vendredi 18 janvier 2019

Pics de Gallinasse (2461 m) et de Cincreus (2266 m), Massif du Canigou

De ma rando de dimanche (billet précédent), m'étaient restés un manque, une curiosité , les pics de Cincreus et Gallinasse que j'avais vus là haut. Le vent m'avait empêchée d'aller plus haut mais bizarrement, c'était devenu une obsession, au détriment de mon angoisse que ma curiosité avait évincée.
le Massif du Canigou vu de chez moi, ce jour 18 janvier
Zoom sur le Gallinasse
Pour ce faire il me fallait une bonne fenêtre météo : mardi eut été un jour idéal mais le temps de me décider, j'optai pour mercredi et je n'ai pas eu à le regretter. Des entrées maritimes, phénomène courant ici, étaient annoncées ce qui signifie la plaine sous la grisaille et les montagnes au bon grand soleil. Je suis partie plus tôt, ma route allait être la même, plus encombrée en ce petit matin de semaine. Le ciel était sombre, sans étoiles et je grimpai allègrement vers Batère dans un petit matin glacé d'humidité. Dès avant Corsavy, dernier village, la brume céda le pas aux montagnes bien dégagées, promettant d'être belles. Je m'élevai rapidement au dessus d'une mer de nuages, c'était simplement grandiose.


Au dessus de Corsavy

Parking La Descarga 1393 m

Le Pic Neulos (Albères), 1257 m
un vaisseau fantôme
8 h 30, les mains raides de froid, je démarre alors qu'un soleil éclaire de rouge la montagne. Et j'avance, me délestant vite de la veste, je suis en tee shirt. Pas un bruit, pas un soufle d'air, un chaud soleil et des oiseaux de printemps qui s'égosillent dans les sapins, c'est magique.
Le sentier se décline un peu plus vite que dimanche bien que je me sente un peu fatiguée. Alors que j'atteins le col de la Cirera 1731 m, un grand feu de bois s'allume dans la vallée, c'est la saison des écobuages maîtrisés, il y avait déjà une voiture de pompiers sur la route.


Col de la Cirera 1731 m

Versant nord : autre vaisseau fantôme 

Versant sud, brume et fumée mêlées
Pendant que j'entreprends la montée vers le Pel de Ca, le feu grandit, m'envoie ses parfums de sous bois, côté sud tandis que côté nord un autre feu étale ses fumées rousses sur la brume blanche.


Montée vers Pel de Ca

Je suis à l'aise, sans angoisse sinon la crainte de voir la brume monter et envahir les sommets. Je trace un cap à la boussole, ce sera cap 60 si je n'y vois plus rien. De toute façon, sentier ou pas c'est du très pentu ! Je retrouve avec plaisir cette grimpe à 35 °, la neige en plaques et la glace sont toujours là, je les évite avec soin.

Pente raide et mer de nuages : c'est irréel
Je fatigue un peu pourtant! 10 h 43, J'arrive au col 2108 m mais avec la brume qui recouvre la plaine et la mer, il n'y a plus ce magnifique panorama, contraste entre cette montagne si élevée et la mer toujours présente. Je domine une autre mer, boursouflée de vagues grises d'où émergent de beaux navires bleus, avec un phare qui me servira d'amer : le Neulos; 1257 m.



L'homme de pierre

En tête à tête avec moi

A partir de là commence ma "terra incognita", le Gallinasse est en ligne de mire, pas un instant il ne disparaîtra de ma vue. Un petit en cas et me voilà repartie, sur un parcours que je vais adorer et qui a des airs de faux plat. ça monte dans les rochers, exempts de neige,  et jusqu'à la crête, des pierres plantées peintes en rouge, alternant avec des cairns indiquent le meilleur chemin, mais sur ce terrain on a le choix du parcours. Par moments les parfums du feu arrivent à mes narines, il en sera ainsi jusqu'à la crête.


