mercredi 1 août 2018

L'arête de la Serra de las Ximeneas

Quelques explications pour les non initiés : une montagne comporte des sommets ou pics , de forme pas toujours pointue et pour accéder à un sommet, on parcourt parfois une crête, c'est à dire un chemin qui domine les deux versants de la montagne. Voilà pour une montagne classique. Et puis il y a des montagnes plus fantaisistes dont la crête devient arête, soit un parcours très effilé, fait de rocs qu'il faut parcourir en général en escalade et en désescalade (avec les mains) car ça monte et ça descend, c'est un profil en dent de scie. Où tout le monde ne peut aller, car ce n'est plus de la rando. Il existe même des arêtes qu'on ne parcourt qu'encordés , munis de harnais et mousquetons, pour simplifier.
Les versants de cette arête sont abrupts, creusés de tranchées verticales nommées couloirs ou cheminées. Qui se montent en alpinisme l'hiver, en glace et neige.
J'avais déjà parcouru seule une arête, au Malaza,(clic ici) longue de 1.04 km et c'était ma première fois. Je n'ai pas refait, depuis, malgré mes envies.

La Serra de las Ximeneas (cheminées) répond à cette description sauf qu'elle est plus courte (0.5 km)  que celle que j'avais faite, plus en dent de scie et plus difficile.
La voici , vue du Pic Carlit son voisin  (qui en a une aussi)
Arête de la Serra de las Ximeneas, voyage au dessus des couloirs (ou cheminées)



C'est Marcel qui m'a proposé cette balade aérienne et je suis très impatiente. Sans appréhension. On passe la nuit au refuge de Coma Joan (qui n'a plus les pieds dans l'eau) car le début de la randonnée est le même que pour les voisins Coll Roig que nous avons salués de près voilà 15 jours. Je me passionne pour le secteur, ce sera ma 3 eme évolution dans le site. A 2 h du matin une petite angoisse me prend mais je ne change rien à l'histoire et je me rendors, impatiente d'en découdre.
Il fait froid dans l'ombre : alt plus de 2300 m

7 h du matin : nous quittons la cabane dans le petit matin d'une journée sereine. Grand beau temps est là, il sera le compagnon de route. Marcel voyage en mode promenade, moi en mode impatience. Et on avance dans les lieux familiers. Pour moi c'est encore plus familier puisque, seule, dimanche dernier je visitais le secteur en longue distance. Nous marchons longtemps dans l'ombre et je savoure le froid en pensant à la chaleur torride d"en bas". Mes pieds sont glacés, qu'importe.


Montée vers les lacs dans les moraines


Enfin au bout du vallon, il faut aller rejoindre les lacs de Coma d' Orlu qui étaient mon but initial la semaine passée; ainsi aujourd'hui ce sera 2 randos en une.

Marcel peste depuis longtemps contre la longueur du trajet, ce qui ne sert à rien car les tout droit dans ce décor sont quasi impossibles. Il y a des rocs partout dans ce cirque glaciaire, une bonne mise en jambes pour ce qui nous regarde depuis là haut : l'arête. Le premier lac a décidément une forme bizarre, surprenante vue depuis en haut, simplement tourmentée vue d'en bas.

1er lac de Coma d'Orlu, 2450 m
 En bas c'est quand même 2450 m. Je le trouve beau mais en été tous les lacs, habillés de bleu, sont beaux.

 On le contourne par le chaos rocheux et on grimpe vers le second,  100 m plus haut dont on n'abordera pas aux rivages. C'est étonnant, je retrouve des similitudes de paysages avec des lacs de Ximeneas en Espagne.

2 eme lac, 2520 m

Une partie du trajet est accomplie, les festivités vont commencer. On fait un plein de carburant, la montée va être rude; une pente de 205 m de haut à 36° de déclivité nous attend. Du costaud, déjà. J'adore ce type de relief, Marcel déteste et un homme qui déteste, ça manifeste !! Pour le motiver je lui dis qu'on est sur "el cami del cel" (le chemin du ciel), effectivement, il ressuscitera dès qu'on touchera le bleu du ciel ! Psychologie quand tu nous tiens...Marcel ne voit pas de la psycho mais de la moquerie; peu importe ça le motive. Tant et si bien que sur l'arête, il filera comme une locomotive. Mais nous n'en sommes pas là. Les lacs s'amenuisent dans notre dos, le paysage s'élargit et je savoure, de fort bonne humeur. Même les nombreux isards s'arrêtent pour écouter ma joie ! Ou encourager Marcel.


250 m à 36 ° : roche et gispet


le 1er lac et sa forme bizarre



Presque sur l'arête

Le petit col qui donne naissance à l'arête est laissé sur la gauche, on attaque la balade suspendue par un drôle d'apéritif : ça.


C'est ça ! on va y aller

Immédiatement Marcel retrouve sa joie, il est dans son élément et moi aussi bien que néophyte. On prend un train d'enfer et je le regrette, j'y retournerai un jour,  seule,  pour savourer.

