Saint Jean de Buèges, à 18 km du Vigan est une petite commune de l'Hérault, bordée par la Buèges, affluent de l'Hérault. Cette rivière jaillit brusquement de terre quelques km en amont, à la faveur d'une exsurgence des eaux souterraines venues du Larzac. Saint Jean est entouré de crêtes calcaires d'altitude modeste mais impressionnantes et donnant envie d'aller s'y balader. Des sentiers ou d'anciens chemins muletiers sillonnent les redoutables pentes. Ce décor est couvert de végétation méditerranéenne où domine le chêne vert et abrite des grottes, avens et même galeries de mines . Le secteur recèle plomb, argent, zinc et même charbon. Pour l'heure je ne sais ce qui y fut exploité.
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St Jean dans son décor |
Ce sont les hasards de la route qui m'ont ramenée dans ce lieu que j'ai déjà traversé et j'ai décidé de me poser à St Jean, attirée par un magnifique éperon rocheux qui se dresse comme une dent au-dessus du village. En ce samedi pluvieux, j'arpente les rues, avec ses magnifiques portes et escaliers, les fontaines, les platanes classés Monuments Historiques, de même que le château du 12 ième S, en partie relevé de ses ruines par une association active. J'ai droit à la visite commentée, c'est superbe !
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La château de Baulx |
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Quelques une des portes du village |
Au dessus du château se trouve l'imposant Roc de Tras Castel (=derrière le château).
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Le château et, en fond, Tras Castel |
Le village est parcouru par une petite rivière, le Garrel, et abritait autrefois des élevages de vers à soie, des filatures et une population dense, près de 800 habitants (19 ième S), contre 200 aujourd'hui.
Bref un village chargé d'Histoire et des environs pleins de mystères aériens et souterrains, comme tous les lieux de causses.
Dimanche matin, le soleil est revenu et je démarre dans un matin frais, direction le château, puis la haute falaise de l'éperon rocheux, que je vais longer versant sud. Il n'y a aucun balisage.
C'est un versant aride, flanqué de somptueux éboulis, d'un sentier vaguement cairné, d'une végétation rase et épineuse, avec un panorama sur la vallée, ses versants escarpés, les sous bois épais, dans un calme envoûtant. On est loin du sentier de rando que j'imaginais. Les éboulis calcaires sont faits de rocs tourmentés, percés, qui aiment bien se dérober sous les pieds. Quelques cairns ornent cet univers rocheux.
D'immenses couloirs d'éboulis dévalent jusqu'à la piste, de vrais toboggans empruntés par les animaux pour aller s'abreuver à la Buèges
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Le même vu d'en bas
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Un couloir vu d'en haut |
Sans encombre j'atteins le moment où il faut piquer droit dans la pente pour accéder au plateau sommital. J'émerge d'un encombrant petit massif d'arbres et me voilà sur un joli sentier logé dans le pierrier.
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Je monte vers le bleu du ciel |
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Obstacles imposants |
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Chemin "pavé " |
Les cairns sont imposants et les suivre est un jeu d'enfant jusqu'à l'aplomb sur un vide vertical et vertigineux : l'arête. Elle est grise, boursouflée, tourmentée, jonchée d'arbres, les cairns s'en éloignent, je m'éloigne des cairns, je marche sur le fil. Funambule sur un vide majestueux.
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Le départ de l'arête |
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Dans mon dos |
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Devant moi, le fil de l'arête |
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Du vide de part et d'autre, surtout à droite |
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Parfois un peu plus sportif (ici désescalade) |
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Faut pas trébucher! |
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Et la vue inverse |
Point de vertige, le pas sûr et prudent, sur ce dos de saurien, pendant 500 m, avec quelques retrouvailles obligées avec le sentier, ils se chevauchent. Je marche, je sais que personne ne vient ici hormis les grimpeurs. Pas d'attrait touristique, le vide pour le vide n'a guère d'intérêt. Perso, j'adore. J'ai fui les arêtes prétendant que ce n'est plus pour moi et je me sens chez moi !
Ce calcaire est abrasif sous mes doigts, bien plus qu'à Villefranche où j'ai posé mes doigts, et soudain...
Soudain l'arête s'arrête net, une drôle de plate forme arasée et jonchée de petits cailloux accueille ma désescalade mais déjà j'ai compris. Quelque chose a vécu ici.
