La vallée de La Massane connut une grande page d'histoire, étalée sur plusieurs siècles, celle qui déforesta sans pitié cette montagne comme tant d'autres, en Conflent, Vallespir, Fenouillèdes et au delà du département : la fabrication du charbon de bois. Pour les forges. La forêt a repris vie, autrement, très dense. Les troncs uniques, coupés alors, ont repoussé, ramifiés. Ici, le chêne vert, l' alzina, prédomine. Plus haut le hêtre ne fut pas épargné. Ce charbon de bois dont on voit encore moultes traces en sous bois, par le biais de plate formes charbonnières était évacué de plusieurs manières, à dos de mulets, à dos de femmes ou alors par câbles aériens. Il reste encore des tronçons de câbles, au sol ou en l'air, d'autres ont du être enlevés ainsi que les infrastructures les soutenant.
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1-Sur ce versant grimpe le câble |
Le câble où Nicolas et moi vous conduisons aujourd'hui servit peut être aussi à autre chose : au liège.
Cette montagne, ici à la Massane, possédait (et possède encore), plutôt à l'abandon, une suberaie . Le village de Sorède provient de cette racine latine "suber" (liège) qui sous tend donc que le liège est exploité depuis des temps immémoriaux. Depuis l' Antiquité.
A deux jours d'intervalle, avec Nicolas, nous avons aperçu avec stupéfaction un câble descendu de la montagne, rayant le ciel, traversant la rivière et se perdant dans la rive en face. Non il n'avait pas été tendu la veille : la crue nous ayant empêchés comme d'habitude de traverser, l'un et l'autre nous avons emprunté le chemin en rive droite qui, sans arbres, dévoilait le câble. Curiosité en avant toute ! Nico y va le premier et m'entraîne dans son sillage deux jours après. Nous remontons un petit ravin affluent de la rivière, bien propre et encore bien mouillé. Terrain glissant. Plus haut un vestige de chemins et de charbonnières signe pour nous la fin du trajet en ravin, le câble nous regarde de haut et nous le suivons, le rattrapons, il est près du sol, Nicolas s'y suspend avec aisance, il pourrait aussi bien filer tête en bas sur les quelques 200 m de longueur aérienne.
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2-départ du petit ravin |
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3- la confluence avec la Massane |
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4- perplexe : on contourne ou on pousse ? |
Une jolie plate forme rocheuse (312 m alt, 1.2 km) habitée par de puissants genévriers offre une vue originale sur le Montbran coupé en deux par le câble, illusion d'optique.
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6- Il se prend pour un paquet de liège ! |
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5- Le Montbran est partagé |
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7- Vieux , très vieux, genévrier |
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8- Et très vieux chêne liège portant la marque du démasclage |
Ensuite notre "sentier", alors que commence la forêt de troncs morts ou moribonds de chênes liège, grimpe vif dans une végétation arbustive, autrefois ce devait être un sous bois net. Je m'amuse aussi à me suspendre, le site dans les arbres est plus sûr.
Entre temps, le câble gît au sol, il devait bien y avoir un support jadis, un gros boulon étaye cette supposition, malgré l'absence de vestiges d'infrastructure. Les cistes blancs ou mauves enjolivent l'austère décor. A l'horizon, le décor est bien plus beau, depuis l'arête qui souligne notre chemin
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8 a- Les pentes impressionnantes de la vallée de la Massane |
La progression rend mon souffle court, c'est bref mais raide et soudain, à 405 m (1.56 km), le câble négligemment posé au sol est à son terminus. D'ici part un chemin, dessiné sur la carte et le câble sectionné grossièrement raconte qu'il était solidement arrimé à une quelconque plate forme ...et dire qu'on s'y est suspendus !
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9- une belle épaisseur de câble, plus de 20 mm |
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10- Sa structure |
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11- Et son point final |
Ici se terminent les chênes liège et le trajet du câble. Il surplombait la rivière et, sur la rive en face, était arrimé à un énorme chêne liège, protégé par des pneus, je l'avais vu voici quelques mois; l'ensemble a beaucoup souffert de l'usure du temps.
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11 a- Son autre extrémité ancrée dans un chêne liège rive gauche |
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12- Même lieu |
Nous laissons le câble à ses souvenirs et à nos suppositions et suivons notre route vers le haut. Un magnifique chemin en zigzags, que nulle carte ne signale, nous conduit à travers chênes verts quelques 160 m plus haut, au restaurant. Une autre ancienne exploitation de la forêt, à l'étage au dessus fait son apparition : les charbonnières; sans doute le câble leur était-il aussi destiné ? Le saura t'on jamais dans ces sous bois muets...
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13- Le typique mur en demi cercle |
Le temps est étincelant et un fort vent du sud balaye les versants, le paysage est grandiose, nous surplombons la superbe vallée sauvage de la Tisa qui dévale depuis les contreforts rocheux de la tour de la Massane. Nous nous installons en terrasse, malheureusement le point de vue est restreint, on s'abrite du vent et la balustrade est épaisse et opaque. 570 m et 2.55 km.
