mardi 6 avril 2021

Aude : Le mystérieux "Bufofret" du Bugarach


 Il m'a suffi, au pied du Bugarach, de voir écrit sur un panneau "Bufofret" pour que ma curiosité soit en éveil : "un trou souffleur d'air froid", le genre d'élément géologique que j'aime rencontrer, car tous les imaginaires mystérieux vont avec. L'an passé, à la veille du confinement, je me promenais dans la "Serra dels bofadors" en Catalogne, décidément cela semble aller ensemble, c'est vrai que le plus grand "Bufofret" de la planète est le Sieur Covid. Depuis 13 mois on nous souffle le chaud et le froid. Et bien c'est décidé, bravant ce week end de Pâques où on est confinés mais avec une tolérance de mise, je m'en vais essayer de trouver ce "Bufofret".

Massif du Bugarach



J'arrive samedi à Bugarach, il souffle un vent glacé et violent, le "Bufofret" il est partout et le massif entier a disparu, avalé par une épaisse brume. ça commence bien mais je suis têtue, j'y vais quand même. 

Samedi : le massif a disparu !


Je trouve le point de départ, au bord de la route, il y a deux façons de procéder, soit on remonte le ravin par son lit, soit on essaie de trouver le sentier balisé de points roses. Il fait froid comme en hiver, je fais un mélange des genres, un peu de sentier puis plongée dans les rochers du torrent pour me réchauffer. C'est sinistre, lugubre, mais la brume a fait un petit effort, elle se déchire afin que je puisse me guider.


Il y en a partout !

Le lit du torrent


 Les points roses sont là, effacés, quasi illisibles. J'arrive à la paroi rocheuse et je dois escalader un petit dièdre, ce sera le seul pas difficile du voyage. Ensuite le jeu continue! J'entre dans le lit étroit et vertical du torrent, avec ses rocs coincés mais deux échelles fixées en paroi permettent de gravir la chute et tout en haut, une corde permet d'arriver à l'étage supérieur.
Au pied de la paroi rocheuse: il faut grimper là dedans

ça booste le moral !

ça aussi, j'adore !

Et il fait un froid !!

Dans ma précipitation, je file à gauche, rochers, lit croulant d'un ravin affluent, je suis fascinée par ce parcours mais...les points roses sont absents. Alors je visite, les falaises, les traînées blanches des ravins intermittents se jetant du haut de la falaise, un sentier s'en va vers le nord, je le suis puis l'abandonne, mon trou souffleur n'est pas là . Mais où est-il donc ?

Montée facile

Cela suinte de partout

la cascade que je nomme "sèche"


En me retournant : je viens de la route en bas



Jolis sentiers de buis qui renaissent de la pyrale

Je reviens sur mes pas, goûte les perles d'eau tombant de la falaise, chassées en tous sens par le vent violent, il fait froid, le vacarme dans les arbres et les dentelles de pierre est assourdissant, sinistre est un faible mot, il faut être maso ou curieux à l'extrême pour se perdre dans ce paysage!

J'arrive à un petit col au bout d'une montée rocheuse et un point rose me nargue, ainsi qu'un sentier qui plonge !  Je ferai vite l'expérience que le site est une toile d'araignée! 

Il suffira d'un signe


Mais la longue cascade sèche d'un blanc de craie, que l'on voit de partout est à portée de mains, déjà je caresse cette roche couverte d'un blanc velours , c'est magique. Que ce doit être beau par gros temps !





Dépôt crayeux

 C'est sûr je reviendrai. Je m'attarde, j'essaie de comprendre, il doit y avoir une résurgence à son sommet qui se perd dans le gris ciel. Je le suppose (en fait c'est faux). Je continue le sentier, par curiosité, les points roses sont là, fréquents, mais un coup d'oeil sur mon altimètre me dit que je suis 64 m plus haut que le Bufofret. Je redescends donc et cette fois, je plonge dans le chemin balisé, il doit y être. Je m'enfonce dans un raide couloir, étroit, entre deux rangées de falaises, slalomant entre les buis qui sont de bons bâtons, et soudain, un panneau pédagogique, un orifice au bas du mur, envahi de feuilles mortes, il est là! Et tout proche des échelles. Le malheureux ne souffle rien, tout le souffle glacé est dehors, dans un vacarme toujours assourdissant de soufflerie!

