mardi 5 septembre 2023

Equipée sauvage à la Serre Alquières (Caudiès de Fenouillèdes)

Il y a tout juste deux ans, je me lançai à la découverte de cette étrange barrière calcaire surplombant la route entre Caudiès (66) et Lapradelle (11), une redoutable façade située en face nord, à la fois attirante  et repoussante. 

Vue depuis la route Caudiès / Lapradelle, au niveau de Villeraze

Je l'avais souvent observée en roulant en direction de l' Aude ou l'Ariège, sans oser la voir de plus près. Elle débute au niveau du hameau de Villeraze et s'arrête brutalement à Lapradelle, plus violente et boursouflée qu'ailleurs; imprenable et faisant face au tout aussi imprenable château de Puilaurens. Fondé au 10 eme S, il sera restructuré en architecture au 13 eme et n'a jamais été dévasté.

Château de Lapradelle


La falaise de la Serre Alquières (893 m) qui devient de la Quière (1029 m) en terre audoise est une forteresse imprenable aussi. Pour le moment je n'ai pas réussi à me jucher sur son faite pour y parcourir la longue distance qui semble assez accidentée.

Face nord


Cette montagne culminant à 1029 m est abrupte face nord, un peu plus "douce" face sud mais tellement escarpée entre barres rocheuses, falaise et bois touffus que ma tentative du 1 er août 2021 y fut un échec.

Face sud

Nord ouest, depuis Lapradelle (La Quière 1029 m)

Depuis, cette barrière me faisait un peu peur. Pour vaincre cette peur, j'ai ôté mon cerveau de sa cavité, l'ai mis sous le bras et, le sac bien fourni, afin de tester ma forme retrouvée, j'ai fait les 75 km dont 7 de piste forestière. J'ai tenté cela il y a 4 jours et une tempête de vent et de pluie m'a réexpédiée dans mes terres, battant en retraite devant un arbre qui venait de tomber. J'ai donc la tronçonneuse dans le kangoo, mais les services municipaux que j'avais prévenus ont fait le travail; c'eut été original de commencer la rando par du tronçonnage !

Echappée belle sur l' Alquières
La jolie piste


Fraction de muraille


Km 7, après le belvédère sur Villeraze et la tombe de l'anglais inconnu, je me prépare. 

Dans le sac

Il s'agit juste de quitter la planéité pour la verticalité, une belle oblique en forêt faisant la transition. Sentier de chasseurs bariolé de bleu vif.

Départ à 651 m d'altitude, jolie forêt de buis et de hêtres où je grimpe en me tractant aux arbres, je termine au Poste 16 et l'éboulis prend le relais, un torrent de rocs qui ne demandent qu'à m'emporter en arrière. Les végétaux sont là et me tendent leurs branches.

Arrivée sur le pierrier

Le départ en forêt






Dans mon dos...oh ça roule dur !



Villeraze juste en dessous


Le but du jour est de visiter le bas des grandes saignées en paroi et d'essayer de remonter le plan incliné sur l'extrême gauche afin de rallier la crête ; facile dans l'absolu.

D'abord la grande saignée : au dessus de l'éboulis, une pente sévère d'herbe, terre et buissons me mène à une première falaise semblant un rempart afin de protéger la forteresse. 693 m d'altitude et 182 m linéaires pour y parvenir depuis la piste. La langue de terre se rétrécit pour entrer dans la muraille et me coupe du monde, mais de quel monde puisque ici personne ne va. 


Premiers bastions avant la muraille

Ensuite la muraille se dévoile


Une idée de la déclivité


Le monde de mes rêves est lui aussi coupé de la réalité : j'imaginais au pied de cette saignée une sorte de caverne noire et propre, une grotte où peut être s'abritaient les animaux.

Entrer la dedans, premier but


Equipée et équipée sauvage à Alquières



On dirait une caverne: 726 m

La lampe ne quittera pas le sac, le casque rejoint ma tête, c'est une saignée dépotoir qui me domine : terre, rocs, arbres, tout est en vrac, vertical, étagé et violent pour la petite personne qui s'et réfugiée dans ce goulet. Une plaque de ciel bleu luit au dessus des murs et le silence est sépulcral : si je n'avais Bugarach et Villeraze en face, l'angoisse pourrait s'inviter. Mais j'ai posé le cerveau sous le bras et me suis déconnectée de toutes mes émotions, c'est donc un regard froid et austère qui va caresser la muraille. J'y vois les fossiles prisonniers de la roche grise et blanche, fonds marins expédiés à la verticale vers le ciel, mais fracturés au possible. Des plis rigides et sévères.

                                                                                 




En entrant dans l'antre




Un coin de ciel au dessus de ma tête

Bugarach



A l'intérieur, point de caverne, juste du mur !! 760 m

Je quitte cet antre et je vais longer la falaise au mieux; c'est une sorte de tapis escarpé fait de rocs , de terre surtout, noire et souple et d'herbe grasse aussi glissante que du verglas, les débris arrachés par le ruissellement de pluies et orages aux arbres qui ont colonisé la falaise. Etant en face nord et peu atteinte par le soleil, une fraîcheur relative baigne les végétaux. Drôle de géographie et de botanique, étonnante géologie fossilifère, tout parle ici. Tout est figé et pourtant tout ne demande qu'à dévaler, je vais en faire de multiples expériences. S'agripper où l'on peut est de rigueur !


Une idée du sport !



C'est parti ! Je suis les sentes animales, meilleures voies dans ce type de relief.

Une seconde saignée des plus étroites m'appelle et je m'y enfouis discrètement, c'est un chemin animal.

