mardi 7 juin 2016

La vallée du Galbe : un bijou serti de névés

Depuis longtemps certains  me conseillaient d'aller dans la vallée du Galbe. A 100 km de chez moi,
 je ne connaissais que son village unique : Espousouille (66).
Que savais-je du Galbe ? Que c'était un bijou au niveau botanique!  Certainement pas que cela ouvrait sur de superbes paysages. Moi qui n'aime que cimes et lacs, une vallée ?...
Puis on évolue, et on ouvre ses horizons, oui, même à la faveur d'une vallée.



J'avais parcouru le Galbe inférieur: oh une petite rivière et ses anciens chemins clos entre les murs de granit, son petit pont, le tout en aval d' Espousouille, m'avaient séduite.
Une incursion le week end dernier, avec Mathurin, vers l'amont acheva de m'inviter au voyage.
Le Galbe naît de la rencontre de deux torrents et file se jeter dans le lac de Puyvalador, 10 km plus bas, rejoignant ainsi l' Aude pour des épousailles lacustres.

Me voilà donc en cette nuit pluvieuse, logée à Espousouille tout contre le Galbe, à 1523 m , à écouter, porte ouverte, la nuit, l'eau et l'aboiement intense au fond des bois d'un chevreuil esseulé.
Petit matin soleil : 0° dans ma chambre, de la glace sur le pare brise et un beau lever de soleil sur les brumes matinales alors que le Pic de Terrers (2540 m) se drape de rose.


Pic de Terrers, frontière avec l' Ariège , 2540 m

Du cours moyen du Galbe je ne verrai presque rien car la piste en forêt le longe avec un à pic vertigineux renvoyant seulement le chant de l'eau. Mais sitôt arrivée au parking à 1625 m, j'ai hâte !

Alors je m'élance dans un matin calme et vivant des chants d'oiseaux.

Le Terrers , tête à l'envers

Je vais suivre la rivière un grand moment par la piste forestière et ses deux refuges : une rivière au cours tumultueux parfois, calme et méandreuse ailleurs, recevant de petits affluents lancés à grande vitesse sur le versant de la montagne au milieu des genêts : une course effrénée.


Un affluent pressé



















Un groupe de randonneurs chemine non loin de moi, ce ne sera pas solitude complète aujourd'hui.
Pour l'heure je marche bien , les douleurs localisées de la dernière fois ont émigré : cette fois il n'est pas un muscle et une articulation qui ne protestent. sincèrement, ils m'entraveront tout le chemin malgré un sédatif. Ce qui rend ma marche difficile, mes gestes empruntés et mon équilibre précaire.
Décidément j'ai des algies rebelles.
Pour les oublier je me gave de paysage, de lumière et de parfums : le genêt purgatif que j'ai toujours détesté commence à me devenir agréable : avec lui c'est le dégel, le printemps, le retour de la lumière et des couleurs. Il est le soleil parfumé de la montagne.


 Le sentier a pris le relais de  la route forestière, constellé de gouttelettes qui ont toute la palette de l'arc en ciel. Magique.





Le Galbe et ses affluents mugissent. Le Galbe m'a montré toutes ses facettes : cascades, méandres paresseux, rivière vive et pressée, encombrée à la Jaceta des dépouilles de sapins arrachés à la montagne il y a longtemps déjà. Affreux désordre.
Tout en marchant je cherche...et je crois trouver...les traces du passé, soit l'emplacement d'un moulin de sciage. Peut être me trompai-je ? Mais puisque le cours du Galbe recélait des "industries", j'en ai éventuellement localisé deux.
Près du parking, au pied de la cascade cela paraît vraisemblable car le lieu se nomme La Molina (ph de droite). Cependant dans cette courbe (ph gauche) il y a une plate forme de terrain avec un tas de cailloux qui évoquent le bâti: toutes les conditions sont réunies : vitesse, place et forêt ainsi qu'accès au large sentier qui s'apparente à un chemin.



Moulin de sciage ?
près du parking


La pêche bat son plein : ici naît le galbe, du mariage du Rec des Serrats verts et du Rec de la Pedra Escrita.


Confluence
Le soleil arrive enfin à ma rencontre, il va vite ôter à cette plante son habit de lumière scintillante.