Montée vers le Gallinasse (à droite) dans un désert minéral

Pierres plantées

J'aime beaucoup ce parcours; bien sûr la vue sur la plaine et la mer serait superbe mais cette mer de nuages donne une atmosphère irréelle que je savoure avec bonheur. Tout est silence. Pas d'oiseaux, rien que mes pas et les cailloux que je heurte de mes bâtons. Il fait chaud, comme en été.
Un peu avant la crête, j'entrevois deux petits fragments de mon prochain décor; ces esquisses qui restent un mystère, dans un parcours que je ne connais pas attisent toujours la curiosité mais cette fois ce sera grandiose!

Que me réserve le décor que j'entrevois derrière la crête ?

 La vallée profonde d'une rivière, le Riuferrer, née dans une vallée suspendue de la réunion de plusieurs torrents, envoie depuis 800 m en contrebas et à pic un mugissement soutenu. Le bruit de l'eau est vraiment, dans un décor minéral, le retour à la vie. Mais quel à pic ! Je fais quelques pas sur ma gauche pour aller saluer le Pic de Cincreus, les 5 croix qui devaient être de bois, jadis, ont disparu.depuis longtemps sans doute. Seul en reste le nom, en souvenir. Ce pic sans envergure est une magnifique proue de navire ouvrant sur une mer gris perle d'où émergent des sommets catalans. Le plafond demeure inchangé: 1200 m.
En fond la vallée du Riuferrer


Cirque du Riuferrer et à gauche Pic de Tres Vents
Pic des Cincreus









Je tourne résolument le dos et je file cap au nord vers le Gallinasse, il n'y a pas beaucoup de trajet, pas beaucoup de dénivelé mais ma fatigue est bien installée et me rend la montée difficile; heureusement le panorama est sublime , la crête plaisante et une harde d'isards trace son chemin sans lever un regard vers moi, les impolis !







La neige fait son apparition par plaques bien gelées que je contourne au mieux sauf la dernière: celle ci je la franchis en faisant bien attention: glisser ne m'inspire en rien! Je ne sors pas l'appareillage du sac toutefois et à midi sonnantes, je touche le grand cairn sommital.








Moment de félicité car le panorama est grandiose, j'ai pu parvenir sans cette angoisse du Canigou qui semble être restée sous la mer de nuages et je vais rester une demi heure au sommet, moment de solitude et de félicité. Un petit en cas mais surtout je visite les lieux, le parcours continue vers le Roc Nègre

En mode panorama




J'étudie les lieux avec la carte, j'essaie de nommer mes voisins quelque peu échevelés, je fais des projets d'avenir, je me verrais bien, un jour d'été, continuant vers le Roc Nègre, quelques 3 km plus loin et seulement 253 m de dénivelé supplémentaire. Mais...il y a ce petit "hôtel" bien particulier, monoplace et peu adapté aux claustrophobes !


Le petit orri
Je photographie les sommets environnants, j'engrange des images et des émotions, dans cette si parfaite solitude qui me convient tellement. Et je mesure encore une fois le contraste qu'offre cette montagne dont les sommets à plus de 2700 m sont nombreux, alors que juste en dessous on voit un village, Valmanya, aux toits de tuiles, ce qui est plutôt rare en montagne, avec, en général,  des longues vallées d'approche et des toits d'ardoise. Mais ce massif est une muraille érigée sur la plaine!

Pic du Canigou 2784 m



Plaque à vent dans les Tres Vents

Et toujours le Neulos en bas près de ma maison, 1257 m

Montserrat près de Barcelone

Valmanya au zoom

Ensuite, à 12 h 30 sonnantes, je reprends le chemin à l'envers. Une variante terriblement longue est possible, dans les bois : même pas envie d'y songer !! Mon parcours aérien est si beau !

