Il est vrai que dans le secteur, j'ai parcouru des km à profusion, en toutes saisons et pas tous en sentier balisé. D'ailleurs des sentiers balisés il y en a si peu. Pour les autres, le territoire est vaste, grandiose et recèle des vestiges "à chaque coin de rue", soit au milieu de nulle part, à des heures de marche, il faut oser s'aventurer. Et l'aventure ça me connaît.
En ce dimanche je ne pars pas à l'aventure mais j'emmène deux amis à la découverte et pour découvrir "la substantifique moelle" de cette nature, il est un chemin que je recommande car il comporte un échantillonnage parfait de ce que fut le secteur il y a très longtemps et ce qu'est son charme actuel.
C'est une simple boucle de 10 km que l'on va faire dans le sens des aiguilles d'une montre, tranquillement, on va prendre notre temps, on est là pour visiter.
Claude et Josy vont en prendre plein les yeux et faire une moisson de photos, Roxane va doubler la distance, au moins, normal elle a le double de pattes que chacun de nous...euh, je dis n'importe quoi là !
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Le double de pattes ? Pas toujours |
Et moi, je vais raconter et essayer de leur donner envie de revenir plus haut, plus loin, moins classique.
Allez, c'est parti !
On descend sur la Rotja (rivière ) qui vient de tout là haut et bondit de rochers en cascades, auréolée d'écume. La baignade, on peut la rêver, pas la tenter. Premier "spectacle" les énormes murs d'énormes rochers. La construction nous pose questions. On essaie de les résoudre.
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Le pont sur la Rotja |
Les câbles d'ancien transport du bois zèbrent le ciel, rouillés et muets.
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Archives mai 2019 |
Tout de suite ce sont de merveilleux chemins pavés, qui montent, virent et fascinent. Je sais que dans cette montagne c'est un élément important : voies de pénétration, d'exploitation agricole et forestière au fil des âges et même ayant servi à l'exode espagnol pendant la guerre civile de 1936, le chemin de la Retirada.
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Les Agulles |
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Les ors de l'automne sur les arbres et sur les vêtements |
On croise le premier étage des canaux de Py, dont un premier canal que j'ai suivi, plutôt cassé, cabossé mais grandiose. Juste après le pont de la Rotja.
Il y a aussi l'ancienne carrière de marbre blanc, un marbre saccharoïde très pur et pourtant peu exploité, bien qu'il le fut déjà au Moyen Age, pour des raisons de transport, trop loin du grand axe de la vallée de la Têt. Ici le chemin est pavé de blanc et sous le gris terne des falaises se cache le blanc étincelant.
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La carrière de marbre blanc (Archives 2019) |
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Le blanc est caché sous le gris |
Passé tout cela, on suit le chemin pavé et le regard erre à travers des arbres semi dénudés mais dont certains sont parés de flammes. Et que voit on ? Les Agulles, un relief escarpé de roches dont certaines sont pointues comme des aiguilles, sur la rive en face, soit rive gauche. Py se dessine dans notre dos, strié de dentelles.
Ce chemin pavé se loge parfois dans une ancienne falaise tranchée par les bâtisseurs. On rencontre le 2nd canal, celui que j'ai suivi en son entier, un entier parfois en pointillés car fort dégradé, voire disparu et que j'ai conté ici .(clic) . Je n'y amènerai personne, du moins vers l'amont. Par contre vers l'aval, c'est superbe. Alors je le raconte à mes amis.
A présent, c'est au tour des anciennes habitations de s'offrir à nous : elles nous attendent sagement au bord du chemin, mais si on est un peu curieux, on peut grimper et aller les visiter, ces jolis cortals du passé et ces petites maisons qui avaient alors des toits de paille. Des fils de fer pendouillent des toits béants, une grosse pierre leste ces filins, c'était leur poids qui maintenait la paille sur le toit. Certains ont eu plus tard une vraie toiture de tuiles ou de lauzes, voire...de tôle ondulée.
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Ruine sentinelle au bord du chemin |
Des abords de Cantapoc jusqu'aux Salètes, on visitera du bâti. De façon sporadique ou groupée, mais comme les arbres sont dénudés, une ou autre ruine à l'écart nous montrera sa façade et son toit béant.
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Un magnifique cortal partagé en deux |
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Vu de profil |
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Fenêtre |
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Porte |
Souvent, dans ces montagnes, une "porte fenêtre" donnait sur la pente derrière la bâtisse : cela permettait d'engranger foin et récoltes facilement à l'étage.
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L'accès au "fenil" |
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Maison bâtie sur un immense rocher |
Les terrasses et leurs murettes sont un instant de fascination : leur taille, leurs étages jusqu'à la rivière tout en bas, ou leurs murs solides en contrehaut font du paysage un amphithéâtre de gradins envahis d'arbres.
Je sais aussi que des câbles sont disséminés dans ces pentes, ils remontaient le bois coupé jusqu'au chemin : quel rude labeur au vu de l'escarpement.
Par moments on voit ou on entend mugir la Rotja; les cris des travailleurs ont depuis longtemps déserté la montagne. La dentelle des branches nues permet une jolie approche du paysage, jusqu'aux lointains tout en haut. Mes amis se régalent et moi tout autant de leur présenter tout cela comme si cela fut chez moi. Et comme si je le voyais pour la première fois. Le temps est magnifique, grand bleu, douceur automnale, on ne pouvait espérer mieux
Nous poursuivons le chemin vers les Salètes où un "vaste complexe d'habitat " soit 5 ruines nous attend, logé en un coin près de la surface cultivable soit une série de belles terrasses descendant vers la rivière.
