serai juste conteur, à postériori. Donc me voici.

Je suis arrivée la veille au soir, invitée par mon ami Jean Claude, chef de battue. Je ne sais pas ce qui va se passer, je n'ai rien demandé, j'aime les surprises.
Après une nuit fraîche dans mon camion sur le parking du minuscule village de 20 habitants, me voici aux aurores, prête dans un matin presque glacé. On grimpe tous les trois dans le 4x4, JC, Tap (=bouchon) le petit chien et moi. En route pour 6 km de piste de montagne, trajet sur lequel nous verrons plusieurs dizaines d'animaux qui ne font pas partie du décompte . Pourquoi ? Parce qu'il y a un parcours bien défini, un trajet réglementé , mais je vous montrerai.

Rec de la Coma de pinosell


Le chien Tap est à la fête




7 h 45, nous démarrons à pied sur la piste gelée, tandis qu'un peu de brume rôde sur les hauteurs, sur les sommets, nous sommes à 1780 m d'altitude, en limite de végétation, les forêts de pins.
Tap est content, il sait qu'on ne va pas à la chasse et qu'il doit se taire, tout simplement, ce qu'il fera tout le temps. Et rester près de nous, sans courir après les animaux.  Il sera un chien stylé !


Au sud : Cambre d' Ase

Et Malaza, somptueux
A nos pieds, Sansa, 1440 m
Très vite "on" aperçoit les premiers animaux; je dis "on"...vous pensez bien que oui, je les vois, quand on me les indique et que je scrute! JC est équipé, en plus de son road book, d'une excellente paire de jumelles mais son oeil exercé lui indique le moindre animal sans besoin de jumelles.Elles lui indiqueront de quel animal il s'agit, si c'est mâle ou femelle, petit de 2 ans ou plus jeune...je suis sidérée! Mais cela fait partie de son univers de chasseur.
Et je ne suis pas au bout de mes surprises. Par exemple j'appends  que la chevrette, femelle du chevreuil, pendant sa gestation, fait une diapause embryonnaire (comme le blaireau ou le kangourou) c'est à dire que pendant 170 jours,, l'embryon ne se développe pas et la gestation reprend en décembre pour une mise bas en mai.

Mouflons

La piste se termine sur un vaste belvédère où les jours de grand vent on est jeté à terre et on se réfugie pour écrire dans le refuge mi chasseurs mi berger; un beau refuge rénové, bien équipé et propre. Avec vue unique !
JC note sur sa page , sa mémoire est indéfectible.

Au refuge 
Ensuite nous empruntons un sentier de chasseurs, certes pas balisé mais construit à la pioche, qui fera le tour du cirque quasi en courbe de niveau, tantôt en pelouses, tantôt en forêt. On croise des ruisseaux, des mouillères, des névés, des bourbiers, quelques rochers.




Lande de gispet et temps maussade

Un cerf avec ses nouveaux bois

La page où sont répertoriés les animaux

La carte IGN et le calque avec les points de passage

Scruter à la jumelle

Nous faisons le parcours sans mot dire, ou à voix basse, sans bruit, mais j'apprends des tas de choses, toutes surprenantes pour l'inculte que je suis.  JC est un puits de science et moi une bonne élève, attentive et appliquée.
Je m'use les yeux à scruter, les oreilles à écouter mais je n'entends que la mélopée du vent, et je ne vois que peu d'animaux alors que des flocons de neige volettent autour de nous sous le vent glacé.
Un somptueux paysage Nous fait face, au sud. Au dessus de nos têtes veillent le Pic de la Pelade et la Roca Foradada, la roche percée. Nous sommes à 1940 m ce sera notre altitude maximum.

Le paysage terni et la Roca Foradada 2227 m

Les pentes du Pic de la Pelade 2370 m , un repaire d'isards

Ravin dans des pentes ardues 
Photographier ces animaux est difficile, sont-ce eux qui bougent ? Moi qui tremble ? La distance perturbe ma main et le zoom. Mais qu'ils sont beaux !




Les villages de Sansa et Railleu resteront dans notre ligne de mire. Nous nous enroulons autour de ravins qui mugissent et croisons la route de minuscules "orris", cabanes de bergers, en pierres.
Chez moi, les vêtements d'été sont de sortie, pour étoffer ceux d'hiver.

Railleu

Les forêts sont entrecoupées de zones déboisées (par les coups de vents ou d'anciennes avalanches) où croit le genêt purgatif pas encore odorant. En ce jour froid la forêt n'a pas d'odeurs. Je vois (et oui ça m'arrive) un groupe de biches immobiles, toutes proches (c'est pour cela) et JC m'explique que ma tenue rose les rassure : nous ne sommes pas chasseurs donc ! Je n'avais même pas posé la question de la couleur. Ignorante que je suis!
Railleu en bas et pourtant perché à 1200 m


Hormis les forêts, le paysage ambiant : ici zone déforestée couverte de genêt purgatif





La pause casse croûte est la bienvenue, sitôt croisé le dernier cerf.  Dorénavant nous n'en verrons plus c'est l'heure où ils regagnent les forêts pour ruminer. Mais le bestiaire ne sera pas pour autant tari.

