jeudi 2 mai 2024

Tavertet (Cat) : El Morro de l' Abella, par les échelles

 Je poursuis ma série de périples autour de Tavertet, 853 m d'altitude, 100 habitants, petit village catalan de caractère, mais les environs sont truffés de pépites, surtout celles qui ne sont pas signalées. Le pic de la Força ? Jadis indiqué semblerait-il...l'itinéraire est muet. Et on peut y rajouter une belle couche d'adrénaline en y ajoutant "le périphérique" soit le tour en falaise ! Le Moli Bernat est signalé, il est à la portée de tous les pieds. Et à ne pas louper. Les Balmes? Faut savoir trouver un site catalan qui les recense, les décrit et invite à les découvrir. Faut comprendre le catalan. 

Et le site del Sunyer ! A découvrir absolument : balma, moulin du 16 eme S, escaliers taillés dans la falaise etc...souvent le plus sportif réside dans la localisation. Ce n'est pas vraiment quelque chose qui m'inquiète !Malgré l'absence de GPS. Mais j'ai mes astuces.

C'est ainsi que partie de rien, juste sachant qu'il y avait des échelles de métal peint en vert accrochées à une paroi de grès rouge, mais sans connaître leur destination, juste une évocation, j'ai cherché. Oh j'ai eu du mal, mais j'ai trouvé. J'ai compris que là bas, les sentiers communs (attention ! quoique musclés!) sont bien marqués, mais les plus "originaux" sont muets. Faut connaître donc le langage des signes. Et il est un peu universel, quelle que soit la langue. Ainsi un départ discret sous le Molí Bernat, m'a dit "viens voir!". Et j'y suis allée. Et je n'ai rien loupé. Le but était le Morro de l'Abella (de morro = surplomb). Le Morro, d'où qu'on le voit, il impressionne. Et pourtant il a un accès facile depuis la route et un parking payant (fermé en ce moment).





Le Morro de l'Abella


Je supputais un autre accès, esquissé lors de ma sortie au Puig de la Força, il existe. Les topos consultés m'ont dit en catalan "il y a plein d'accès au Morro, c'est à chacun de trouver...". On est riche avec ça ! Juste ce que j'aime, l'Aventure.

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Alors en ce matin du 21 avril, gris et frais, je m'aventure. Descente au Salt del Molí Bernat par le Baixant de las Tunes (grottes), à travers la forêt, dans le petit matin enguirlandé des chants des rossignols; un régal ! 

Plongée


C'est là bas, à droite, que je vais




El salt del Molí Bernat et un tesson très ancien


Couleurs gréseuses

Arrivée au saut, tout le monde se tait et mon chemin inconnu commence. Quelques points jaunes délavés par le temps, un tracé lisible, un sentier qui grimpe et se campe sous la falaise, je ne bougerai plus de là, entre roches verticales, pâles ou colorées de l'ocre au rouge, et forêt de chênes verts plongeant jusqu'au Balá, la rivière de là. Les oiseaux chantent avec bonheur; je suis seule avec bonheur. Je rase les murs et pour cause, les genévriers vieux et tourmentés, immobiles dans leur tourment, jalonnent mon avancée et je m'émerveille. Par ce que j'ai sur la tête, sous les pieds et en face, cet en face que je connais à présent.

Voilà le départ du sentier

Il grimpe et atteint la falaise



Au centre le Saut du Moulin soit la cascade



Le sentier va longer la falaise
Genévrier tourmenté

Le chemin



Et encore le chemin

Sur la rive en face

J'ouvre grands mes yeux, j'apprécie cette découverte en solitaire, j'ai une petite appréhension des échelles. Le grand bleu d'hier est absent, dommage, c'est lui qui fait chanter les couleurs. Il y a un peu plus d'une heure que je marche lorsque le relief se complique, un virage sec s'annonce et juste après je les vois ! Les échelles ! Elles sont deux, la 2 eme, la plus haute est bien verticale. Oui c'est impressionnant ! A leur base, la falaise rouge plonge vers la rivière, et au bas de ce toboggan, les arbres font un coussin euh...même pas rassurant. Car si on y arrive en un superbe roulé boulé, j'imagine qu'on n'a déjà plus l'heur de les apprécier !


