vendredi 7 janvier 2022

Rennes -11- promenons nous dans les bois...tant que le loup....

Mon 2nd séjour à Rennes les Bains pour le Nouvel An n'est pas fortuit, cette fois je poursuis un double but, sous le signe de la géologie. Mes recherches sur internet m'ont donné accès à un ouvrage publié en 1778 par Antoine de Gensane, un ingénieur du Siècle des Lumières qui va prospecter la région du Languedoc en tant que Commissaire des Mines. Le Tome 4 qui fait (entre autres sites) état du lieu où je me balade offre des descriptions originales et me fait voyager vers des lieux qui, on l'imagine, en 244 ans ont bien changé. Quant à l'étang de Barrenc, autre but du voyage, je n'en savais que peu de choses mais suffisamment sinistres pour m'y attirer.


Etang de Barrenc




 
Tome 4 de Mr de Genssane 



En ce 1er janvier je pars assez tôt de chez moi pour avaler les 90 km de route puis un repas en bord de rivière salée (La Sals) et, munie d'un sac contenant mon attirail hétéroclite de baroudeuse, j'attaque les contreforts du Serbaïron, une colline boisée où doivent se trouver en face nord les mines de jais. Je parviens à traverser la Sals à pied sec en jonglant avec les rochers glissants comme savon, juste après une belle "gamelle" sur la rive boueuse. L'eau est boueuse, ce qui ne doit rien au sel, les sols détrempés encore pires, la couleur est annoncée, d'ailleurs, lorsque j'en reviendrai après avoir fait chou blanc sur le jais, je serai plutôt jaunâtre en carrosserie et bleuie sur ma jambe. 

La Sals

La Blanque, venue de Bugarach a de belles eaux vertes et transparentes alors que celle de la Sals sont opaques. 

La Blanque

Je suis le sentier chaotique qui, bien que rose bonbon sur la carte, se perd un peu avant d'arriver à la piste du Serbaïron. 

Le sentier rose fluo

Fontaine Ste Madeleine


Gravé dans la pierre, Ste Madeleine, mon nom s'y trouve


Retour sur mes pas, je récupère le camion et m'en vais au départ de la piste. Ici c'est traversée de la froide Blanque dans l'eau. 



Traverser la Blanque

Je vais, en haut d'une côte, partir à gauche, en face nord et déchanter très vite. Regarder où l'on met ses pieds a été l'occupation majeure sur les 5 km de ma balade. De toute façon il n'y a rien à voir. Les sous bois sont si fouillis, épais, inextricables que rien ne se devine, ni mines, ni ruines, juste une murette contre un ravin.

Que voir dans ce fouillis ?


 On est loin du 18 eme siècle. Le lendemain, je reviens et cette fois, je change de face, poursuivant le joli sentier rose bonbon en bord de Blanque. Là, c'est la féérie, un massif de grès darde vers le ciel d'étranges éperons surlignés de très anciens murets, inexplicables de nos jours. J'imagine une meulière car je sais qu'il en existe, il existe un proche moulin, mais aucune trace de meules, ni des festons des coins en bois qui marquent les négatifs, rien du sol au plafond de ces étranges tourelles.


Massif de grès




Empli de murettes





Des tourelles




Des aiguilles




Dans l'embrasure

on voit cela


Revenue chez moi, j'apprendrai en lisant attentivement que les anciennes mines devraient être près de la route (qui n'existait pas en 1778) et les meulières à Rennes les Bains car elles étaient destinées aux moulins à fayet (jais) et nécessitaient un grès au grain très fin.

Ancienne mine...de quoi ?


Le jais est un minéral fossile, constitué de végétaux fossiles compressés,  apparenté au charbon ou lignite, compact, d'un noir profond, qui servait à fabriquer boutons, grains de chapelets, bijoux.
J'apprendrai, par le livre de 1778,  l'usage, le fonctionnement des moulins à fayet aussi impressionnants que surprenants, industrie disparue qui se déroulait presque exclusivement en Ariège : Monts d' Olmes et vallée du Lhers. Un moulin, de l'eau pour le faire fonctionner, 6 meules par moulin, 24 jeunes femmes pour 6 meules, jeunes car ayant une bonne vue, 46 personnes impliquées par moulin....ça donne le tournis...mais c'est une autre histoire...j'irai la voir de plus près!

