mardi 19 novembre 2024

Lac du Salagou (34) : la rando qui voit rouge

Mes souvenirs de Salagou se réactivent en ce week end de permission de sortie (non je ne suis pas en prison, juste légèrement accidentée) j'en profite donc pour me rendre en ce lieu facile d'accès, quelque 150 km, où j'avais déjà pansé une blessure au pied. J'ai mes sites de "remise sur pied", il en va ainsi du Salagou, du Sidobre et des hauteurs de Leucate. Comme un réflexe de Pavlov. J'y fais, en quelque sorte ma rééducation !




Pour se rendre au Salagou, il faut quitter l' A75 au niveau de Clermont l' Hérault, ou mieux encore une sortie plus au nord. Des deux rives du lac, toutefois c'est celle sud qui est la plus belle, la plus prisée, la plus touristique. Cependant de partout on a des vues superbes sur ce décor bleu, vert et rouge sang; ne parlons pas de la vue aérienne depuis les crêtes du cirque de Mourèze !

Rive droite, les vignes


Pour moi ce sera ras du sol ou presque : il y a en rive droite du lac, vers le village de Liausson trois collines les pieds dans l'eau, le Mont Redon 227 m, le Rouens, 253 m et la Sure, 317 m. La Sure et le Rouens, nommée la presqu'île, sont séparées par une longue baie.

Un des villages : Liausson


Je campe en compagnie d'autres véhicules, tolérance acceptée au vu de la saison, c'est calme et vivant à la fois : oiseaux sauvages qui croisent en formation, silence des pêcheurs sur l'eau ou dissimulés dans les replis du terrain, petite tente de camping, petit bateau et multitudes de cannes. On pêche la carpe, le brochet, la sandre voire le silure. Tout le jour de petites barques sillonnent l'eau, à la tombée du soir tout le monde s'évapore et le site attend la nuit en silence, ou sous le vent qui frise la surface.

Autre style de pêcheurs


Le lac est constellé de bateaux


Scène de pêche



Sur le rivage se cachent les pêcheurs


Les couleurs ambiantes enchaînent alors une symphonie de rouges, ocres, gris, verts, reflets dans les grandes flaques, il a beaucoup plu. Les étoiles s'allument, le silence noie le lac, les apéros s'installent entre les camions, demain sera un nouveau jour.

Au  rivage des vignes






Demain c'est aujourd'hui, 11 novembre, matin flamboyant, j'ai décidé d'enchaîner la balade des deux proches collines. Bien sûr, si ma main était un peu plus valide, c'est un tout droit dans la pente croulante et rouge de "ruffes" que je m'offrirais la montée. Peut être le piolet aurait il été de sortie, pour cramponner ? 


Au couchant la ruffe s'habille de couleur sang (le mur que j'aurais aimé monter)


Les "ruffes" : quel drôle de nom pour désigner les pélites. Les pélites inconnues pour le commun des mortels (dont je suis), sont des vases argileuses déposées il y a plus de 270 millions d'années sous un régime tropical, débarrassées de leur eau, compactées et qui, à la surface du sol aujourd'hui se délitent en petites écailles; très rouges à cause des oxydes de fer, elles sont appelées ici "ruffes" (de rufus = rouge). C'est simple non ? 


Rives d'un mini canyon dans la ruffe


La ruffe et ses écailles  ainsi que des blocs de basalte


Elles habillent le paysage d'ondulations rouges, sortes de dunes douces aux pieds nus.

Dunes de ruffes


Comme le secteur est riche de sa géologie, les écoulements basaltiques de volcans vieux de 3.3 à 1.5 millions d'années coiffent les hauteurs. Ma balade du jour va osciller entre basalte et ruffes, entre colonnes verticales et dunes mollement arrondies. Là dessus croissent les chênes verts et autre végétation méditerranéenne et coulent des myriades de ruisselets issus de ces collines, convergeant vers le Salagou, n'hésitant pas à creuser des canyons miniatures qui, à une autre échelle feraient pâlir d'envie les grands.
Mais ils sont beaux ces mini canyons je me souviens de ma Lison (ma chatte randonneuse) les découvrant jadis .

