samedi 20 juillet 2019

Pics du Canigou (2784 m) et Puig Sec (2665 m) : une rando d'exception

Je suis au volant, ce lundi matin et, soudain, comme une évidence, une impulsion jaillit en moi : je veux aller au Canigou. Décision prise en une fraction de seconde, le soir même je suis au parking du Randé, à plus de 60 km de la maison; j'ai de la chance, la piste est ouverte et bien accessible à mon kangoo, quoique tourmentée, 3.5 km en 1ere. Le Randé: parking incontournable, calme bien que peu plaisant, enfoui dans les sapins. 1496 m.

Le Pic du Canigou- 2784 m- vu de Prades
J'y monte par l'autre côté, face cachée comme pour la lune
6 h 38, mardi matin, mes voisins dorment tous, je pars, très peu chargée, j'ai pris cette habitude très confortable. Je sais la météo bonne, je sais les points d'eau sur le chemin, 1 l suffira amplement.
Mariailles : une des 2 cabanes
et falaises d'escalade
Photo ensoleillée du retour





Je me traîne un peu sur le sentier de 1.8 km qui conduit à 
Mariailles (refuge), j'ai le souffle court malgré une pêche d'enfer. Je vais donc gérer : respiration, allure et nutrition car j'ai beaucoup de km et de dénivelé qui m'attendent. Objectif: Canigou et pas que lui ! Ne pas stresser ! Et je marche. Les sous bois s'éveillent, l'eau chante en courant, ruisseaux, rivières, les oiseaux ponctuent de leurs mélodies cet éveil et le vent, ce coquin qui balayait la plaine à 100 à l'heure hier, ne s'éveille que dans les couloirs d'eau. Et j'avance, sûrement, malgré mon souffle. Je suis bien; il n'y a personne ou presque, Annie et Christiane feront la route avec moi mais séparément, on se retrouve de temps en temps.









Clins d'oeil sur mon chemin : falaises, fleurs et sources
Ribera de la Llipodera, Torrent des Set Homes, un autre sans nom, je croise la route de l'eau il y a encore des fleurs dans leurs parages, c'est beau. Et désert ou presque. Le matin appartient aux lève-tôt.
Le ruisseau du Cadi, de loin le plus important, est atteint à 8 h 47, 1966 m d'altitude, mais jusque là le chemin est très long et prend peu de dénivelé, l'approche du Canigou est interminable et cela aussi il faut le gérer. Marcher, marcher...inlassablement, sans effort, dans la durée. En fait le Canigou a un parcours atypique : sur les 10 km d'approche, 8.2 sont consacrés à 800 m de dénivelé sur les 1288 de la montée. Alors j'occupe mon esprit, je ne m'arrête quasi pas, je regarde pourtant tout ce que je peux, l'air est si limpide ce matin que c'est régal. Le soleil est chaud mais un léger vent, qui accompagnera toutes la journée fait office de ventilateur.
Alt 2080 m je rencontre les vestiges d'une très ancienne forge catalane, elle a une jumelle à Mantet, alt 2040 m : coïncidence ? Ou bien même veine et même exploitation ? Il s'agirait, recherches faites, de forges antiques, à bras, ne nécessitant pas d'eau, très antérieures aux forges du 12 eme S et les deux sont de même facture, elles sont toutes deux citées dans un précieux document.


Près de la Cabane Arago
9 h 28; Cabane Arago, 2123 m, une source, une cabane de 5 couchages refaite à neuf, les dormeurs sortent en baillant et en s'étirant, je marche déjà depuis près de 3 h pour seulement 627 m de D+, pourtant je suis dans les temps d'un marcheur normal, pas d'un Isard bipède nommé Ludo...
La pause casse croûte s'impose si je veux voyager loin. Je repars, chemin solitaire, j'ai "perdu" les filles. Le Canigou commence là après la cabane, "l'ennui" si ennui on peut le nommer, prend fin, et la forêt avec. Le paysage s'ouvre, minéral ou vert, c'est selon, le Pic va enfin montrer son visage, l'arête du pâle Quazémi le précède, effilée, difficile et dangereuse, réservée aux grimpeurs équipés.

Le Canigou se profile


Je rencontre quelques personnes qui descendent, le Canigou est sur un circuit en boucle entre les refuges de Mariailles et Cortalets. Pour moi c'est à la journée donc faut se bouger! Enfin je respire bien et c'est tant mieux car la sévère montée est là et, fait surprenant, j'ai trouvé le bon rythme, la bonne foulée, je monte sans effort, à la cadence d'un métronome, et puis, enfin! ça monte ! Tout ce que j'aime!
La Font Nostre, bel encadrement pour un pic
mythique




Je monte dans un univers blond et minéral parfois carrément fauve, les couleurs de cette approche sont superbes. ça et là gît un bloc de quartz immaculé, la terre est ocre, une vraie palette de peintre. La dernière fontaine, étonnante ici, permet une bonne gestion, alors qu'au Carlit on peut "mourir de soif". Elle est glacée, je me mouille de la tête aux pieds, joli coup de fouet pour attaquer les lacets. Je suis tellement en forme que je crois que je monterais à 4000 m !