Pause casse croûte 

Et JC continue : "là bas..regarde...il boite...il y a un petit collé contre elle...et maintenant, faisons une pause, ils vont sauter en bas des rochers et se reposer."..etc....on dirait qu'il fait partie des groupes !
Dans les forêts nous suivons le sentier de chasseurs et louvoyons entre les névés bien gelés.
De nombreux arbres portent l'empreinte des cerfs qui marquent leur territoire mais se débarrassent aussi de leur duvet en se frottant aux arbres, polis et luisants.



Petit orri monoplace

En limite de communes : Oreilla et Sansa  et le paysage au sud

Un bon coup de zoom
Un bon coup de jumelles



Passage en mouillère


Le dernier troupeau est important, avec beaucoup de petits, 10 animaux qui nous précèdent dans une pente conséquente : 450 m de dénivelé sur un bon 35 / 40°. On ne file pas bon train dans ce terrain hors sentier mais j'adore !
On plonge dans la pente qui est bien peuplée !

Descente vers le ruisseau

 On parvient ainsi au ruisseau et aux vestiges du passé : chemins de bergers, chemins de paysans, on cultivait le foin autrefois dans cette vallée où sautille un ruisseau.

Franchi le ruisseau, dernière séance écriture

Tap patiente



















Nous le traversons, le suivons un peu puis prenons l'ancien chemin de Salères qui nous ramène à Sansa; on ne verra plus un seul animal mais l'hiver,sur cette "solana" (adret) proche du village, ils prennent leurs quartiers, bien abrités. Sansa se dessine avec ses toits d'ardoise, ses deux églises et sa route exigüe. Nous avons parcouru une bonne dizaine de km. Et un bon rôti nous attend !


Ancien chemin d'exploitation des prairies

Ancien chemin de Sansa

Et la route, minuscule


Sansa se rapproche
C'est un village terminus, la route ne va pas plus loin


Après le repas de midi, au chaud entre les murs, mon vaillant petit camion prend la piste pour aller chercher le 4x4 et j'ai ainsi l'insigne honneur de parcourir 3 km de piste interdite . C'est le sel des montagnes.

La piste interdite

Au final nous avons recensé 232 animaux dont ceux du matin non comptabilisés: énorme, dis-je...peu me dit JC, il faisait trop mauvais on aurait pu en recenser bien plus. Alors...à l'année prochaine ?








dimanche 28 avril 2019

Fascination dans le Canyon du Tremenet (11)

Il est, dans le département de l'Aude, un village chargé d'Histoire, Termes, surplombé par un imposant château, en ruines, certes, mais que l'on peut visiter et qui n'a rien perdu de sa superbe.
Classé Monument Historique depuis 1989, il appartient à la commune. Dès le 11 eme S il figure dans les écrits mais sa grande page d' Histoire s'écrivit en 1210 au temps des Croisades. Un siège épique dont les murs se souviennent encore.Il devint place forte sur la frontière d' Aragon pendant 4 siècles et fut détruit en 1654 sur Ordre Royal.
Mais ce n'est pas de lui que je vais parler , bien qu'il ait un lien très fort avec les Gorges du Tremenet; celles ci constituaient une barrière redoutable sur un de ses flancs : 184 m de différence d'altitude entre le château et ce fossé naturel, 184 m d'infranchissables éperons rocheux..


La première cascade accessible à tous : fin du canyon

Le Canyon en lui même est très court, 350 m entre son entrée et sa sortie. La petite rivière nommée Le Sou entre dans un relief calcaire constitué de marbres du plus bel effet, rose ou bleu.

Marbres roses et bleus polis par la rivière

Marbre brut


Le seul endroit accessible au tout public se situe à la sortie du canyon, un lieu remarquable de beauté.
C'est un véritable choc que d'arriver là, en rive gauche, après un joli sentier en forêt qui ne laisse rien augurer de ce décor. On entend la rivière, on n'imagine pas.


Une paisible rivière nommée Sou


Bien sûr je tente de monter en haut de la cascade mais il faut escalader et surtout je n'ai aucune envie d'abîmer ce décor de mousses et tuf en formation, sans compter que c'est dangereux.
Toutefois ma curiosité est piquée!

Tuf sur un ruisseau affluent

Tuf et mousses à la cascade

Tuf séché : une roche alvéolée


Mon sentier de "chèvres"



J'aperçois, sur la rive escarpée, un sentier dont je ne sais s'il est humain ou animal mais je m'y lance et j'ai l'impression de remonter un couloir d'alpinisme, style Vermicelle, à sec. La pente dépasse les 55 ° vers le haut. Je tiens bon et j'émerge sur la route à l'entrée du tunnel.
                                                                                                       


J'entreprends de traverser les deux tunnels; le 1er est court et salue le passant par quelques panneaux mais comme il est interdit en voiture de s'arrêter, qui peut les lire ? J'ai cet heureux privilège.
Le 2 nd tunnel est long, plus de 100 m, non éclairé, traversé par des oiseaux qui y nichent et tapissé de toiles d'araignées . Qu'importe, personne ne me dérange, je me plaque au mur le temps de passage d'une voiture .


