C'est un sommet modeste mais méfions nous des éléments modestes, j'en ferai vite l'expérience, d'ailleurs une des plus éprouvantes randonnées, je la fis à 1015 m d'altitude.
Le Roc Campagna vu de presque en haut |
Pourquoi ai je choisi ce Roc Campagna? Il domine, à la sortie de Villefranche de Conflent, la D116 conduisant à Mont Louis et, au dessus de cette portion à 4 voies, se dresse une imposante falaise de calcaire rougeâtre, ancien fond marin devenu marbre, le fameux "marbre rose de Villefranche" dont de nombreux édifices sont joliment ornés. C'est pour sa beauté, que je scrute toujours, en passant, ce site hérissé de rochers dont le plus haut, nommé Roc Campagna culmine à 1134 m et est nanti de 4 sommets. J'avais donc 4 chances de pouvoir "conquérir " le Campagna ?
Tout là haut , depuis le Pont St André |
La randonnée est indiquée comme pas facile, au niveau physique mais aussi au niveau orientation. J'avais confiance en mon sens développé de cette dernière.
Quelque part là en haut, le retour se fait dans ce dédale |
Une très belle ruine marque l'entrée du sentier Ensoleillée au retour |
Le sentier est celui de Notre Dame de Vie, jolie chapelle à près de 700 m d'altitude, adossée à la falaise rouge et surmontée d'une grotte. Ce sentier parti de l'altitude 450 prendra vite du dénivelé car il est assez escarpé malgré ses 16 lacets. Il est bordé de murettes comme tout ancien sentier muletier, murettes grises où quelques coups de massette ont réveillé le coeur sanglant de la roche brillante.
Le cercle gravé et numérote : anciennes limites de parcelles; très présent en Conflent |
Ouverture de la grotte sur le sentier |
Le boyau s'enfonce dans le sol Un "cochon" y a laissé ses marques |
Evidemment ça me fascine même si je ne saurais m'y aventurer ! L'antre de la terre m'angoisse.
Grottes omniprésentes , autant de réseaux souterrains anciens (ou actuels par grosses pluies?) |
J'entends s'éveiller la route, en bas, j'ai dépassé les immenses filets de protection, mon paysage est magnifique , nimbé des lumières et couleurs d'automne, sublimées par la chevelure de brume, venue de la mer mais bloquée par le verrou de Villefranche: par chance je suis juste après ce verrou naturel qui étrangle d'un coup la vallée.
La vallée adjacente de la Rotja est superbe, très verte, et le village de Fuilla s'y étale, et j'apprendrai avec surprise que toute ma randonnée sera sur la commune de Fuilla, alors que je me croyais sur Villefranche et Serdinya.
J'arrive à ma croisée de chemins, altitude 638 m, un sentier discret part sur la gauche mais la visite à Notre Dame de Vie s'impose. Ne soyons pas avare! Cette chapelle du 11 eme siècle, restaurée au 17 eme, nommée Saint Pierre de la Roca, abrita un ermite, au 17 eme siècle, l'ermite avait une place importante et un rôle actif dans la société. Cet ermitage devient ND de Vie au 18 eme siècle et fut restauré plusieurs fois dont la dernière en 1993. Il est vide mais des cérémonies s'y déroulent encore, réservées aux bons marcheurs ! Aucune route n'y mène.
Vallée de la Rotja et Fuilla village |
C'est une chapelle rose adossée à la falaise, on y vient à pied... mais la porte est bien fermée à clef |
Il est surmonté d'une grotte, ancien cours d'eau aussi, vaste grotte munie d'un petit autel. Un sentier équipé d'une main courante y conduit, l'antre est impressionnant et la vue superbe.
Quel site !! |
Accès à la grotte |
De là je retourne sur mes pas et vais retrouver le petit sentier qui, sur 1.4 km, doit me conduire au Sentier Vauban. C'est un sentier étroit, ,non balisé, embroussaillé et obstrué, très escarpé qui grimpe très fort. Ancien chemin de surveillance militaire au 17 eme siècle après le Traité des Pyrénées (1659), il témoigne que les soldats avaient de bons mollets !!