Et donner un air alpin aux pelouses éclatantes. Etape éphémère de leur vie.


Les névés pointent leur nez, leur densité me fera renoncer à l'étang du Diable dont je ne verrais rien, enfoui sous la neige, pas plus que des Pedras Escritas, à ses pieds, (les pierres gravées) gravées au néolithique, qui sait ? par le Diable en personne ?




Le groupe de randonneurs suit ma route , il ne sera donc pas question de rencontrer des animaux.


J'ai franchi un ruisseau les pieds dans l'eau et je grimpe un long et pentu névé; il va falloir sortir l'artillerie pour éviter le bain ou bien,  pire! J'ai de cuisants souvenirs.



Au fond, serra dels Castellets (2400/2500 m)









 Le groupe a abandonné, des nuages d'orage montent dans le ciel, comme de sulfureuses fumerolles et se livrent aux entraînements au combat au dessus de ma tête. Je continue à monter poussée par une insatiable curiosité.






 Dans une prairie, de curieux trous profonds et vastes, alignés comme les perles d'un collier m'intriguent. Ils sont accompagnés de grandes dalles plates (non gravées).


Le paysage est somptueux autour de moi: montagnes crénelées, névés impressionnants, fleurs sur les pelouses, un bain de beauté.




Des cascades énormes jaillissent de partout en une chevauchée éperdue vers le Galbe.



Au delà du névé la cascade





























Où il doit faire bon se baigner...en été !


A 2200 m je décide d'arrêter
ni la solitude, ni les névés ne m'impressionnent puisque j'ai mon "arme de poing", frein à main redoutable. Non, même pas les douleurs , juste la crainte de l'orage qui a déjà arrêté le groupe (ils ont un enfant avec eux).

je voulais aller là où sortent les nuages, alt 2436 m
Ras de la Sal

Els Castellets

Parure de montagne : jonquilles
 Malgré les nombreux névés, la redescente s'effectue rapidement, je suis pressée, cette fois car je vais quitter le sentier pour aller "paître" dans une jolie vallée déserte que je repère d'en haut.


Ce sont les Bassettes, à 1900m, où serpente mollement , au milieu des marécages, une rivière sans nom issue des Terrers et de son cirque conduisant à la Porteille d' Orlu (à faire en été ou mieux, en automne)

Le marécage des Bassettes

 Je quitte le sentier, dévale le névé, franchis d'un bond ou presque un ruisseau qui sort étonné de sous la neige et me jette dans cette prairie comme le bétail qui n'a pas vu l'herbe verte depuis un an !!




Très glacée, l'eau


 Oui il y a des farfelus dans cette Bassette : celle qui promène ses douleurs dans l'eau glacée et qui marche pieds nus, un humain au loin qui prend des bains de soleil, fait quelques pas et recommence, sans sac ni bagage, deux points minuscules qui bougent sur la montagne et que je saisis du bout du zoom.
Sinon, la solitude, la paix royale, le silence, le bonheur enfin.
Un cadre magnifique !

Juste à savourer
Je prends le temps...de ne rien faire (sinon manger) ;oui à tous ceux qui me demandent quand
 je m'arrête ! Et bien ? Là, bien sûr ! Enfin...!
Que feriez vous ?

J'aurais pu m'arrêter plus longtemps, l'orage avait rendu les armes, même si le ciel s'habillait mais les jambes me démangeaient d'aller voir, plus loin . Et j'ai vu. dans un repli du vallon, où se perdait une esquisse de sentier et où je n'ai pas voulu me perdre dans des lieux impraticables, j'ai franchi mon 13 ème et dernier névé pour ça : une marmotte et son terrier dans le névé.




Sous la fuite sifflante et éperdue d'une colonie de marmottes et le repli bondissant d'une colonie
 d' isards . Enfin Messieurs Dames, avez vous vu le Diable ? Il n'est pas descendu de son étang et la Diablesse n'écrit pas sur les pierres mais sur son cahier ! 
D'ailleurs, que viens-je de trouver ? Un crayon, abîmé par les neiges et le gel, que je garde précieusement car...le Diable me l'a confié!
Etonnant non ?

