Traduire "de Saint Martin Lys". C'est une petite commune de l'Aude, traversée par la rivière du même nom, une commune de moyenne montagne. Ses 999 hectares sont quasi toutes en déclivité et boisées mais sous le couvert végétal se cachent les vestiges de la vie agricole d'autrefois aujourd'hui révolue. Et si la population atteint à présent 24 habitants (2022), elle atteignit le pic de 448 en 1896; à cette époque se construisait le chemin de fer de la ligne Quillan Perpignan, Quillan toute proche étant en pleine expansion industrielle, ville "morte" aujourd'hui..
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St Martin et l'entrée du Défilé |
La commune vécut de l'exploitation forestière, de l'agriculture, du pastoralisme, aujourd'hui, c'est un charmant petit village situé à l'entrée du Défilé de la Pierrelys, qui conquit à jamais mon coeur voilà très longtemps. Son petit cimetière abrite la tombe de l'Abbé Armand, le pionnier de la route qui désenclava le village au 18 eme siècle.
Alors à intervalles, j'y reviens, nourrie des travaux d' Eric Teulière qui a consacré une étude très fouillée à son village et nourrie de ma curiosité personnelle.
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Saint Martin la nuit |
Justement, partie pour l'Ariège, je stoppai à St Martin et n'en repartis plus pour promener cette curiosité en des lieux parfois "scabreux". Au gré de six insolites balades. Insolites, elles le furent assurément, même si parfois j'utilisai du vrai sentier. En encre sympathique sur la carte puisque invisibles, ces chemins.
Alors je vais conter quelques insolites :
1) Le chemin de la combe de Brouyères : ne le cherchons pas sur une carte, ni même sur le terrain. Il part d'un invisible sentier (celui de mon précédent article...clic) et s'enfonce dans les bois, rive droite d'une combe obscure où règne un sépulcral silence. Autrefois la combe bruissait car des parcelles cultivées s'y étageaient. Un chemin s'y aventurait aujourd'hui oublié. Par places émerge pourtant un ancien chemin : fut il celui de l'exploitation de la forêt ou l'ancestral chemin reliant le plateau à la vallée ? J'ai des doutes car il se termine brutalement. Remonter cette combe est tomber soi même dans l'oubli, je crois qu'il faudrait attendre l'ouverture de la chasse si je m'y accidentais, pour me retrouver, plutôt occise. Néammoins la balade fut merveilleuse. A présent, sur mon écran de téléphone je balade avec le cadastre en surimpression, cela permet de cultiver mon imagination. Je connais le secteur des Brouyères, la déclivité du sentier est escarpée mais je ne le termine pas par sécurité, l'ouverture de la chasse est encore loin 😅😅. Qu'y verrai-je ? Quasi rien sinon des murailles calcaires en filigrane. Mais un jour je le terminerai, peut être en partant d'en haut ?
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La combe de Brouyères jusqu'au Col del Fach |
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En rouge et blanc les points GPS Trajet de 400 m de dénivelé pour 3.65 km AR |
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Le paysage d'en face |
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Vestige du chemin |
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Les murailles de Peyro Blanco |
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Du chemin bien tracé |
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au sentier chasseurs droit dans la pente |
2) Le terminus du chemin de mon précédent article soit celui désaffecté depuis au moins 2 siècles et demi.
J'avoue que j'ai une chance folle ! Pour terminer ce parcours il n'existait qu'une solution, que la route fut fermée à la circulation. Improbable mais vrai, elle va être fermée pendant 4 nuits pour travaux! La visite tardive s'impose mais il ne me tente guère de parcourir ce chemin à la frontale...brrr..alors, munie de piolet et de cordes, je vais le tenter depuis son terminus. Sur le papier, ce n'est pas compliqué. Sur le terrain, un ancien essai m'avait découragée. C'est donc piolet en main que j'attaque la rude et acrobatique montée car le chemin ravagé par le ravin n'a même pas l'ombre de son existence. Et je vais grimper, engluée dans les salsepareilles, piolet ancré dans un sol meuble, mains agrippées aux arbres dont certains ne pensent qu'à descendre. Le soir tombe, l' Aude mugit, le reste n'est que silence troué par mes jurons. Un cadavre de poteau électrique me renseigne sur le trajet de la ligne que j'avais perdue, mais je vais buter sur un passage périlleux qui eut nécessité le 2nd piolet, alors je redescends le tout à la corde. Stupéfaction des hommes du chantier qui m'ouvriront la route car je me suis faite enfermer.
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Même lieu vu de la route |
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Le site vu de la voie ferrée En jaune le chemin à remonter (je suis parvenue environ à la croix) |
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L'outillage |
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Usage en descente |
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Et sur l'ancien cadastre |
3) les vignes de Saint Martin Lys
D'une superficie que j'évalue à une dizaine d'hectares il ne reste rien sur le terrain, une colline en pente attenante au village, mourant sur la muraille de roches. Lieu dit Lillette. Cadastré en éventail, le site ne porte que vestiges de rares murettes plutôt basses, quelques tessons de vaisselle cassée et, en ce moment, de milliers de tiques qui escaladent mon pantalon, par chance cette fois j'ai évité le short ! Les chênes ont colonisé le site, les éboulis dévorent sa périphérie et j'arpente avec la persévérance du géomètre le terrain épineux à plusieurs titres. Qu'y cherchai je ? Rien. Juste l'éventuel départ d'un sentier de chasseurs.