Murettes du sentier, ici il est bien évident |
De rouille et d'or |
La route tout en bas |
Le sentier poursuit sa montée en longeant la falaise puis dans un dernier escarpement, il bascule côté est, la brume entre alors dans mon paysage, bien plus bas et mon décor change : l'ermitage est en dessous de moi, et Villefranche, ville militaire qui garde la marque indélébile de son dernier bâtisseur, Vauban. Inscrite au Patrimoine Mondial depuis 2008, c'est une ville superbe, dominée par le Fort Libéria.
Villefranche du Conflent |
Je fais une petite halte près d'une étonnante falaise : deux falaises se sont appuyées l'une à l'autre, séparées par une fissure, l'une est en calcaire gris, l'autre en marbre griotte rouge, c'est surprenant ainsi que l'échantillon que je mets de côté pour le retour. Je quitte mon statut de "parfaitement à jeun"(après400m D+ et 4.3 km) et bien sustentée je vais aussi quitter le sentier plutôt mal indiqué, et chercher...chercher....il y a des traces partout.
Marbre griotte |
Calcaire gris et marbre griotte |
Le sentier passe là au milieu Evidemment...je heurte mon crâne |
Griotte à ND de Vie |
Je m'épuise, je tourne en rond, façon de dire, je m'accroche aux herbes pour faire un tout droit, je m'égratigne aux buissons car en désespoir de cause je vais filer à travers un éboulis , à quatre pattes pour éviter les marche arrière insupportables et épuisantes, je croise le sentier sans le voir, je grimpe puis découragée je redescends...pile sur le sentier. De là je pars usée, et le Sentier Vauban m'accueille, propre, net, équilibré, de lacet en lacet.
Chaque extrémité de lacet est soulignée d'un emplacement et d'un muret figurant une fortification : autant de postes de garde.
Plate forme militaire à chaque virage du sentier |
Arrivée au sentier Vauban |
Venue de la mer, tout au fond, elle se heurte au verrou géographique de Villefranche qui la contient : la brume |
Je vais parcourir 1.9 km des 97 km de ce sentier presque fortifié mais un peu monotone à mon goût et je bifurque sur un raccourci discret qui me conduit sur un autre sentier au terminus d'une piste forestière.
Contreforts du Pla d'Auça |
Le Pla d'Aussa, à 1200 m d'altitude domine ma destination finale, le Roc Campagna, mais où est donc le chemin? Je marche sur un sentier escarpé et nu, bien cairné, je cherche car je pars en direction opposée, et rien ! Demi tour, je redescends, toujours rien si ce n'est cette lande désolée hérissée de quelques arbres et de petits abris nés de l'épierrage ancien. Et je cherche, tourne, remonte...1308 m...Mais voyons ! J'ai un topo dans le sac
Un vrai désert en forme de dune ce Pla d'Aussa, autrefois cultivé |
Ras le bol d'errer !! |
. Mon croisement est à 1224 m et effectivement je rejoins un sentier que j'avais vu et négligé : c'est lui ! C'est lui ? Il me conduit à un mur du genre ancien corral et là, plus rien . Je cherche, peut être plonge t'il dans ces arbres? Mais la brume monte gaillardement, vient rôder non loin, elle a raison de ma valse hésitation et, très en colère, je me résous au demi tour alors que les pointes du Campagna se rient de moi.
Terminus ! Justement je ne descends pas |
Pourtant il n'est pas loin, la brume non plus |
Elle monte, roule, s'enroule... |
Le Campagna ne sera pas pour moi mais ma déception est de courte durée car le retour est magnifique : couleurs, lumières, silence, solitude, tout y est. Seul bémol, cette vilaine brume fait demi tour et s'évapore...voulait elle me protéger de quelque chose ?
Le sentier/raccourci embroussaillé |
Elle m'offre le Fort Libéria et Villefranche; pour les couleurs, je n'ai pas eu besoin d'elle.
