En catalan, "una canal" , en montagne, signifie, un ravin entre rives étroites, voire un fond de défilé de montagnes (Toponymie Lluis Basseda 1990). Les alpinistes grimpent des "canals" soit des couloirs, et nous, on va s'apprêter à aller dans un défilé rocheux que je brigue depuis longtemps. Les "canals de Leca". Nicolas a proposé de m'accompagner ; il connaît et aime le site et le sait plutôt difficile; bien lui en a pris !
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Site des canals, sous le Pic de Cincreus 2266 m) |
Nous nous retrouvons à Batère (Corsavy) dans un petit matin étincelant peuplé de vaches et chevaux à l'estive, dans un paysage minier abandonné.
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La Tour de Batère |
La montée au Col de la Cirera, se fait calmement, je dois apprivoiser mon souffle. Je sais que le bon diésel qu'est mon vieux moteur sera au point dans la "pujada" cette pente rocheuse et sévère où tous mes muscles se délient et mes poumons exultent.
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Version estivale |
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Version hivernale (ph Nicolas) |
Cette pente est un monument que je ne redoute pas, tant j'aime les cailloux et le paysage qui s'ouvre tous azimuts jusqu'à la mer. Les rhododendrons et genêts commencent leur symphonie. Tout est vert sous le bleu ciel et les bleus montagne, la chaleur est dense, le silence immense troué par les chants d'oiseaux, il fait trop chaud.
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La "pujada" au Pel de Ca |
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Une vallée en dessous |
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Une idée de la pente |
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En hiver ! (Ph Nicolas) |
Bon par chance c'est l'été ou presque , c'est déjà coriace comme ça : même les cônes de pins en ont une peur bleue !
C'est sans s'en apercevoir qu'on arrive aux 2015 m qui signent la fin du morceau, la bascule côté sud au dessus des canals, le petit en cas bienvenu, et la reprise de forces pour la seconde envolée vers le ciel, la montée aux Cincreus. Les "Canals" dévoilent leur géologie et quelque part gît une aile d'avion que j'ai toujours cherchée en vain du regard seulement.
Ce petit avion postal, un Dewoitine 338, venant du Maroc, s'écrasa une jour de tempête de neige de mars 1938 en dessous du Pic des Cincreus. 8 morts que "les sauveteurs durent redescendre à la corde, à travers cheminées et murailles rocheuses bardées de neige et de glace dans la bourrasque glacée" raconte le journal local.
Des hauteurs on a une vue surplombante et peu engageante, certes..
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En aval dans les canals, de vrai couloir On traversera ces falaises au retour |
Pour l'heure on monte vers les
Cincreus (2266 m) même route que pour le Gallinas, pavée de rocs, hérissée de "fitas" et noyée de ciel. J'adore...
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Le sol pavé noyé de bleus |
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Le petit caillou qui fait le petit plus esthétique |
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Les pins sont dos nu, et pour cause |
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Les crêtes et le Gallinas |
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Et l'autre versant, vallée du Riuferrer |
Nicolas me raconte le bas de cette vallée, la cabane del Faig, les pistes un peu partout, les sentiers cachés ou à créer, quel terrain que je ne connais pas ! Je vais pouvoir m'amuser à l'avenir
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La cabane del Faig, lovée dans le décor |
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Le Cincreus, délesté de ses cinq croix |
Des horizons infinis s'ouvrent sur cette étrave du Cincreus et pourtant nous allons plonger dans une étrange descente vers les pâtures
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Sur fond de montagnes catalanes, Nicolas |
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Pâture de Les Roquetes (petites roches) |
Au fur et à mesure de la jolie et sévère descente entre rochers et forêt, sur un confortable sentier, la pâture semble s'éloigner, illusion d'optique. Quelques pâtures intermédiaires semblent avoir été façonnées par la main humaine et de gros rochers éparpillés somme jeux de cartes jonchent le paysage.
Je ne connais pas du tout ce secteur, je suis conquise et je mesure ce qu'il eut advenu de nous si la semaine passée nous avions fait par ici le retour du Gallinas !
