vendredi 21 février 2025

Fontpédrouse, Roc de l' Aliga 1597 m

 En Conflent, ce roc d'allure modeste n'attire aucun regard. De loin, ce n'est qu'une banale falaise. Les randonneurs qui suivent "le Canal de Canaveilles" peuvent le rencontrer s'ils acceptent de pousser leur chemin au-delà du sentier balisé de descente. Ils verront le canal accroché à la falaise mais auront plutôt un regard vers le vide impressionnant et s'ils lèvent la tête ils verront des murs pâles ou rougeâtres en granit. Le pic en lui même est invisible. Seuls les grimpeurs (et les chasseurs) le connaissent. A mon passage, il y a 9 ans, ce roc m'a appelée. C'est une imprenable forteresse, je l'ai appris depuis.


Le roc de l'Aigle 

La semaine dernière je l'ai étudié de près, un accès m'a paru plausible pour gagner l'arrière du roc qui ne se grimpe qu'en escalade. Donc je n'irai pas au sommet.

J'ai choisi de partir de Llar ( 1340 m) pour éviter une rude montée en demeurant en courbe de niveau et surtout visiter cette portion de canal que je ne connais pas. Je ne vais pas être déçue.

Le hameau de Llar, au bout de sa route étroite et dégradée sommeille, je ne verrai ni humain ni animal. Je le traverse, même l'eau de la fontaine est muette, elle coule très peu.


Llar, une des fontaines (datée 19 eme S)

Je gagne le canal par le plus long accès, chemin en calade qui conduit vers "le chemin des canons" et, à la côte 1452,je vire à gauche sur le canal à sec en ce moment. Il n'y a plus qu'à suivre ce chemin en balcon, propre, et magnifique. En balcon, il ouvre sur les montagnes pauvres en neige, les lointains bleutés, la vallée de la Têt, dans un concert d'oiseaux.


Llar dans son décor


Le canal au-dessus de Llar

Je croise le chemin de Sauto, et continue dans les arbres qui ont envahi la multitude d'anciennes terrasses cultivées jadis. Très loin du village.

Les terres sont arides, appauvries, stériles et commence alors le parcours sauvage, la roche prend le pas, c'est sur elle que figure la limite de communes gravée par les géomètres du cadastre napoléonien en 1824. Il y a aussi la Roca Moladora (meulière). Du solide granit, il faudra que j'aille observer le site en détail, une prochaine fois.

Le paysage s'ouvre, les arbres ont déserté au profit des genêts où peut déjà se lover la vipère, j'ai trouvé une dépouille de ce charmant reptile sur le chemin.

Paysage stérile et canal en balcon; au fond, en contrebas, les roches meulières


L'inévitable Pont Séjourné


Le parcours entre dans la caillasse, bien moins praticable, mais plaisant : impressionnant secteur du Malpas, du Roc de Mallorca, où les bâtisseurs ont eu du fil à retordre il y a 160 ans : je suis admirative car ils ont travaillé sur du vide, construit des murs, cassé de la falaise, usé leurs forces et attisé leur vaillance. J'entre dans la commune de Fontpédrouse.

Le cadastre napoléonien 1824, limite de communes




Mur de soutien
Le canal endigué
                                                                                          


Le passage du Malpas (mauvais pas)


Le roc de Majorque

Ensuite le canal retrouve son aspect originel, brut dans le sol. Des forêts le bordent. Des petits ponts rocheux (une dizaine) jalonnent le parcours, ils permettaient l'accès aux parcelles du dessus. L'un d'eux est très large et je le suppose ayant été dévolu à un important passage de bétail vers les pâtures.

Petit pont de dalles rocheuses




Voici la Peira Alta (1455m, 1h 09, 4 km) sous laquelle dort un cortal, court un ancien chemin qui rejoint la route et ce roc domine le Pont Séjourné dans un angle bien particulier. Le train jaune s'y promène lentement. C'est ma chance.


Vue prise de la Peira Alta




Sur la Peira Alta granitique



Cortal ou corral au pied de la Peira

De la Peira Alta la falaise de l'Aliga se dessine majestueusement et me permet d'y chercher mon chemin. Mais déjà j'avais ma petite idée. Rien ne paraît bien accueillant dans cette façade : je reprends ma route, le parcours est semé de rocs inégaux, je croise une cabane ruinée, celle d'un "réguer" sans doute, un ravin devient une éventualité que je rejette, trop encombré, j'ose un essai dans une pente ardue et me retrouve au pied du mur, soit dans un cirque de falaises inabordables.