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14- Pour la table panoramique, il faudra revenir, la soufflerie est allumée |
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15-Décor grandiose de la vallée, la hêtraie sur les cimes, les chênes verts partout ailleurs |
Nous avons fouillé du regard les environs et cette vallée de la Tisa, aucun passage sécurisé ne se présente, c'est de la roche, des couloirs, des barres rocheuses, un délice de rochers à faire pâlir une célèbre marque de chocolats festifs. On choisit la sagesse, mais d'abord à table ! Nos repas sont toujours festifs, copieux et peu sobres en bonnes choses! Le Canigou se dessine en toile de fond, il n'a cessé de pratiquer l'alternance cet hiver : neige ? ou pas neige.
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16- On cherche en vain une voie pour le retour |
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17- Le Canigou en cette année pratique l'alternance blanc / bleu |
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18- En terrasse |
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19-Le gourmand a mis le dessert à l'abri d'un envol funeste |
Il va falloir se bouger ensuite. Tout seul, Nico avait grimpé jusque vers la tour, plein est; aujourd'hui on choisira un sentier qui part plein nord, direction le Coll del Pomer. Une source est juste au départ, surprise du site. On va suivre le sentier, non balisé évidemment, sinon par les chasseurs, et ensuite, il cesse mais aller rejoindre le sentier "civilisé" de la tour sera un jeu d'enfant. On ne s'y attardera pas, on filera à l'anglaise sur celui barré d'une grosse croix, le nôtre, qui descend joliment en forêt jusqu'à la rivière et l'élevage.
Le décor ne sera guère varié : hormis une ou autre échancrure, ce sera la forêt de troncs d'alzines, noirs et tourmentés, dans laquelle la chaleur sait si bien stagner. Et charbonnières, bien sûr.
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20- la source |
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21-Plein nord : vallée de la Massane, Lavail et plaine en fond |
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22 - L'immuable décor |
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23 - charbonnières |
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24- Dentelles d'arbres crayonnés au fusain |
Une jolie boucle de seulement 5.5 km pour environ 500 m de dénivelé . Mais le plaisir du partage de ces "conquêtes de l'inutile" est toujours un régal pour les deux curieux que nous savons être au diapason.
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25- Point final |
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Sur la rive opposée de la Massane, soit en rive gauche, il reste aussi un câble aérien employé vraisemblablement pour le bois ou le charbon de bois. Un chemin très en pente, véritable plan incliné, et très abimé, permet de monter à sa rencontre en le croisant une seule fois. Pour le suivre au plus près cela demande une gymnastique en broussailles absolument inenvisageable. Certes je m'y suis un peu essayée, mais j'ai manqué de peu le départ du câble côté forêt. Il faut de la persévérance pour ce faire. Par contre côté rivière, le terminus est à portée de mains, le câble gît au sol. Une balade sans grand charme sinon celui de la jolie cabane que surplombe le câble et le sentier de chasseurs qui continue dans la hêtraie au terminus du chemin, à près de 600 m d'altitude.
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26-Le chemin, large et pénible |
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27-Envol dans les arbres |
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28-La cabane sous le câble; cabane de charbonniers sans doute |
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29-Plate forme charbonnière |
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30- Le câble de la rive gauche |
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31-Qui a été là en premier ? |
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32- au ras de l'eau |
Et si vous avez un jour la curiosité de vous aventurer là "où personne ne va" vous risquez de trouver un de ces petits témoins du passé accrochés à un arbre, quel qu'il soit.
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33- Vestiges de ci delà |
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34- Signature d'une fin de vie
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Les circuitsN° 1 : Rive droite, circuit fait avec NicolasN°2 : Rive gauche, le circuit évoqué en fin de récit
encore une jolie balade dans les Albères sous la Massane. Je connaissais l'histoire du câble transbordeur du bois, installé par les russes. Pas celui du Liège.
RépondreSupprimerJe suis avec intérêt tes explorations. Tu y trouves ton bonheur et participes au nôtre. C'est beau, non ?
GV
Peut être l'origine de ce câble fut elle le bois, puisque à son terminus se situe une forêt de chêne vert. Peut être l'extraction du liège l'a t'elle utilisé ? Nous avons levé des hypothèses, on n'a pas la réponse. par contre ton histoire m'intéresse fort. Merci pour ta dernière phrase, elle donne envie de poursuivre. Bises
SupprimerLe hasard a voulu que je "tombe " sur votre blog et des Albères au petit port du Somail, il n'y avait qu'un pas que j'ai vite franchi avec beaucoup de plaisir.
RépondreSupprimerCe message donc pour vous dire combien j'ai apprécié cet article et vous inviter à revisiter ce lieu que vous connaissez .
http://chinou.canalblog.com/2024/05/j-avais-envie-de-soleil.html
Je ne suis pas très douée avec l'APN auquel je préfère le pinceau. Vos reportages photographiques sont donc pour moi le complément nécessaire pour rêver de nouveaux horizons.
je vous ai carrément répondu sur votre blog, je suis sous le charme...le Somail, Minerve...ça me parle, ça chante à ma sensibilité
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