samedi 1 novembre 2025

Octobre bleu : un estuaire nommé Gironde. Episode 3

 Nommé Gironde, l'estuaire est le sang mêlé de la Garonne et de la Dordogne, elles mêmes recevant Lot, Tarn et Aveyron, donc vraiment du sang bleu fluvial mêlé au sang bleu de la mer, eau salée et eau douce, un curieux mariage avec plein de Demoiselles et Garçons d' Honneur, que je m'apprête à rencontrer,  en cet éternel mariage. Un mariage terre / mer.

Les carrelets de l'estuaire

La Garonne et la Dordogne ne se rencontrent pas, elles déposent leurs eaux de part et d'autre du Bec d' Ambès devenu zone industrielle et portuaire.



Un estuaire c'est une vie autrement, ouvrant sur la vie de la mer. Nous avons ici le plus vaste estuaire d' Europe  dont la richesse patrimoniale, historique, géologique, économique et j'en passe, est sans fond; l'histoire de sa navigation remonte à l'âge du bronze. Wikipédia est une mine d'or  !

De l'estuaire je ne gardais qu'une mémoire vive de 2008, avec des couleurs et des cabanes de pêcheurs suspendues sur les flots. Ma curiosité fait le reste.

J'aurais pu traverser en bac à la Pointe de Graves, pour Royan, éviter près de 200 km de route, voguer sur les flots bleus en camping car, mais j'eus ôté une grande partie du sel du voyage!

Pas question ! alors si vous me suivez, et bien c'est parti pour le tour de l'estuaire. Déjà j'aime ce nom,  Gironde. Bon une personne gironde est bien en chair et harmonieuse. Chair...ici on peut sans doute écrire cher, on est en France....et puis, plus on remonte l'estuaire, plus c'est cher! 

Non, plus banalement ce serait une déformation de Garonne... cette hypothèse est très ancienne. Mais l'harmonie est du voyage.

Rive gauche, c'est un monde particulier; si je résume, ce sont prairies gagnées sur les eaux (prés salés) par le biais de l'inévitable digue des Hollandais, 17 eme, puis les prestigieux vignobles, je n'en dirai pas plus, c'est ici : et c'est très cher.

Les crus de l'estuaire


Les terres

Ceci dit, je quitte la route principale et je me rapproche de l'estuaire. La vie étant faite de coups de tête ou de coups de coeur, ce sera là !



Et c'est le Phare de Richard, enfin son entourage, qui va m'héberger. Marée basse, marée haute, la vie va et vient. Je suis sur- veillée par le phare, bercée par la marée. Mais surtout je suis là pour les carrelets. Le carrelet est un filet de forme carrée, mais aussi un poisson. Dès la fin du 17 eme cette pêche est mentionnée. C'est alors que se construisent des cabanes sur pilotis, les unes à côté des autres, sur les rives de l'estuaire et même au delà sur la côte Atlantique, voire ailleurs (Rhône, Saône, Europe centrale ou de l'est)

Le Phare de Richard


Le phare de Richard, le camion de Lison et les carrelets des pêcheurs


Excellent article ici (clic)

Je marche sur la digue, je discute avec un pêcheur, je gardais des images de carrelets colorés par le couchant il y a 17 ans, je les retrouve intactes, flamboyant au couchant et cette fois, en prime j'aurai les feux du levant.




Tapis de sol


Sur pilotis
Le filet ou carrelet





 
Ici le bleu de l'océan est mâtiné de couleurs moins éclatantes, c'est un peu de la couleur terre qui se mêle à la couleur eau, il y a du marron dans l'eau. 

Au soleil couchant




Dans l'oeil de la porte




Et au soleil levant

La marée est basse, je me promène sous les pilotis, sur le sol glissant de l'estuaire, sale, encombré de coquillages, vaseux, mais les reflets bleu pâle du ciel forment comme un joli dallage. Je l'ai eue ma moisson de carrelets !


L'estuaire c'est aussi le pays des grands crus, de part et d'autre et là, le bleu d'octobre se teinte de mille couleurs chaudes. Des vendanges ont encore lieu mais je ne m'approche pas de ces somptueux châteaux, faut garder sa place de "prolo" !






Vendanges en châteaux


Bordeaux franchi, les fleuves enjambés, je remonte la rive droite bien différente : point de digues ici, mais de vastes marais où se logent des ports, petits ou grands, un paysage très aquatique . 

Pont d' Aquitaine (1961-1967) 679 m, 53 m
au dessus de la Garonne

Un paysage différent, des sites assez remarquables.

Blaye :fortifications

Un château viticole



Secteur Port des Callonges, marais

Activité maritime sur l'estuaire



Activité viticole sur la rive droite

Activité de pêche : les carrelets rive droite

La rive se relève ensuite en collines où de minuscules routes m'offrent autant de balcons pour contempler : symphonie de couleurs, sols calcaires quasi pâles, gras herbages, parfum des labours, vignes sagement alignées, colorées, je roule dans une palette de peintre,  me faufilant entre les taches de peinture, m'abreuvant de lumières et d'ombres, oui une palette géante où mon camion et son équipage jouent les pinceaux à la rencontre des couleurs. Moment magique avec les feux du soleil qui va bientôt se suspendre aux arbres de la rive en face.



