samedi 4 septembre 2021

66/09- Les Très Piques Roges 2740 m

 28 août . Depuis trois semaines, je nage dans un trouble océan de fatigue intense, alors la thérapie va être aussi expéditive que mon agacement : se donner un grand coup de pied au postérieur! Et s'expédier si possible loin de la surface, dans les airs, à plus de 2500 m d'altitude. Ce sera l'arête aérienne des Tres Piques Roges, survolant les Pyrénées Orientales et l'Ariège dans un paysage très minéral. Après le Pic de la Rouge, le choix est logique. Un  projet d'octobre 2018 où j'avais parcouru pic et arête de la Grave, il ne restait plus qu'à reprendre le fil conducteur.


La Madone des arêtes : Christelle


J'emmène Christelle et Alain qui n'ont pas tâté d'arête depuis un moment. 

Petit matin, 2°, 7 h34 : on quitte le parking des Bouillouses pour une remontée  jusqu'à la naissance du lac de barrage. Du bleu entre les arbres, au ciel comme sur terre, une lumière blonde, une heure de marche (3.27 km) et on tourne le dos aux eaux bleues direction la longue vallée de la Grave. Toujours presque sans dénivelé, dans une poussière de lumière dorée sur les herbes d'un vert déjà roussi, on va marcher inlassablement. Silence partout, même les eaux se taisent, la rivière n'est qu'une saignée de rocs rouges, il n' y a presque pas d'eau. La Llosa qui la rejoint en cascadant est maigre, un été de soif ici aussi à 2200 m d 'altitude.


Départ aux Bouillouses

Lumière matinale sur la vallée de laGrave



La Têt

Au zoom, les cascades





Du fer 


Les vaches font tinter leurs sonnailles, un peu de vie enfin. On marche vers des lointains blancs, comme enneigés, c'est la roche du Pic et du col de la Grave. Un fort vent de face nous fait douter de la suite là haut mais parfois cela révèle des surprises.


Tout là haut le parcours qui nous attend


Après 8.2 km pour un petit 250 m de dénivelé, on va bifurquer sur la droite, direction le col, hors sentier, le but est de remonter un immense pierrier pour aller rejoindre l'arête où je l'ai laissée il y a 3 ans.

Pic et arête de la Grave


C'est un beau mur de roche pâle où chacun de nous trois va chercher son chemin : dalles lisses de granit, gros blocs ou plus petits, ce n'est pas du granulé qui nous entraînera vers le bas. En 17 minutes nous remontons les 130 m de D+ pour pouvoir enfin, payés de notre effort, lancer le "waouhh" de circonstance. 


Tout ça en apéritif rocheux 




Déséquilibre

et équilibre (ph Alain)



C'est pas du granulé !

Selfie : Chris et moi

Arrivée au col, la chute de l'arête de la Grave et Dame Lune

Je leur avais promis du sport et du paysage, cela commence ici à 2487 m d'altitude ; vue sur les sommets ariégeois, la vallée, les étangs de la Grave et autres, du paysage minéral, aux mille nuances de gris, avec la saignée claire d'un récent éboulement, et les yeux liquides bleus ou verts des lacs. Pas une herbe, ou presque mais ...une fleur ! Le vent a faibli, comme souvent plus fort dans les vallées après sa descente échevelée des cimes.

D'où l'on vient : vallée de la Grave

Et ce qu'on va survoler, côté Ariège, étangs, 2315 et 2229 m


Jardin d'arête


Désormais ce sera arête, montées, descentes, varappe, paysages époustouflants, trajectoire à chercher au plus près du fil et découvertes multiples pour nos regards curieux : les couleurs, la texture des roches, leur plissement, des portions d'arête qui réservent leur mystère jusqu'à la fin (on pourra passer ou non ?), des prises à chercher, des escalades et leur contraire, des passages délicats, aériens, vertigineux ou en mode contorsionniste, des cheminées effilées, des arêtes tout aussi effilées, voici trois enfants qui gomment leur âge, comme en un gigantesque parc d'attraction, de toutes les couleurs et qui s'émerveillent presque à chaque pas. Depuis que j'ai touché du caillou, ma fatigue s'est envolée au vent du nord, Alain jongle avec  les prises, Christelle a retrouvé sa maîtrise et noyé définitivement le vertige dans les abîmes.

Roches et couleurs, textures et matières



On va parcourir tout ça là bas




Veine de quartz laiteux




Acrobaties



Détente 

Etang de la Grave 2315 m

le même 





Parcours sportif



dans un décor très minéral. Pic de la Portella  Gran en fond et étang de la Grave côté 66


Au zoom


Plus minéral le côté 09 (Ariège) et Pic de l'étang Faury

Etang des Peyrisses 2355 m



Une des nombreuses brèches

Festin d'arête

On est venus pour ça



Rencontre au sommet
Oh celui là, il me plait !





