mercredi 18 mars 2020

Chronique virusienne...Jour 2

Hier, jour 1, fut une journée morose. Une journée ordinaire de confinement... qui aurait pu avoir pour unique cause le mauvais temps. Et oui, dans le grand midi de la France, quand il bruine et fait gris, on se terre. Rien d'anormal sauf ces maudites infos plus corrosives qu'un virus. Et ce confinement du à ce dernier.
Ouf, ce matin, jour 2, une aube claire et lumineuse s'éveille, signe de grand air au goût printanier. On va à la vigne !



Et oui, l'agriculteur est pour une fois enviable et sans doute envié..
A l'heure de l'embauche, chacun quitte le village muni de son "sauf conduit" : il a intérêt !
Pour moi, direction la vigne de mon patron. Chacun sa voiture pour éviter la proximité.
La nature a déjà entamé sa longue chanson de printemps, c'est une explosion de couleurs, de fleurs et de senteurs, emperlées de la pluie de la nuit.

Aubépine

Bruyère

Lavandin

Thym

Ajonc épineux




















Eglantine

La vigne est sur les premières collines et de là, on voit le village posé bien à plat, et la montagne qui plonge et frissonne dans la mer.



Le Canigou enneigé joue à cache cache avec les arbres. Nous on va achever la saison de taille 2020, ce sera pour cet après midi.

Canigou

Nous voilà chaudement confinés sous un soleil de plomb dans un curieux silence qui étreint dès que nos vaillants ciseaux se taisent.
Pas une rumeur sur l'autoroute, pas un train sur la LGV, pas un avion dans le ciel...quel silence!
C'est peut être le plus surprenant. Mais tous ces chants d'oiseaux, ces rossignols, c'est la vie qui éclate. Et nous enrobe. Et nous entraîne.

Muscat
On commence notre journée d'une singulière manière, traumatisés par la journée d'hier, par le matraquage médiatique, par tout ce qu'on subit depuis des semaines.
On est là dans cette belle nature et on est absents. Alors parlons. On débride, on débrieffe...
On fait le travail mais des questions se posent : pourra t'on continuer ? Ne travaille t'on pas pour rien ? Pourrons nous faire les vendanges ? Et si...Et si...A mesure que le temps se grignote, notre moral se ronge.
On pense à nos ancêtres à la veille de la Grande Guerre qui devaient, sur ces mêmes terres, se poser d'identiques questions.
De questions en non réponses, peu à peu la conversation dévie, des rires fusent, on écoute les oiseaux et leur délire dans ce drôle de silence, on observe les voisins multicolores, une coccinelle rouge, une araignée verte, un phasme sinistre, un papillon citron.



Phasme sur mon gant




Et on oublie le monstre invisible qui ronge la planète, on n'en parle plus, on est bien.
Pourtant l'insidieux battage a fait son chemin : on sue de chaleur mais si on ôte le pull, ne risque t'on pas...? On ne se pose pas cette question là d'habitude.
Des voix sur le chemin, un cri d'enfant, la vie un court instant a gagné.
Le retour à la maison replonge dans la réalité : un contrôle au carrefour, pas pour nous, mais répressif.
On repart l'après midi se confiner en vigne, aux confins de la commune. C'est encore la musique du silence qui surprend. Tous ces bruits familiers qu'on n'entendait plus. Comme c'est étrange, on croyait  alors vivre dans le silence et on s'aperçoit brutalement que c'était faux. Les perceptions sont étonnantes.
Muscat

16 heures : soudain, alors que des vautours évoluent dans le ciel là où on n'en voyait jamais, le trafic aérien reprend, trois avions déchirent le ciel...Vont ils chercher des Français confinés au loin ? Un long klaxon, c'est un train qui sort du tunnel, une moto de cross se lance en chemins et ravins, c'est comme un subit raz de marée puis le silence s'installe, le soleil décline, des gens se promènent posément, on s'attarde encore un peu, cueillir du thym, de l'aubépine, monter au proche circuit historique, regarder la montagne qui se fond dans la mer, les villages posés bien à plat, le Canigou qui ne joue plus à cache cache...On a oublié toutes les tracasseries, on est comme lavés, sereins, joyeux, rassérénés. Cela donne à réfléchir sur le confinement et son utilité, dans les petits villages. Tant cela paraît incongru...et pourtant, tellement nécessaire.


Pommier sauvage centenaire


Au sentier historique

Le Canigou en majesté
 Demain sera un nouveau jour, irons nous labourer?
 Alors la nature nous offrira en plus, son lourd parfum de terre qui s'éveille et on sera heureux. Chacun à sa manière, il est des émotions qui n'appartiennent qu'à soi.




5 commentaires:

  1. Une ode à la vie..sincère celle sans bruits disgracieux, le retour à nos oreilles du meilleur bucolique. Rien...rien que le bourdonnement des abeilles, les chants des oiseaux. La nature "d'avant" ! Ce satané virus n'est-il pas le signa annonciateur d'une nouvelle vie méconnue par beaucoup. Je crains néanmoins que cette leçon dangereuse, si l'on n'en tire pas le meilleur, soit inutile. Nous vivons depuis des décennies dans un monde qui se croit aseptisé, qui se veut garant de nos multiples conforts en en oubliant les précieux apports de bonheur que nous offre la Nature. Nous sommes pour beaucoup, aveugles et sourds à ces bienfaits naturels. Espérons que nous saurons nous tous, après le "vent du boulet" en tirer les bons comportements. Toi, tu en es déjà convaincue de l'utilité, du nécessaire besoin de vivre avec la "terre". Ecris encore et encore. Merci à toi. ASP

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    1. Je e peux rien ajouter de plus sinon que tant que je pourrai sortir je serai prête à partager ces choses simples avec vous tous. Toi tu mets de la couleur dans ta vie par mots et pinceaux

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  2. Derrière une sorte de tristesse on découvre pas à pas l'image d'un être nouveau.. Car dans la nature rien ne change.. Seul la vision de l'homme peut être différente.!
    Je suis sûr que tu feras beaucoup d'émules et que se lèvera, sur la terre des paysans,un regard nouveau.!
    Amicalement A.J

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    1. Ta dernière phrase ajoute un beau "plus" à ton commentaire. Que l'on t'entende ! il y a chez moi un regard nouveau que les épreuves de la vie génèrent chez tout un chacun. Certains le montrent quelle que soit leur manière (mots, pinceaux, notes de musique) d'autres l'enfouissent en eux. Bises

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  3. Tu es en symbiose avec la nature et plus encore en cette période, ton ressenti est très juste et ton récit plein de subtilité, quel beau texte ! Ce changement radical de vie est une souffrance nécessaire mais combien pesante pour nous.... Que va-t-il se passer après ? Combien de temps ça va durer ? C’est angoissant. Tes photos sont magnifiques, et tu sais trouver les mots pour rendre hommage à la nature. Merci pour ce beau moment.
    J’ai terriblement envie de bouger, l’activité physique me manque, à quand les belles randos ? Bises.

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