Justement voici l'habitat des Salètes : habitat temporaire je suppose car autrefois l'enneigement était intense dans ces montagnes, et les avalanches aussi.
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Le décor des parcelles des Salètes |
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La plus vaste demeure. |
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Miracle d'équilibre ! |
La rivière de la Salette est bien glacée dans son trou d'ombre que ne frôle pas le moindre rayon de soleil, elle va rejoindre la Rotja pour s'y noyer, une passerelle permet une traversée confortable.
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Rivière la Salètes |
On y va justement à La Rotja, je montre à Claude et Josy où se trouvent d'anciens chemins aujourd'hui disparus mais que j'ai parcourus, je sais les canaux qui puisaient leur eau dans la Salètes, je sais les cortals qui dorent leurs ruines au soleil, mais je ne sais pas tout. Je me rends compte en esquissant tout cela que j'en ai fait du chemin là bas . C'est impressionnant. La mémoire renaît au fil des pas.
Nous passons dans des coins d'ombre et d'humidité glacée où des jeunes cèpes ornent le sentier : incroyable petite récolte.
Aux abords de la Rotja, le paysage blondit, sur l'autre rive ensoleillée. J'évoque ici ma remontée de la Rotja, une ruine, un petit canal, une montée ardue dans une pente où ne vont que les chasseurs, tout ce qui fit de cette balade un moment d'exception.
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Prairies du bord de la Rotja |
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Erable |
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Dentelles de pierre |
La montagne ici est un vrai livre de contes. Dont je feuillette quelques pages au gré de mes déambulations .
Nous allons vers la passerelle de la Rotja au gré des prairies qui s'étagent en cette rive droite que nous allons quitter. Derrière les arbres nus des falaises de pierre impressionnent le regard.
La passerelle n'est pas branlante mais glissante, et ouvre sur d'autres prairies : il y a de l'habitat adossé aux rocs, la place dévolue aux prairies était primordiale. Je découvre un canal que je n'avais jamais vu, nous nous aventurons un peu mais il est démoli, encombré et, pour une efficacité optimale, les bâtisseurs étaient allés chercher loin la prise d'eau; voyage impossible sans défricher.
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La demeure longée par le canal |
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Et la cabane pastorale |
Ici nous abordons le retour : il aura son charme malgré l'absence de curiosités particulières : pas de terrasses, pas de murettes ni de "maisons". Mais depuis cette balade, je sais un site que la vue aérienne a rendu bavard, je sens que ma visite y est proche. Sur cette rive gauche, des arbres denses, un sentier étroit, des falaises, des couloirs fonçant vers la rivière, c'est escarpé, humide, exposé en face nord, mais flamboyant : les chênes sont tout feu tout flamme et les trouées vers la rive opposée grandioses.
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Vallée de la rivière Saletes |
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Tout feu |
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Tout flamme |
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Contemplation |
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Action |
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Les gardiens du chemin |
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Les lointains de la rive opposée |
Nous attendrons longuement de retrouver le soleil pour nous restaurer.
Le soleil passera derrière les crêtes alors que nous terminons la pause sur ce belvédère magistral d'où nous "lisons" la rive d'en face jusqu'au sommet où tournoient les vautours : on sait ce qu'ils y attendent!
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Vallée de la Rotja |
Ce retour nous rapprochant du village quelques ruines nous saluent au passage avec leurs murs cyclopéens, le chemin du Mal Sola n'a qu'une croix jaune à nous montrer et moi qui sais le décor au bout de ce chemin, je pense que Claude et Josy ne refuseront pas une prochaine invitation.
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Curieux chemin bâti sur le vide |
Au lieu de descendre directement sur Py, je les conduis dans la pente sévère qui ramène à la Rotja. En bas la rivière est splendide, elle s'enfouit dans une petite gorge, entre cascades, vasques et toboggans.
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L'un |
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L'autre |
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Et les trois |
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Encore et toujours une ruine de maison |
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Canal suspendu |
Si on suit le GPS le parcours est trompeur : en effet la passerelle a été déplacée vers l'aval, à deux reprises et le passage nouveau qui m'était inconnu est amusant, moins pour les personnes aux pieds peu sûrs.
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La Rotja |
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La passerelle du temps passé (détruite) |
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Version 2019 |
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Version actuelle |
Aucune des trois passerelles n'est au même endroit !
Nous revoilà en rive droite et on entre dans un magnifique paysage de longues terrasses longeant la rivière, étoilées de bâtiments, et prolongées d'un superbe chemin pavé, taillé dans le roc, je dirais presque le point d'orgue de cette somptueuse rando qui est une exceptionnelle page de géographie sur Py. Oh il en est d'autres de pages car c'est un des plus fascinants sites du Conflent. Quand je pense que j'ai mis si longtemps à m'y aventurer! Pourquoi ? Parce qu'une intuition me disait "si tu y mets les pieds tu ne sauras plus t'en détacher" ! Et c'est bien vrai...
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C'était une maison grise adossée au grand rocher |
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Oh quel chemin ... |
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Il n'y a plus qu'à regagner Py |
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En bas là bas (ph C Calvet) |
En chiffres : balade de 10 km, petit dénivelé et temps de marche selon les temps de visite ou flânerie.
Exactement le circuit que nous avions fait la première fois en 2015. C'est magnifique. Une belle rando dans ce passé où planent les âmes de mes ancêtres maternels. merci les amis por ce beau reportage et les passages que vous m'avez réservé dans le récit.
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