Le panneau à l'entrée





Alors je fais ce que je n'aime pas, mais alors pas du tout, poussée par ma curiosité, je descends dans le trou en me tenant à la corde fixe, grosse lampe en main, je désescalade la petite échelle au barreau manquant et j'entre dans l'antre envahi de feuilles mortes, personne n'est venu là de longtemps.


La cavité


      

Plongée dans la cavité


La galerie étroite s'enfonce dans le noir

D'en bas, je vois la sortie, rassurante

Contente de sortir !


Je ne vois rien qu'une noire galerie qui s'enfonce dans le sol, c'est le silence pesant alors que le vacarme de dehors siffle à mes oreilles, je retiens mon souffle, j'ai devant moi plus de 5 km de galeries montantes, avec leurs petites merveilles que j'ai pu voir sur internet et qui me laisseront à jamais un goût puissant d'envie...

Ces galeries, avec leurs noms enchanteurs, Galerie du Sable, des Gosses Piques, le Grand Balcon, la Vallée Blanche, même si elles sont sous terre, tracent leur route vers le haut et  non vers les entrailles du sol, elles filent vers le sommet. Quand on dit que Bugarach est une montagne inversée !! Même et surtout dans son coeur.

En jaune, le Bufofret, altitude 700
A l'intérieur cela monte de plus de 176 m de dénivelé


Images empruntées sur internet : (groupes spéléo). Il y a d'étroits goulets, des descentes en rappel, des montées aux poignées bloquantes, des circuits à faire rêver même la froussarde que je suis....

image CDS Aude

image CDS Aude



Image GSAM Aude

Image GSAM Aude

Image GSAM Aude

Image GSAM Aude



Carottes et fistuleuses
Image Spéléo Corbières Minervois

Image Spéléo Corbières Minervois
Lieu : "le grand balcon"

Revenue "sur terre", non loin, je vois un orifice, tel un puits, plongeant dans les entrailles du sol : un trou souffleur ? Non celui ci est baigneur, empli d'une eau claire et transparente. Je sais que dans ces galeries se trouve de l'eau, et ce n'est pas pour rien si les falaises pleurent leurs larmes.


Le puits d'eau claire


Je refais le chemin à l'envers, cette fois ma décision est prise, je vais changer mon projet de rando pour demain. J'en ai trop vu, ici...ou pas assez....


Redescente par les échelles



Au pied de mes chères falaises


Plus près du village se trouve une autre curiosité souterraine que je n'irai même pas voir car il n'est rien d'autre qu'une trappe, conduisant sous terre en rappel, La Font de Dotz, plus de 3 km de galeries, lacs et ruisseaux.

Bugarach, décidément, en plus de ses légendes et de son Pech saisissant, a une vie souterraine des plus mystérieuses. Peut être les extraterrestres qui font sa notoriété se cachent ils sous terre ?  Qui sait...

 PS : j'espère être pardonnée d'avoir emprunté des images aux groupes spéléos

En chiffres

Distance totale : 3.5 km

D+ : 164 m

(Pour le Bufofret : 2.6 km AR et 100 m D+)






9 commentaires:

  1. ni un orteil dans ce trou. Bravo Amedine pour cette découverte, en plus tu as été assez prudente. Sans doute un endroit intéressant en témoignent les photos. Bizzz

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    1. Oui j'ai peur de tout ce qui est sous terre, je voulais juste "voir ce qu'on voyait" c'est à dire "rien" ! Bonne journée, Guy

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. Frustrant, angoissant surtout seule et pourtant attirant ce récit. Bravo

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    1. Et encore une fois j'ai pensé à toi, aurais tu aimé cette aventure ? En tout cas faudra prévoir le Bugarach ensemble. Bises

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    2. Ho oui c'est certain, aussitôt lu, l'idée de parcourir avec guides m'est venue, j'aime surpasser mes peurs et angoisses. Mais le Bugarach est aussi dans mes envies. Alors ✅ pour y séjourner qq jours dès qu'on relâche les fauves dans l'arène 😁

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  4. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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  5. J'en ai encore des frissons, quel courage tu as eu ! Je n'aurais jamais pu rentrer dans ce trou... Un beau récit et de belles photos mais je préfère la fenêtre au bufofret...
    Bravo !

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    1. Voilà le doublon a été supprimé, c'est un effet extraterrestre de Bugarach. Oui décidément le Bugarach est un gruyère; normalement il y a dans cers décors de roche une autre fenêtre je l'ai vue sur internet...mais où ? En tout cas, ce massif me devient fascinant dommage le coup de frein du confinement ! Je m'y baladerais encore bien souvent

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