Me voici à l'impressionnante brèche Durier sur laquelle se penchent les marcheurs, frisson garanti. Une corde fixe est en place, peut on y grimper en été ? 170 m d'un couloir d'initiation allant jusqu'à 60° et ouvert  par Durier, à l'explosif en 1886 !! Durier, écrivain, géographe et alpiniste devint en 1895 président du CAF .


Mur de la brèche ouvrant sur la mer

La brèche ouvrant sur l'ancien glacier 
Et moi sur fond de mer

La merveilleuse arête Quazémi

La cheminée m'ouvre son parcours de 100 m vertical, il y a peu de monde ce jour mais je n'emprunte pas le trajet normal, je m'offre une variante vraiment en roche, ce qui n'est pas difficile puisque cette roche fait des petites marches naturelles. Ainsi je me tiens à l'écart du monde et je m'amuse mieux.


La cheminée : le summum du parcours

Le gendarme : qui de lui ou moi
 mourra le premier me disais-je ?


Je passe ailleurs c'est plus sympa

Je dis ; "Wouaouhh"
En fond, la mer




Ceci me conduit à une fine arête qui ouvre une brèche sur un vide immense et un point de vue à couper le souffle! Jusqu'à la mer.
Belle arête !

De gauche à droite : une croix sans nom (initiales PP, elle garde son mystère)
l'arête ardue ouvrant sur le vide, autre image de la croix et de l'arête
Quelle arête, elle a réussi à m'arrêter
J'essaie de longer cette arête mais elle est mal commode et ce n'est pas prudent donc je fais le dernier tronçon  par la voie normale, l'escalier final : me voici au sommet (11 h 50,  env 5 h de marche) , 1 m de plus qu'à ma dernière rando, le Rulhe, 2783 m, ici c'est 2784 m.Il y a du monde mais enfin je peux m'approcher de la croix, un selfie et je me précipite, j'ai trouvé une place rare : tout au bout de la plate forme sommitale, à la proue de ce promontoire, une rambarde naturelle de roche, étroite, donne sur le vide et un panorama superbe, Quazémis en prime. Je bricole une tablette de lauze, plate et stable et cela devient mon plateau repas. Derrière moi, l'agitation me laisse de marbre, devant il n'y a RIEN ni PERSONNE, je réussis le tour de force de me sentir seule au sommet !


2784 m, je n'en rajouterai pas un en escaladant la croix 

Belvédère au restau sur Quazémi et vallée du Cadi (le chemin de montée)

Crête du Barbet , la plaine du Roussillon et la mer

Au sommet
Je prends mon temps, 50 mn,  alors que j'ai d'autres projets : et c'est parti; descente rapide de la cheminée par ma voie de gauche, presque en falaise, je double tout le monde car c'est peuplé, il y a même un gros bouchon statique dans lequel sont coincées les filles et en 26 mn je suis à la Portella de Valmanya, là aussi par un chemin détourné.


En descente : le col est la Portella de Valmanya

Le Puig Sec

Je vais là derrière

Et je viens de par là  (Crête du Barbet, à gauche Canigou)
 La seconde partie de mon périple peut débuter. Mon projet est vaste, Puig Sec et Roc Nègre avec descente sur les Gorgs de Cadi.  Le temps est serein, quelques nuages moutonnent au loin rien à craindre. Je marche sur une pelouse lisse, fleurie et scintillante d'or : la roche est incrustée de millions de points dorés qui étincellent au soleil, superbe !