Je franchis le névé cette fois avec des talonnettes crampons peu efficaces mais sécurisantes et je suis au plus près le sentier, plus confortable que les rochers. Je pense à mon pied ...Et au long parcours. Je marche vite et bien  toutefois. La fumée s'est étendue, caresse mes narines à 2200 m d'altitude, parfum de la montagne original
Au balcon

L'immeuble est très haut : vallée du Riuferrer en bas, là bas

Sur l'altiplano : descente
La fumée odorante offre des voilages soyeux aux montagnes, c'est magnifique.
Au passage pentu et glissant,  la forêt m'entendra vitupérer sur une erreur de trajectoire me transformant un instant en sanglier furieux mais cela fait partie des moments souriants !



Descente (suite) dans la pente soutenue qui rejoint la forêt 


2 h 15 plus tard, sans le moindre arrêt , je rejoins mon kangoo au grand soleil...d'été évidemment !
Sans avoir rencontré personne...évidemment !
Mais que j'ai adoré cette randonnée!!




En chiffres :
Distance : 10.2 km
Temps de marche pour le sommet : 3 h 15 (360 m / h en moyenne)
Dénivelé positif cumulé (D+): 1100 m
Temps de marche total : 5 h 30



18 commentaires:

  1. Encore une superbe randonnée avec de magnifiques clichés, nous ne connaissons pas ce secteur, la route pour arriver au point de départ me fait peur. Merci pour cette vision apaisante de ce parcours.Christelle L.

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    1. Pourquoi peur de la route, Christelle ? Sa longueur ou son étroitesse ? On y circule bien et on peut se croiser, j'ai même réussi à croiser un camion de pompiers dont les rues étaient plus hautes que ma voiture ! Tu me tiens au courant ? Mais ce sera l'été. Bises

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  2. Sublimes tes photos avec les sommets qui émergent des nuages ! Une rando qui sort du lot ! As-tu fait le Tres Vents ? Il est très beau aussi, nous l’avons fait au départ de Mariailles et aimerions le faire en partant de la fontaine des chasseurs.Ton récit est captivant, j’aime le côté minéral de cette rando, je vais la noter dans mes tablettes... Le massif du Canigou est-il moins stressant pour toi maintenant ? Merci Amédine, bises et câlins à ta tribu.

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    1. Non je n'ai pas fait le Tres Vents, le Canigou est un monde étranger pour moi mais je suis tombée amoureuse, c'est fait donc il n'a pas fini de me rencontrer...le Canigou, évidemment. la fontaine des Chasseurs ? Moi je veux le faire à partir de Gorgs del cadi, après Mariailles. Toi tu parles peut être du Pla Guillem ?Bises

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    2. Pour le Tres Vents, nous sommes partis de Mariailles et passés aux Gorgs del Cadi mais on peut aussi aller au Pla de Guillem faire les crêtes pour y arriver toujours en partant de Mariailles. Dans ce cas le retour se fait par les Gorgs, mais c’est très long... il y a une autre solution en partant au dessus d’Arles du côté de la Llau, je n’ai pas la carte ici. Le massif du Canigó t’a séduit j’en étais sûre, il ne pouvait pas en être autrement.
      J’adore le Pla de Guillem, nous y avons dormi plusieurs fois lorsqu’on pouvait y accéder en voiture.
      Il neige, l’hiver va enfin arriver... bises.

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    3. En effet, le départ depuis la chapelle de St Guillem est l'itinéraire classique du Tres Vents par le versant du Vallespir.

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  3. Encore une belle randonnée en solitaire...Pas vraiment ! Je suis l'ombre de la randonneuse qui grimpe allègrement ces pentes, je suis le regard de la randonneuse qui admire ces beaux horizons de brumes et de clartés magiques, je suis le nez qui hume avec plaisir l'herbe brûlée mais je ne suis pas la vigoureuse randonneuse qui s'en donne à coeur joie, qui se fait plaisir si sainement...je ne suis que le piètre mais admiratif lecteur de ces multiples randonnées menées tambour battant et souffle soutenu. Pauvre de moi paisible spectateur ne m'évadant sur ces pentes herbeuses que par la pensée. Merci Amédine et régale-nous encore. ASP

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    1. Mon but à travers le blog est d'accompagner les non marcheurs d'où les détails du parcours et les photos. En bruit, silence,parfums , etc...Au plus près du réel. ce n'est pas par prétention c'st par enthousiasme; tu as bien compris et tu n'as pas fini de marcher dans ta tête; bises

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  4. Magnifique ta balade,j'y vois tout plein de bateaux perdus dans une mer vaporeuse!de superbes clichés et un conte rédigé par une aventurière avide de nouveaux défis.Plein de gazouillis!

