dimanche 6 juillet 2025

Ariège : Soulcem, vallon et étang du Riufret

Lac du Soulcem et vallée du Riufret (droite)

 Le Soulcem, en Ariège est un lac de barrage de vastes proportions, construit dans les années 80. On y accède par Tarascon, Vicdessos, Auzat et, ensuite, une petite route de 13 km  conduit au Pla de Soulcem, après le barrage, vallée glaciaire au fond plat, vouée depuis toujours au pastoralisme et ouvrant par des cols, sur l' Andorre et l' Espagne, à plus de 2500 m d'altitude. Soulcem est le point de départ de belles et solides randonnées, en Ariège la déclivité est ardue.

Le Riufret, torrent d'altitude descend du Col du Riufret, à plus de 2900 m, qui ouvre sur les 3000 environnants dont le Montcalm et la pique d'Estats.

La vallée du Riufret


Inutile de dire que les paysages y sont grandioses et qu'on les admire d'autant que l'effort fourni est important.

Cet accès au Montcalm (3077 m) est sans conteste le plus ardu d' Ariège, la voie normale étant par le refuge du Pinet, avec escale nocturne. 

Ce vallon du Riufret est à présent doté d'un sentier balisé car il s'y tient en aout différents challenges allant jusqu'aux plus de 100 km, dont la Pic à Pica (109 km, 11500 D+).

Grimper les 809 m de ce vallon en une pente soutenue est déjà un exploit sportif!

Une partie du vallon, il monte encore plus haut

Il y a deux ans, j'étais partie pour monter jusqu'au niveau de l'étang et j'avais finalement atteint les 3077 m du Montcalm.

Cette année, je veux juste aller saluer l'étang. Quand on monte cette pharamineuse pente, on se dit "c'est la première et la dernière fois". Me l'étais je dit ? 

Autrefois c'était un lieu d'estives, on y trouve des ruines de cabanes pastorales, mais le sentier était tombé en désuétude. Remis au goût du jour par les sportifs, c'est un site magnifique et bien tracé quoique extrêmement escarpé du style "on monte le nez dans le guidon et le guidon dans les fleurs".

D'abord, depuis le vaste parking où gisent pêle mêle tentes, voitures, vans et camping cars, le sentier descend et longe le lac. Il est peu prisé, on le comprend.

Je traverse une paire de ruisseaux dont le Riufret avec de l'eau aux genoux et un câble pour se sécuriser. Et , brusquement, la montée s'annonce, 809 m de dénivelé à 33 % de pente moyenne, c'est peu dire !

Départ au petit matin



Le 1 er ruisseau

Le Riufret


Ses cascades



Le spectacle, car c'en est un est partout sauf droit devant, hormis la partie escalade d'une falaise où il faut poser les mains. Devant c'est une pente verte, très très pentue dont on ne voit jamais la fin.

Mais c'est plus haut que le haut  !

Le sentier est logé entre deux crêtes de montagnes, à gauche  la Serre Pleinière avec le pic de la Madelon que j'aimerais bien saluer un jour, à droite l'arête déchiquetée du Madron et, dans le dos, le must du spectacle, la pente qu'on a déjà entamée et le barrage devenu une symphonie de bleus au fur et à mesure que l'ombre recule et que le soleil y darde ses rayons.


Une idée de la déclivité

Même chose, du 35 %


Il fait très chaud ce jour, la canicule qui n'a plus rien d'exceptionnel, s'essaie férocement à la randonnée en montagne. Tout resplendit : les ruisseaux, les fleurs, l'herbe grasse et verte, ma sueur dans les yeux,  et je monte...les rochers font le gros dos au soleil, le torrent se jette en vacarme dans ce dénivelé fait de cascades, peu visible mais si on se penche, quel spectacle !





Pour le torrent aussi c'est déclivité


Le haut se rapproche


Reflet sur le Soulcem et Pic de la Madelon


Le Soulcem en bas


Symphonie de bleus


Oui la montée du Riufret est spectaculaire, comme l'effort fourni. Je monte lentement mais sûrement, courts et fréquents arrêts pour reprendre souffle et contempler. 

Rhododendrons, fleur de saison


Lorsque le sentier longe la falaise sur la droite, le balisage a été soigneusement refait, gardant ses multiples couleurs d'origine. Au moins la descente dans la brume y serait plus confortable qu'il y a deux ans.


Harmonies de teintes 


La fin se profile , la pente s'adoucit à 2410 m et le paysage minéral et ocre se dessine, c'est le royaume d'un ancien glacier disparu qui a laissé ses graphismes et sculptures sur la roche, je me plais à imaginer sa forme et son mouvement, sa reptation dirais-je.


Le décor vers les Canalbonne et la Pique d'Estats


Vestiges morainiques


Lissé par le glacier, tel un serpent  de roche


Détails

Direction  l'étang, tout en bas, qui est la dernière trace de ce glacier disparu.

