On a le moulin de Maître Cornille joliment conté par Daudet.
Le Molí d'en Bernat n'est conté par personne et je n'ai pas le talent de Daudet, donc...Mais je vais essayer de vous le présenter.
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La rivière Balá proche du moulin |
Sur mes chemins de randonnée, j'ai parfois rencontré des moulins, certains impressionnants par leur situation et leur configuration. Le plus extraordinaire est le Moulin de la Fou, servi par la puissante résurgence de la Vis. Du côté du Cirque de Navacelles.
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Moulin de la Foux et résurgence de la Vis (Gard) |
Le Molí Bernat m'a laissée pantoise.
De hautes falaises calcaires et gréseuses descendent du plateau jusqu'à la rivière Balá; la rivière Balá en fait de même en se jetant dans le vide de plus de 50 m de haut. Voilà il s'agit d'un étrange moulin, un moulin à farine, logé dans une saignée de la falaise et qui fonctionna très longtemps; depuis le Moyen Age peut être, comme semble en témoigner le pont, plus loin, plus haut, qui lui est rattaché par un chemin pavé. Jusqu'aux années 30 du siècle dernier. Mais commençons par le début. Touristique comme il se doit.
Partie de l'aire de camping cars de Tavertet, j'ai fait une boucle sympathique dont le départ est à l'angle des installations sportives. Très rapidement on est "précipité" dans une raide descente au sein des falaises que cachent les épais sous bois de chênes verts. Le lieu se nomme "Baixent de las Tunes". Rude descente au départ, mais aménagée par des marches en bois. Ensuite il n'y a plus qu'à se laisser porter; je croise quelques filets d'eau jaillis des falaises, mini résurgences .
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Descente en falaises |
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Et en sous bois |
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Panorama pendant la descente |
Ensuite dans le silence, puisqu'il n'y a pas d'eau, je parviens à la cascade, en visitant d'abord, semi couchée, une balme (grotte aménagée) au plafond bas et aux murets rescapés.
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L'entrée de la cavité sous roche |
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Je suis bien à l'abri |
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Sol, murs et plafond |
Avant que d'entrer sous le fabuleux auvent de la cascade, en demi cercle, nommé Balma qui crachote des gouttes de pluie venues d'un ciel implacablement bleu.
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Les ressauts de la cascade |
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Paillettes d'eau |
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La balme de la cascade |
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Sous "l'auvent" de la cascade |
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Image internet |
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La cascade inexistante en ce moment |
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Jardin aquatique de la cascade |
Quand la cascade est bien imposante, c'est donc derrière sa chevelure que l'on circule. (Une chaîne est en place pour l'endroit le plus glissant). J'imagine le rideau, le vacarme, l'écrasement dans la rivière de ce toboggan liquide. La résonnance de ce fabuleux écho qui heurte le calcaire pâle, les grés rouges et bleus, comme tracés au crayon dans la paroi tant leur démarcation est rectiligne.
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Grès rouges et bleus |
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Comme tracé au cordeau |
Je m'offre même la descente jusqu'à la rivière. Un sentier y est esquissé. Un énorme rocher est posé sur la rivière : j'ai lu que lorsque la cascade est imposante, elle éclate sur ce roc et forme un éventail.
Puis, après la traversée de ce décor sublime, je remonte vers le moulin, enfoui dans peupliers et figuiers. Un mur ocre m'accueille, puis une porte ouvrant sur la chambre des meules (2 meules de grés), et d'autres pièces en ruines, un escalier que je grimpe, ouvrant sur vide.
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Le site : en jaune le moulin et son chemin en bleu, la rivière Balá et sa chute |
Dans les environs, il y a une grotte nommée "Balma de las molas". Dans cette grotte, 8 meules de grés sont encore en place, dont certaines au sol, d'autres esquissées dans la paroi. Bien sûr que j'irai les voir !
Un autre moulin existe dans ce secteur, en amont...je ferai d'une pierre deux coups sans nul doute.
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Fenêtre sur ciel |
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L'escalier |
Il manque un détail d'importance à ce décor : où est donc le canal d'amenée du moulin ? Sans doute au- dessus de la chambre des meules. J'y vais donc de ce pas en suivant un chemin remarquable, le chemin du meunier. Des murs construits pierre à pierre enserrent un chemin volé à la falaise, pavé en style calade pour éviter aux mules de glisser, puis le chemin continue, toujours pavé et taillé dans la falaise, un vrai joyau. Mais point de canal d'amenée depuis le proche Balá, il aurait du lui aussi être taillé dans la roche.
Pourtant le bassin de rétention est bien là, alimenté par de l'eau vive. Un abri moderne équipé d'une pompe semble envoyer de l'eau vers le ciel.
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Le bassin |
Alors ? Alors j'aperçois, demi cachée par un arbre une ouverture dans la falaise, une grotte verdâtre et sombre, une ancienne résurgence qui sue l'humidité.
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Une résurgence proche du moulin |
Est ce elle qui alimentait le moulin ? Elle est sèche mais de l'eau coule dans le bassin, ce sont les mystères des sites calcaires. Parce que cette région n'est qu'alternance de grès et de calcaires. Intimement liés les uns aux autres. Comme je veux savoir, je me documenterai de retour à la maison, sur des sites catalans et je trouverai. Effectivement une résurgence alimente le moulin mais elle se situe au dessus et un "2nd voyage" m'y conduira munie de sécateurs et d'une corde. La corde ne quittera pas le sac et le sécateur ne quittera pas ma main. La phrase en catalan qui invite à la découverte est aussi musclée et imagée que le parcours. Entre ronces et orties, entre buissons et murs, je parviens au chant de l'eau : 2 résurgences proches m'attendent, une est sèche, l'autre coule dans un fouillis de lianes et végétaux, au pied de la muraille en encorbellement. Peu touristique le site ! Je "bois du petit lait" de l'avoir trouvé.
