Bugarach s'éloigne dans la grisaille d'un matin automnal et triste. Mathurin et moi nous prenons la route de l'insolite. Cette route va nous mener en quelques kilomètres sur une étonnante diversité qui nous fera cottoyer, dans un paysage de forêts et de rivières l'eau, le sel, le bois, le verre, les sources thermales et même...le jais !
D'abord étape à Rennes les Bains dans les eaux chaudes sauvages qui soignent les rhumatismes : j'en ai bien besoin avec la maltraitance tractoriste des vendanges ! Rennes les Bains se trouve justement sur la Sals, la surprenante rivière où je vais vous mener. Si je commence par le bain c'est que j'espère enfin y avoir accès sans la foule. Ces eaux thermales méritent un billet donc je vous dirai simplement que celles qui , issues de la source des Bains Doux (37°), massent vigoureusement ma charpente, ont mis 15 000 ans pour venir à moi : je les respecte donc en leur livrant mes douleurs ! Avant qu'elles n'aillent grossir la Sals...
Parlons en de la Sals : je fis sa connaissance en 2010 tout à fait par hasard : ce jour là, une immense réunion ésotérique se trouva sur mon passage, que je traversai courageusement, raflant au passage quelques amuse-gueules avant que d'arriver à la source.
Mon trajet d'aujourd'hui se trouva enrichi par le verre. Et le charbon. Et le jais... Pas par l'ambre qui pourtant foisonna par ici. Quelle richesse, accompagnée par l'or, l'argent, le cuivre...mais c'était du Temps des Romains.
En 2010 fut lancé un vaste programme de fouilles et réhabilitation des fours de cuisson du verre et, à présent, le sentier découverte fait un vaste détour par la verrerie : il traverse des sous bois de hêtres et de buis magnifiques et parfumés, constellés d'emplacements de charbonnières avant d'arriver aux fours. Magnifique sentier joliment illustré de panneaux à la fois simples et riches en explications tout public, pédagogiques et illustrées: un régal . Botanique, géologie, climatologie, histoire, rien n'y est ennuyeux !
Tout y est joliment évoqué.
Les Corbières, (massif montagneux), furent le berceau de nombreuses verreries, dont celle ci qui fut mise à jour et restaurée. Parce que le lieu était très boisé et propice à ce travail : de l'eau, du grés pour la silice, de la chaux; seule la soude, donnant le fondant, était amenée des étangs de la Méditerranée; c'était la salicorne, une plante des marais qui la fournissait. Cette verrerie fonctionna entre 1650 et 1770 : elle était composée d'un four à fusion et d'un four à recuit pour le refroidissement. Mais ...cette verrerie occupe un espace aménagé utilisé déjà à l'âge de bronze (1300 av JC), les fouilles l'attestent.
L'ensemble est majestueux, isolé du public et servi par des panneaux très instructifs, c'est magique.
Enseveli dans la verdure et le calme.
Les charbonnières entourent le site, où l'on faisait le charbon de bois.
Le bois était très présent, abondant.
L'exploitation en fut réglementée toutefois pour éviter la déforestation.
Je ne vous raconterai pas : allez-y...
Quant au jais, pierre semi précieuse, née du charbon fossile, elle était extraite des argiles. J'ai cru en trouver quelques fragments mais rien ne me le prouve.
Assurément, dans ces bois quasi impénétrables, sombres, humides et odorants, avares de lumière et silencieux, sommeillent des pages d'histoire, enfouies et riches.
Il faut aimer les lire.
C'est la mémoire d'un Pays.
Je chemine à travers bois. Vers les sources de la Sals. la rivière salée. Le but essentiel de ma présence ici. Mathurin m'attend au camion, petit compagnon patient et attentif.
Justement j'y arrive , à cette source que je rencontrai pour la première fois en 2010.
La Rivière Salée ou Sals : 20 km de long; elle naît à 710 m d'altitude, et rejoint le fleuve Aude à Couiza après avoir croisé Rennes les Bains.
Mais quel parcours !
Elle rencontre des eaux douces, en sources, puis des affluents mais ne perd rien de son tapis végétal d'algues vertes dont certaines, en coussins, sentent très fort le céleri.
Elle rencontre des sources thermales chaudes ou froides, riches en calcium, magnésium, déjà connues des Romains.
