vendredi 20 juin 2025

Piémont du Canigou : charmes de la forêt de hêtres


 Quand un chasseur me dit un jour "on a un sentier direct pour les Canals de Leca mais il est très raide", cela peut signifier deux choses. Soit le chasseur n'a pas envie de voir un quidam se balader sur "ses terres", soit cela grimpe effectivement très fort. Parce que, par définition, un sentier de chasseurs ignore la pente douce.

L'histoire se déroule au piémont du massif du Canigou, secteur minier de Batère, mines de fer abandonnées et une partie du bâtiment ( altitude 1470 m ) a été reconvertie en gîte et refuge sur le GRP Tour du Canigou / Tour du Vallespir.

(Les "Canals de Leca" est un site de falaises très escarpé, sur lequel le 23 mars 1938 un avion de l'aéropostale avec 8 personnes à bord s'est écrasé. Dans des conditions météo épouvantables.)


Les falaises des Canals de Leca (archives juin 2024)


Après une nuit sereine dans mon refuge personnel à 947 m d'altitude, je m'en vais tâter de ce sentier !

Le départ se fait au pont de la Ribereta, là où j'ai planté mon bivouac, sans aucune mention de sentier. Je le sais parce que je le connais. Comment ? Juste ma curiosité.

Départ

Le sentier encore visible




Ensuite, lecture du terrain



Le GR

Le GR













Il remonte la Ribereta sur sa rive droite, dans un fouillis végétal, alors que sur la rive opposée une ancienne piste autrefois balisée est un ...taudis végétal.

Au bout de 950 m je rencontre le GRP, superbe, que je remonte sur 500 m, entre rivière et forêt. Je lui fausse compagnie avant la traversée de la rivière et la poursuite vers Batère et je m'enfonce sur la rive, guidée par une flèche rose.


Après ce n'est qu'une histoire de points colorés. je n'ai jamais compris pourquoi les chasseurs utilisent une large palette de couleurs, partout. Fonds de pots de peinture de leur vie "civile" ? Il y a ici comme ailleurs du vert, du rose, de l'orange et du rouge. Mais si le sentier suit un court moment la rivière, voilà qu'il tourne sec, pleine pente et je mesure la véracité des propos de l'homme. Et moi qui voyais un sentier bucolique remontant le cours d'eau, envahi d'herbes et de fleurs comme celui que nous avions parcouru avec Nicolas dans notre balade aux Canals de Leca.






Corne de chevreuil


Un sol sec et propre


En guise de fleurs, c'est un sol sec, couvert de feuilles de hêtres, glissant, escarpé au possible, où j'ai du mal à grimper sans piolet, je me contente de suivre les points verts, pas faciles à trouver. Les photos ne rendent jamais la déclivité.


Mais que ça monte ! Et les pentes ça me connaît, en plus, j'aime. Le sentier n'en est pas un, mais une ligne droite qui longe une barre rocheuse .

La forêt est grandiose; les hêtres sont de belle taille bien qu'ils aient été exploités, des places charbonnières en témoignent, terrasses dans la pente. La forêt me fait un cadeau : un joli bois de chevreuil. Quelle chance. La rumeur du ruisseau monte à moi et ne me lâchera jamais, c'est un précieux repère.


Place charbonnière et son mur 

La hêtraie est bordée sans transition par une sapinière horrible, emplie de troncs enchevêtrés. Alors on ne risque pas de s'y égarer.




Je franchis la barre rocheuse en sa partie haute, petit col, qui bascule sur l'autre versant. Une pente immense, en couloir, plonge vers la rivière mais le sentier continue à s'élever. Je fatigue très fort, j'ai atteint l'étage où les rocs gisent sous les hêtres dans une vraie débâcle, comme murs écroulés et je perds le balisage. Impossible de le retrouver. Parce que j'en ai marre de m'user et que, suivant mon parcours sur la carte, les Canals de Leca, c'est pas la porte à côté.









Un des bâtiments de Batère


Alors à l'altitude 1336, je fais demi tour, la descente est coriace ! Un bain dans la rivière va me revigorer et je file à mon camion pour un après midi de farniente en me disant " jamais plus !".



L'histoire pourrait s'arrêter là mais...quand la curiosité s'en mêle...

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Cette forêt de hêtres est sublime. Et j'ai envie de la visiter, tranquillement, et différemment.

Ainsi au petit matin suivant, je suis à pied d'oeuvre après le 1.5 km d'approche et là, je grimpe un talus en oblique,  puis, utilisant des sentes animales, je vais parcourir la forêt en zigzags amples et reposants, d'une place charbonnière à une autre, d'un muret à l'autre, et la forêt me fera un autre cadeau : un unique cèpe, un peu déshydraté mais très parfumé.


Limite hêtres et sapins



Mur charbonnier



Vestige de charbonnière



Les charmes des hêtres

Ou être sous le charme









Mur de charbonnière



Le veilleur de pierre

Une plate forme charbonnière au sol noirci


Charbon de bois

Altitude 1336, le chaos rocheux est là on ne passe plus





Décidément on s'aime avec cette forêt ! Peu à peu je parviens à la zone des éparpillements rocheux et en consultant mon altimètre, je suis arrivée sans fatigue aucune à la même altitude que la veille : 1336 m.

Il me suffirait de faire une traversée latérale pour aller chercher le balisage perdu.

Mais pour quoi faire, Seigneur ? 

Redescendre tout droit dans la pente en mode chasseurs de Leca n'est pas un jeu d'enfant, cependant c'est sans encombre que je rentre au bercail, ravie de mon escapade.


Un jour peut être quand la forêt aura plein de couleurs et plein de cèpes, je reviendrai.

En chiffres

Total des deux randos : 9.5 km

Les trajets 

Jour 1, sentier des chasseurs


Jour 2, les charbonnières



Carte générale des lieux : 

En jaune le secteur d'investigations, en rouge le trajet depuis le bivouac. Blanc, le site de Batère



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