 "S'enfourater" là dedans, c'est grisant finalement

Des deux mains je peux toucher les parois de cette cheminée escarpée où arbustes et buis me servent d'appui; le sol est un infâme fouillis et j'arrive à un premier niveau que je ne parviens pas à grimper. Je passe sur le côté escaladant la paroi et je continue à grimper le couloir avec précaution dans le sol infâme qui menace de filer presto vers l'aval. Un autre étage plus facile et me voilà au terminus  : les deux parois se rejoignent comme une feuille de papier plié, c'est étroit, quelques centimètres, sombre, même les animaux ont déserté depuis longtemps ce goulet. 


Le départ; ne nous fions pas à la photo
c'est vertical 

Etroit au possible



Deux murailles et un sol encombré


Comme un papier plié
Je suis impressionnée



Vers l'aval, il me servira de cobaye
Tant pis pour lui !



C'est là que je vais m'adonner à mon sport favori, la descente à la corde ! je déroule mes deux spaghettis de 20 m, les noue ensemble, fais passer le brin derrière un arbre assez solide (j'espère), je noue les deux extrémités, sécurité oblige, et je commence à désescalader en faisant un ménage soigné : rocs, terre et branches volent vers l'aval sans pitié; mon bâton aussi, c'est plus pratique. Au bout des 20 m de corde, je ramène le matériel et l'enroule autour d'un autre arbre. Je descends sans peine l'étage ardu, sans passer par la falaise et ...pas de bâton dans les débris. Zut, je remonte et il n'est pas là non plus. Envolé ? non, enfoui dans les déchets. Je redescends et là je loupe la prise de pied, je vole en arrière! A présent j'ai vérifié que l'instinct ne m'a pas fait lâcher la corde, bien au contraire, bien que l'assurage soit proche du néant; je suis rassurée sur mes réflexes et c'est le coeur léger qu'au bout de 20 m supplémentaires, je remballe mes spaghettis. 



Dûment ligoté

40 m plus bas, on y voit plus clair 














A présent cherchons le plan incliné, ce sera au plus près de la falaise. D'abord c'est un fouillis végétal, j'extirpe les grandes cisailles du sac, désormais elles me tiendront compagnie  car il va y avoir du débroussaillage.

Le plan incliné que je dois trouver, vu de la piste, au zoom

Je suis arrivée au plan incliné propre et bien pentu : une petite pause énergétique et contemplative, ponctuée par le sifflet du train rouge, seule vie humaine et je continue mon trajet. Le chemin en éboulis est bien tracé par les animaux, mais dès que je le quitte pour essayer de rallier un couloir qui doit me conduire sur la crête, l'éboulis prend un malin plaisir à glisser comme un sérac suspendu et je me jette à chaque fois sur le côté avant qu'un fieffé gredin de roc ne heurte mes tibias pas consentants. Vacarme de roulements rocheux ponctuant mon avancée : je finis par retrouver l'herbe verte et glissante mais enfin, elle ne roule pas, elle !

Voilà la falaise



Vue du bas, c'est un fouillis
que je débroussaille un peu
Et le mur haut et nu se profile


Je marche en éboulis



Suivre la sente animale, sinon c'est roulements à bille



Et Caudiès posé tout à plat, en bas


Une cheminée, la dernière du circuit monte vers la crête, je me crois depuis un moment au Pic St Loup (34). Mais la cheminée est si encombrée que je dois débroussailler en me délestant de tout matériel. Si j'avais réfléchi 5 mn j'aurais vu que puisqu'il n'y avait pas de sente animale, on ne passait pas!


Pas facile de tracer sa voie dans tout cela : 819 m



 Mais le cerveau est aussi dans le sac. Et c'est ainsi que, cernée de murs de toutes parts, je grimpe le plus facile, tout en taillant du végétal : ma peine sera récompensée, je parviens sur une belle arête blanche, lumineuse, belvédère magnifique mais...séparé de la crête finale par un autre obstacle. Franchissable peut être...il suffirait de re désescalader, re nettoyer, re grimper, mais trop de "re" pour mon corps usé, faut garder du rêve pour une autre fois et je fais demi tour, plus tard sera un autre jour, le chemin est tracé, il n'y aura plus qu'à..

Ci dessous, l'arête vers le haut, vers le bas, vue en plongée vers le pierrier...et la voisine d'en face, brrr


855 m

Allez, soyons raisonnable, remettons le cerveau à sa place et revenons sur nos pas, par le même chemin, au moins il est tracé.

Descente du pierrier



Descente en forêt

Je suis contente de moi, de ma forme retrouvée, du courage que j'ai trouvé pour ce parcours inédit, aussi captivant que -presque- stupide, de mon envie d'y revenir et pourquoi pas ? De trouver un autre accès. Les vues aériennes montrent un beau couloir sinueux, pavé de rocs, pas très long, sûrement malcommode, peut être impossible d'accéder sur la crête si un mur le barre, mais le goût de l'aventure, je le sais, me portera encore une fois sur ces sentiers de l'impossible.


Satisfaite ? c'est déjà ça...

La piste retrouvée je vais la continuer jusqu'à son extrémité  : je découvrirai une exploitation forestière, de belles vues sur la vallée,  une chapelle à l'arrivée après 14 km au total et un cadeau somptueux que me fera ce secteur pour ma persévérance et ma curiosité : un beau fragment de fossile d'ammonite, grand modèle s'il vous plait !!



Situation : 


Le site, en bleu

En chiffres 

Altitude minimum 651 m

Altitude maximum 855 m

Temps de marche et grimpe : 1 h 50

La route : 150 km AR



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