Depuis longtemps certains me conseillaient d'aller dans la vallée du Galbe. A 100 km de chez moi,
je ne connaissais que son village unique : Espousouille (66).
Que savais-je du Galbe ? Que c'était un bijou au niveau botanique! Certainement pas que cela ouvrait sur de superbes paysages. Moi qui n'aime que cimes et lacs, une vallée ?...
Puis on évolue, et on ouvre ses horizons, oui, même à la faveur d'une vallée.
J'avais parcouru le Galbe inférieur: oh une petite rivière et ses anciens chemins clos entre les murs de granit, son petit pont, le tout en aval d' Espousouille, m'avaient séduite.
Une incursion le week end dernier, avec Mathurin, vers l'amont acheva de m'inviter au voyage.
Le Galbe naît de la rencontre de deux torrents et file se jeter dans le lac de Puyvalador, 10 km plus bas, rejoignant ainsi l' Aude pour des épousailles lacustres.
Me voilà donc en cette nuit pluvieuse, logée à Espousouille tout contre le Galbe, à 1523 m , à écouter, porte ouverte, la nuit, l'eau et l'aboiement intense au fond des bois d'un chevreuil esseulé.
Petit matin soleil : 0° dans ma chambre, de la glace sur le pare brise et un beau lever de soleil sur les brumes matinales alors que le Pic de Terrers (2540 m) se drape de rose.
Pic de Terrers, frontière avec l' Ariège , 2540 m |
Du cours moyen du Galbe je ne verrai presque rien car la piste en forêt le longe avec un à pic vertigineux renvoyant seulement le chant de l'eau. Mais sitôt arrivée au parking à 1625 m, j'ai hâte !
Alors je m'élance dans un matin calme et vivant des chants d'oiseaux.
Le Terrers , tête à l'envers |
Je vais suivre la rivière un grand moment par la piste forestière et ses deux refuges : une rivière au cours tumultueux parfois, calme et méandreuse ailleurs, recevant de petits affluents lancés à grande vitesse sur le versant de la montagne au milieu des genêts : une course effrénée.
Un affluent pressé |
Un groupe de randonneurs chemine non loin de moi, ce ne sera pas solitude complète aujourd'hui.
Pour l'heure je marche bien , les douleurs localisées de la dernière fois ont émigré : cette fois il n'est pas un muscle et une articulation qui ne protestent. sincèrement, ils m'entraveront tout le chemin malgré un sédatif. Ce qui rend ma marche difficile, mes gestes empruntés et mon équilibre précaire.
Décidément j'ai des algies rebelles.
Pour les oublier je me gave de paysage, de lumière et de parfums : le genêt purgatif que j'ai toujours détesté commence à me devenir agréable : avec lui c'est le dégel, le printemps, le retour de la lumière et des couleurs. Il est le soleil parfumé de la montagne.
Le Galbe et ses affluents mugissent. Le Galbe m'a montré toutes ses facettes : cascades, méandres paresseux, rivière vive et pressée, encombrée à la Jaceta des dépouilles de sapins arrachés à la montagne il y a longtemps déjà. Affreux désordre.
Tout en marchant je cherche...et je crois trouver...les traces du passé, soit l'emplacement d'un moulin de sciage. Peut être me trompai-je ? Mais puisque le cours du Galbe recélait des "industries", j'en ai éventuellement localisé deux.
Près du parking, au pied de la cascade cela paraît vraisemblable car le lieu se nomme La Molina (ph de droite). Cependant dans cette courbe (ph gauche) il y a une plate forme de terrain avec un tas de cailloux qui évoquent le bâti: toutes les conditions sont réunies : vitesse, place et forêt ainsi qu'accès au large sentier qui s'apparente à un chemin.
Moulin de sciage ? près du parking |
La pêche bat son plein : ici naît le galbe, du mariage du Rec des Serrats verts et du Rec de la Pedra Escrita.
Confluence |
Et donner un air alpin aux pelouses éclatantes. Etape éphémère de leur vie.
