vendredi 31 mai 2019

Reynés (66) la Roque Jalaire ou Roca Gelera

Comme l'aileron d'un squale fendant les eaux bleues de la mer, cette arête isolée semble émerger d'une mer de chênes verts dans un univers de maquis et voguer à l'assaut des vagues du ciel. Ainsi m'apparut-elle de façon inattendue alors que je cherchais mon chemin pour rejoindre des amis.
Et immédiatement je me dis : il FAUT que j'y aille. Oui mais par où...Elle semblait naître au bord de la route et finir nulle part. Je la nommai "la crête de coq". Elle se nomme Roque Jalaire, dérivatif de Roca Gelera , la roche glacée.



 Ma curiosité me poussa à scruter Géoportail où j'appris son nom et Google qui me donna un petit supplément, de quoi aiguiser mon appétit. Il se trouve dans cet éperon rocheux des minéraux nommés "actinolite" et "andradite" (site mindat.org, consacré aux minéraux). L'andradite est de la famille des grenats et peut présenter différentes teintes; certains cristaux pouvant mesurer 7 cm. Alors..."je me voyais déjà..."
Ainsi, ce jour de l' Ascension, je me précipite vers mon aileron de squale tendu au dessus de la "forêt"; à moins de 40 km de la maison.

Une petite route bucolique, un temps serein mais du vent fort, rien ne peut m'arrêter dans mon projet et je ne m'envolerai pas, dans mon sac il y aura cette fois un gros marteau et deux burins.

La petite D 15

J'ai de la chance; arrivée sur site, je rencontre un homme, accompagné de  sa fille qui reviennent de "là haut". Membre d'une association de minéralogie, il me donne des détails, m'indique qu'on peut casser du caillou sans problème là haut et m'offre un échantillon d' andradite.

Une rapide collation au grand soleil et je grimpe. Le trajet est court mais raide dans un couloir d'éboulis et d'entrée la couleur est annoncée, c'est rouge brique sous les chênes verts. Le sol est propre, la lumière très tamisée, la chaleur de midi étouffante et quelques végétaux agressifs s'emmêlent dans mes pattes.

C'est par là qu'on grimpe. Une vue de la végétation
compacte

ça y est : une épine !
En sous bois

 Mais je rencontre l'arête et me voilà à l'air libre, cela ne manque d'ailleurs pas d'air, ni d'allure.


Premier contact avec l'arête

Une arête de roche grise et terne, du calcaire, fleurie de mille végétaux colorés qui se nichent dans le moindre orifice, la moindre fente, du thym à profusion et les parfums qui vont avec.


Jardin de roche
Romarin

Thym




Je marche au dessus de la forêt qui n'a rien d'amazonien sinon la densité, style bonzaï amazonien , sous un ciel bleu et avec tout autour un paysage superbe. Des collines et des pentes aux différents tons de vert auxquelles s'ajoutent des prairies au fond des vallées ou ailleurs, des mas en ruine ou non, disséminés dans tout ce vert, un ruban bleu, la route, des villages au loin, la plaine du Roussillon et la mer dans laquelle plongent allègrement les Albères, c'est magique. 500 m d'altitude et un monde à part.





Le paysage d'ici

Petites maisons dans la prairie

Grimpe

D'abord je grimpe, j'ai décidé malgré mon impatience de profiter; la fameuse "crête de coq" se dresse, majestueuse, avec une arête fine par endroits et de part et d'autre des murs calcaires, véritables dalles quasi verticales. Un drôle d'univers minéral. Qui s'arrête d'un coup et meurt au dessus de quelques dizaines de mètres de vide. Sous le toit des arbres

Et grimpe, battue du vent




Tout au bout de l'arête

Ma "crête de coq"

Ruine dans la jungle
Et mas dans les prairies



La mer au loin
La jungle d'ici

 Après la séance progression et celle contemplation, je débute la séance prospection.
Le monsieur m'a dit "la plupart des trous c'est moi qui les ai faits". Ces trous sont en fait des secteurs de fouille d'un blanc assez éclatant puisque sous la peau grise du squale de pierre se cache une chair blanche , de type saccharoïde, soit de minuscules cristaux de sucre fin.


Sous l'enveloppe de peau grise

Naturellement polie

Décor acéré
 Cela s'apparente au marbre. Non loin, une ancienne carrière se devine d'ailleurs, j'irai la voir de plus près.
Au boulot 



Pour l'heure, je cogne sec! Mes mains et mes articulations, rodés aux travaux de vigne, n'en sont pas à une agression près. Je cogne et ne trouve rien...que du blanc...Je ne veux pas non plus démolir la montagne.