Allez, un retour chaotique  et douloureux me conduit à mon camion .
Alors que je m'apprêtais à essayer le crayon du Diable, un pécheur ariégeois est venu me rejoindre et nous avons bavardé au soleil comme deux amis de longue date.

Peut être lui ?
Ah quelle richesse, la montagne...


Vallée du Galbe depuis Espousouille : à présent elle a
un visage et un regard



jeudi 2 juin 2016

Quand la haute vallée bouillonnait..

Le thermalisme m'attire bien que je n'aie jamais fait de cure ce à quoi je pourrais prétendre au vu de mes douleurs agricoles.-)) Non je préfère les bains sauvages et déserts.

Toute petite j'accompagnais parfois ma grand mère qui faisait sa cure annuelle au Boulou. Pas de bains ni de massages, juste de l'eau finement pétillante à boire pour soigner le foie.
Je garde une jolie image de la buvette arrondie où chacun allait consommer sa quantité. Dans un grand parc ombragé, à deux pas de la maison. Une certaine atmosphère compassée, feutrée, que je retrouve toujours dans les villes d'eau sauf à Ax les Thermes (09), vivante, sportive, gaie.
Adolescente, je fouillais la montagne à la recherche des sources pétillantes et sauvages.
A présent ce sont les eaux chaudes et sulfureuses qui m'attirent. Depuis quelques années. Et je fouille, fouine et furète, montagnes et établissements en ruine.
Ceux de la très haute vallée de l'Aude ne m'étaient pas inconnus, je remets cette fois mes pas dans ceux à peine esquissés.



L' Aude : ce fleuve de 224 km  naît en mon département dans un joli lac aux eaux bleues, traverse deux lacs de barrage et file, fantasque dans le département éponyme, en un cours tourmenté avant que d'épouser la Méditerranée près de Narbonne.


Lac d'Aude : naissance de l' Aude
Ph Ludovic Peytavi (blogueur)

L'Aude dans la vallée des bains



Aude signifie dans un langage ancien "fougueux ou très rapide".






Justement, là où je vais la chercher, elle vient de quitter le 66 et partage son cours de torrent impétueux, tempéré par usines hydroélectriques et barrages, entre 11 et 09.

Les visites auxquelles je vous convie oscillent d'une rive à l'autre, dans un cadre de moyenne montagne entre 785 m et 910 m, dans les forêts et pentes abruptes. Une vallée très encaissée ce qui va expliquer le caractère des bâtisses étroites et toutes en hauteur.
Allons donc à Usson 09, Carcanières 09 et Escouloubre 11, les Bains, naturellement.

Qui virent le jour au plus tard en 1903 et moururent tous avant les années 60.
Quelques km les séparent à peine que j'aurais presque pu parcourir à pied mais Mathurin est du voyage et il pèse lourd le zouave !

Usson les Bains : En cette année, la grande bâtisse, longtemps "à vendre" est éventrée par le poids des ans et de l'abandon. Je m'y insinue à peine, trop dangereuse: une prochaine fois, avec casque et lampe...Pour l'heure, j'essaie de redonner vie par l'imaginaire à cet immense bâtiment coincé entre route et fleuve. J'engrange des photos je comprendrai plus tard. Je préfère d'abord m'imprégner et imaginer en arpentant le site. Alors je vois...j'entends...Je suis dans une autre époque.





Revenant en 2016, la brutalité de la réalité me saute au visage. Ce lieu est mon site préféré car en maltraitance.

Ouverte sur le vide

en 2016

Fermée sur les souvenirs



Un peu d'histoire :
1860: tout petit établissement
1885: construction de la route actuelle qui recouvre une des sources


On y soignait principalement les dermatoses

Arrivée de l'autobus

1903: création du bâtiment actuel et de la buvette de l'autre côté de la voie, ainsi que de celle de l'autre côté du fleuve
1954 : abandon des sources et fin de l'exploitation
La buvette du parc
Et celle disparue









Aujourd'hui: une rare circulation, le vide, pas un humain, seulement  les voix de l' Aude mêlée à La Bruyante. Elles se racontent...Elles me racontent...