Les névés pointent leur nez, leur densité me fera renoncer à l'étang du Diable dont je ne verrais rien, enfoui sous la neige, pas plus que des Pedras Escritas, à ses pieds, (les pierres gravées) gravées au néolithique, qui sait ? par le Diable en personne ?
Le groupe de randonneurs suit ma route , il ne sera donc pas question de rencontrer des animaux.
J'ai franchi un ruisseau les pieds dans l'eau et je grimpe un long et pentu névé; il va falloir sortir l'artillerie pour éviter le bain ou bien, pire! J'ai de cuisants souvenirs.
Au fond, serra dels Castellets (2400/2500 m) |
Le groupe a abandonné, des nuages d'orage montent dans le ciel, comme de sulfureuses fumerolles et se livrent aux entraînements au combat au dessus de ma tête. Je continue à monter poussée par une insatiable curiosité.
Dans une prairie, de curieux trous profonds et vastes, alignés comme les perles d'un collier m'intriguent. Ils sont accompagnés de grandes dalles plates (non gravées).
Le paysage est somptueux autour de moi: montagnes crénelées, névés impressionnants, fleurs sur les pelouses, un bain de beauté.
Des cascades énormes jaillissent de partout en une chevauchée éperdue vers le Galbe.
Au delà du névé la cascade |
Où il doit faire bon se baigner...en été !
A 2200 m je décide d'arrêter
ni la solitude, ni les névés ne m'impressionnent puisque j'ai mon "arme de poing", frein à main redoutable. Non, même pas les douleurs , juste la crainte de l'orage qui a déjà arrêté le groupe (ils ont un enfant avec eux).
je voulais aller là où sortent les nuages, alt 2436 m Ras de la Sal |
Els Castellets |
Parure de montagne : jonquilles |
Ce sont les Bassettes, à 1900m, où serpente mollement , au milieu des marécages, une rivière sans nom issue des Terrers et de son cirque conduisant à la Porteille d' Orlu (à faire en été ou mieux, en automne)
Le marécage des Bassettes |
Je quitte le sentier, dévale le névé, franchis d'un bond ou presque un ruisseau qui sort étonné de sous la neige et me jette dans cette prairie comme le bétail qui n'a pas vu l'herbe verte depuis un an !!
Très glacée, l'eau |
Oui il y a des farfelus dans cette Bassette : celle qui promène ses douleurs dans l'eau glacée et qui marche pieds nus, un humain au loin qui prend des bains de soleil, fait quelques pas et recommence, sans sac ni bagage, deux points minuscules qui bougent sur la montagne et que je saisis du bout du zoom.
Sinon, la solitude, la paix royale, le silence, le bonheur enfin.
Un cadre magnifique ! |
Juste à savourer |
Je prends le temps...de ne rien faire (sinon manger) ;oui à tous ceux qui me demandent quand
je m'arrête ! Et bien ? Là, bien sûr ! Enfin...!
Que feriez vous ?
J'aurais pu m'arrêter plus longtemps, l'orage avait rendu les armes, même si le ciel s'habillait mais les jambes me démangeaient d'aller voir, plus loin . Et j'ai vu. dans un repli du vallon, où se perdait une esquisse de sentier et où je n'ai pas voulu me perdre dans des lieux impraticables, j'ai franchi mon 13 ème et dernier névé pour ça : une marmotte et son terrier dans le névé.
Sous la fuite sifflante et éperdue d'une colonie de marmottes et le repli bondissant d'une colonie
d' isards . Enfin Messieurs Dames, avez vous vu le Diable ? Il n'est pas descendu de son étang et la Diablesse n'écrit pas sur les pierres mais sur son cahier !
D'ailleurs, que viens-je de trouver ? Un crayon, abîmé par les neiges et le gel, que je garde précieusement car...le Diable me l'a confié!
Etonnant non ?
Allez, un retour chaotique et douloureux me conduit à mon camion .
Alors que je m'apprêtais à essayer le crayon du Diable, un pécheur ariégeois est venu me rejoindre et nous avons bavardé au soleil comme deux amis de longue date.
Peut être lui ? |
Ah quelle richesse, la montagne...
Vallée du Galbe depuis Espousouille : à présent elle a un visage et un regard |