Grandiose paysage



Les escalas













Bon on oublie, on loge les bâtons dans le sac, on se hisse à la corde d'abord, de loin, pour mes petites jambes, le morceau le plus dur ! Ensuite je grimpe l'échelle oblique et je pose les pieds sur une étroite vire où 12 marches verticales attendent mains et pieds. Je monte, c'est facile, il faut juste regarder droit devant et oublier ce qu'on a dans le dos. Voire au dessus de la tête. L'arrivée au sommet présente une rampe rouge et raide, bon, une formalité et le parcours continue : falaise à droite, arbres à gauche, paysage au delà, très beau : forêts ourlées de falaises ou falaises plongeant dans la forêt, quel que soit le point de vue, c'est pareil. Une belle grotte, en face ouvre une gueule béante, la Cova del Castell, accessible mais difficile à trouver.


Du haut en bas et au delà


On continue ?



Les parois se délitent




Ancien abri ?

Le passage devient très étroit




Le grandiose en couleur


Ce ravin s'escalade (pitons)

Moi, je longe la falaise



Un vestige, assurément

Les genévriers adorent s'appuyer à la falaise





Une saignée dans la falaise ? un lit calcaire a teinté le grès




Le paysage s'ouvre : avant première du décor prochain

Justement, je sais que je vais rencontrer deux covas (grottes), voisines et accessibles. Les Pixarellas. Je les ai vues l'autre jour, sans la moindre idée que je passerais un jour à leur pied. C'est cela, partir à l' Aventure, voir les pièces d'un puzzle s'assembler.




Vues de l'autre rive, au zoom

Face à face : la balma del Castell

En attendant les grottes, le parcours devient plus accidenté, le relief plus tourmenté mais le chemin reste facile. Les chênes verts envahissent le parcours, la forêt se resserre, la rive en face est soumise au même régime, je l'ai parcourue, austère, par la piste monotone; je préfère ce parcours aérien. Soudain voici la grotte, qui regarde d'un oeil sombre sa voisine d'en face. Quel fut le relief voilà des millions d'années? ces deux orifices devaient constituer un même tunnel que les eaux partagèrent en deux et éloignèrent l'un de l'autre.

Une corde fixe permet de se hisser avec commodité, des marches semblent avoir été taillées dans la roche et une porte cadenassée interdit l'entrée. Toute proche, une seconde ouverture, murée par de la roche, ne me laisse pas entrer mais je sais que les deux galeries communiquent au bout de 5 m. Je pense que l'entrée est possible dans le coin haut gauche mais je n'essaie pas.


Bon, la corde, par temps sec c'est du luxe

Dans la grotte 



Une grotte rose

Et celle du Castell, en face




La voisine, une autre fois j'y entrerai


Pas un seul moment je n'ai conscience que la route passe juste au dessus de moi, elle est si peu fréquentée...

A présent j'arrive au terminus de ce chemin, car une fracture dans la falaise indique une pente ardue en forêt, c'est l'accès au Morro de l' Abella. 

Le Morro de l' Abella en 2nd plan


Des rossignols saluent mon arrivée et les piverts leur répondent du tac au tac dans le tréfonds de la forêt. J'ai la surprise de rencontrer un ancien chemin muletier qui en quelques lacets bien escarpés et pavés me conduira  sur l'étonnante plate forme du Morro. Jadis, il conduisait à la rivière et son moulin, puis au fleuve, jusqu'au Grau aujourd'hui englouti et au village de Saü englouti aussi, bref un chemin qui menait à la grande vallée.