Elle coule dans un lit d'argile gris rose, cendrée, douce et fine .
Cependant si on gratte la surface de cette argile, on trouve vite une boue noirâtre et pestilentielle, puant l'hydrogène sulfuré.
Curative assurément.
J'ai une surprise en arrivant à la source : la sécheresse est aussi passée par là. Un mince filet d'eau coule dans cette argile mais pas trace de la moindre algue dont un beau tapis vert couvrait le sol en 2010.
Coquillages fossiles |
Enfouis dans le sous sol, ils reçoivent les pluies qui s'infiltrent dans ce relief calcaire et ressortent mêlés à l'eau douce. Plus les pluies sont abondantes et plus l'eau est salée. Le taux de salinité est le double de celui de la Méditerranée: avec ses 60 g/litre, il s'apparente à la Mer Rouge (275 g/l pour la Mer Morte).
En 1825 un tremblement de terre augmenta la salinité de l'eau. Ce qui en augmenta aussi l'exploitation. Et la contrebande !
Je ne raconterai pas l'histoire du sel, de son exploitation, des impôts auxquels il fut soumis et de la contrebande qu'il engendra, mon article serait trop long. C'est une vaste histoire. Il reste aujourd'hui le grand bâtiment du Corps de Garde achevé en 1778 et les vestiges de quelques cabanes des Bouilleurs de Sel. Ces derniers, les habitants du coin, qui venaient avec fourneaux et chaudrons, payaient un lourd tribut en sel au propriétaire des terrains: 25 litres de sel par feu et par semaine. En 1839, on comptait 22 établissements de cabanes.
En fond : cabanes. En groupe : des sympathiques marcheurs et moi |
Premiers pas de la Sals |
Au fond à gauche : le bâtiment des Gardes, 1778 |
Aujourd'hui la Sals poursuit sa route tranquille, son sel se perd très vite dans les apports d'eau douce, sources souterraines et affluents; elle ne garde de cette histoire des tréfonds du sol que son tapis d'algues vertes, assez décimé par la sécheresse du moment.
Balade au fil de l'eau en quelques images: de 2010 notamment , plus vivantes.
Tapis de mousse dans l'eau salée (2010) |
Repas au bord de l'eau...salée Les pâtes cuiront avec cette eau mais un peu trop salées Et bien sûr je vais barboter ! Sous l'oeil réprobateur de mon garde du corps !! |
La Fontaine des Amours en été 2010 |
Même lieu en temps de crue : l'argile est omniprésente (21 octobre 2012) |
L'argile grise en surface, noire et nauséabonde au dessous |
La Sals 18 octobre 2016 en plein étiage |
Couleur Sals |
A Rennes les Bains |
Le lit de la Sals àà partir de Rennes: très tourmenté, creusé de marmites et habité de sources thermales chaudes ou non |
Rennes les Bains : au niveau des Bains Forts (47 °) |
Rennes les Bains :les anciens Bains Forts (en rose) Hôtellerie actuellement |
La récolte dans un litre d'eau prise à la source |
De bien belles photos dans cette série encore. Incroyable la quantité de sel recueillie ! Ca doit faire bizarre de pouvoir faire cuire ses pâtes directement avec cette eau.
RépondreSupprimerOui bizarre en effet de plonger la cocotte dans la rivière ...sans se préoccuper quand même du bétail de la ferme au dessus...quand ça bout ça se purifie ! mais bon je me suis amusée comme si je n'avais jamais vu de sel de ma vie... Bises
SupprimerCoucou Amédine Bonjour à La Saunière à son Chat Mathurin Blanc comme Le Sel :) C est quand même curieux que L Abbé de Rennes Le Château dans Le Temps s appelle Saunière :) Câlins aux Minous Bisous à Vous Pensées pour Lison :)
RépondreSupprimerBonsoir ... Magnifiques photos pour cette très belle balade !!!
RépondreSupprimerDouce soirée, beau w-e, BISOUS et Câlins aux Félins
Dans un litre d'eau, tout ce sel ? Incroyablement salée, oui, cette eau !
RépondreSupprimerMerci pour ce billet très intéressant, Amédine.
Bonne soirée, et de gros bisous.
Très intéressant reportage illustré de belles photos. Très original tout cela, une visite s'impose !
RépondreSupprimerMerci Amedine pour de nous transmettre tout cela.