Préambule : cet article n'intéressera qu'un groupe restreint de lecteurs. Ce n'est pas une randonnée d'envergure qui est contée; c'est une "randosécateur" comme l'a si joliment dit mon ami Ludovic.
C'est le fruit d'une interrogation de plus de deux années et d'une escapade "athlétique". Cet article est destiné à rejoindre le site d' Eric Teulière, natif de Saint Martin Lys, qui a consacré à sa commune et environs un site magnifique (cliquer) , lequel fut très inspirant pour l'amoureuse inconditionnelle de la Pierrelys, que je suis depuis des années et explore depuis peu.
Plus de 100 km à pied à mon actif m'ont ouvert des horizons magiques alors que le Défilé en lui même ne fait que 1.7 km.
Cette dernière aventure, contée ici, m'a donné beaucoup de fil à retordre.
Ce qu'on peut voir depuis la route |
Tout a commencé il y a deux ans avec la route de Caudiès de Fenouillèdes / St Louis, qui fut précurseur de la route du Défilé avant que celle ci ne fut créée par l' Abbé Félix Armand au 18 eme Siècle.
Et je démarrai pour une grande aventure que je n'aurais jamais imaginée.
Je ne suis pas d'ici, mais d'un petit village des Pyrénées Orientales à "mille lieues" de la Pierrelys, soit distant à peine de 80 km. Une aubaine.
C'est le 16 août 2022 que je vis pour la première fois, dans le Défilé, non loin du Trou du Curé, des murs au dessus des falaises de la route, qui m'intriguèrent beaucoup, me laissant à penser qu'ils pouvaient de par leur forme arrondie être l'assise d'un chemin. Ou des murettes de parcelles agricoles. Mais la création et l'évolution de la route les avaient rendus inaccessibles.
Quelques images :
Dans ces arbres à l'aplomb de la route se trouvent les murs |
Depuis les falaises en rive opposée |
Depuis la route |
Je ne les oubliai pas, au fil du temps, ayant fait mon deuil de les atteindre, mais je m'arrêtais et, assise sur le parapet, je passais du temps à les contempler ainsi que leur environnement.
Me disant de plus en plus que les usages agricoles ou de chemin étaient peu vraisemblables.
Je suis obstinée et curieuse, deux "propriétés" qui, ensemble, font un délicieux cocktail !
Ces murs que j'ai cru connaître ont cassé les codes de mes certitudes
Ainsi deux ans après, je les atteignis enfin, au terme d'une "rando sécateurs". Après avoir approché le site deux fois, par sa partie supérieure dans les falaises. (Septembre 2022 et mai 2024).
1ère approche : pas au bon endroit (09/2022) |
C'est quand même saisissant |
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Donc me revoici encore au pied du mur, en ce matin gris de 9 juin 2024. Je connais le chemin d'accès, celui que j'ai balisé dans un fouillis végétal indescriptible, celui tracé par les animaux allant boire au fleuve. Il a déjà été un peu débroussaillé par mes soins, il longe la route en parallèle, il faut veiller avant tout à ne pas expédier un roc sur l'asphalte. C'est vital.
Ensuite on se débrouille entre végétaux piquants et autres délices. Le trajet est bref, par chance, un peu moins de 200 m, mais très énergivore. On se bat contre les taillis.
Je fausse compagnie à la route, au droit d'un petit mur jailli de je ne sais quel siècle, tout proche du tunnel du Trou du Curé.
Il est là bas le petit mur ! |
A partir du moment où je m'évanouis de la route, je m'évanouis de la civilisation.
C'est au jugé, au feeling, à la logique, de suivre au mieux la route en parallèle, en louvoyant entre les épines.
Vous voulez un aperçu ?
C'est une solide pente où croît une végétation anarchique et dense :
Collection : site Eric Teulière |
Autrefois et aujourd'hui
Il n'y a qu'une solution, le mode sanglier ou autre quadrupède coriace.
Vous les voyez les épines ? |
Mais je prends de la distance |
Je prends de la hauteur (Vue vers l'aval) |
Et me voilà sur site (Vue vers l'amont) |
A propos d'arbres, le final du trajet se fait en chênaie d'alzines, soit chênes verts: quel confort...
C 'est propre !! |
Invisible, le site des murs est là et pour y accéder je dois descendre; l'autre jour je n'ai pas su, allons, courage !!
J'observe par où je pourrai descendre là où pas un mur ne se devine, c'est un puits végétal!
J'accroche ma corde à un arbre, puis à ma taille, bien mince protection puisque je tomberais de 10 m, protection illusoire, et je descends, posant mes pieds dans une douce cuvette lissée par l'ancien cours de l' Aude, et l'autre pied dans un solide chêne : entre chêne et rocs, je franchis sans peine l'obstacle.
