Je ne suis pas archéologue et n'ai pas la prétention de m'y assimiler.
Je suis juste une curieuse de tout qui ne se lasse de rien. Et qui ne lâche rien. Qui ne s'arrête que lorsqu'elle atteint ses limites. Dans cette énigme là, je ne suis pas arrivée au bout, et pourtant je doute fort d'y arriver.
Je n'ai pas résolu l'énigme. Ni atteint mes limites.
Je connais à présent assez bien la vallée de la Massane, rivière de moyenne montagne. Mais il y a plein de choses qui m'y échapperont à jamais. C'est un joyau enchâssé entre deux hautes rives hérissées d'aiguilles rocheuses. Que j'ai remonté plusieurs fois en mode acrobaties et émerveillement.
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Le site de ma rando |
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Et là où je vais : à cet instant de prise de vue je ne le sais pas encore |
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C'est ainsi que tout a commencé : un jour j'ai découvert sur une carte deux lieux dits qui m'ont interpelée; Correc de la Teularia (ravin de la tuilerie) et Collet del Teuler (Petit Col du Tuilier). Pour le premier site, il n'y avait guère de difficulté à résoudre l'énigme. Ce fut très rapide lorsque je décidai de m'y pencher. L'énigme fut résolue.
Mais le Collet del Teuler, c'était une autre histoire au vu de sa situation géographique. Et c'est lui qui m'a posé double problème : comment y accéder? ça se résout avec une dose d'énergie. Mais le pourquoi de ce nom ici perché.... Je ne suis pas arrivée à l'élucider et personne ne m'y aidera jamais. C'est trop ancien.
Alors mon imagination prend le relais et je me raconte des histoires toutes plus folles sur ce malheureux tuilier qui n'y mit peut être jamais les pieds.
Mais commençons par le facile : le Correc de la Tuilerie indiquait donc la présence d'une tuilerie. Quelques investigations en marge d'autres randos m'ont conduite à ceci.
J'ai trouvé l'emplacement du bâtiment originel; il a été remplacé par une cabane sans âme. Mais en cherchant bien, yeux rivés au sol, j'ai trouvé, juste en contrebas, des amas de débris de tuiles enfouis sous la coûte de terre, nulle trace de four de cuisson et une source dans le ravin qui coulait encore malgré la sécheresse et emplissait un creux dans le ravin. Indispensable pour travailler l'argile. Hélas aucun vestige du four.
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Le site de la tuilerie |
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Emplacement de la tuilerie, cabane plus récente |
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Le point d'eau dans le ravin de la tuilerie |
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Vestiges |
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Vestiges empilés dans le sol |
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Un débris de tuile lavé dans La Massane |
Manquait le matériau, soit l'argile nécessaire. J'ai fouillé les environs, rives du ravin et autres sites, empli des sachets d'échantillons et essayé la matière mouillée et pétrie. Là aussi j'ai trouvé. Jaune, la terre devenait sans doute rouge à la cuisson. Sa particularité : un peu grossière, la cuisson révélait plein de petits cristaux de quartz.
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Le grain de cette terre cuite |
Alors pourquoi une tuilerie ici, si loin dans la vallée et si loin dans le temps ?
Facile aussi; il y eut l'église du hameau de Lavail, 12 eme S: sur le sol gisent des tessons de l'ancienne toiture; même facture.
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L'église de Lavail, 12 eme, vue du Montbran |
Et puis la Tour de la Massane ou Torre de Perabona dont les environs sont constellés de tessons; édifiée en fin de 13 eme S pour servir de tour à signaux. Des tas de tessons l'entourent, je ne les ai pas examinés avec attention, dommage.
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La Tour de la Massane ou de Perabona |
Et pour terminer il y a le roc de Montbran qui fut nanti de tours, d'un petit site de garde et de bâtiments; des stocks de tuiles y dorment encore. Les tessons qui jalonnent le site sont de même facture.
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Le Montbran |
Donc j'en ai conclu que la petite tuilerie alimenta Montbran (quel roc escarpé doté d'un sentier muletier jadis), l'église de Lavail, facile d'accès, la tour de la Massane et peut être la Torreta au dessus du hameau, pourquoi pas ?
Il avait bien du travail ce tuilier !
Et j'ai donc imaginé que pour se rendre à la Massane il avait trouvé pour sa mule et lui un accès le moins agressif possible.
Je me lance sur ses traces, au pas lent du chercheur, regard traînant au sol. Mon but est de retrouver le chemin du tuilier, bien que le passage par le col soit assez incohérent : le relief y est tellement accidenté qu'un raccourci par les crêtes est invraisemblable. Mais j'ai l'imagination rapide et je voulais simplement vérifier si à ce petit col on pouvait voir des vestiges de tuiles. Car les tuiles ça tombe et ça se brise.
