Cela me plut tellement que le dimanche suivant, j'y retournai afin d'aller arpenter les hauts plateaux, au fin fond de la vallée, ceux qui s'apparentent à l' Altiplano Bolivien..
La vallée du Ressec ou de Mantet "Route" vers l'Altiplano |
Mantet |
Le sentier balisé de jaune perd vite ses marques et donc moi les miennes ce qui me vaudra un demi tour et une re descente inutiles, j'étais bien sur le bon sentier . En effet il ne suit pas la rivière après passage de la passerelle et grimpe allègrement en forêt alors que je l'espérais en bord d'eau. Une montée très vive qui conduit à une clairière bordant un grand promontoire rocheux lequel permet un point de vue superbe. Il ne reste plus qu'à se laisser guider par un sentier en forêt, à flanc de pente, quasi rectiligne, montant sans efforts, régulier et plaisant.
Jasse de Cap de Roc 1974 m |
Me voici à Cap de Roc 1974 m; Lucien et Michel, me précèdent depuis mon demi tour et sont mes guides : ici une source, là des coscolls, et puis les épinards sauvages...j'apprends des choses. Je ne reste pas dans leurs pattes mais eux ne me perdent pas du regard jusqu'au moment où se séparent nos routes. Je prends le temps de visiter ! Eux connaissent. Ils vont récolter.
Ce jour là j'irai jusqu'à la côte 2150 environ ; la rivière est devenue ma compagne j'en ressens la fraîcheur sur mon pied maussade et très douloureux depuis le départ. Je rencontre d'intéressants vestiges sur une toute petite surface : des restes de mines de fer ? Une ancienne forge ? Le mystère demeure...
Trouvailles minérales |
Toutefois je m'offre une ascension en belvédère, celui de Cap de Roc, à 2058 m qui domine la vallée de l'Alemany et quelques "comas". La chaleur est intense et la soif bien vive.
Le "Coscoll" ou angélique sauvage prisé des catalans (tiges en salade) |
Une soif de fou ! Cap de Roc 2058 m |
N'empêche cela valait le détour....
( 11 km AR pour 700 m de dénivelé)
Une partie de mon trajet Et les perspectives à venir |
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Jour 2 : dimanche 18 juin
Même lieu, presque même heure, même trajet mais cette fois avec une belle et vaste prolongation en perspective. Objectif, les Hauts Plateaux.
Comme tout a changé en une semaine ! La montagne c'est tellement changeant ! Le sentier a été nettoyé, plus la moindre fleur ne se penche sur mes pas. La rivière grossie par l'orage tonitrue à souhait . Je file bon train, je connais le chemin, j'ai la forme et du boulot en perspective. Bientôt au sortir de l'épaisse forêt, le paysage est bouleversé . La grêle du violent orage a créé des ruisseaux charriant des montagnes de débris: fleurs, feuilles, herbes de la pelouse, branches et pommes de pin décimées.
Vératre en lambeaux |
C'est le chaos: les rhododendrons n'ont plus une fleur, les vérâtres et gentianes pendent comme des rideaux à lanières, framboises et myrtilles seront absentes du paysage estival, c'est impressionnant ! L'air seul a de la gaieté, il n'est qu'un immense chant d'oiseau rivalisant avec le mugissement du torrent.
Le vératre (avant la grêle) |
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Joli passage sur le Fourquets 1940 m |
J'arrive rapidement au terminus de mon parcours précédent et la nouveauté s'ouvre à moi en même temps que le paysage , avec la disparition du sentier et de la forêt. Mais je ne peux pas me perdre !
Cirque d'el Callau, en fond la Portella et le Roc Colom (à gauche) Alt 2300 et plus |
Insolite : il a poussé sur le roc |
Naissance de la rivière de Mantet |
Le cirque est un réservoir d'eau |
Les guides siffleurs du jour |
Au lieu de suivre la rivière, pour éviter la dernière rampe et ne pas faire de méandres, j'oblique en courbes de niveau au milieu des rocs, des ruisseaux, des arbres épars, des marmottes : solitude complète, immensité d'un cirque grandiose, derniers névés et, sur les crêtes, des chapelets de silhouettes qui arpentent les portes du ciel. D'un pas rapide. Ombres chinoises sur un bleu dur.
M'y voici aux portes du ciel : la Portella del Callau, 2387 m. 3 h 17 de marche et 1000 m de dénivelé. 10 km aussi.