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    1. Merci à toi le gazouilleur qui m'a bien inspirée car je pense te reconnaître. Mes défis prendront de la hauteur, de l'envergure, j'attends l'été ; je suis tombée amoureuse, d'un coup : de ce Canigou qui me faisait si peur. Il y a des crêtes, des arêtes, des abimes et des points de vue superbes. Bises

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  5. Très beau reportage pour une très belle sortie. Je suis surpris que ta curiosité ne t'avait pas encore mené sur cette cime, alors que ça fait plus de 60 ans qu'elle te regarde. La crête allant au roc Nègre est vraiment intéressante, mais looooongue ! Il n'y avait personne, mais tu aurais pu croiser un isard nommé Yannick. C'est son terrain de jeu.

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    1. Moi aussi je la regarde sans la connaître depuis plus de 60 ans mais "tout vient à point pour qui sait attendre" dit le proverbe. Enfin, tu sais bien !! ma trouille du Canigou! Et bien je l'ai laissée en bas et je ne fais qu'y commencer mes investigations.Euh il serait passé si vite qu'il ne m'aurait même pas vue..lol. Remarque peut être était-il parmi la harde ? Franchement je me suis régalée, je m'en veux d'avoir attendu mais au moins j'ai de quoi faire cet été .

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  6. Merci pour tous vos compliments. Allez voir sur mes archives à droite, août 2019, le dernier de la liste en bas, c'est la balade au Roc Nègre par Gallinasse. Je voudrais refaire cette balade mais par l'arête, en passant par les gorgs de Cady, à partir de Mariailles. Si ça vous dit...après je ne suis ni jeune ni rapide. Lison066@gmail.com

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  7. Merci pour vos commentaires et vos photos qui m'ont incité à aller au Pic de Gallinasse depuis Batère. Des paysages magnifiques et j'ai vu aussi le Pic Neulos émerger des nuages. Comme vous dans votre précédente randonnée le sentier du Pel de Ca était partiellement recouvert de neige verglacée et trouver un cheminement hors sentier pas évident. Avant le Cincreus de la neige verglacée recouvrait tout et j'ai pu mettre les crampons. Mais je me suis arrêté avant le sommet du Gallinasse : encore 140 m de dénivelé à faire. J'y reviendrai. Continuez avec le même talent.

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    1. La dernière montée au Gallinasse est bien pentue et avec des conditions hivernales cela fait quand même un sacré bout de chemin; j'aimerais bien y retourner en crampons cette fois, mais pas sûre d'arriver en haut, c'est long. Seulement pour le point de vue...j'y suis retournée en été avec vue dégagée, balade au Roc Nègre, c'est très beau. Merci pour vos compliments

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  8. Je suis tellement ravie et émue de voir votre parcours! la montagne j'adore! le Gallinasse ça me rappelle de bons souvenirs et j'avais poussé vers le Roc Nègre et son sommet !
    J'adore faire les Crêtes ...je connais tous les sommets du massif du Canigou excepté le Quazémi de Dalt! j'aimerai refaire certains sommets ;le Très vents ;Le Gallinasse;Le Puig Roja ;Le Sept Hommes ! Merci de m'avoir fait rêver

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    1. Merci pour votre joli commentaire ! Pour le roc nègre tapez sur google "roc nègre balades de lison" et vous pourrez lire mon récit. Je suis en découverte du Canigou bien que native d'ici et les pics que vous énoncez sont à mon programme. Au fil du temps car je suis toujours sur un ou autre mont des Pyrénées . Moi aussi ils me font rêver et comme ma peur du Canigou s'en va je vais pouvoir les mettre au menu. Amitiés...

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