vendredi 16 juillet 2021

Conflent : de Thuès à Santa Barbara

 Entre Thuès les Bains et Thuès entre Valls, coule une rivière, la Têt.  Sur la rive droite, s'étagent la route 116, la voie du Petit Train Jaune, des sentiers de randonnée et une montagne verte et boisée où se meurent les ruines d'un Thuès originel nommé alors Entre Valls. Et bien sûr les sources chaudes cachées ainsi que la rivière de canyoning en eaux chaudes.


Rive gauche : escarpée et violente

Sur la rive gauche se dresse une verticale muraille rocheuse entaillée de blancs éboulis, relief ingrat, aride, tourmenté qui ne peut que décourager, d'ailleurs pas un sentier ne le parcourt.

Près de la rivière, un chemin de 2 km de long a une grande histoire oubliée, c'est l'ancêtre de la 116 qui le longe de l'autre côté du fleuve, l'ancienne Route Royale de Cerdagne, qui n'était empruntée que par des mules, les diligences n'allant pas plus loin qu'Olette pour cause de difficulté du chemin. 

(Un autre article sur le Défilé des Graus lui sera consacré.)

Quelques vues de la Route Royale, qui fut classée en 1811 "Route Impériale N° 136, puis en 1824 sous le N° 116.

Cette Route Royale dont on suit à pied le tracé balisé de jaune est bordée de murs de soutènement et à un passage creusé dans la falaise ce qui donne idée de son étroitesse. 

Plus tard, en 1850, le pont de Thuès les Bains fut construit ainsi que la route actuelle.

L'assise de la route !


Sa largeur d'origine

Et ses murs de soutènement



Murs de soutènement





Inclinaison des murs pour
contenir les éboulis







Cette voie était juste un sentier muletier
les diligences s'arrêtaient à Olette

Je vous emmène donc sur cette portion de 2 km, longeant ces falaises abruptes et déchiquetées couronnées par le Roc de Querangle, 1194 m.




Cette muraille, je la connais en partie, je l'ai désescaladée et regrimpée par un sentier oublié, presque entièrement disparu, qui m'a donné du fil à retordre et a fini par m'emprisonner dans les grillages de protection anti éboulements. "Sentier de la cohérence" (clic), sur mon blog.

Hormis ce sentier, à recréer, il n'y a aucun moyen de franchir ces falaises.

Pourtant les anciens avaient un peu colonisé le site puisque s'y trouve le "Pou Santa Barbara". Quel nom incongru ! Personne ne put me renseigner, il figure sur les cartes, mais nulle part ailleurs. Alors j'ai cherché et j'ai fini par prendre le problème à l'envers. Sachant que "pou" signifie puits, en catalan, était ce une résurgence d'eau? ou...grande interrogation. Donc j'allai voir sur internet  "Barbara" et cette Ste Barbara n'est autre que Ste Barbe patronne des mineurs. Mais bien sûr ! Il y a des mines de cuivre c'est  donc un puits de mine ! Géoportail entra en scène et l'on tourna longtemps autour du pot avant ce jour de 14 juillet.

Je n'ai rien d'autre qu'un croquis. Mon altimètre et une corde, une boussole et mes jambes.

Mon guide de voyage !


Me voilà donc au parking de Thuès entre Valls, prête à partir vers l'inconnu. Car lorsqu'on voit ces falaises verticales, délitées et tourmentées il faut être bien dopé à l'adrénaline pour oser s'y frotter!

Je ne suis pas rassurée, c'est sûr, et par ma corde, peu assurée.

Je suis la Route Royale que je connais bien et que j'admire à chaque fois, notant tout sur mon passage. J'en sais les murs, les anciennes prairies cultivées, les éboulis monstrueux, un cours d'eau glacée né de la source, une résurgence bouillonnante, un étrange bassin et les terrasses s'étageant jusqu'à la rivière.

La grande prairie
           

La grande prairie



           


La source (résurgence)
Et le ruisseau qui en provient


La fabuleuse résurgence bouillonnante qui sort
sous des roches, quelques mètres au-dessus du chemin


J'en sais les bruits et les silences, les accidents de terrain prêts à se réveiller à tout instant, les arbres et la texture des roches. J'en sais les débris de roches verdies par le cuivre. Je ne connais rien des mystères cachés, j'en saurai un peu plus au retour.


Eboulis

Minerai de cuivre









Au bout de la "route", il y a une bifurcation de sentier, c'est de là que je vais revenir sur mes pas, 50 m puis prendre un tout droit dans la pente, azimut 0°, plein nord, et gravir 63 m de dénivelé. 

C'est parti. Des pins ponctuent l'éboulis, comme alignés et soudain une pièce métallique puis une seconde jonchent le sol, c'est sûr, j'y suis. J'arrive au pied du mur. Je commence à escalader, c'est précaire, encombré de terre, de feuilles mortes et de rocs instables, les prises sont branlantes. Les arbustes ? pas mieux. A demi secs, j'ignore si je peux m'y tracter, mais ça fonctionne et j'arrive à la côte annoncée mais pas au point désiré je n'ai pas su grimper la falaise. Bonne question : pour aller dans la galerie, devaient ils escalader une falaise ?? 


Vers l'aval, des taillis de pins

Vers l'amont, cône d'éboulis


Vestiges et indices





Au fond coule la Têt

Un puits de mine là dedans ? Impossible!


La logique dit non, le terrain aussi alors je contourne et me faufilant d'arbre en arbre, les pieds toujours bien ancrés, je grimpe. Ce n'est pas facile entre feuilles de chêne et aiguilles de pin, véritables billes sur un sol "pourri" et déversant au possible. 