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Rocher feuilleté |
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Dans notre dos, l'enfilade de sommets : Gallinas, Roc Nègre, Tres Vents |
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Face à nous, les Roquetes, La Soca et les sommets catalans en bleu |
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Le petit étang de les Roquetes (1900 m env) et son troupeau |
C'est ici, après avoir salué avec discrétion chevaux et poulains, dont un vraiment nouveau né, que nous prenons notre repas, loin de ces voraces toutefois. Mon regard erre sur les lointains, Nicolas fait naître des désirs d'évasion vers ces terres neuves à mes yeux. Aurai je assez de vie ? De forces ? L'horizon s'élargit, le mien se ratatine, hélas...
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La Soca 1626 m |
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La haute vallée du secteur del Faig Roc Nègre, Tres Vents |
A présent les choses sérieuses vont commencer ! D'abord trouver le sentier pour les Canals qui s'étalent comme sur un écran de cinéma.
Ce ne sera guère du cirque pour le trouver, mais sans trace sur carte, il faut l'oeil avisé de Nico et sa mémoire vive pour dénicher dans cette pente, ces genêts, ces rochers, ce cocktail explosif, coloré et odorant, ce mince fil barbelé jeté au sol, le sésame !
Cette descente dans Les Roquettes, prairies semées de rocs mi granit mi gneiss, en boules et tas disséminés n'en finit pas; Nicolas veut me montrer absolument le départ "officiel" du sentier.
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Et à nouveau de la descente |
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Un gâteau de rochers |
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Les Roquetes (petites roches) |
Je suis, mi rassurée mi inquiète, surtout en pensant "comment aurait on fait avec Josy et Claude?" l'autre jour, au retour ?
Aucun repère sur le terrain et pourtant le voilà le départ, quelque part au milieu de nulle part.
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Le départ du sentier oublié |
Car le sentier que nous allons suivre n'existe plus, sur cartes et sur terrain. Il fut sentier de randonnée et nous y trouverons encore l'ancien balisage jaune. Désaffecté pour cause de dangerosité, quelques chasseurs l'utilisent encore et des taches de couleurs bleues ou rouges voisineront avec anciennes coupes de branches, traits jaunes, cairns épars, beaucoup d'indices mais parfois aussi RIEN !
Au sol ce sera une mince sente recouverte par une folle végétation, des passages en dévers ou le faux pas serait accidentogène, quelques grimpettes avec les mains, quelques possibilités de vertiges, je mesurerai avec horreur ce qu'il fut advenu de nous !! Vision effrayante de nous imaginer, épuisés, dans pareil capharnaüm.
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Ce sera très rare de voir du sentier |
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Le vert est envoûtant |
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Du sentier |
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et encore le sentier |
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Place à la roche |
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Il s'est frayé une place |
Certes un vrai sentier passe en contrebas, celui du Col d'en Cé, mais quelle longueur et quel détour. Le sentier qui va nous expédier dans un merveilleux décor ne souffre pas l'erreur. Je sais à présent que je saurais le retrouver, mais en solo là dedans, le beau peut se muer en horrible...ment stressant.
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Les canals sont encore loin |
Des alternances de forêts, de pierriers, de falaises, d'aiguilles, de petits cols en roches, de ravins et d'une immense cascade qui se perd dans la brume des cimes, des luxuriances de végétation m'évoquant les montagnes d'Asie que je ne connais pas, du chant exaspérant (pardon Nicolas, tu l'adores ! Peut être sera ce mon cas dans 20 ans...) du Pouillot Véloce qui nous suit depuis le matin, des arbres à profusion, pins, alisiers blancs, merisiers et j'en passe, des fougères, fleurs multicolores, coussins de genêts purgatifs, à la fois l'univers denté, fracassé, acéré de la roche et la douceur des verts, des bleus, des jaunes , une palette enfin. Je suis subjuguée, cela transparaît.
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Le Pouillot Véloce nous tourne le dos |
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Il y eut un beau sentier, il en reste une mince trace |
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En dalles |
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En tas |
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En rasant les murs |
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En gardant l'équilibre |
Un des temps forts est la vue soudaine sur le Correc dels Canals qui devient ensuite plus bas Ribereta, affluent du Riuferrer. C'est une immense cascade qui dévale du Pic des Cincreus . Elle donne envie d'aller à sa rencontre mais dans pareil relief, ce rêve n'est même pas permis !
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Le clou du spectacle |
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Plus loin on la verra tout en haut à son point de départ ou presque
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Un sentier là dedans ? Et même un passage à gué très encombré |
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Et le ravin file bon train vers l'aval |
Quand je découvre un site qui me marque à ce point, ma première sensation est "je n'y reviendrai jamais", pour ne pas ternir mes souvenirs. Et en même temps, peu à peu, se dessine l'envie de refaire le chemin à l'envers...