Dentelles et textures



Cherchez Alain !


La salle de restaurant, de couleur claire, plafond bleu murs blancs,  2628 m, coussins moelleux, solarium et bien abritée du vent, manque un peu de confort pour la sieste, avec pour panorama l'infinie longueur de la vallée de la Grave que nous avons quittée 400 m en contrebas. Il y a déjà 10.5 km que nous marchons dont 1.5 en roche.

On arrive au restaurant !


2628 m

Chacun son trou et son canapé moelleux


Arriver à ce sommet livide et froid m'a fait renouer avec l'extrême fatigue, mais je la balance dans le vide sans vergogne, et c'est reparti. Le paysage révèle des roches tourmentées, des brèches, des passages aériens et des curiosités locales, dalles suspendues sur le vide, oeil béant sur le ciel et les yeux bridés d'En Beys tout en bas.

Elle a viré le vertige dans l'abîme, du haut de sa vire


Impressionnant passage, non pour le vide mais pour la découpe




Dalles glissantes



En Beys, lacs et refuge, 1954 m


On jongle entre ciel et lacs, entre roches et failles, des pieds, des mains et toujours avec le sourire. Le parc d'attraction s'étire sur près de 3 km, autant en profiter. Ici c'est taillé au couteau, là c'est un regard peu amène de gendarme au chapeau pointu, le seul passage compliqué gardé par la maréchaussée dont on va se défiler. Une autre lame de couteau est passée par là, telle celle qui sculpta la Dent d'Orlu tout là bas.


Tranché au couteau

Verticalités vertigineuses



La Dent d' Orlu 2222 m

Quelques passages "chauds": 

ph Alain


Ph Alain


Le gendarme à l'oeil redoutable



Contournement du gendarme : la corde ne servira pas

Chemin en cheminée

Dans une brèche




Sur un mur

Sur le fil

La fatigue tire dans les bras, la propulsion fonctionne bien, les contorsions sont bien huilées, nous voilà soudain dans un autre univers : troisième Pique Roge ou massif du Hoggar ? Je suis transportée au fond de ma classe lorsque, jeune enseignante, pour trouver le second souffle me permettant de terminer ma journée, j'allais discrètement feuilleter un album nommé "Sahara" qui me grisait de ses paysages blonds et noirs. M'y voici ! Ce col blond sable, amolli comme une écharpe, ouvre sur la sévère montée du plus haut sommet, 2740 m, où déjà Alain trace sa route. Nous suivons, le chemin semble tracé vers le ciel, vires, falaises, cheminées, le tout redevenu sombre, avec des langues vertes de végétation et de frileuses marguerites blanches nous offrant leurs pétales "un peu, beaucoup, passionnément" jusqu'au sommet où, bras levés au ciel, on savoure fatigue et bonheur.

Le paysage change, en haut la 3 eme Pique Roge



Style Massif du Hoggar

Mais ce n'est pas du sable

Vue plongeante sur les étangs de la Grave côté 66

Ils sont attirants





Montée à la Pique

On brasse du roc




En mode isard : Alain

Régal

Régal bis : Chris


Le col vu d'en haut


Jardin: un peu, beaucoup...




Passionnément : 2740 m, le sommet


La crête plonge brutalement et le "on pourra ou pas ?" refait surface; je pars en éclaireur et j'appelle mes amis. Je suis passée côté Ariège, dos au vide en une périlleuse contorsion, je leur trouve une "confortable" cheminée verticale côté 66, à la désescalade osée mais sans danger, Christelle s'y attelle, ce n'est pas facile mais elle assure. J'y ai fait le ménage d'un gros roc instable, à la vitesse d'une fusée il dévale la pente, grand fracas, explosion en menus morceaux, le confort de la cheminée est relatif ! Faut pas se louper 


Je cherche la sortie


Allez ! Go !



Comme le père Noël, dans la cheminée


Nous voilà au col suivant, 2706 m, on étudie la "route". Une crête dentelée et noire se profile, le Pic de la Comète en est séparé par une brèche mystérieuse, la fatigue est installée, l'après midi avancée, le chemin escarpé, tandis que 150 m en dessous de nous, les étangs de la Grave  (les autres) nous tendent leurs ailes bleues. Quelques soustractions et additions plus tard, la décision est prise, droit dans les éboulis, on descend. On mangera le dessert une autre fois. 