Mini canyon

Dans le canyon

























Là je suis avec Nina la casanière attachée à ses murs, fussent ils sur roues, mais restant peureusement à l'intérieur.
Donc, après une nuit très paisible en bord de lac, puisque à cette saison la tolérance est de mise, je me mets en route pour arpenter les collines de Rouens et de la Sure. Rouens m'attire avec ses pentes rouge sang; noyées dans l'ombre, elles sont plutôt bordeaux. Je rencontre deux randonneurs qui vont faire le tour du lac, 27 km ! On se croise et je pars vers mon aventure. Aventure car il n'est aucun sentier balisé sur le site : les seules balises sont l'instinct et surtout les traces : traces de pas et de VTT (c'est leur domaine en bord d'eau) ainsi chacun, ici, trace son chemin à l'envi. J'aime ça.


La presqu'île de Rouens dont je vais faire le tour (et le sommet)


Couleur bordeaux quand le soleil est absent


et rivage

Sentier

























Le tour de la presqu'île c'est des dunes rouges, des sentiers enfouis dans les arbres, c'est caresser les eaux bleues ou frôler des falaises, c'est jongler avec des petits canyons ou des sentiers couverts d'eau de pluie, c'est surtout plonger son regard vers les rives du lac et les reliefs qui les dominent car c'est superbe.
Le tour de la presqu'île ce sont les envols d'oiseaux sauvages en formations bruyantes, ce sont les bateaux silencieux qui installent leurs appâts sous les eaux bleues, et les pêcheurs dissimulés sur les rives, immobiles, aux aguets.
Je quitte le bord du lac, un sentier s'élève vers la cime.

Montée à Rouens


 Le sentier jongle entre sous bois, ligne de crêtes et vestiges volcaniques. Un dernier raidillon, je suis au sommet de Rouens, perchée sur une dentelle de basalte, face au grand bleu du Salagou. Le ciel est étincelant. Le paysage aussi.


La ruffe, désagrégation de la roche 



Détail du rivage


Depuis le sommet 

Je me faufile dans le basalte, en descente, et je me glisse entre végétaux piquants, arbres et orgues basaltiques, c'est magnifique : un relief d'orgues on ne rencontre pas ça tous les jours dans notre sud.
Je grimpe un peu, avec précaution, pour ma blessure encore fragile, souvenir de ma dernière randonnée, voici 3 semaines.


Les orgues de Rouens

Coulée de basalte
























Oui j'ai obtenu une perm' de week end auprès de mes infirmières...c'est une autre histoire, celle d'une rando qui a chaviré.
La descente du modeste sommet se fait au milieu des buissons, sur un des sentiers bordés de débris volcaniques : ici ils sont éparpillés, en tas, ou en murettes témoins d'un passé agricole, du temps d'avant le barrage, ou plus lointain.


Anciennes terrasses aux murets de basalte


Eboulis de basalte sur sol de ruffes rouges


Le retour au fourgon est rapide; une petite collation et je repars pour la Sure que j'ai gravie un jour d'infirmité, le pied cette fois, il y a 9 ans déjà.

La Sure face ouest


La Sure : la montée est immédiate, cette fois je ne manquerai pas le sommet, je fausse compagnie à la piste, je m'aventure sur la pente rouge des ruffes, puis dans les chênes verts et je parviens au sommet avec dans les yeux la rive en face et le drôle de village de Celles.

Montée à la Sure, la presqu'île de Rouens en face



Contraste saisissant : la ruffe et l'eau (rive gauche)




Les sous bois de là bas

Le chêne vert


 





















Celles c'est l'histoire d'un barrage qui se construit dans les années 60, des maisons évacuées, de l'eau qui devait engloutir et ne le fit pas, d'un village ruiné, les pieds dans l'eau, la tête au soleil et qui reprend vie sous la houlette de Mme le Maire, qui a conçu un projet original. Une curieuse histoire à lire sur internet, l'histoire d'une petite fille qui s'est noyée dans les larmes de son père obligé d'abandonner son village. Le père puis la fille ont réagi, repris le flambeau et sauvé des eaux et de l'oubli ce village si joli.