Crottée et maltraitée par mes glissades, je rejoins Nina, et on file se percher à Montferrand (500 m), départ de la  rando à Barrenc. Montferrand, minuscule village semi abandonné ou ruiné ne m'offre qu'un unique stationnement, donc pas bouger de là !! 

Montferrand


2 janvier, 8h50 :  un peu de grisaille, beaucoup d'humidité, quelques petits degrés me boostent sur le chemin. Je croise le lavoir abreuvoir fontaine désaffecté.

Le lavoir

La fontaine et l'abreuvoir


 Je m'enfonce sur la piste du Pech Cardou (795 m) mais au bout de 500 m, je la quitte à droite pour un sentier bien balisé qui s'enfonce dans les bois, en suivant une petite vallée dans laquelle on devine des murettes, anciennes cultures. Je marche dans un sentier large, entre deux murs, ancien chemin muletier, dont le sol bouleversé par les sangliers suffit pour deviner le paysage environnant. En effet, jonché de feuilles de chênes, de châtaigniers ou de hêtres, il est le reflet de la forêt. Joli chemin longé de murs aux pierres bien taillées. Le calcaire et le grès alternent, je chercherai même d'éventuelles carrières de meules ce qui est peu probable, vu la géographie des lieux, trop éloignés des sites de moulins. Quel est mon paysage ? Extrêmement réduit, il se limite aux arbres, murets, un ancien site supposé de pâtures au vu des murs, une petite ruine (1.7 km) (habitat du berger?); quelques rares trouées sur d'autres collines, des lointains massifs enneigés. L'ouïe et l'odorat relayent la vue, c'est silence dans les bois et les parfums de végétaux, surtout de buis.



La piste et le sentier

Décor

De beaux murs

Les anciennes pâtures

Mur de "corral" ou enclos à bétail

Que deviner dans ce fouillis ?


Le chemin arrive brutalement à une piste forestière (2.2 km) que je vais suivre sur 500 m. Elle est bordée par un haut feston de dentelles calcaires qui se devinent à travers les arbres et je vais à leur rencontre. Etonnants rivages marins, strates empilés et un peu basculés, je les scrute mais toujours pas de fossiles car ils font partie de mes recherches.
La piste tranche cette dentelle qui plonge dans la futaie. Il y avait là l'immense océan Téthys, au Crétacé, j'en reparlerai. Bien sûr ici, je l'ignore !



Etranges falaises marines de l'océan Théthys


Le rivage ancien 

Océan Téthys



Un panneau, au bout de 400 m m'envoie vers la droite, sur une autre piste fort défraîchie qui se partage en deux. Sujette à erreur, la position du panneau m'invite sur le mauvais chemin qui n'aura qu'un avantage, me présenter le Pech de Bugarach. 


Gauche ? Droite ? Je prends gauche...et bien c'est faux !

Le Bugarach

Je suis sûre de faire erreur, je persiste, je pourrais par le biais d'anciens chemins revenir vers Barrenc mais c'est embroussaillé, jouons la facilité, revenons sur nos pas. La facilité me conduit sur le dos rond d'une proche colline, où une ruine élégante m'accueille. Je sais le lac dans un trou car il occupe le fond comblé d'un ancien aven (un barrenc), il est sans doute alimenté par de l'eau résurgente car il n'y a aucun ravin d'arrivée et aucun ravin de départ. Un trou profond de près de 25 m où git un petit étang sombre, sinistre à souhait. Le décor est lugubre, aussi bien en haut qu'au fond, en cette saison d'arbres dénudés. Je descends à la corde pour éviter la glissade sur la glaise tapissée de feuilles, mes chutes d'hier ont grandement suffi.


La colline du site : la grisaille s'est dissipée



Le lac tout au fond


En bas, je ne m'approche pas de l'eau, je n'aime pas ces sortes de gouffres, on comprend aisément que des légendes terrifiantes s'y attachent. Ici c'est celle d'un bélier, mais il n'a rien à voir avec le nom d'ici : Montagne des Cornes.