Côté France : montée à la Portella en pente douce |
Côté Espagne, descente de la Portella en pente brutale |
Je prends le temps de savourer le paysage et mon en-cas, face à l'Espagne. La ligne de crête toute douce et pierreuse bordant l'altiplano, est bien fréquentée. Ils ne font que passer à quelques mètres de moi. Pressés. Qui vers le Roc Colom, qui vers l'ouest, autres Portellas, autres sommets. Jusqu'à Hendaye même pour une jeune aventureuse n'ayant pas seulement une carte !! Juste quelques feuillets épars d'un trajet internet...léger léger...
Sol de l'altiplano |
Reliefs rocheux sur l'altiplano |
Imaginez un immense plateau en pente douce, couvert de roches petites et blanches et d'une végétation rase. A perte de vue. Quelques anciens cirques glaciaires mordent ce plateau, celui que je viens de quitter en est un. Côté Espagne la fracture est brutale et des précipices s'ouvrent, encore encombrés de névés. Ce sont aussi des cirques glaciaires. Imaginez une immensité peuplée de rares silhouettes filant bon train , imaginez le silence...Imaginons les tempêtes d'hiver que rien n'arrête, le blizzard, les vents hurlants, ou l'orage et les trombes d'eau...Imaginons les nuits étoilées et glacées de l'automne où on entend seul le craquement du gel...Je reprends ma route à travers ce plateau où l'on pourrait errer sans fin.. Et se perdre sans fin dans le brouillard...Je crois aller au Pic de la Llosa mais ces cairns ne le sont pas. Altitude 2440, ce sont "Els Rocs Blancs".
Gra de Fajol 2714 m |
Tout le secteur, à perte de vue est couvert de quartz laiteux. Et pour la petite histoire bizarre, ce plateau s'élève de 6 mm par an !!
Là s'impose un choix difficile : revenir par la vallée de l'Alemany, qu'il faut aller chercher fort loin? Revenir par le même chemin de ce jour, ce qui ne m'intéresse pas? Ou alors...bien sûr par le Pla Ségala, trajet nouveau mais long. J'ai déjà parcouru 11 km, autant m'attendent. C'est vite décidé : la nouveauté m'attire et j'irai bien saluer, en prime, le Roc Colom à 2507 m, tout proche. Avec sa colombe blanche, il est noyé dans un univers d'un blanc pur qui ne le change pas de l'hiver.
Quartz laiteux |
Le Roc Colom |
J'oublie la colombe au profit du vélo qui m'a doublée me faisant croire à l'hallucination de l'ivresse des cimes ! Le jeune catalan avale les sommets en souplesse! Son beau vélo fait sensation et lui aussi.
Insolite au sommet : 2506 m |
Et le cycliste va là haut .... Costabonne : 2465 m |
Retour par l'altiplano : Plans de Canmagre |
le Pic de la Dona (femme) et son drôle d'aspect côté est |
L'altiplano et son chapeau |
Descente vers le Pla Segala 2200 m (prairies au bout de la pente) |
Pla Segala |
Et les souliers autour du cou |
Point de paysage grandiose, point de vie, point de relief...que suis je venue donc chercher ici où je me sens si bien? Je vais marcher quatre heures et demie sans jamais m'arrêter, tantôt nu pieds tantôt chaussée, ne me retournant jamais pour ignorer les nuées, ne m'alimentant pas, ne buvant pas par mesure d'économie, un peu en automate, d'une foulée cadencée et régulière. La descente en forêt est brutale, 300m de dénivelé, je n'en vois jamais la fin; ne serait-ce la majesté des rhododendrons qui allument de belles couleurs ce serait insupportable !
Rhododendron, la fleur de l'été |
Sentier en forêt |
Lorsque j'arrive enfin au Col de Mantet, j'ai hâte de le traverser; des foules bigarrées et bruyantes donnent à la forêt un air agressif et indécent. Rires gras, cris, je les laisse derrière moi et me lance dans le dernier km, le plus éprouvant qui m'amène au village, au terme d'un long périple que j'ai beaucoup aimé dans sa monotonie, son immensité et sa solitude. Oui encore une Randonnée Bonheur...
En chiffres
Dénivelé positif cumulé : env 1200 m
Distance : 21 km
Temps de marche : 7 h 20
NB en 3 sorties (cette semaine) j'ai parcouru plus de 50 km à pied dans ce secteur