Rive gauche et village semi abandonné de Celles



Celles


Me voici donc contemplant Celles de tout en haut, mais aussi ce curieux "château" qui n'est autre que cheminée volcanique. L'eau, la terre, le ciel, le feu...pays de contrastes et de mystères venus du centre de la terre. Je ressens là bas toujours un curieux bien être et un désir effréné de marcher pieds nus, de me plonger dans le lac, de m'enfouir dans les mini canyons et de dormir au clapotis.


Cheminée de basalte (extrémité du lac)



Les orgues de la Sure

Le sentier qui descend , face ouest est escarpé, rouge et glissant. Je longe la couronne de basalte, et je me lance dans la pente, avec ivresse : ivresse de mon assurance retrouvée. Je ne cours pas je vole et...je plonge sur mon bras blessé. La douleur me cloue, tout se voile et tangue, je me ressaisis, je serre les dents, je retrouve et perds le sentier, je descends avec précaution sur les traces des animaux assoiffés et j'atterris dans l'eau pour un bain réconfortant, bras en l'air.
Alors, je m'assieds sur un rocher, je sors mon carnet de croquis et je dessine Celles voguant sur une plage bleue.




La journée est douce, colorée, silencieuse, désoeuvrée, peu fréquentée, propice à la rêverie, aux projets ou au farniente. A l'écriture, au dessin, à la pêche ou à ne faire rien. Tout ce que je sais aimer. Parfois. Revenir au camion est encore loin, les rives du lac sont dentelées mais si belles, je n'en veux rien perdre. Quelques sportifs s'y aventurent, on se salue, la douceur ambiante favorise la politesse, les gens sont heureux. Je promène ma plante de pieds nus sur ce sol doux et abrasif  à la fois  : après la kiné ce sera pédicure ! Les pêcheurs promènent leur barque près des sagnes.






Me voilà au camion où ma Nina s'éveille. Curieuse, elle observe le ballet de ses ennemis les chiens !
Alors nous reprenons la route vers d'autres sites avant que le soir ne les engloutisse, Celles sera le point d'orgue, j'aurais bien logé Max entre deux façades mais le village est interdit sinon à pied. Ce sera  finalement dans le grand parking quasi désert du centre nautique des Fraysses, battu du vent du nord, avec vue sur lac, que je m'offrirai ce petit supplément de perm' : une nuit au bord du Salagou.
En attendant de revenir mais pas dans 10 ans cette fois, oh non !







Les Fraysses


En chiffres : environ 12 km de rando


Cartographie : le lac du Salagou


Situation et accès : lac dans cercle rouge


Physionomie du lac : rive droite en premier plan



Même vue avant le barrage : la route impériale N°9 traversait le site


dimanche 20 octobre 2024

Espagne, Aragon, La Sierra de Guara

 Cette montagne située dans la partie la plus au sud des Pyrénées, une sorte de piémont, se trouve au nord de la ville de Huesca, et à la longitude, à peu près du Département des Hautes Pyrénées françaises. De l'autre côté des Pyrénées on trouve Pau, Tarbes, Lourdes.

Sierra de Guara versant sud



El salto de Roldàn (légende de Roland de Roncevaux)

Image internet


Ceci précisé, je suis partie visiter cette région, un très vieux projet, mais je suis partie sans en rien connaître, me laissant ainsi le goût de la surprise et de la découverte, ce que j'aime le plus. On dira "un premier contact", et pour ce premier contact, il fut réussi, au fil de l'eau, des falaises, des canyons, des vieux chemins et villages, de murettes en grottes aux peintures rupestres, de traversées aquatiques en ponts médiévaux élégants, j'ai parcouru 92 km à pied (sur 10 jours), sans carte ni GPS, juste avec quelques indications touristiques glanées sur un classeur dans un salon d'hôtel, et mon instinct, ma curiosité, mon goût d'aventure ont fait le reste.