Je vais grimper dans la forêt : sentier muletier


En haut; j'arrive de la base de la falaise





Le Morro, vu d'en haut est un long et étroit éperon fendant le vide : c'est peu impressionnant peut être à cause des arbustes, ou de ma tolérance au vide. 4 jeunes filles s'y trouvent, ma première rencontre humaine.




J'irai au delà, jusqu'à me hisser à l'extrémité où une plaque de rappel conte d'autres délices autrement aériens. Alors je savoure longuement. Ce bout du monde fendant le ciel, les paysage vertigineux, les jeux du soleil qui m'offre quelques facéties en rouge et vert, et puis le silence, troué par les sonnailles de boeufs dont certains autrefois ont donné le nom à la grande cascade de plus de 50 m, el Salt de Tirabous. Tout un programme ! Les boeufs tombaient ils ? Y jetait on les cadavres ? 






A présent je sais qu'on peut aussi se promener à flanc de cette cascade. Elle présente un petit "lagon", que la chute a du creuser profondément dans le grés rouge.


La cascade se descend en rappel (50m)
Le "lagon" noir de la chute d'eau




Je profite de ma grande solitude au sommet, il m'appartient un long moment. 


Vues sur la barrage et la confluence du Balá et du Ter


Je découvre la végétation rabougrie de très vieux arbustes, et surtout un étonnant conglomérat de fossiles, la roche n'est que fossile, d'une seule espèce, les nummulites, espèce vivant au début du tertiaire, dans des fonds marins peu profonds et de taille réduite, allant de quelques mm à quelques cm. J'ai un beau panel sous mes pieds et dans mes mains. La roche se délite comme petites billes se fendant pour dévoiler une spirale alvéolée du plus joli effet. Pour l'anecdote les premières pyramides égyptiennes furent construites avec ce type de matériau. Autre curiosité, les grés rouges qui se trouvent sous le calcaire étaient à cette époque là en surface et les calcaires sous l'eau marine. Montagne inversée, depuis.







Puissance de vie et présence d'eau !


La pause casse croûte s'impose et les os de ma cuisse de poulet font un savant vol plané.

Plus tard je découvrirai que le site a quelques interdits; je dirai que ma seule légalité fut de n'avoir pas de chien !




Je reprends le chemin à l'envers, dévale le Baixant, et vais faire un petit tour  sous le Morro, c'est impressionnant vu d'ici. L'intuition qu'en contournant le monolithe je pourrais avoir de belles surprises, un sentier peut être qui me conduirait dans l'antre de la cascade, ou plus encore, se vérifiera à la maison sur les merveilles de l'ordinateur. Un parcours magnifique, je reviendrai. 


Un prochain parcours; en bas se trouvait un moulin englouti à présent



Vautours : à droite, elle couve


Et me voilà sur le chemin du retour, je choisis le même chemin pour l'exception du trajet.. Sauf que je vais jeter un coup d'oeil verftical sur le Morro vu d'en bas (pas complètement en bas car cela descend encore très bas).


Cette fois je rencontrerai du monde; s'il n'y a aucun décalage horaire avec la Catalogne, il y en a un bien ancré dans le mode de vie.

Je virevolte sur les vires, je savoure les couleurs et le soleil retrouvés, je salue quelques vestiges de la vie d'autrefois, j'empoigne les échelles sans la moindre appréhension, j'ose même le regard sur le vide.

Roche gravée; j'ai trouvé un tesson de céramique tout près



La lumière est revenue

Grès formés de conglomérats



La descente, j'ose le regard

Et c'est gagné, je l'avoue c'est facile.



Le Salt del Molí se devine avec sa cascade sèche.



Vivement de l'eau (vive évidemment)


Enfin, je vais pouvoir délasser mes pieds dans l'eau fraîche du bassin du moulin.


Elle vient de la résurgence juste au dessus


Arrivée à mon nouveau van, le luxe de mon installation nouvelle va me ravir : repas chaud, douche brûlante et sieste avec une Nina qui ne désensommeille jamais. Comme tout chat qui se respecte.




Le trajet aller / retour : 15.5 km, 4 h de marche













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