Je teste plusieurs endroits, je descends d'un étage par le biais d'une dalle et la couleur a changé aussi, c'est carrément jaune mais point de cristaux, je ferai chou blanc, cependant le but était surtout la balade aérienne.



Face est in situ ; dédale de dalles
Même décor depuis la route


Donc je redescends. Pour le fun, je vais voir, face ouest le pied de la falaise, faisant ainsi une plongée dans la forêt. Ce qui me permet de remonter en varappe, utilisant des prises, un dièdre et même une petite vire, bref je m'amuse.


Tourmentée la face ouest, ma préférée

Vue d'en bas

En varappe

En cours d'ascension (le jour est bien choisi)

Je regagne mon arête, ses jardins, ses blessures, ses entailles et je redescends, me faisant avaler par la forêt, cherchant un peu mon chemin en sachant que je ne peux qu'arriver à la route. Retrouver le kangoo me demandera un peu de flair car le bord de la route n'est qu'une muraille de roche impossible à franchir. Mais mon petit couloir est là, ça y est je peux me délester de sac, marteau, burins et échantillons. Quant au cadeau du monsieur ce sera ma plus belle "trouvaille" ! Et il m'a donné un autre bon plan en quête de minéraux...mmm...

Petits cristaux de grenats (échantillon d'andradite, le cadeau)
 Mes échantillons





Je poursuis ma route vers la carrière toute proche, mais quelle est donc cette surprise, au bord de la route ? Un magnifique four de plusieurs mètres de hauteur, en forme de cône...un four à plâtre semble t'il. Ce qui me donne à penser que cette carrière qui produit une roche blanche n'est autre qu'une carrière de talc ou de gypse comme  les environs en sont pourvus. Une belle rencontre ....



Le four à plâtre (D 618, Km 62 environ)

Intérieur


A la carrière de talc ou gypse


En résumé une petite balade qui, née d'un simple regard sur une arête rocheuse, m'a ramenée sur les traces d'un passé ayant laissé de petits saupoudrages (blancs) dans un univers entièrement vert à longueur d'année. Et un goût de revenez-y...pour re casser du caillou ? Comprendrai-je enfin la fièvre du chercheur d'or ?


NB : le 2nd week end d'octobre se tient à Amélie les Bains le Salon de Minéralogie. Cette année, pour ses 10 ans, il y aura les plus belles trouvailles du club.




7 commentaires:

  1. Tu passes du rouge des vignes au grenat des pierres. Ce que j'aime dans tes récits et qu'il nous arrive parfois lors de nos randonnées, c'est la rencontre d'une personne avec du savoir vivre et du partage, c'est un moment que j'apprécie tout autant que la randonnée. Reynes regorge de belles trouvailles, surtout pour toi qui à ce don de les dénicher. Bises

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    1. Merci pour ce joli commentaire qui résume bien ce que je vie, ressens et communique. Anonyme qui a oublié de mettre un petit indice, mais pareil commentaire me donne à penser que c'est Chris. Bises

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    2. hé oui c'est bien moi, j'avais écrit un premier commentaire où j'avais signé mais il me l'a effacé, heureusement que tu connais ton fan club ;) Bises Amédine Chris

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  2. Comme toujours tu as fait de belles trouvailles, pour moi qui aimes les roches tes échantillons sont de petits trésors, tu as du te régaler d’explorer cet endroit. Le four à plâtre est très beau, une rando réussie avec en prime une rencontre intéressante. Merci pour ce récit bien construit, encore une semaine de plâtre pour Claude, il nous tarde de pouvoir randonner de nouveau... bises des Dinosaures, câlins à ta tribu.

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    1. Quand il se débarrassera du plâtre, je lui donnerai l'adresse du four ! Ou alors son plâtre y a été cuit! On randonnera ensuite, mon projet tient toujours; bises

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  3. Les photos magnifiques peuvent s'évaporer ,il suffit de fermer les yeux et se laisser bercer par ce sublime récit .Quelle belle trouvaille cette crête de coq , Cette rencontre aléatoire et ces beaux vestiges du passé ! plein de gazouillis Amédine,merci.

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    1. Toi le virtuose des cimes jamais je n'eusse pensé que ce petit récit et cette modeste balade aient pu t'intéresser. En tout cas ces gazouillis sont une belle signature que je retrouve toujours avec bonheur, comme tes époustouflantes photos

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