Je scrute la seule falaise qui longe ce site et quelques fossiles se voient enfin, qui ne ressemblent en rien à ceux que j'ai pu rencontrer. Je passe un grand moment à soulever et examiner des rochers avant de me résoudre à remonter...à la corde!

La falaise fossilifère

A la corde !





































Fossiles

Fossiles

Et celui ci, à droite est à l'origine du nom "Cornes"



Il est temps d'aller visiter la ruine. Cet endroit sinistre fut jadis un lieu de villégiature, fin 19 eme début 20 eme les curistes de Rennes venaient pique niquer ici. 
La ruine blonde et élégante est à elle seule un musée géologique : grès et calcaires constituent les murs et les fossiles y abondent, une vitrine plus commode à regarder que la sinistre falaise  du fond du trou!

La ruine

Ouverture sur

grès  en macro photo

calcaire fossilifère

même chose



Casse croûte sur l'ancien site de pique nique


Qui sont donc ces fossiles ? Des études dont la plus ancienne fut faite en 1781 par un scientifique toulousain, Philippe Picot de Lapeirouse (1744 / 1818),  naturaliste, botaniste, minéralogiste, paléontologue et homme politique. Il s'attacha à décrire et inventorier les fossiles de la Montagne des Cornes ainsi nommée à cause de leurs formes. 

Extrait de sa publication


Ces fossiles qui ont été depuis très étudiés se nomment aujourd'hui hippurites et rudistes, datant du crétacé supérieur (100 millions d'années - 60 Ma) qui s'acheva brutalement avec l'extinction des dinosaures en prime. C'était des mers chaudes (Téthys) et peu profondes. Je sais à présent où se situe le vrai gisement, décrit actuellement comme peu visible car envahi de végétation, à un peu plus de 1 km de l'étang. Il est certain que je lui rendrai visite.

Fossile de rudiste sur le site

Fossile d'hippurite sur le site


Images internet
Hippurite

Hippurites



Hippurites

Rudistes














Par où revenir à Montferrand ? Ce n'est pas un dilemme puisque ce sont trois itinéraires qui m'invitent. La curiosité me pousse vers la piste désaffectée; elle est prolongée d'un sentier en pointillés noirs sur la carte mais existe t'il encore ? J'écarte ce regret. Faire une boucle est intéressant et j'y vais de ce pas. Pourtant au bout de 700 m je reviens sur mes pas, (sans savoir que LE site que je cherche n'est qu'à 400 m), la boucle serait longue et ma Nina est seule. Revenir sur mes pas est si confortable ! De plus un voyage à l'envers offre un regard neuf. Je ne verrai rien de plus sinon un joli chemin creux encombré de buissons et un autre chemin désaffecté qui m'attirerait si je ne vivais aussi loin.



Décor

Autre décor

Décor rapproché



Je reviens donc vers ma Nina confortablement installée au chaud. Si je l'emmène en week end ce n'est pas pour l'abandonner!

Ma beauté : Nina

Ce petit séjour riche en découvertes reste une esquisse; il a ouvert bien des portes, mais ces portes sont loin et je n'ai pas refermé mes portes conflentoises, tant s'en faut...Donc un jour....

En chiffres:
Distance parcourue : 8 km
Randonnées cumulées : 16 km



Mes balades







4 commentaires:

  1. Tu prends plaisir là ou j'angoisse, mais parfois la curiosité dépasse l'angoisse.
    Toujours avec de très jolies photos.

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    1. Il n'y a rien d'angoissant, je t'assure. De plus quand tu randonnes tu n'es pas seule, moi oui. Ce n'est pas pire que les meulières où tu t'es aventurée seule. Mais il est vrai que la curiosité l'emporte presque toujours ! Oui je crains un peu quand il y a du sous terre. Merci Chris. Mais il faisait bien gris pour les photos

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  2. J'ai eu le plaisir de re-découvrir la sals et de découvrir de beaux fossiles, un lac mystérieux et un lavoir plein de charme dans une atmosphère un tantinet inquiétante mais intéressante, de belles photos et un beau texte. Merci, bises.

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    1. J'ai oublié de répondre et je réponds toujours ! Ce coin est envoûtant je vais y retourner dès que possible pour aller vraiment sur le site de fossiles. Bisous

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