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Un décor de film...l'aile d'avion qui y gît est bien réelle quoique invisible |
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La brume rôde |
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Sinistre ou envoûtant ? C'est selon |
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Grandiose |
Peut être est ce un bienfait d'avoir désaffecté ce sentier, pour garder intacte et sauvage une nature comme il en existe peu par ici.
Avec Nicolas nous faisons un beau tandem malgré notre grand écart d'âge donc de capacités physiques : il sait être un compagnon agréable, prévenant, attentif, rassurant, tout en connaissant mes capacités et sachant que je n'aurai aucun mal à suivre, sinon une certaine lenteur consécutive à mon âge et à la progressive "désassurance" de mes jambes.
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Dans le parfum des genêts purgatifs |
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Et moi perdue dans le décor Même lieu |
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Alisier cramponné |
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Falaise impressionnante |
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Ici le sentier rase le bas des murs |
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Là il s'envole dans les murs |
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Et enfin il s'assagit |
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Ou presque sage |
C'est sans dommage que nous reviendrons à bon port, Batère, après avoir retrouvé progressivement la civilisation : des sources, des dépôts miniers, et le bon sentier balisé que je perçois presque comme un tapis roulant molletonné!
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De l'eau ? |
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Rejets de la mine |
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Point final, la rencontre des deux sentiers (Celui des canals marqué d'une croix) |
Une rando d'exception, dans un paysage d'exception.
Sur un blog ami, rédigé par un homme jeune, ce parcours fut narré comme une simple formalité. Je mesure ma différence de perception et peut être les prémices des ravages de l'âge ?
Il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas à mettre entre toutes les pattes, jamais je n'ai ramené une telle palette de douleurs !!
Merci Nicolas pour ce beau voyage.
Tracé emprunté sur Internet
Environ 1000m dénivelé positif cumulé
Environ 12 km
Merci de nous faire voyager avec toi dans ce décor féerique
RépondreSupprimerAvec grand plaisir, hélas mon blog ne transmet pas les parfums et sons
SupprimerJe pensais que dévoratrice de sentier tu l'avais déjà parcouru. Après l'avoir suivi dans la brume je ne pensais pas qu'il était aussi mal réputé ,perso je n'y ai trouvé qu'un nouveau terrain de jeu à l'époque ! J'y avais même rencontré quelqu'un !
RépondreSupprimerJ'ai retrouvé dans ton blog l'ambiance de ces ravins escarpés.
https://photos.app.goo.gl/DsquRCi6sHP5Qvqf2
C'est un site merveilleux; j'attendais pour le parcourir une éclaircie ou une pause dans mes recherches. Je pense en refaire un morceau à l'envers, la cascade me fascine
SupprimerEt bien quel suspens, tu nous tiens en haleine dans un décor féerique et envoûtant, je frémissais en te lisant, mais que c’est beau ! Si nous avions emprunté ce sentier la semaine dernière nous en aurions bavé je crois…
RépondreSupprimerMerci pour ces belles photos, ce récit passionnant, et bravo ! Josy et Claude.
Oh là là, si on avait fait ça !! On n'y serait pas arrivés, on ne l'aurait pas trouvé même au GPS, pas de sentier sur les cartes. J'ai eu froid dans le dos
SupprimerManquait plus que le loup et on se croirait dans le paysage de la blanchette de M.Seguin. Du moins par la qualité de la description que tu en dais au moment de "l'entrée du sentier".
RépondreSupprimerEncore une belle balade qui nous tient en haleine.
Bravo pour l'exploit sportif , les photos et pour le texte si bien ciselé et finement ficelé. (J'ai inversé volontairement les adverbes.) Merci Amedine
Un de ces jours je retournerai par là-bas pour dépasser la Cirera.
GV
Merci Guy, mon lecteur assidu et photo reporter incroyable; tes sorties sont magnifiques en images. Le texte viendra plus tard, quand jeunesse aura passé
SupprimerBonjour
RépondreSupprimerMerci pour ces belles images et ce parcours profite bien de ta vie.
André et Renée et Foxy
Je profite, je profite !! J'essaie de vous rattraper mais...
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