mardi 8 janvier 2019

Pic du Cambre d' Ase, 2750 m: 1er janvier 2019

Préambule :Nombreux sont ceux pour qui le Canigou est LA montagne mythique; personnellement, c'est le Cambre d' Ase qui eut un jour mon coup de coeur et des années après, cela perdure. C'est la montagne de tous mes désirs, pour laquelle j'ai concrétisé mes rêves et même suis allée au delà de mes rêves. Alors, ce fut elle encore qui s'imposa pour un premier de l'an sortant des sentiers battus.
Le sommet est à 2750 m, à peine 34 m de moins que le Pic du Canigou, mais sans doute bien plus accessible car l'approche en est plus courte. Sur ce Cambre, je suis montée au début avec respect, à cause de ce profil fortement entaillé et impressionnant; je suis allée en compagnie d'un guide arpenter falaises et morceaux de couloirs en une séance d'alpinisme qui m'a beaucoup marquée. Je suis allée grimper avec des amis un couloir d'alpinisme, j'ai apprivoisé ce site qui m'imposait du respect, mais jamais de peur, comme le Canigou, et j'ai savouré cet immense panorama, été comme hiver. Donc aller saluer un an neuf plein de promesses depuis son sommet s'imposa comme une évidence.
Le Cambre d' Ase et le Pic éponyme ensoleillé

 Le 31 décembre au soir, dans un crépuscule lumineux mais froid, je m'installe à Eyne, au coeur du village ancien, parce que l'idée d'avoir des murs authentiques et chargés d'Histoire(s) me plait. Un ruisseau à l'eau glacée bercera ma nuit, mais de bonne heure, 19 h 45, Odeillo/Font Romeu salue l'an neuf en un magnifique feu d'artifice.

Bienvenue à 2019

Je suis seule, sans chats, je n'ai voulu leur imposer ni le froid ni l'attente de la journée de rando. Dans mon habitacle, il fait bon, c'est chaleureux, mais j'en profiterai peu, je sombre vite dans un profond sommeil. Un matin plus loin, je m'élancerai à pied du parking de la station de ski, 1785 m.
Ce matin du 1er janvier, le soleil rosit quelques sommets, paradoxalement c'est le plus haut de tous, le Carlit qui verra le soleil en dernier.


Lever de soleil. 8 h 20 (Pérics & Vallée de la Llosa)
 Pour ma part je ne le rencontrerai que 2 h 15 plus tard ; je vais marcher quasi tout le temps en ombre, je suis face nord. Il fait moins 5°, le froid est vif, je marche d'un bon pas, j'ai la forme. Le début du parcours se fait en suivant une piste de ski qui conduit à Pla de Cambre, 1937 m, mais que je coupe sur un tronçon. Cette piste que les voitures peuvent emprunter l'été est un vrai miroir de gel, sur toute sa largeur et si je ne chausse pas les crampons, par paresse, c'est une marche délicate qui s'impose: je ne sais où mettre les pieds!
Malgré cela, 33 minutes plus tard je suis à Pla de Cambre, où, dans un vacarme gênant, les canons à neige soufflent leur factice et précieux or blanc. Il y a très peu de neige, sinon pas du tout. Toutefois mon premier regard sur le cirque du Cambre est moqueur!

Les saucisses oubliées du Cambre (en fond)


Miroir de gel

























Une petite pause carburant et je repars cette fois en forêt, pour une montée qui m'est familière et demeure plaisante, d'autant que je rencontre enfin la vraie neige. Le sentier disparaît, je suis dorénavant les traces de mes prédécesseurs, fort heureusement car je risquerais l'erreur de parcours.
Eux ont fait un "tout droit" d'où émergent des cairns, c'est le bon chemin, version simplifiée. La pente est soutenue, je ne chausse pas les crampons, inutiles sinon en certains endroits bien gelés qui m'invitent d'autant à la prudence, les arbres deviennent rabougris et épars et enfin disparaissent, je suis aux environs de 2500 m.








Dans le ciel d'un bleu soutenu la lune, mince croissant d'argent, s'apprête à disparaître dans le cirque du Cambre, s'accroche un peu aux rochers, puis change d'avis et s'élève dans le ciel pour m'accompagner.








Il est 11 h 36 quand enfin je le rencontre, le soleil
Sur ce terrain découvert où enfin le bruit des canons ne parvient plus, le beau décor est dans mon dos. Je le connais mais c'est une re découverte à chaque fois : Mont Louis et sa forteresse, Font Romeu, les centrales solaires, le Capcir et mes amis les sommets dont j'ai élargi la connaissance en allant fouler leur pic ou arêtes cette année écoulée.Ils sont tous alignés, au nord, comme en un rempart bien figé. Mon chemin, droit devant est une pente de neige et de pierres; je choisis le chemin de pierre pour éviter la glissade, il en va ainsi jusqu'à l'arête sommitale.