Le puits est quelque part, plus haut

Descente

Avec ma corde je bricole une main courante. Je trouve des débris de minerai, mais pas le puits.


Bricolage d'une main courante dans le dévers glissant


Débris de minerais



Appui sur un tronc pour descendre
Ou sur une roche

                                                                                          
                                    



 J'ai une idée fixe et je comprendrai plus tard, en revisionnant géoportail que le puits n'était pas où je le cherchais mais juste au dessus de moi, si proche... 

Je croyais Santa Barbara dans ces falaises..



Je pense que la clé de l'énigme est à la verticale de cette curieuse
 plate forme où j'ai trouvé les débris de minerai...A vérifier sur site

Proche aussi est la vie, juste en face, la route bruyante, le train, des marcheurs, mon isolement est total, quel contraste !

Le train et la route, si proches...si loin...

 Je redescends, m'aidant sans cesse de la corde; des jeunes jambes n'en auraient certes pas besoin! De longueur en longueur j'arrive sur le sol ferme d'éboulis croulants, je reviendrai.

La descente reste prudente je ne suis assurée que par mes mains


Alors je me transforme, pour le retour, en visiteuse d'éboulis.

D'abord celui-ci, au pied duquel se trouve un étonnant bassin. Je grimpe l'éboulis, un ravin d'éboulis s'est creusé  dans le cône d'éboulis. Des restes de cimentage et un tuyau rouillé m'intriguent mais une frêle cascade m'explique... En fait je suis au terminus du long ravin de Querangles que je ne pourrai jamais remonter; cependant cette frêle cascade que je peux voir de près nait du sol, saute un étage de roches et disparaît dans le sol, aussitôt bue. Plus bas, elle était captée dans un barrage cimenté d'où partait un tuyau qui remplissait le bassin, lequel servait à irriguer les cultures de toute cette partie entre Route Royale et rivière. Bien construite l'Histoire mais emportée par la violence des tourmentes.

En grimpant, vers l'amont

Vers l'aval



Un tuyau rouillé, vraie relique



La fine cascade

Plan plus large, aussitôt 
au sol, aussitôt bue



Le grand bassin de réception





Les anciennes feixes (terrasses) entre chemin et Têt


Un autre éboulis qui m'a intriguée sera escaladé aussi et me renverra bredouille à la Route.


L'éboulis "chou blanc"


Grimper des éboulis est une épreuve, les descendre en est une autre, cela use plus qu'une rando classique, d'ailleurs ce sera mon genou droit le baromètre, il ne se calmera qu'au lit, bien emmitouflé d'onguents ! Aucune rando ne me provoque cela.

La petite rivière qui longe le bas des falaises est un mystère, elle sourd du sol et est vite grossie, peut être par une série de résurgences, ces falaises arides et tourmentées sont donc un réservoir d'eau puisque c'est la 2nde résurgence.


La source résurgence

Petit ruisseau devient vite grand

Et puis il y a un immense éboulis, étroit, raviné, violent, qui semble avoir corrodé la montagne de l'intérieur et qui grimpe comme un serpent jusqu'à l'infini du ciel, celui-ci je ne m'y frotte pas! Trop impressionnant et invincible le personnage. D'ailleurs il a enseveli la Route Royale à l'instar des gros éboulements récurrents sur la 116..

Vu depuis la route


Il m'en reste un, débonnaire en apparence, ardu et jovial, où poussent d'incongrus châtaigniers. Deux détails attirent mon attention : un tuyau sort des éboulis et une murette élégante se trouve un peu plus haut, alors c'est parti pour l'exploration. Grimper n'est pas une sinécure aussi je rase les murs, à la recherche du solide. Et ainsi je vais de murettes en murettes, numérotées, les ancêtres des filets de protection d'aujourd'hui.






Vers l'amont

Succession de murettes

Un jour, ce rocher et cette branche s'épousèrent
Ils sont solidement liés

Ancien mur de soutien




Et ça continue vers le haut...



Ancrage magnifique entre mur et falaise




Vers l'aval



Vers l'amont


Nommées "Carangles " et numérotées, je visiterai assez haut avant que de redescendre; ici la montagne me montre sa géologie, du pur granit, des falaises éventrées, des plaques de ciment déchiquetées, et un couloir sans fin qui monte au ciel et m'appelle mais je ne réponds pas au chant de ces sirènes-là, je suis usée jusqu'aux...genoux !!

 Un jour peut être je ne ferai que cela, me consacrer à lui et monter, monter...à l'infini.









A quoi ça me sert ? Mais à rien évidemment, juste à écouter les récits muets de cette montagne qui murmure à mon oreille et que j'essaie de vous conter à mon tour.

Ainsi, lorsque vous passerez à Thuès les Bains en direction de Thuès entre Valls, jetez un coup d'oeil à droite sur cette austère muraille dévastée et dites vous qu'elle en a des choses à raconter, j'en sais juste un petit peu, oh un tout petit peu...



Depuis la route


Plus tard, sur mon carnet de voyage, je noterai scrupuleusement distances, altitudes, éléments.


En chiffres
Distance : 5.84 km
Dénivelé évalué : env 200 m
Temps de balade : 2 h 10.
Et la route...130 km AR


Partie 1 : de Thuès Entre valls vers l'aval


Partie 2 ; la suite jusqu'à Thuès les Bains

4 commentaires:

  1. C'est complètement fou et ça te ressemble. Bravo

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    1. ouiiiiiiiii mais ça te ressemble aussi et je t'y amènerai

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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