Dans mon sac, une lampe et une corde, un sécateur, indispensables. Je ne conterai pas mes randonnées , elles furent toutes éblouissantes !

Mes outils de rando


Style de plan













Je suis restée abondamment sur ma faim, j'avais tant d'autres choses à voir, j'ai laissé un sac plein de regrets à la consigne pour un prochain séjour et j'ai ramené des moissons de beaux souvenirs.

Mon trajet d'environ 400 km pour m'y rendre fut simple, pratique et confortable, 400 km d'autovia, soit autoroute, gratuite évidemment, mais que j'ai désertée pour aller visiter une ou autre forteresse. 

Partie par le Perthus, Gérone, j'ai bifurqué sur la C25 (autovia) direction Vic et Manresa, Lerida (Lleida) et enfin Huesca, où l'autovia achève sa construction. 

Le nom Alquezar m'a interpelée, il résonnait comme un écho de rivières et eaux vertes, c'est ainsi que je plongeai en Guara pour un enchanteur séjour.

Alquezar 


Il pleuvait et il plut souvent pendant mon séjour, mais entre deux averses ou sous la grisaille je parvins à parcourir des km.  Il n'y eut que deux jours pleins, de grand bleu, couleurs flamboyantes et eaux turquoises. Les eaux restent turquoise sous la pluie, la roche devient glissante, le maquis embaume et griffe encore plus, les falaises s'éteignent, et le plaisir reste.


Secteur Alquezar et Rio Vero


Je n'ai pas beaucoup roulé, juste pour rallier différents lieux mais si je me suis offert des sentiers de randonnée, anciens chemins de communication ou chemins paysans, je me suis aussi aventurée sur d'autres destinations plus confidentielles échappant au tourisme, de loin ma préférence. Me retrouver  seule au milieu de nulle part, dans un paysage aussi grandiose qu'angoissant, avec des difficultés à franchir, grottes à escalader, arête à arpenter, chemins à créer, espaces à débroussailler, murs à décrypter, descente vers un canyon dans un site grandiose, au fond de gorges, cairns à décoder, me tendant leurs rocs indicateurs d'une ou autre curiosité, baignades en eaux vives, ouvertures en plein ciel en haut de falaises etc...Si chez nous les chemins de chasseurs sont mes alliés, là bas j'ai fait miens les chemins de grimpeurs ou de canyoning, pour mon plus grand bonheur.


Tout au fond d'une grotte


Arête face à Alquezar et abri sous roche (bas droite) protégé par un muret


Au zoom, l'abri sous roche


Pont médiéval de Vilacantal, Rio Vero



Pont médiéval de Fuendebaños Rio Vero


Puente de las Cabras Rio Mascun


Pont du Diable, Barranco de Fornocal

Comme partout où je passe, j'ai ramené des séries d'estafilades, quelques hématomes, mais des images plein les yeux, images qui ne semblaient appartenir qu'à moi.

J'ai dormi près des gens mais aussi loin de tout, seule avec mon camion, mon chat, le vent et les étoiles (ou pas). De mon lit, je vois le ciel, à travers le lanterneau, la Grande Ourse me faisait ses clins d'oeil les nuits sans nuage, la lune s'étant absentée.

Bivouac solo : Peña San Miguel, Salto de Roldan

J'ai fait des rencontres insolites, humaines, animales, minérales et végétales, j'ai eu souvent l'impression de faire partie du vent, de la pluie, de la roche, des falaises et des eaux vertes, j'ai eu l'impression souvent qu'il n'y avait que la Sierra et moi. Et les lieux nommés Lecina, Colungo, Rodellar, Vadiello, Salto de Roldàn, et j'en passe.