Je choisis de revenir par le sentier des soldats pour simplement trouver l'erreur qui m'a conduite à errer. Le topo disait de ne pas prendre les sentiers barrés par des cailloux et bien...un cairn effondré barrait le chemin et des végétaux échevelés lui tenaient compagnie, le sentier était donc caché !! Je réinstalle tout ce beau monde, fait quelques croix de couleur pour éviter l'erreur au prochain, il ne manquait à ma panoplie que ...le sécateur !
La civilisation me rattrape dès la côte 630, c'est un va et vient entre ND de Vie et la route, inévitable en ce beau dimanche automnal dont personne ne sait que c'est le dernier avant l'hiver. Ou avant longtemps....
Comme un pied de nez moqueur je termine le reportage sur ces vallées emprisonnées. Quatre jours plus tard, ironie du sort, nous serons tous en cage ! Et pour combien de temps....
En chiffres
Distance : 15.40 km
Dénivelé cumulé : 982 m
La route 120 km AR
Magnifique : tant pour les photos que pour les commentaires par ailleurs fort bien écrits. Vous nous faites réver !!! MERCI
RépondreSupprimermais si je vous fais rêver, amis lecteurs (trices) et bien c'est gagné. Merci de votre passage en mon blog
SupprimerSuperbe randonnée et lieux magiques que vous nous faites partager admirablement, merci 😊 🙏
RépondreSupprimerMerci à vous. Je poursuivrai ma route dès que s'ouvriront les grilles et espère encore pouvoir faire partager
SupprimerC’est magnifique, chaque fois que nous passons à cet endroit nous nous disons, il faudra que nous allions à Notre-Dame de vie et à sa grotte. Tu as fait mieux, tes photos sont très belles et ton texte prenant, même si tu n’as pas atteint ton but le reportage est à la hauteur comme toujours.
RépondreSupprimerMoi aussi je me disais cela et comme j'ignorais qu'il y avait un sentier, je cherchais du regard le meilleur "tout droit" pour y parvenir. Bises et au prochain...si le vie me prête santé
SupprimerCertains dirons que tu les suis à la trace moi je dirais que tu marques ta trace. Attendre que les couleurs d'automne soient les plus belles pour randonner, étaient finalement une mauvaise idée. Toi tu auras eu la chance d'en photographier quelques-une. Bravo. C'est magnifique. Bises
RépondreSupprimerje souris au début de la phrase....Ouh....c'est bien dit ça! C'est vrai que j'ai eu la chance inouïe de choisir cette belle journée mais les couleurs sont précoces sur ces arbres, en particulier les thérébintes qui s'allument de jaune ou d'ocre, voire de rouge. merci Chris, et bises
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RépondreSupprimerCertains dirons que tu les suis à la trace moi je dirais que tu marques ta trace. Attendre que les couleurs d'automne soient les plus belles pour randonner, étaient finalement une mauvaise idée. Toi tu auras eu la chance d'en photographier quelques-une. Bravo. C'est magnifique. Bises
RépondreSupprimerQuelle belle découverte qui répond à ma curiosité d'aller voir là haut, chaque fois qu'on passe dessous. Photos superbes et récit prenant. On s'évade un peu en te lisant, par ces temps si particuliers.
RépondreSupprimerEt bien offre toi dès que tu pourras le plaisir d'aller là haut, sans oublier la grotte, il y a un banc pour la contemplation, c'est magique. Bises. Le sentier est bien équilibré mais tes jambes de chèvre ne se tracassent pas de cela
SupprimerMerveilleuse randonnée dans un secteur que je croyais connaître et que tu me fais redécouvrir par ton texte et tes photos pleins d'enseignements.Merci..🥰🥰🥰
RépondreSupprimerMerci Georges, et encore j'ai abrégé mon récit car ces curiosités comme les traces de cours d'eau souterrains pouvaient s'orner de surprenants renseignements. mais il ne faut pas non plus faire étalage de science, juste suggérer à petites touches. En tout cas j'y reviendrai il y a bien des sentiers et des choses à voir : la cascade en est une . Et le ravin dels Horts qui n'a d'horts que le nom...je piaffe...
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