Et c'est parti


Parti pour 1/2 km sur le fil

Ces schistes feuilletés du départ sont tranchants et offrent de bonnes prises. Je manque d'y lacérer ma main, prudence donc. Et j'empoigne, je valse, je grimpe, sur des dentelles de pierre au dessus de vides impressionnants; le regard se perd dans le regard bleu des lacs, les sommets noirs, les cirques pâles et rocheux, les murailles rouges des éboulis, les couloirs véritables saignées verticales. C'est magique.


J'ai choisi mon chemin, sur ce dièdre

La vue vers le bas est vertigineuse : lacs de Coma del Forat

Marcel et moi n'empruntons pas la même trajectoire, c'est exigu mais chacun trouve son chemin. Je vois Marcel louvoyer entre les rocs, les dalles, les empoigner, jouer à cache cache, avec la roche comme avec moi. Sacré Marcel, il a bien ressuscité, le terrain lui plait !. Je prends le temps de faire des photos. Je musarde un peu, j'admire le paysage, je plonge mes yeux de chaque côté, dans les lacs, sur les pics, au loin dans les vallées.. je prendrai 58 photos pendant que Marcel "trace"...sûr qu'il doit me trouver lente !! Soudain Marcel fait demi tour, on ne passe plus : "un surplomb" m'annonce t'il. En guise de surplomb, c'est un toit , un auvent spectaculaire. Je le contourne mais je vais le voir de plus près.

L'auvent du toit d'ici
Comme les pieds d'un pachyderme allongé

Sur ce relief, on monte, on descend, en marche avant ou à reculons, ce qui est plus sûr, bref, on escalade et désescalade. De plus l'arête par elle même monte et descend, ondule comme le monstre du Loch Ness dont la tête est le sommet à 2755 m. Nos voisins, sur le Carlit, sont peu nombreux.

Sommet du Carlit en ombres chinoises

La dernière descente sera finalement la partie la plus "dure", plutôt la plus fatigante. Sur une centaine de mètres.
Carlit et lac du Forat, côté est

Le Lanoux et son écrin rocheux, côté nord

Lac de coma d'Orlu : côté ouest



Je m'éclate sur le fil



La balade se finit , j'en redemanderais presque...Mais la descente du sommet est longue et fatigante.


Sommet : 2755 m


Une partie du trajet parcouru

Toutefois,  ce qui nous reste à faire ce n'est pas du facile non plus : un grand couloir herbeux, très pentu lui aussi servira accessoirement de toboggan ! Je plonge sans dommage; c'est juste couvert d'une herbe, le gispet, une véritable patinoire. Quel marcheur ne s'y est pas pris au piège !


Raide descente en gispet puis en blocs rocheux

Lac de coma d'Orlu et son bric à brac de rocs


Encore des rochers ! Et oui ce cirque glaciaire a gardé quelques meubles de ce temps là, un certain bric à brac que personne n'a jamais rangé.
On choisit un coin de pelouse pour le repas de midi.

Face au Coll Roig, son Pic et son "mur"
Avant que de retrouver un autre bric à brac un peu mieux ordonné, un sentier cairné y passe, des rocs ont été poussés.Le chant de l'eau nous rejoint, porté par le vent léger; les chevelures blanches des montagnes, bien qu'appauvries sont encore là.

Cette montagne à l'air si "mou" c'était notre arête...
Mais au zoom cela donne ça !!
On a presque marché sur la lune !
La descente s'effectue sous un ciel encore serein malgré ses nombreux visiteurs nommés nuages; c'est beau. A la cabane, on récupère nos affaires, pas moyen de baguenauder dans l'eau, il faut à présent aller la chercher plus haut dans les rochers; et des rochers et bien...on en a un peu soupé !
Un petit changement de pneu (un seul) et 3.8 km plus loin, c'est la détente à la buvette du lac : je m'offre un plat de frites.
Finalement, il m'en faut peu pour être heureuse : une arête et des frites....



Additif : 
Après l'ascension de Carlit le 19 août, quelques images

Vue d'en haut

Vue d'en bas




7 commentaires:

  1. C'est sûr que je ne pourrais pas te suivre .....tu es dans un forme extraordinaire tant du point de vue physique que mental....bravo

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    1. Tout à fait (pour la forme) pas pour l'impossibilité de ma suivre...et c'est qui ce gentil commentaire ? une petite idée peut être...Nicole ?

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  2. Génial Amédine ! Tu vas au bout de tes rêves et tu les fais partager. Un bonheur de te suivre...........de loin (du 11)...lol

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    1. Et bien apprête toi encore à crapahuter derrière moi en virtuel car dans la réalité...hihi, là je meurs à te suivre

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  3. Bonjour Amedine. Je viens de faire cette arête de la serra de ximeneas aujourd'hui. J'avais repéré sur ton blogg cet itinéraire et je voulais te remercier de la suggestion. Super course d'arête. A bientôt

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    1. Merci c'est sympa et c'est une très belle arête que je viens de retrouver dans les Hautes Pyrénées pour parvenir au Pic de Lustou, 3023 m, mon dernier article. Je ne sais si on se connaît mais à présent par suggestion de "promenade" (je ris) aérienne, oui

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