Le "dessert" : ce qu'il nous restait à parcourir, une broutille, on reviendra

Droit en pente glissante, droits sur nos jambes, (euh parfois sur les fesses), après 128 m de descente sur 360 m linéaires, c'est dire si c'est sec, nous abordons aux rives douces du lac "Papillon", mais il faut attendre le suivant pour décrypter le paysage qui demeure caché : la longue et fine brèche qui sépare Piques Roges de la Cometa, el la paroi indéchiffrable que l'on peut escalader...ou pas...C'est promis on reviendra.

Descente : ph Alain; le col est à 2706 m


Descente bien inclinée  (35 ° environ)



Le premier étang : 2588 m

Coeur de lac


Enfin on distingue la brèche qui conduit au Pic de la Cometa à droite. C'est faisable

A présent on trempe les pieds dans le lac glacé, celui ou personne ne va jamais et dont je tombai définitivement amoureuse en l'an 2015 un jour d'automne. Un en cas sucré bien mérité, puis j'annonce des chiffres pour le retour, bouhhh, de quoi décourager n'importe qui ! Même en les tempérant un peu!


L'autre étang : 2520 m

 La sévère descente sur la Grave peut commencer, elle est belle, dorée, avec des coussins de mousse vert tendre et des sources bleues, la dent du Pic de la Grave se penche un peu vers nous, nous on essaie de redresser le dos pour ne pas glisser, j'ai annoncé 45 mn, on en affiche 46 sur le plancher des vaches et désormais, sur les 8 km qui nous attendent, on va se mettre en mode marmotte qui hiberne, pas mécanique, silence total, regard droit aux pieds, on lèvera les yeux pour regarder les vaches figées qui nous regardent passer et on endure le pénible retour le long du lac, séduisant avec ses reflets pour sirènes, mais assommant pour randonneurs aux pieds usés.



Descente : Pic de la Grave

Sources du ruisseau

Descente sévère vers la vallée; le sentier est à présent balisé de bleu

Pic de la Grave 2671 m




8 km en mode marmotte




Les vaches regardent passer les humains


Le chant des sirènes


20 h, 22 km dont 5 en relief rocheux, des images plein les yeux, de la fatigue plein les pattes, on aborde aux rivages du parking, on ne fera ni feu de camp ni long feu ce soir ! 

En chiffres: 

Distance  parcourue: 21.83 km dont 5 en roche
Dénivelé évalué : entre 800 et 900 m D+
Temps de marche : 8 h 12'


Vue d'ensemble du trajet (départ barrage Bouillouses)

Plan rapproché : en bleu aller, en rouge retour


10 commentaires:

  1. On remet ça ???
    On a adoré, quelle belle journée, cette variété de roches, chaque pic, sa roche ou sa végétation. Ce n'était que du bonheur. Et finalement ton meilleur remède. Je t'embrasse

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    1. Bien sûr qu'on remettra ça, chemin à l'envers, grimpe sèche sur notre col de descente et on mangera le dessert avant de s'envoler sur la Cometa. On va pas le laisser pour 2022. Bises

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  2. bravo à vous trois. C'est magnifique. Apulit quand même.

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    1. Ja ho fem ! Mais finalement dans ce style d'exercice c'est pour les autres qu'on a peur et pas pour soi. Il y a comme une griserie des cimes, que serait ce à l'Everest ? Non je plaisante, c'est plus humain et plaisant que des sommets qui font souffrir. Ja hi tornarem

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    1. Merci ! ce fut c'est vrai, une extraordinaire balade aérienne.

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  4. Voilà un récit et des images que j'attendais avec impatience. Et mon impatience a été récompensé par une description qui respire la camaraderie et le plaisir de se retrouver sur un terrain de jeu d'enfants. Dommage pour le dessert pas pris ...hihihi Et quel festin d'arête qu'il ne fallait pas avaler de travers. Bravo à vous trois, vous êtes des modèles de vitalité.

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    1. A ne pas avaler de travers ni en coincer une dans le gosier, qui peut décourager le moindre vivant ! Donc on retourne là haut dès que possible; la montée est sévère mais qu'a t'elle à envier aux montées ariégeoises ? Rien...Reste à trouver le créneau temps, météo, disponibilité, une broutille n'est ce pas ?

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  5. belle photos Lison je connais les étangs de la grave j'y suis aller pécher depuis en beys ,et la aussi c'est très raide
    wladimir

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    1. Et bien je pensais à toi hier !! Ravie de te lire. J'ai pensé à toi aussi là haut car ...En Beys...souvenirs...Bises

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