Pas loin du but

Je marche mieux là dessus

Au col: la vue ouvre sur la vallée de Planès (à gauche)

 Ici, la vue s'ouvre vers la vallée de Planès, le proche Malaza zébré de couloirs verticaux et la Tour d' Eyne bien enturbannée de blanc; J'avais envisagé d'y aller mais ce n'est pas raisonnable.

2695 m

Pourtant je marche bien malgré la neige et le sol glissant: à mon arrivée au sommet, j'aurai mis  3h15 de marche pour les 965m de dénivelé. J'ai bien pris, en plus de cela le temps de savourer, d'écouter, de photographier et même de grignoter.
Une perdrix des neiges se tient immobile devant moi, de blanc vêtue puis s'envole et  reste dans les parages, je l'entendrai un grand moment caqueter;

L'arête qui conduit au sommet
300 m de vide à droite
et à gauche
A présent je marche sur l'arête pas dangereuse du tout mais j'extirpe quand même mon piolet du sac lorsque mon repas de midi, dans son petit sac plastique file à l'anglaise sur la pente. Rien ne le retient, mais je parviens à le rattraper avant sa chute dans le vide, essayant de ne pas me retrouver 300 m plus bas et le repas sagement en haut !




Louvoyant entre neige, glace et roche, je parviens au sommet, à midi 30, où 3 silhouettes ont investi les lieux. Ce sera la séquence désopilante du jour. D'abord un des randonneurs satisfait un besoin naturel face au vide, non loin de moi, tournant le dos à ses comparses, mais pas à moi : ne m'a t'il pas vue arriver? Pudiquement je baisse les yeux évaluant le temps adéquat mais le gel modifiant sans doute les choses n'est ce pas...je piquerai encore du nez sur les grès dorés! Arrivée enfin au sommet, en tee shirt car sans vent il fait très beau, je me trouve face à des sortes de Yétis catalans, bardés de vêtements, bonnets casque ou écharpe, transformant notamment l'un d'eux en momie des cimes. Fortement chaussés de crampons sur ce sol dénudé, j'imagine qu'ils ont gravi un couloir, mais non, ils sont arrivés à pied sec en crampons. Je sais...on est lendemain de réveillon...

Le chemin de crêtes pour venir d'Eyne  (accès nord ouest) ; le sentier est un peu au dessous
La jeune fille, devant ma tenue légère, se déshabille prestement restant en brassière, le temps d'un rire et de la photo et se remomifie aussitôt; bon elle est la moins vêtue de tous, cependant.

Sommet, Pic de Cambre d' Ase, 2750 m
Il est toujours exact
au RDV !


La jeunesse s'amuse

Ils s'en vont pesamment et je savoure cette belle solitude du sommet qui m'est si chère.
Je savoure le paysage  et je vous y convie: 

Malaza et Vallée de Planès


Tour d' Eyne

Serra del cadi

Font Romeu, Les Angles et le Massif du Carlit





Un peu plus tard, je continue ma balade en crêtes pour aller voir le débouché des principaux couloirs, le Gigolo, l'Eclair: peu enneigés, ils ouvrent sur une corniche nue, rocheuse, verticale et pas commode d'accès.





Le grimpeur a franchi cette langue de neige verticale (au centre)
puisque la vraie sortie est en roche ...brrr
Je remonte le dénivelé perdu et au départ du Grand Couloir, je m'équipe : car j'ai décidé de descendre par là, ce sera mon 2nd temps fort du jour. Couloir de montée et surtout de descente, le grand couloir, haut de plus de 300 m (de dénivelé) cône compris, est pentu à près de 40 ° ce qui le rend déjà assez impressionnant; je suis un peu stressée mais je l'ai déjà descendu deux fois donc je dois avoir confiance.


Le grand couloir vu d'en bas
362 m de D-
Et vu d'en haut : départ 

























Je chausse les crampons, mets ma veste car c'est un couloir d'ombre, plein nord, (j'aurai très chaud mais je ne la quitterai pas de peur de voir tout mon "barda" dévaler sans vergogne) et le départ, vraie plongée est plutôt aisé. Pourtant je descends sans aisance, cette fois, moment de solitude : j'emprunte les traces , un petit chemin creux et glissant, de neige fine et pas portante du tout. Comme les couloirs d'alpinisme ne sont pas empruntés, celui ci non plus; deux grimpeurs montent je veille à ne pas leur envoyer de la neige ou de la glace.