Joubarbe "toile d'araignée"

Puig Sec 2665 m

C'est désert, le sentier est à peine tracé, je gravis l'arête facile et commode du Puig Sec: sûr qu'il est sec, c'est un dôme de rocs! La vue est magnifique, face est, jusqu'à la mer, je devine mon village, face ouest, tout le chemin pour grimper au Canigou. Et puis les lacs des Gorgs de Cadi, taches bleues ou vertes dans le pierrier de ce cirque. Je descends du Pic, comme toute crête c'est vallonné, montées, descentes mais en souplesse. Plus loin j'arrive à l'arête du Roc Nègre, longue arête attirante, mais peu facile, je vois des dalles luisantes, j'hésite, j'ai du chemin et du dénivelé, faits mais aussi à faire, est ce bien prudent malgré ma forme ? La fatigue est traître...
Mon trajet en images sous titrées :

Le sentier de ce matin que je dois aller retrouver

Mais je veux passer par les Gorgs de Cadi

Le Puig Sec que j'ai quitté

La crête que je suis en attendant de plonger 150 m plus bas


Je contourne l'arête par un dédale de rocs et de falaises : ça paraît dur mais c'est facile

Je vise la goutte bleue où je vais m'immerger

Alors je cherche un chemin de descente, en voilà un sur lequel je peux toujours compter mais j'ai envie de plus difficile, j'ai envie de me frotter un peu à la roche,  et au loin j'aperçois une coulée d'éboulis, une tartera séduisante. Je contourne l'arête à flanc de rochers et parois, un semblant de sentier dont je ne sais s'il est humain ou animal me guide. Il existe, je le suis. C'est "chaud" parfois mais plus question de reculer, je vais de l'avant. Le sentier me mène à un couloir très raide, tapis glissant d'herbe mais sympathique à souhait, ce sera lui.  20 mn plus tard je suis au lac, le couloir et le cône sont derrière moi, comment ai je fait pour aller si vite ?

Mon trajet de descente




Le style de relief promenade : mieux vaut avoir le pied sûr !




Arrivée au lac, j'entends : "Frrr, Frrr" et je réponds pareillement à l'isard qui m'interpelle : il aura la décence de ne point assister à mon bain dans mon plus simple appareil. Le bain faisait partie de mes projets, j'avais logé un carré d'éponge dans mon sac mais le carré voulut se baigner aussi...




Qu'est ce que j'étais bien là; tranquille, loin de tout et de tous... Seule la longueur du chemin me poussa vers la sortie, en suivant un sentier cairné que je perdis puis retrouvai près du chemin normal du Canigou : j'étais arrivée ! Enfin presque. Il ne me restait QUE 2 h 50 de marche et...8 km, que je fis à la manière d'un métronome, débarrassée ENFIN de ma douleur au pied.






En haut, Quazémi en blanc, Canigou en stries et un des  Gorgs de Cadi

C'est parti pour un retour de près de 8 km

Refuge de Mariailles : je me maudis d'avoir oublié mes euros...mmm une bonne bière fraîche....
17 h 54, parking du Randé, près de 1500 m de D+ cumulés, 9 h 50 de marche effective et 22 km : je pouvais être satisfaite d'avoir joué la bonne carte.
Continuer vers le roc Nègre eut été folie!
 Je pouvais me poser, manger et savourer une boisson pas fraîche, les glaçons étaient restés à  la maison.

En chiffres
Température matinale : 10 °
Temps de montée au pic,un peu moins de 5 h pour 1288 m de D+
Temps de marche total : 9 h 50 mn
Distance : 22 km
Dénivelé positif cumulé : 1500 m


Le trajet : une grande partie est en aller retour





5 commentaires:

  1. Magnifique endroit parmi tous ceux que tu côtoies, ce site ne manque pas de diversité à celui ou celle qui a le pas endurant, cet endroit ne manque pas de merveilles à celui ou celle qui ouvre les yeux, apprécie et contemple. Tu es une de ces personnes. Bravo et merci pour ces belles images qui nous donnent envie d'y retourner. Bises Chris

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    1. Ton commentaire est très beau, il illustre bien ton ressenti du Canigou et moi aussi j'attends d'y retourner je veux faire (tenter de faire) l'arête du Roc Nègre, mais là je mets un peu en veilleuse, repos un peu, car ça va me demander de l'énergie et il m'en faut pour Troumouse . Bises.

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  2. A qu’il est beau notre Canigou, surtout par ce côté, là dernière fois nous avons dormi au refuge non gardé que tu as photographié ça nous a raccourci le parcours. Tes photos sont magnifiques, les fleurs illuminent les roches et les Gorgs apportent de la fraîcheur au paysage minéral, une rando au top ! Bravo pour la performance ! Je suis en mode mamie, ça me fait du bien de te lire... bises, câlins à ta tribu, Aya est un vrai cadeau !

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    1. J'espère qu'un jour nous pourrons y aller ensemble, pourquoi pas en partant de nos refuges respectifs ? cela nous permettrait une soirée conviviale en prime. Bises, mamie !!

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  3. Oui, nous pourrons y aller et ça sera sympa, je crois qu’en juin et septembre on peut monter à Mariaille en voiture, le campement est plus sympa qu’au parking du Randé. On a hâte de randonner, dur, dur d’etre Mamie... bises, on est tristes pour EloiE.

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