Les 2 tunnels, l'entrée et la sortie du canyon
sont de part et d'autre des tunnels










Juin 1903, percement du tunnel
















Entre les deux tunnels, je me penche sur le vide mais je ne vois aucun "accès piéton" . A la sortie du 2nd tunnel, la rivière est accessible car c'est là qu'elle va faire le grand saut. Je descend jusqu'à l'eau, c'est aussi je présume le chemin qu'empruntent les canyonneurs; il n'y a aucun autre accès. La rivière me barre la route, alors je quitte le pantalon et pieds nus, je m'avance jusqu'au bord du vide. Cela donne une envie folle de satisfaire la curiosité mais cette roche lisse, creusée de marmites ne donne aucun droit : ni de passage, ni à l'erreur. Un grand saule, les pieds dans l'eau, gît, à demi couché mais porte sa moisson de chatons, il n'a rien d'un moribond.

Le saut du Sou: départ du canyoning


Je me contente de ça
J'aimerais mieux cela

Je remonte sur la route, à demi satisfaite: j'ai vu l'entrée, la sortie, et plein de promesses, bruyantes, certes, mais muettes.
Je reste sur ma faim de sensationnel.
Chemin à l'envers. Au débouché du long tunnel, là où je n'avais rien vu, un accès se dessine comme s'il avait poussé entre temps. Un petit mur de soutènement est à franchir en désescalade (saurai-je le remonter?) et un chemin escarpé de chèvres conduit au coeur du canyon. En un rien de temps me voici dans un site enchanteur caché pour qui n'emprunte pas ce trajet...




Je me promène un peu vers l'aval, perchée entre des blocs, je vois la rivière s'engouffrer sous des blocs, franchir un goulet sous un rocher coincé, descendre une cascade et partir bien plus bas, de vasques en goulets. Il est même un trou percé dans la roche par où passe la rivière lorsqu'elle est gonflée par des pluies. Cela se perd entre les hautes falaises, dans un bouillonnement d'eau et un écho répercuté par les parois.
Passage couvert : un grand saut tonitruant


Au débouché du passage couvert, après le saut



Un monde à part
 Je suis dans un monde à part, là où peu d'humains, hormis les canyonneurs ont accès. Je remonte et si je fais un selfie, ce n'est pas par forfanterie, c'est pour donner une idée de la déclivité.




Me voilà en haut, juste en dessous de la route et je ne sais comment remonter le mur. Heureusement j'aperçois un piton scellé dans la pierre, preuve que je ne suis pas la seule...et je m'y accroche, me tractant à la force des doigts. Ouf !
Je reviens au camion où Mathurin m'attend, n'imaginant rien de mes "délires".


Mais la Providence est au bord de la route , une Anglaise (ils sont nombreux par ici) m'indique un autre accès pour entrer dans le canyon, sur la rive droite cette fois. "Je reviendrai" lui dis-je...mais...je ne peux résister et je me mets à la recherche du chemin, à partir du parking cette fois. car le stationnement est TRES réglementé, ce dont j'ai fait fi.

J'abandonne Mathurin et je repars à travers bois vers la sortie du canyon, en suivant les indications de la Dame . Mais avant la cascade, je tourne résolument à gauche, en suivant le cours obstrué de ce qui fut sans doute l'alimentation d'un moulin et je traverse à gué la rivière.



Il ne me reste plus qu'à suivre un panneau puis un sentier barré d'une croix ce qui signifie "c'est pas par là !". C'est évidemment par là... J'arrive sans peine au pied de la cascade que je n'ai pu franchir mais, en rive gauche, le sentier  est muni d'une corde qui permet d'accéder au site enchanteur.

Derrière la cascade se trouve une grotte
Et là oui c'est l'enchantement, mètre après mètre jusqu'au terminus parce qu'arrivée ici, on ne passe plus. Ni sur les falaises de droite, ni sur celle de gauche, j'escalade tout ce que je peux; on pourrait juste nager jusqu'au saut du lit de l'eau ; pas envie. Je suis dans un paysage de dalles lisses, creusées, percées, travaillées, polies, bleues ou roses, du marbre tout simplement au toucher de grande douceur. C'est d'une beauté que sublime le calme, la solitude, l'eau, la couleur des algues, que dire ? Il faut le vivre...
En images :

En remontant le cours d'eau






Entre deux très hautes murailles

Haut perchée rive droite

Au ras de l'eau


Haut perchée rive gauche

J'ai escaladé jusqu'au dessus du petit pin

Un lit tourmenté
Et un lit tourmenté



Pistachier térébinthe



Ancienne formation de tuf
quand le cours était bien plus haut
Des végétaux en émergent

Tableau minéral
formations calcaires


Etrange texture minérale

Le dernier saut, le canyon se termine là


Mais Mathurin m'attend avec sa patience faite chat, ce qui est aussi un cadeau de la vie.



Additif : plan, photo aérienne et coordonnées du site, source géoportail




Coordonnées GPS du PK obligatoire (et payant l'été)
Source Géoportail



le site en image  (Géoportail)