Rodellar sous la pluie


Autre visage de Rodellar

Santa Eulalia la Mayor

Les rencontres furent amusantes, étonnantes, parfois. Jeunes grimpeurs avec leur vans et leurs cordes, semi nomades avant que d'être hommes araignées, vieux français aux allures compassées de camping caristes avertis et sur équipés, une jeune femme vagabonde comme moi, un cycliste espagnol dont la bonhomie et la simplicité cachaient l'étoffe d'un écrivain aventurier, ayant parcouru la Sierra de Guara de fond en comble sur les chemins oubliés, qu'il a consignés et dessinés tout au long d'un ouvrage, un peu mon âme soeur. Et puis, cette jeune femme circulant avec son chat drapé dans une étoffe comme un bébé africain, ce couple de néerlandais ayant quitté leur plat pays pour les 300 m verticaux de falaises et grottes rupestres que l'on grimpe par une sorte de via ferrata. Les moins sympathiques de ces rencontres furent assurément les français, un genre peu convivial, peu amène et plutôt coincé. Et puis les animaux, les vautours qui tournoient autour de moi et semblent, à la fin du jour, me défier sur les fines arêtes où ils se posent. Les chèvres cornues, élégantes et curieuses, les chats hardis et curieux, les oiseaux qui emplissent les falaises de leurs cris et tout un petit monde que je ne vois pas et que je devine dans les sous bois. 

Vautour fauve


Néerlandaise au pays vertical


Royaume du vertical


Néerlandais hors de son plat pays













D'autres rencontres ont de quoi surprendre : un chêne millénaire protégé comme une couvée de poussins, des peintures rupestres au fond de grottes défendues par de solides barreaux, des moulins ruinés enchâssés entre les parois de profonds canyons, avec leur prise d'eau d'origine médiévale et leurs canaux semi ruinés, des oliviers millénaires au ventre creux et à la vaillance sans faille, des barrages plus sinistres que le dernier jour du monde, des monolithes à donner le vertige, juste vus d'en bas, des traces de la crue de la semaine précédente, crue qui m'eut interdit la moindre sortie, que sais je encore ?


Le chêne millénaire de Lécina (donnait 700kg de glands)



Olivier à Alquezar


Art rupestre   (-5000 à -15000 ans)


Moulin, canyon du Rio Vero


Art rupestre  : grottes protégées

Ah oui, ces dialogues en espagnol avant que de s'apercevoir que nous sommes deux françaises qui conversons ainsi ! 

Et ce cep de vigne au bord du chemin presque au fond du canyon, témoin d'une vie agricole passée : une source, une masure, des oliviers abandonnés, des terrasses rendues à la friche et lui, seul survivant, encore vaillant, avec sa récolte desséchée au bout de ses sarments étiques. Bien sûr il m'attendait et je l'ai réconforté.

Le cep du canyon du Rio Flumen

Il y a la musique, celle du vent, celle de l'eau qui tournoie dans la pénombre des gorges, qui mugit et résonne, l'écho se heurtant sur les falaises qui le renvoient sans cesse. La musique du silence qui emplit parfois l'espace, traversé soudain par le hurlement d'un grimpeur décrochant de sa falaise, et la musique de la langue de ce peuple exubérant qui chante fort son art de vivre, en terrasse de café, sur les sentiers, au ras de l'eau ou dans les rues d'un de ces villages que l'automne a dépeuplés comme une plage de Méditerranée.

Barranco de Barrasil, Rio Alcanadre

Rio Alcanadre, Canyon de Barrasil

Canyon du Rio Flumen, Salto de Roldan














Dans la Sierra de Guara, il y a mille trésors cachés, dont je n'ai entrevu l'éclat que de quelques uns et encore fugacement. Mais ces éclats imprègnent mes souvenirs aussi intensément qu'ils ont frappé mon regard. La pluie a habillé les sols des sous bois de myriades de champignons, a fait ruisseler de mini torrents entre les murs des chemins d'avant, a recouvert les falaises d'écharpes luisantes, et a grossi les cours d'eau, entravant les nombreuses traversées qui furent celles des "gens d'avant" et sont celles des touristes d'aujourd'hui.