Les falaises de l'Aliga



Cabane ruinée au bord du canal ; celle du garde ? 



En surplomb 

Le canal construit à flanc de falaises














1ere tentative, pied du mur et cul de sac


Je redescends, sans hésiter ce sera le couloir repéré dimanche. Sans doute celui de descente des grimpeurs dont m'a parlé Nico.

Un filet d'eau sourd de ce couloir (130 m de dénivelé) que j'empoigne à bras le corps, le départ est un mur de terre arboré qui conduit...à un mur de pierres : une terrasse. Je choisis de suivre le ruisseau car l'autre branche du couloir est un fatras d'arbres morts. Et je vais me régaler : un bon couloir comme je les aime. Un ruisseau, des arbres, des murs à raser, des perce neige bien vaillants et puis le chant de l'eau, léger, ténu, comme dans ces fontaines de bassins en été. Le ruisseau descend d'une falaise sur un lit d'herbes jaunies. Une cascade quasi sèche. Un couloir c'est une côte pavée de plus ou moins bonnes intentions : les jeunes s'en rient, les vieux s'en défient. Mais apparaît toujours le ciel bleu qui en marque la fin, ici sous le couvert des chênes verts. Et j'y suis! A ma droite le roc de l' Aliga, imprenable.


Le couloir où court un ruisseau



Premier sourire du printemps




Et les murs d'escalade

Un couloir comme je les aime







C'est pour cela qu'on le nomme de l'Aigle ? 

D'où je viens, en bas





Vu de l'arrière, le dôme du Roc de l'Aigle
C'est ce que j'essaierai un peu de grimper


 Sinon c'est un col avec un joli muret, celui d'un corral, vue imprenable pour les animaux parqués là autrefois. Les montagnes enneigées, les falaise brutales aux environs, la forêt qui n'existait pas et des pâtures sur une longue pente où court le fameux ruisseau : les ingrédients de pacages d'altitude. Morts depuis longtemps.


A gauche du roc, panorama 


Les champs (marécageux) au dessus du roc

Le roc, et le Pic de Gallinas




Le roc et mon couloir de montée (puis de descente)



Cortal dans la prairie


D'abord, j'observe, puis je désescalade mon perchoir, un beau roc, avant que d'oser grimper l'arête de l'Aliga, escalier rébarbatif et géant. La tentative ne me paraîtrait pas impossible. Juste imbécile. S'il y a des pitons, pour loger la corde en descente, j'y vais ! Mais je ne trouve rien et je redescends, craintive ou prudente.


Vue de mon perchoir depuis l'arête du Roc de l'Aigle 
Ce perchoir se désescalade et s'escalade sans peine

Je pars donc en visite  : un autre petit corral au pied des rochers un peu plus haut et la trace encore lisible du chemin des pâtures. Celles ci allaient au moins jusqu'au chemin de Sauto, tout en haut, il y a des murettes et un solide corral ancré dans la roche avec une vue de rêve : les bestiaux ont il apprécié ? 

Normalement il s'agit d'un corral, un enclos (il n'y avait pas de toiture)


Tout proche, un autre petit corral


Le plus beau de tous !

Je n'explore pas cette pente qui doit cacher quelques belles ruines sous les genêts. J'ai oublié la vipère.

Je tente le retour par un autre endroit mais je finis par revenir au couloir bien plus plaisant et direct. Il sent bon le pin et la cascade.

Rapidement je rejoins le canal et j'entame le retour sur Llar, après avoir retrouvé ma table de restaurant et son décor, que personne ne me dispute.


Un filet d'eau venu du ruisseau

Et mon restau tout à côté
























J'ai juste à revenir tranquillement sur Llar en continuant à scruter le paysage pour y dénicher quelques pépites,  un corral, un sentier de chasseurs qui doit mener loin tout en haut, une source, et toujours le même silence, la même absence d'animaux, le même désert humain. Et le même Bonheur de tout cela mêlé et savouré.



Pic Rodó (1er plan) et Pic de Neufons je suppose 



Le Pic de Monellet (à droite) que j'ai gravi plusieurs fois ainsi que
 l'arête entre Pic Rodon et Monellet (2532 m)



Le roc de l'Aliga vu -presque- du ciel ! (on peut, je pense, y accéder par la crête sur la droite)

En chiffres 

Distance : 12. 2 km

Dénivelé estimé environ : 350 m

Temps de marche et de "visites" : 4 h 10'

Le trajet et les "visites"





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