2 silhouettes grimpent



Croisement avec deux catalans

On s'arrête en se croisant et on discute un peu, ces deux catalans et moi. Je leur fais part de mon manque d'aisance, eux s'étonnent de me voir seule ici. L'un d'eux me donne un conseil qui me fait un peu peur et que je suivrai quand même ce qui me facilitera la descente : "quitte la trace et fais ta propre trace, ce sera plus portant". Et il avait raison; de ce moment là, ma descente devient plus confortable car plus aisée donc plus rassurante et je la savourerai jusqu'à la fin du cône, sans anicroche. Pari réussi mais qui a mobilisé beaucoup de mon énergie, de temps aussi (50 mn) et me gratifiera d'un beau mal de tête.


La pente
 Je souris quand même en me disant : les catalans digèrent en marchant; côté français c'est le grand désert blanc; je les imagine vautrés, avachis, ou pourquoi pas ? Jouant à la pétanque! J'élucubre là dessus, cela me divertit. En arrivant au parking, je ferai plus que sourire : une partie de pétanque animée s'y déroule, les boules étincelant au grand soleil retrouvé !
Du sport pour l'appareil photo aussi, calé dans la neige

J'en ai fini !!

En attendant, le reste de mon parcours se fait en solitaire, crampons aux pieds car tout est gelé, dans le cirque morainique du Cambre. Avec, d'abord, un beau décor dans les yeux.


Le sentier
 Le sentier est bien damé, la forêt, figée, reconquiert peu à peu le terrain enchevêtré de rocs, le silence est bien installé, le froid très raisonnable et enfin, après avoir quitté les crampons et retrouvé la piste de ski, j'arrive à Pla de Cambre où j'effectue mon changement de pneus; Les saucisses ont disparu, emportées par un bipède ou un quadrupède, plus vraisemblablement, car il y a quelques derniers promeneurs, ceux qui digèrent  les agapes de ces jours et nuits passés.






La piste miroir de gel n'a pas dégelé d'un pouce, je m'y baladerais bien en crampons mais l'idée de rechausser tout cela me décourage et c'est encore en rasant les bords que je marche.









Je retrouve le parking et le grand soleil de fin d'après midi. Je prépare ma future digestion, en l'occurrence celle du bon repas que je m'octroie, il est 16 h, je suis heureuse!





Bonne et Heureuse Année me chante la montagne entière....merci pour ta visite....

Mon trajet en image et en couleur 
- en rouge: aller
- en jaune : retour
Dénivelé positif cumulé : 1015 m







8 commentaires:

  1. Claude est aussi admiratif, BRAVO, fortiche Amédine ! Merci pour ce reportage qui nous a ravi un régal pour nous deux. Bises givrées car il fait froid Aux Angles
    J’ai pu laisser un commentaire avec l’Ipad, impossible avec le tel, un mystère...

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    1. Merci pour votre passage en mon blog qui vous aura peut être donné envie d'aller voir de plus près ce grand couloir: le monter est plus facile que le descendre. Un jour j'ai essayé mais j'étais fatiguée et rien n'a pu me motiver; si la neige avait été plus dure ce jour là...ici en bas il fait très froid. Bises profitez bien du séjour

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  2. Nous l'avons faite en boucle au départ d'Eyne en passant par le col de Nuria, la tour et le Cambre d'Aze retour à la station sans neige. C'est une de mes plus jolies randonnées, si les marmottes n'y sont pas en hiver, la neige rend cet endroit magique. Bravo Amédine et merci pour ces jolies photos. Christelle

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    1. Quel circuit ! déjà la vallée d'Eyne est très longue. J'ai fait des morceaux, à peu près tous les sommets de là bas mais pas en une fois; le tour en partant de Nuria est très beau. J'avais rencontré aussi des mouflons; bises...glacées par le froid "d'en bas"

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  3. Merci pour ces belles photos et pour ton reportage , bon j'ai eu froid et j'étais gelée à ta pplace . Bises mais que c'est beau

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    1. le froid c'est en bas que je l'ai, il fait très froid avec du vent très fort : à me faire regretter le 1er janvier là haut. Bon j'ai eu de la chance ce jour là

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  4. C'est ma montagne, je la vois tous les matins en ouvrant ma fenêtre. Je l'ai fait 12 fois ce Cambre d'Aze depuis que j'habite à Bolquère mais jamais enneigé. Ton reportage est splendide, les photos magiques avec la neige et la grimpeuse crampons aux pieds ne manque pas de témérité. J'ai fait ce genre de choses il y a 20 ans, toi tu bats tous les records. Bravo ! C'est exceptionnel vraiment et tu me fais rêver. Merci de partager.

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    1. Le Cambre d'Aze (ou Ase ?) est une montagne mythique pour moi car c'est de sa contemplation que sont nés mes projets les plus "fous" et disons qu'elle fut un tournant dans ma petite vie de randonneuse , j'ai commencé à peine en 2006 à "marcher". Bises

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