Gargantas de Barrasil sous la pluie

Sous le soleil

Ces chemins...chemins de vie, de village en village, de communication, d'exploitation, de paysans et de bergers. Dans un cadre immuable, fait de châteaux de pierre calcaire, ces chemins pavés, taillés dans le roc, nantis de marches d'escalier, de calades, de virages serrés et de déclivités redoutables sont un ancien fond marin vieux de 50 millions d'années, mer chaude tropicale où les animaux marins se sont solidifiés en petits fossiles  bien serrés les uns contre les autres comme pour se préparer à une si longue postérité. Nummulites, alvéolites, de petite taille mais concentrés font un séduisant tapis de sol couleur ivoire.










Les sqatteurs de murs



Chemin à Otin


Chemin à Otin


Le sol, vers l'altitude 800 et plus : pavage vieux de 
50 millions d'années


Cette Sierra de Guara, allongée d'Est en Ouest, est striée de canyons entre des falaises de près de 300 m de haut. Aucune route ne la traverse même si des routes l'entament sur une faible profondeur. Ainsi la plupart des villages du sud sont tout en bout d'une route qui finit là, brutalement. Ils se nomment Alquezar, Betorz, Rodellar, La Almunia, Las Almunias, Santa Eulalia. 

Las Almunias de Rodellar


Haute vallée du Mascún


Falaises du Barrasil



Haute vallée du Mascún


Calcaires ou conglomérats, les roches sont spectaculaires

Je ne suis pas allée au nord, ici aussi une route entame le piémont nord mais se termine sans l'achever. Je n'ai pas vu les sommets, dont le culminant Tossal de Guara 2077 m. Je reviendrai. Je n'ai pas de goût pour l'inachevé. J'ai vu le village abandonné de Otin, à 9 km du premier point habité, dominé par sa petite église étêtée, aux murs colorés de fresques et au sol semé de persil sauvage. Otin entouré de terrasses, de murs, de bâtiments imposants, un important lieu de vie que la vie a déserté. Le dernier habitant a quitté les lieux voilà un demi siècle. Il n'est plus que chèvres, touristes, vents et pluie pour hanter les demeures éventrées, le four à pain glacé, les écuries aux plafonds voûtés, les pièces béant sur le vide au bout d'un escalier bancal, les balcons de fer grinçant au vent. Une ruine de guerre? Non, une ruine d'exode. Rural.

Four à pain Otín


La très belle demeure de Otín




Eglise de Otín (alt 1000 l)


Vestiges de fresques


Les lieux sinistres se nomment Canyon de Fornocal (et autres), où un mince fil d'eau coule en cascades et bassins sous les ventres des conglomérats couleur bordeaux, dans des antres où ne pénètres pas le soleil et si peu le jour. Qu'est ce que j'aimerais m'y aventurer ! J'ai essayé sans succès. Ici, je n'ai pas trouvé l'accès, là je n'ai pas su descendre à la corde fixe. Les topos descriptifs donnent le frisson.

Canyon

Canyon du Fornocal près de colungo














Alors j'ai grimpé vers le ciel pour me loger dans des grottes ou des fenêtres voire sous une arche aux airs de toit du monde. J'ai traversé et retraversé les eaux fraîches et vives, j'ai pris des bains frisquets et tonifiants, j'ai profité à souhait de ce que j'ai côtoyé.

Grotte, vallée du Rio Vero



Cueva de Andrebot



Arche, Rio Mascún


Arche inaccessible, Rio Mascún



Gorges de Barrasil



L'eau est de cette couleur partout


Ce que je n'ai pas aimé ? Au fait est il une chose que je n'ai pas aimée ? J'en suis encore à me le demander.


J'ai tellement  aimé que je poursuis mon cahier de vacances !