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Le parcours, un fouillis infâme |
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Je rase l:es murs |
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Je frôle des névrosés de la racine |
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Je me heurte à la falaise |
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Je salue le Maître des lieux |
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Et voilà l'objet de ma recherche : de l'eau La résurgence |
Cette résurgence ne vient pas de la proche rivière mais de la perte des eaux d'un autre torrent nommé le Gorgás.
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Source internet |
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Même chose |
Les reliefs karstiques sont très mystérieux et donnent vite des légendes; je sais que le moulin à la sienne. Mais les fées n'ont pas encore croisé mon chemin. Disons qu'elles étaient les ancêtres de l'euromillion ! Et logeaient par ici !
Le charme des lieux vient aussi du décor, une vallée, el Sot de Balá. Elle s'évase entre des falaises calcaires, et gréseuses très rouges, en une chevelure vert sombre de chênes verts et plus claire en ce printemps naissant d'autres variétés, dont le chêne rouvre.. Par grand beau temps, entre rouge et vert, la vallée flamboie! Et le moulin adossé ou engoncé dans la falaise, dans un fouillis végétal, s'offrit ce tableau jusque dans les années 1930.
Le chemin, qui garde un beau pavage, date du 16 eme siècle et descendait jusqu'au pied de la falaise, à la cascade. "Cami de bast", chemin muletier.
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Taillé dans la roche |
En remontant ce chemin dont certains passages sont intacts et sublimes, je parviens au Pont del Molí Bernat, daté du 14 eme siècle. Long de 20 m, haut de 5.63 m, large de 1.60 m au plus étroit et 2.40 m aux extrémités, il est antérieur au chemin du moulin car il reliait Manlleu à Tavertet par Sobiranes, un chemin d'intérêt économique.
Je visite longuement le pont, mes passages suivants me conduiront sous le pont dont je pourrai admirer la facture et l'élégance. Pourtant quelque chose m'intrigue : il y a sous le pont un vestige taillé dans la pierre d'un captage des eaux en vue d'un canal.
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Emplacement des anciens poteaux de barrage En aval du pont |
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Je n'en ai vu que 2 |
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Et de l'autre |
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Appui d'un pilier |
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L'arcature du pont |
Un canal ? Je n'en ai vu nulle trace, et il ne pouvait conduire qu'au moulin. Un document précise qu'on voit des vestiges de ce canal le long du chemin. Ils ont échappé à mon regard, mais la prochaine fois, je serai plus attentive. Le moulin a t'il eu un semblant d'alimentation avec un canal ? Il est dit que le moulin ne fonctionnait que selon le bon vouloir de la résurgence, alors peut être pour pallier un manque d'eau a t'on essayé d'y adjoindre une amenée supplémentaire ? Je me plais à le croire.
Passé le pont, remarquable, le chemin muletier conduisait au village en une série de lacets encore pavés et bordés de pierres bien agencées, puis se perd dans les chemins d'exploitation moderne.
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Du pont vers le village, l'ancien chemin muletier (vue prise vers l'aval) |
Tavertet possède un immense patrimoine archéologique afférent à la configuration des lieux et à sa minéralogie. Deux moulins, une Balma de las Molas, des sentiers escarpés, et puis....des falaises, des fermes, des chemins et ...tout un inventaire, je l'ai, et si je veux, j'ai encore de l'avenir là bas !
En chiffres : 5.3 km pour la boucle de la balade
Situation géographique
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Plan large : le point rouge |
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Plan rapproché : le village de Tavertet et le circuit du moulin |
Hola Amédine,
RépondreSupprimerC'est une belle leçon d'histoire, de géographie, d'ingénierie, l'architecture et d'orientation.
C'est fantastique de pouvoir vivre cela, même virtuellement par ton riche récit.
Quand je serai à la retraite, s'il reste encore des vestiges, je suivrais tes pas et ton récit.
MDR...il restera quand même des vestiges du 21 eme S quand tu seras en retraite
SupprimerUn endroit d'une insolente beauté, merci pour ce récit si bien documenté. Il me tarde de voir ce paradis minéral et architectural. Les couleurs sont flamboyantes et les falaises attirantes, que du bonheur en perspective.
RépondreSupprimerMerci de nous faire découvrir ce joyau. Bises, Josy.
J'ai hâte de vous y emmener, ça s'approche ! Prévoir un sac pour Rocanne, hihi
SupprimerDu minéral, de l'eau, de la pierre taillée, quelques vestiges du passé qui doivent bien être hantés la nuit par de joyeux fantômes et au milieu de tout ce panorama accidenté, un intrépide "petit chaperon rose" qui se frotte aux éléments avec une certaine audace pour ne pas dire une audace certaine ! Point de loup en ces lieux mais l'austérité même et les visions vertigineuses suffisent faire monter le cardio ! ih ih !! En attendant, de bien belles photos et un narratif captivant ! Merci "Lison" ! P.D.S.
RépondreSupprimerMerci pour ton commentaire enjoué et enjolivé. Oui c'est un peu ça un petit chaperon rose qui traverse la vie sans chaperon, l'évolution de la condition de la femme a eu du bon. Amitiés de Amé
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