Après, j'avais quelques hypothèses farfelues, vérifiables seulement in situ.
Donc me voilà partie, après les pluies. La Massane a gonflé et je ne la traverse pas, je choisis le sentier sur la rive droite de la rivière, qui évitera la séquence pieds dans l'eau.
Je remonte tranquillement la piste, à partir du parking de Lavail, je longe l'élevage et je continue sans guère m'élever, la prise de dénivelé est ridicule.
J'ai étudié la carte et cherché la cohérence du chemin du tuilier. Car son existence se situe il y a un bon nombre de siècles, alors trouver un sentier des 12 eme, 13 eme siècles ou avant, c'est de la pure folie.
Je continue à remonter la Massane par une ancienne piste de débardage, je connais bien le secteur et je sais que tout tesson a filé au fil des crues démoniaques.
Soudain mon regard est attiré par un muret dans la roche que je me hâte de rejoindre, et je tombe sur deux morceaux de tuiles. ça alors ! Et je découvre, taillé dans le roc, un court tronçon rescapé de l'emprise de la piste (à hauteur du fragment cimenté), sentier taillé dans la roche, étroit mais assez large pour une mule : pas de doute, c'est le chemin du tuilier.
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L'ancien sentier |
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Ses reliques |
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Et son petit mur |
La piste reprend ses droits, un peu plus loin elle bifurque vers la montagne, je la connais, c'est un chemin de débardage, il me conduit aux abris sous roche et aux cascades.
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Le départ de la piste |
Mon flair me fait grimper hors piste et je découvre une 2nde piste, un étage plus haut, malmenée par la vie, mais lisible. De cette piste démarre une esquisse de sentier que seul un oeil averti peut déceler. Je me lance, au hasard, une paroi rocheuse inclinée est sur mon chemin et j'y trouve deux morceaux de tuiles. J'exulte !
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La piste |
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C'est sur cette paroi que je trouve 2 tessons |
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Y a d'la tuile dans l'air |
Je balise mon trajet car il faudra revenir. Rien n'est plus très lisible mais mon instinct me guide et enfin, je rencontre un vrai sentier : vrai car encore lisible et assez horizontal. Je le poursuis, rubalise en bandoulière, pas une trace de tuile. Je continue. Rumeur du torrent en contrebas, silence dans les bois, forêt de chênes verts tourmentés et bruyères contorsionnistes, j'ai l'impression de marcher longtemps. En fait je scrute mon environnement, à la recherche du moindre indice. Ce sentier, dans ce site aussi perdu, quelle aubaine.
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Sentier et mon balisage |
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Le sentier |
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Une idée du décor |
Il n'est pas très long et se termine brusquement sur d'anciennes charbonnières et sur une redoutable falaise : mais bien sûr ! Tuilier ou pas ? Charbonnier en tout cas. Pas un seul débris de tuiles, hélas. Pour moi c'est la tuile. Fatigue, découragement, je repars en sens inverse. Poursuivre est pure folie, c'est un tout droit dans une pente stérile de rocs fracassés.
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Ancienne charbonnière |
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Le chemin charbonnier |
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Muret de plate forme |
Retour à la voiture, j'ai parcouru 8 km.
Deux jours après, je reviens. Cette fois, le sentier m'étant familier, je ne m'étends pas en vaines recherches, je pose un cairn un peu avant sa fin et je pique droit dans la pente ardue.
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C'est sous ce couvert végétal que je vais évoluer |
Nulle trace de sentier, quelques cheminements incertains, je louvoie bercée par le silence du bois et le chant des cascades quand soudain un muret vient à moi : une charbonnière. D'autres encore jalonnent le parcours et je finis par rejoindre la falaise en me guidant à l'indispensable GPS. Je suis admirative de ce travail charbonnier en un site aussi inhospitalier, drôle de tourisme que je fais, dans un décor repoussant, qui me conduit aux falaises. Alors que rien n'évoque le moindre chemin de tuilier !
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Progression malaisée |
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Un mur de plate forme charbonnière |
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Progression assez facile |
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Les falaises |
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Les falaises |
Je rectifie un peu ma trajectoire, en mode chèvre cette fois, dans la roche, je suis montée trop haut pour accéder au petit col.
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Gardien de la vallée |
Sans le GPS je n'eusse jamais trouvé l'entrée de ce couloir infâme qui y conduit. J'aurai alors la certitude, dès mes premiers pas que nul chemin de tuilier n'exista ici. Mais allons quand même au petit col. Parcours malaisé, qui est le plus fou ? Moi ou ce bonhomme qui peut être n'a jamais mis les pieds ici? Pourtant, pourquoi ce nom alors que nul autre lieu ici ne porte de nom? Il y a bien quelque chose non ?
Silence sépulcral. Décor rebutant.