Ce sera tout droit dans l'ancien chemin de glace

Un très bel étang aux eaux de cristal bleu, où se baignent les névés plus réduits qu'il y a deux ans et où se mirent les sommets. Je vais donc suivre le trajet du serpent de glace pour descendre rejoindre les 2350 m de la surface de l'eau. Bien sûr je ne résisterai pas à la baignade rapide, c'est glacé. Le lac est paisible, partagé entre couleurs rouge et bleue, selon les reflets de la roche ou du ciel. N'oublions pas le blanc des névés et on a les couleurs de la France qui éclatent en surface.


Altitude 2350


Les couleurs du Riufret

C'est un étang enchâssé au fond d'une cuvette, il est impossible d'en faire le tour à cause des falaises. Je reste perchée sur mon rocher et mon petit carré d'éponge ravit les insectes qui s'y étalent comme sur une plage. Je sauve de la noyade quelques buveurs d'eau trop goulus et je profite du calme, de la solitude, de l'isolement de ce lac à l'écart du sentier et presque invisible. J'ai tout ça pour moi et presque le silence car l'eau se fait discrète avant ses 800 m de chute.

                                                                                         

Le torrent va s'échapper de l'étang
Ce nageur qui est venu par curiosité
est un morceau de névé













Cette salle de restaurant déserte a son charme mais l'inaction ne me va pas et je reprends la route. Je remonte jusqu'au sentier en faisant un peu de tourisme et en saluant à haute voix un défunt .

Inconnu souriant. J'ai rencontré
3 vivants et un défunt

Et puis c'est parti pour les 809 m D-, plus rapides qu'à la montée je ne m'essouffle pas, le pas est rapide mais prudent car c'est instable. Une descente heureuse, le point de vue est omniprésent sous le regard émerveillé; je ne me lasse ni des couleurs, ni des reliefs.  Et toujours le désert humain .                                   

Plongée vers l'aval

Le Riufret vers l'amont



Et le beau décor d'en bas


Je crois savoir déjà que je reviendrai me colleter à ce relief. Il y a du Canalbonne à tout va, Pics, Port (col) et étang, ma préférence. L'autre, l'inconnu, car ils sont deux, les Canalbonne : quel est le meilleur ? Je connais l'un, pas l'autre. Mes jambes ne sont plus assez solides pour du solide mais assez vaillantes pour du liquide...comme à mes débuts, voilà 19 ans.

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Souvenirs d'ici: en un clic

Le Montcalm par le Riufret (Juillet 2023)

Le coeur battant du Riufret 5juillet 2023, la remontée d'un tronçon du torrent)

                                            
En chiffres
Dénivelé positif cumulé : 1000 m
Distance  aller retour : 10.5 km
Temps de marche : 4 h 43

Le trajet (aller retour)




mercredi 25 juin 2025

Piémont du Canigou : un sentier magnétique

 Cet article est la suite et fin du précédent récit concernant le sentier que j'avais perdu en cours de montée. Le sentier qui doit rejoindre les "Canals de Leca", secteur Batère.

Les Canals de Leca

Ce sentier a avec moi une drôle d'histoire de magnétisme, qui explique mon obstination à vouloir le  retrouver bien que ce soit stupide et inutile.

Le 17 juin 2024, nous allions avec Nicolas parcourir le sentier abandonné des Canals de Leca, à Batère , d'ouest en est. Sentier désaffecté pas toujours facile à suivre et à trouver notamment au départ.

D'entrée je vis un point rouge sur un arbre et je me dis "un sentier de chasseurs !" Avec une forte envie de le parcourir un jour. J'aime ces sentiers sauvages, loin du grand public et qui contiennent parfois de petits trésors si on sait les voir. Ils m'attirent comme des aimants. J'ai toujours gardé en mémoire ce point rouge comme un appel de la forêt dans laquelle il se jetait. 

17 juin 2024

Au terme de cette journée, raccompagnant une randonneuse épuisée à Arles s/ Tech, devant une boisson fraîche, un jeune homme nous parla et me dit qu'il était chasseur et que son groupe avait un sentier "très raide" pour monter aux Canals de Leca.

Deux signes dans la même journée et, depuis, ce sentier devint attirant comme un aimant. En octobre je trouvai le départ discret. Le 16 juin 2025, hasard du calendrier, j'ai grimpé une partie du sentier puis...je l'ai perdu ! Usée jusqu'aux genoux!

Donc une semaine après me voilà encore sur le site. Cette fois le départ se fait en douceur, par une longue oblique en forêt et très vite j'atteins la côte 1336 là où je l'avais perdu. Il n'y a plus qu'à chercher et immédiatement une belle flèche verte m'invite : "c'est par là !".