Le salon de coiffure






Un pont plus loin, à 3 km...Carcanières, confondue à Escouloubre parce que les maisons sont dans l'Aude ou dans l' Ariège : savant et curieux mélange...selon la rive du torrent


Côté Ariège  Carcanières

côté Aude : Escouloubre
Histoire:
Les origines des bains de Carcanières et leur implantation sont confuses; une certitude en 1861, les 13 sources furent décrites pour la première fois. Les bains semblent avoir rapidement cessé leur exploitation
Carcanières soignait les affections ORL.
Aujourd'hui il reste de nombreux hôtels et cafés liés à cette époque car après les bains, les hôtels furent occupés par les ouvriers des nombreuses usines hydroélectriques au début du 20ème siècle. Et avant peut être.Puisque dès 1889 débuta l'épopée du captage des eaux faisant de ce département un pionnier.
Certains bâtiments ont toujours une fonction touristique avec bains privatifs.

Côté Ariège

Maison Roquelaure
Gîtes côté Aude














Et puis j'arrive à Escouloubre, le vrai, celui qui trône rive droite donc en Aude.
J'eus une chance inouïe de concrétiser mon souhait, celui de pouvoir entrer dans une demeure, rencontre surprise ! Visite des lieux, bain privatif, repas à la table familiale (et oui , une branche de ma famille vit en ce site et je l'ignorais) et nuit sous l'orage et le déluge dans le parc, dans mon camion, par choix personnel. Car une des belles chambres m'était proposée.
Il s'agit du plus ancien établissement de bains de la vallée daté de 1789.
 Où l'on soignait  arthroses, rhumatismes, dermatoses et bronchites. Certaines sources sont sulfureuses d'autres non





 J'ai ainsi pénétré dans cet antre presque sacré , revu et corrigé au fil des ans, des siècles : baignoire creusée dans la pierre, puis baignoire en marbre et enfin, cabines de bains avec 1 ou 2 baignoires de zinc, cabines numérotées de part et d'autre d'un vaste espace central mi hall- mi couloir. Une incroyable atmosphère! Les cabines sombres quasi en sous sol ont un aspect de bains romains par leurs peintures ocrées et rouges.

Signées du peintre.





Je découvre émerveillée tous les lieux de ce bâtiment tels qu'en leur temps de prestige : les bains, la citerne et son principe de distribution de l'eau, les pièces d'appartement joliment rénovées par les maîtres de céans, l'ancien  café attenant, les ouvertures et balustrades en fonte travaillée, le dernier étage laissé pour le moment en l'état (il y a tant à faire...), avec ses plafonds démesurés , et puis l'hôtel attenant aux bains, qui communiquait jadis, et enfin...la petite piscine couverte style bains romains, quasi enfouie dans la pierre, où je me délasse dans les eaux chaudes . quel cadeau !

Le plus surprenant ?
Les toilettes de l'établissement thermal
directement sur la rivière !!


Balustrade en fonte venue du Tarn



La citerne d'eau chaude et
le logement des tuyaux
Autrefois se tenaient pendant la saison des bains des "bazars" , tout au long de la route qui devait être bien plus large qu'à présent : Ainsi, le Bazar Barbes de Roquefeuil (11); ici juste devant les bains qui m'accueillirent.


Il s'en trouvait un aussi à Carcanières : le Bazar Castex




Tout à côté étaient les hôtels appartenant aux Bains  : l'un est à la vente actuellement.


L'autre a été acheté par des hollandais : transformation spectaculaire


Ainsi s'achève ce plongeon dans le passé des eaux bouillonnantes de vie.
 Un bain un peu long il est vrai...
Au fil des 21 sources de la vallée qui donnent 700 000 litres d'eau par jour !!


Et du bouillonnement de vie qui s'est tu à jamais, plongeant doucement la vallée dans la quiétude endormie , un bouillonnement de vie difficile à imaginer, en regardant couler la rivière dans les ombrages et passer une rare voiture, en observant ces immenses bâtisses aveugles, sourdes et muettes. L'été, peut être...de la vie remplace ce brin de nostalgie.


Je le dédie à Huguette G.. et Michel G...ainsi qu'à Marie José B..B.. qui m'ont apporté de nombreux éléments.


Je le dédie aussi à toutes ces personnes qui, par le biais de Facebook, m'apportent de plus en plus d'informations, images et anecdotes.


A Mathurin voyageur infatigable et patient...un peu lourd mais pas pesant..