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Ancienne carte IGN En rouge mon trajet approximatif |
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Le site des vignes : Lillette |
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Adossé à la falaise |
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Et sur le cadastre, en forme de triangle ou éventail |
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Le plus haut mur, tout en haut de la colline |
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Anciennes parcelles |
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En périphérie, éboulis |
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Hauteur (presque) normale des murets de séparation |
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et de bas en haut |
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De haut en bas (St Martin) |
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Saint Martin Lys et son site d'anciennes vignes
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Vu d'en haut (depuis la croix) |
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Vestiges |
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On lit encore la structure parcellaire |
4) La plongée dans le cadastre.
Bien moins périlleuse que mes aventures en sous bois, ce sera dans l'antre de la petite mairie, sous la bienveillance de Mme le Maire que j'ai déjà rencontrée, que je vais fouiller les plans de 1826 et 1854. Un moment extatique même si le premier cadastre est pâli par les ans. Je fais ma moisson de ces terres devenues stériles et de ces chemins dont certains sont une révélation. Y compris la disposition des parcelles. Mais les bords de fleuve sont souvent atypiques. Et de cette plongée dans les affres du temps, je refais surface, émerveillée comme il se doit, et encore plus curieuse.
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1854 |
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1826 |
5) Le chemin des antennes allias le chemin du facteur, voire du Prieur puisque ce nom est cité à Quirbajou, un "étage" (400 m) plus haut et qu'un prieuré existait à St Martin.
Aujourd'hui des antennes surmontent le plateau et la balade est plaisante, j'ai envie de la refaire pour le plaisir mais pas que...
Je découvre à ce chemin une fonction que je n'avais pas vue précédemment : la fabrication du charbon de bois; des plate formes charbonnières jalonnent le parcours qui s'achève sur un site cultivé jadis, Serre de Casteilles. Je continue sur l'ancien chemin d' Axat à Quirbajou et en dessous des antennes je bascule en forêt où de remarquables parcelles furent construites en terrasses autrefois. Dans une pente extrême, travail titanesque ! Avant que de retrouver le chemin de Quirbajou.
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Départ de St Martin Lys |
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Eboulis |
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Contraste de paysage |
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Le chemin, 1.5 km de cette morphologie |
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Anciennes cultures sur le plateau |
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Le site autrefois (années 60) et aujourd'hui |
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Chemin d' Axat à Quirbajou (et Belcaire) |

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Terrasse |
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Et morphologie normale du terrain |
Ce n'est pas un long trajet, environ 6 km AR, en forêt, avec de rares trouées sur les falaises de la rive droite mais qui vont faire scruter mon regard pour lire le paysage qui me fascine sur 600 m de dénivelé.
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Trajet approximatif |
C'était surtout le but de la balade, lire attentivement les falaises opposées. Pour quoi faire ? Ah...Ce secteur est un véritable feuilleton à décrypter.
J'y cherche des traces d'éventuels sentiers mais surtout je lis les impressionnants ravins dont certains servirent de chemin d'évacuation des bois exploités. Parce que ces pentes furent exploitées, bûcheronnées au maximum en des lieux vraiment inaccessibles. Les hommes s'y rendaient, y travaillaient et expédiaient le bois dans l' Aude, soit par gravité, soit par des câbles, soit par la "tira" (chemin de débardage) de St Martin. Et cela exerce une véritable fascination.
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Câbles rive gauche (Courtilles) |
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Utilisation des ravins pour la descente du bois (J'ai pu le vérifier, mais pas sur ce site)) |
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La Tira de St Martin |
C'est peut être une histoire dont je parlerai un jour, lorsque je parviendrai à continuer le déchiffrage . Celle de ce défrichage obstiné.
Et puis il y a la balade N° 6, mais ce sera un prochain chapitre: je conclurai mon petit séjour par une rando qui m'a révélé bien des surprises. Cachées sous les arbres, évidemment. Ce sera St Martin / Agajos par Carbounière. Celle ci était programmée depuis longtemps.
On peut aisément imaginer le contraste sidérant entre ces terres pentues autrefois exploitées ou cultivées et les secteurs austères qu'elles présentent à présent ! Qui sait, elles regorgent peut-être de métaux précieux, voire de ces fameuses terres rares si recherchées par les industries modernes, va savoir ! Sympa cet ancien chemin du facteur ou du prieur, il doit bien en cacher des anecdotes plus ou moins sulfureuses ! 😄
RépondreSupprimerS'il cache une anecdote comme celle du curé de Nohèdes (66) sûr que c'est sulfureux ! J'ai découvert avec le cadastre en rando des lieux inimaginables, anciennes cultures jadis desservies par un chemin, je me demande simplement à présent comment y accéder. Parce que j'ai envie de voir ! Il y a des coins aussi dangereux que l' Everest...non j'exagère mais dangereux c'est sûr et je veux y aller avant que l'ours n'y migre. Et ce n'est pas une boutade
SupprimerSacrée Amédine qui dérange les plans des petits hommes en orange !
RépondreSupprimerBelles découvertes en tous cas.