Anciens dépôts du fleuve |
On remarque une empreinte de barre à mine |
ça peut dégringoler |
Image Eric Teulière |
Pour l'heure, je suis impatiente de découvrir les murs et je manie du sécateur dans les terribles salsepareilles. Quelle horreur !
Mais mon opiniâtreté a gagné, les voici : étagés sur trois niveaux, solides, esthétiques, liés au mortier, appuyés aux énormes rochers ou regardant la route, envahis de végétation ou nus, ils sont là et je suis comme une enfant au pied du sapin en train de déshabiller les cadeaux !
Leur rôle est de retenir les rochers au cas où la montagne se déshabillerait : des murs anti éboulis. Je doute de leur solidité face à ces énormes rocs, mais pour freiner ou contenir un glissement de terrain, pourquoi pas ?
Ceux que j'admirais d'en bas depuis 2 ans, je les touche, je les foule, je les nettoie, alors que la pluie s'est invitée et noie le décor.
Vestige de marmite de géant |
Rocher poli par l' Aude |
Le mur du haut dans toute sa splendeur |
Jointé au mortier |
A l'étage au-dessous, un mur en courbe:
2nd mur vu d'en haut |
Vu de dessous, ce mur, très haut, prend aussi appui sur le rocher et offre une élégante courbe
Appuis sur le rocher |
Vu depuis la route, au zoom |
Il pleut dru sur le Défilé |
L'Aude roule ses flots |
Décor ambiant |
Le site est absolument sinistre; les véhicules passant en dessous dans ce décor peu hospitalier ne sont pas rassurants pour autant. J'ai du mal à m'arracher à une sorte de magie, celle de l'acte enfin réussi. C'est puéril, mais j'ai fait parler un coin de montagne qui s'obstinait à demeurer muet, il a fallu lui arracher les mots, en prenant soin de ne pas arracher la moindre pierre, même en remontant à la corde.
Dans le cercle noir |
Super ton reportage bisous
RépondreSupprimerAhhh c'est qui ? Merci
SupprimerSuperbe se reportage de une région que j'adore MERCI BB
RépondreSupprimerEt bien je le pensais d'aucun intérêt; mais bien sûr que certains de mes lecteurs dont toi aiment ce secteur.
SupprimerEn devinant l'ancien cours de l'Aude, on imagine l'évolution de la topographie jusqu'à nos jours et peut-être (ou certainement) l'utilité de ces pans de murs ! Quelques âmes de bâtisseurs anciens ont bien dû essayer de te livrer les péripéties et les contraintes de leur dur labeur mais sans livrer l'intégralité de l'objectif visé..... une partie du mystère demeure donc ! la réponse peut-être dans quelques ouvrages ou documents anciens (cadastres ?) ; bref de la matière encore pour quelque aventurier-chercheur-explorateur-géologue chez qui tu auras peut-être suscité ce brin de curiosité qui fait que (...) ! En attendant, ces âmes séculaires ont bien veillé sur toi, tu en es revenue saine et sauve !! :):) P.D.S
RépondreSupprimerJ'essaie, quand je cherche le sommeil, de recréer ces paysages, de recréer ces activités, de la nature comme des hommes qui y façonnent leur empreinte; c'est une activité passionnante qui me demanderait une corde de plus à mon arc : savoir dessiner et peindre. Le cadastre napoléonien de l' Aude n'est pas encore numérisé, donc pas accessible depuis mon fauteuil, faut aller in situ, mairie ou archives, et mon temps d'attente risque d'être très long avant qu'un géologue (etc...) ne se penche sur mon texte ou ne se hisse vers ces murs. J'ai encore une expédition à faire là bas et pas la plus sécurisante. Si je ne la raconte pas, ce sera mauvais signe...lol
SupprimerBravo. Beau reportage.
RépondreSupprimermerci
SupprimerJ'adore ta curiosité qui n'est vraiment pas un vilain défaut. Elle génère aventure et écriture, comme toujours fort agréable. Merci Amedine
RépondreSupprimerGV
Merci Guy, je sais que s'il est 2 ou 3 lecteurs, tu en seras. Et bien je suis surprise, cet article a des adeptes
SupprimerBonjour Amédine,
RépondreSupprimerSuper reportage, et plein d'humour, merci pour tout.
Je rajoute le lien au plus tôt
A bientôt
Eric
Et à très bientôt pour faire connaissance, tu vas me montrer la face cachée de Pierrelys et sera ce parti pour 100 km à pied supplémentaires ? Il est des grands mystères là bas, inaccessibles, le couloir de la vache, la grotte du curé et un drôle de sentier dont le cadastre et les dessins portent la trace.
Supprimerwaouhhhh du courage et une belle récompense bien méritée
RépondreSupprimerCourage ou passion ? Telle est la question. Un cocktail d'ingrédients un peu fous, avec de l'eau pétillante, malgré l'eau plate de l' Aude ou de la pluie
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