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La plate forme |
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Incurvée vers le sud, moins abrupt |
Mes yeux écument le sol et je trouve immédiatement des tessons, tessons de tuiles d'une facture inconnue, mais on est dans l'Hérault, et des tessons de poteries, récipients certainement.
Je suis arrivée au bout du secteur "carrossable", mais avant de voir le terminus, je pose sac et bâton et je cherche comme un chien de chasse. Aussitôt je dresse une hypothèse : soit un château précédent celui d'en bas donc antérieur au 12 eme S d'où des tessons de cette drôle de facture, soit une tour de guet car la plate forme domine les deux vallées. C'est stratégique à souhait. J'étudie le lieu jusqu'au vertige : aucun mur, aucune citerne (indispensable, mais ayant pu être comblée par les débris des ruines), cependant diverses petites plate formes s'étagent faces nord et sud, difficilement accessibles . Une chaîne mise en place par les grimpeurs me rendra bien service.
Le village est en bas, 200 m en contrebas, le château aussi, tout semble miniature mais parfaitement agencé dans l'histoire que je recrée. Je passe un long moment à décrypter le site, à fouiller du regard la moindre plate forme, je me décide à gagner la proue, protégée du regard par des arbres. Une échancrure dans la falaise paraît peu naturelle. Je suis transportée comme si j'eusse trouvé la 8 eme merveille du Monde. Suis je sotte....
En images
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Au bout de l'étrave, la falaise qui descend verticalement, le château et le village
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Zoom sur le château de Baulx |
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Zoom sur le village |
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Versant sud plus "doux" |
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La brèche : naturelle ou pas ? |
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La chaîne sur le vide : et je descends ! |
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Je me tiens d'une main, aucun danger si on n'a pas le vertige et qu'on se tient tranquille |
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Remontée à la chaîne |
Il me faudra longtemps pour me détacher de ce lieu et reprendre le chemin à l'envers. Ma petite récolte de vestiges est destinée au château et à ses historiens !
Le retour se fait au maximum par le sentier bien tracé : fut il celui des grimpeurs ou des habitants du site ? je ne le saurai jamais.
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Arête |
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ou sentier |
Mon regard porte au loin : Pic St Loup, cultures dans la vallée, lapiaz au ras du sol, béance des infiltrations, une histoire souterraine qui commence ici
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Pic St Loup, beaux souvenirs |
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Lapiaz |
Le restant du retour va prendre une autre tournure : il y a le chemin par lequel je suis venue, bien repéré et puis l'autre, autres cairns, autre tracé, des sentes de grimpeurs que je finirai par perdre, mais peu m'importe, un tout droit magnifique dans une pente croulante et épineuse me conduira tout à fait en bas, là où chante la Buèges, là où se déroule une piste, là où commence le Siècle. Celui dans lequel je vis et que j'ai un instant oublié.
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Le retour ? C'est droit devant ! |
PS : j'ai retrouvé mon guide du château, je lui ai remis mes trophées, il n'a jamais entendu parler de ce site haut perché, ma découverte l'a intéressé. Il va se renseigner.
Et moi je reviendrai car d'autres aventures m'attendent là bas. Quelques repérages dans la muraille m'appellent, un sentier très ancien, peut être celui de la plate forme pourrait avoir ma visite, non porté sur les cartes, mais porté sur un fabuleux site tchèque que je consulte souvent, et puis...la Sérane, avec sa crête, ses pics, ses grottes, ses passages en falaises. Bref, j'ai trouvé un trésor !
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Ici ? doit dans le mur |
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Et là? chemin muletier montant au Causse, pentes de la Sérane |
Le circuit :
En chiffres pour la rando du jour :
Point bas : 150 m
Point haut: 371 m
Distance : 5 km
Temps de marche : 2 h 07
Et la route, 400 km A/R
Encore une belle aventure captivante. Le texte est précis, les photos très explicites. Le site est impressionnant. le château est la cerise sous le gâteau. Merci Amedine. A chaque fois un agréable moment à passer pour le lecteur. GV
RépondreSupprimerMerci GV pour ce gentil commentaire, je sais que tu es un lecteur attentif et il me plait de conter des histoires (vraies) à des lecteurs comme toi. De partager mes coups de coeur. Amitiés
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