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Je me guide au GPS |
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Pavé d'embûches le chemin |
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Un point bleu qui se balade, que c'est rassurant ! |
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Le couloir |
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Dans le couloir |
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Les murs du couloir |
Le sommet se dessine, petit col frangé de chênes se découpant sur le bleu du ciel, et c'est l'enchantement : une vue plongeante sur le canyon tout en bas, des reliefs hérissés d'aiguilles à perte de vue, la ligne de crête habillée de hêtres vert tendre, et, au sol, pas un tesson de tuile, évidemment.
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Le petit col du tuilier |
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Arrivée au col |
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Tout le paysage environnant n'est qu'aiguilles |
Je me mets en pause, casse croûte, bain de soleil, grimpette sur les rochers, observation de tous les alentours, non, le chemin du tuilier ne passait pas ici, non il ne pouvait s'agir d'un raccourci, même pour rejoindre un éventuel domicile de l'autre côté de la frontière (frontière actuelle car autrefois, nous étions un seul et même pays), non il est quasi impossible de rallier la vallée par ce versant abrupt et dangereux, ni remonter le versant opposé, non ce n'est pas le meilleur endroit pour rejoindre le "Chemin d'Espagne à Argelès", non le tuilier n'avait rien à faire ici...et moi non plus. Mais quelle beauté ce site où personne ne met jamais les pieds. Impression extraordinaire d'une aventure unique en son genre.
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La descente c'est par ici...euh !! |
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Duel au sommet |
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Ceci est une arête que contourne le torrent |
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Et ceci une arête que suivent les chèvres |
Alors, ce tuilier ? Aimait il venir s'y poser pour contempler ? Ou bien peut être un jour grimpa t'il ici et y perdit il la vie ? C'est si facile d'y perdre la vie, tant c'est dangereux. Justement mon smartphone vire au noir brutalement.
Vais je faire comme le tuilier ? Personne ne sait où je suis et je n'ai plus de moyen d'être secourue si...
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Baiser rocheux |
Alors je descends l'infâme couloir avec prudence, une superbe charbonnière trône à ses pieds, je continue mon tout droit parfait, retrouve le chant des cascades, et j'arrive au petit cairn que j'ai posé, avec la précision d'un GPS, d'une chèvre ou d'un sanglier. Sans avoir résolu l'énigme du tuilier.
Lecteurs, si vous la connaissez, pouvez vous me la conter ?
Et son chemin, alors ? Je ne l'ai pas trouvé, tout est à recommencer ?
Additif : 1ere suggestion, poste de guet . C'est sur que la vue sur la vallée comme les hauteurs est exceptionnelle. Merci Michel Prim
Le trajet :
Encore de l'excellent Amedine.
RépondreSupprimerNon, je ne connais pas l'énigme du tuilier mais j'aimerais pouvoir t'aider.
Je n'ai pu m'empêcher de regarder les documents que tu as dû étudier et vu les courbes de niveau, je me dis que sans même parler du Teuler la présence même d'un col à cet endroit me parait incongrue.
J'ai vu qu'il existait le rec du Rodet. Et si le Rodet était un teuler, une espèce d'Amedine antique qui aurait planté son fanion au sommet de ce collet ? Can teuler ...
En tous les cas une belle aventure, bien racontée, bien documentée. Comme je les aime.
Merci Amedine. Amedine Conquérante de l'Impossible.
Guy
Alors plusieurs réactions; oui Guy, justement il m'a été suggéré que ce pourrait être un poste de guet. Ensuite, Conquérante de l' Inutile plutôt. Enfin pour finir, Rodet, au vu de la recherche dans le LLuis Basseda, monument de toponymie, cela pourrait avoir un lien avec rocher arrondi. Quand j'irai dans le coin refaire la petite voie romaine du secteur je serai attentive à la morphologie des rocs là bas. déjà je vais regarder mes photos; tu vois j'apprécie ces commentaires qui ouvrent sur d'autres curiosités. Bises
SupprimerPivot est parti ça lui aurait plu ton histoire
RépondreSupprimerJean Pallarès
Eh je peux le rappeler ! Et bien je plaisante mais je suis trop modeste à côté de lui, mais la recherche de l'énigme me plait beaucoup. Si un jour je rencontre Pivot là haut je lui parlerai aussi du Diable qui se voulait écrivain là haut dans la Vallée de la Grave
SupprimerConquerant de l'Impossible et Conquérant de l'Inutile, le deuxième à mal fini. Donc j'ai choisi le premier. Dans un commentaire tu parles de la vallée de la Grave. Celle des Bouillouses, sources de la Têt ? Si oui, j'y suis allé l'été dernier. Magnifique. Guy.
RépondreSupprimerOui je me suis trompée; vallée du Galbe je voulais dire, et les Pierres Ecrites. La Grave c'est effectivement Bouillouses et elle est superbe.
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