Le dernier : un point c'est tout

Et au suivant ! Une flèche













Et je vais monter, ah pour ça oui, ça monte. Chaque marque de peinture m'oblige à un temps d'arrêt pour trouver la suivante, le balisage est très discret et uniquement dans le sens montant. Donc les chasseurs ne redescendent pas par ici. Ils ont un ailleurs bien plus commode. Que j'envisage mais comme je connais la sortie sur le sentier des Canals, c'est fort aléatoire. Car le sentier des Canals est effacé. Ainsi au fur et à mesure je me fais mon propre balisage en vue de la descente. Long et fastidieux. J'oscille de part et d'autre d'une ligne de crêtes, toujours sous les arbres, sans visibilité, croisant d'énormes rocs immobiles, aux formes animales, gardiens de ce temple vert. Je suis à l'ombre mais la chaleur est dense. J'écoute la forêt, les oiseaux, le sanglier qui grogne tout près et me fait peur avant de disparaître. Au son de la musique de Verdi (Aïda). A moins que subjugué il ne se soit solidifié comme un roc ? 


Des rocs de temps en temps




Ils ont tous un aspect animal


De point vert en point vert, parfois double emploi



Et ça monte dans la hêtraie

Je poursuis ma montée, les chiffres défilent et soudain je sors de la forêt, pour me trouver dans une clairière encombrée de buissons ras, là c'est aux vipères que je pense. Je monte pourtant; j'ai perdu la trace du sentier mais je n'hésite pas à filer vers l'amont dans une sapinière, à la recherche du sentier des Canals. 

D'autres indices, la tronçonneuse



Fenêtre ouverte sur les Canals de Leca



Dans le creux à gauche, Col; de la Cirera

Là, émergeant de la sapinière, je crois reconnaître les lieux. ça y ressemble, une prairie douce, un bel arbre, je vois les prairies des Roquettes se profiler, le décor ne m'est pas inconnu, je cherche mais j'ai trop peu de certitudes pour me hasarder. Même avec le GPS puisque ce sentier n'est pas marqué.

Prairie de raisins d'ours

                                                                                   
Là ça me parle vraiment
Un air de déjà vu
J'entrevois les falaises des Canals




La forêt de fait discrète


Les rochers un peu moins

Les bâtiments miniers et gîte de Batère

Ma version de GPS cesse de fonctionner, je dois donc me fier à l'instinct. Une petite visite vers l'ouest sur un promontoire rocheux me montre une pense sévère, une esquisse de sentier (en fait c'était celui du Col d'en Cé), des maisons (celles près de mon parking), mais je ne suis sûre de rien, écrasée par le soleil.

Je suis à l'altitude 1575, et je décide, par sécurité, le demi tour. Je n'ai rien mangé, j'ai bu et je n'ai vraiment pas faim. Une autre esquisse de sentier part d'un joli hêtre , dans la pelouse, mais je le laisse à son destin. Je me lance dans la descente, je retrouve mes repères, puis j'hésite un peu, alors je décide de les oublier, j'ai assez usé ma patience à chercher des marques en montant! Je me jette donc dans la pente, cette fois sur l'autre rive de la crête et c'est une descente très amusante, très raide, glissante , enfin je m'y régale. 


Un sentier part d'ici, vaguement tracé


Je me lance dans la descente


Je fausse compagnie au sentier


Il y a sur ce versant le vallon d'un petit ruisseau qui coule tout en bas, sur le chemin, je vais donc voir s'il a de l'eau ici, à plus de 1300 m et j'ai la surprise de le voir sortir de sous la roche, tel une source. C'est une forêt enchantée. Je fais le plein d'eau et, finalement, comme un animal, je m'y vautre, ce qui est appréciable sous ce cagnard ! Je ne vais pas le suivre car ces dames orties squattent sa berge et je vais donc louvoyer dans la forêt car j'aime cette forêt, elle m'attire comme un aimant et j'y cherche quelque chose...qui pourrait ou devrait s'y trouver. J'y trouve des tas de places charbonnières, j'y trouve même une source ravissante, aussi incongrue qu'un champ de courgettes,  mais point de cabane charbonnière. Je les connais les cabanes, je sais leur facture mais ici, rien. Certains murets y ressemblent, mais rien de bien précis.


Le ruisseau


L'émergence du ruisseau



La source dans les racines de hêtre

Une belle et bonne eau limpide













La sapinière


Une des ses charbonnières


Mur de charbonnière

De toute façon je sais que je reviendrai. A l'automne.

Je louvoie entre sapins et hêtres, à vrai dire, je ne parviens pas à m'arracher à ce site. Je suis à jeun, j'ai fourni un effort considérable et je me nourris d'enchantement.

Enfin je regagne mon camion, la chaleur est écrasante, malgré les 950 m d'altitude. Et je me prépare un petit festin bien mérité. Que j'irai compléter au refuge de Batère. L'eau du ruisseau n'a pas suffi.

Bière locale

J'ai gagné mon pari, ou mon paradis, même si je n'ai pas trouvé parfaitement la sortie. L'arbre au point rouge garde donc toujours son secret....

Le périple (en partie) en image  :

En blanc la montée, en jaune la variante en descente


En chiffres

Distance : 7 km

Dénivelé : environ 650 m

Temps de marche : 3 h 08