Vraiment étroite

Point de vue d'exception

Vu d'en bas, je ne sais pas ce qu'ils pêchent dans ces bulles bleues



En haut des collines, soir qui tombe sur les sols calcaires


Tout à côté le soir tombe sur les vignes



Du haut des collines soir qui tombe sur l'estuaire

Il faut dire que ce voyage au fil de l'eau bénéficie d'un temps exceptionnel. L'île d' Oléron est encore loin, avec mon allure de caboteur, mais tel était le but du voyage non ? 

Mortagne sur Gironde

Plus au nord, un jour plus tard, vers l'extrémité de l'estuaire, je vais à la rencontre des blanches falaises calcaires, creusées d'alvéoles autrefois pour extraire la pierre de construction, puis transformées en modestes habitats troglodytes, avant que devenir passionnant musée. Mais aussi habitations modernes semble t'il. Un coin de Méditerranée posé ici avec sa blancheur et sa lumière crue, son bleu violent et son blanc éblouissant qui font oublier les verts qui essaient en vain de s'imposer. Une parenthèse enchantée, à peine plus haut que l'altitude zéro. Nous sommes à Meschers sur Gironde. Après une halte à Talmont.


La falaise de Talmont

De l'autre côté de la falaise


Eglise Ste Radegonde, Talmont



Une des rues de ce village d'exception, Talmont


Village troglodyte de Matata, Meschers sur Gironde



Meschers sur Gironde, le site troglodyte



Même site

Autrefois





Le site de Matata, tout de bleu et de vert vêtu

Ainsi, tel un caboteur des mers, je vais arriver, dans l'or d'un nouveau soir qui tombe sur les marais et les canaux, au long et élégant viaduc de l'île d' Oléron, dans près de 3 km je vais toucher au port et découvrir une des spécialités de l'île : les interdits.


Le viaduc d' Oléron, 2,862 km (1964 / 1966)


L'ancien (avec passage en bac) et le moderne

Mais pas que des interdits....des trésors sur cette île.

                                                                                          A suivre.....



Dans mon prochain et dernier article, l'île d'Oléron, ses côtes, ses beautés, ses écluses sans canaux, une particularité remarquable. Et les derniers bleus.



mercredi 29 octobre 2025

Octobre bleu ou altitude zéro : épisode 2

 Et il avait raison, le bienveillant Monsieur : c'est un lever de soleil magnifique sur le Bassin d' Arcachon qui avait fait le plein d'eau de mer au matin. J'ai passé la nuit aux Herbes, au ras de l'eau, et oui, c'est le nom.

Pas vraiment évocateur de grand bleu.

J'ai donc, sans presque sortir de mon lit, profité du spectacle.



Ensuite, le proche village ostréicole des Herbes s'imposait. C'est un fouillis de cabanes en bois, devenues maisons, peintes de couleurs anarchiques, séparées par des sentiers tortueux - et non des ruelles - de sable et de fleurs, ou bruisse une vie discrète. Des ouvertures sur les eaux bleues du Bassin, une plage minuscule, des pilotis désaffectés et puis les hangars ostréicoles, les bateaux qui accostent, les terrasses poétiques muées en salons de dégustation, une pseudo anarchie mais qui est très structurée . La vie besogneuse. Un charme fou, je me suis crue au Portugal des années 80.









Les ruelles débouchent sur le bleu du Bassin




Côté plage et Bassin d' Arcachon avec les pilotis

                                                                                                                    

Mon guide



Rue du Chien qui Dort : c'est le nom, faut pas compter sur lui


Façade marine du village ostréicole des Herbes


Salon de dégustation


Même chose


No coment


Un parmi les invités audacieux

Bien sûr mes vagabondages, non suivis par les touristes, m'ont assuré une grande joie, en toute discrétion. Et ensuite un grand plaisir gustatif, avec mes copains les moineaux.

Plus tard je poursuis ma route, qui doit me conduire à l'estuaire. Mais je prends mon temps, je vais à Carcans.

Carcans est une plage immense, surmontée d'une dune et le village se terre derrière tout ce sable. C'est à se demander si certaines maisons n'ont pas été englouties !

Côté "terre"

Côté mer


Un vaste parking me permettra de passer la nuit abritée par la dune. Evidemment la plage m'attire en cet après midi, et la baignade aussi.

Le carcan ne sera pas pour moi, je l'ai déjà vécu en me retrouvant nez à nez avec des barrières qui interdisent le bleu à tout ce qui est haut. C'est pénible.

Le carcan, c'est le sable qui le vit : la longue dune est remontée au tracto pelle pour éviter l'érosion et le sable recouvert de brande apportée par d'énormes tracteurs et remorques. La brande c'est les buissons qui tapissent la forêt de pins. Coupés et répandus sur le sable, ils ont pour but de retenir le sable. On plante aussi des oyats, la lutte humaine est drastique. Même les sapins de Noël sont récoltés et tapissent les dunes. J'imagine la découverte des archéologues dans 4000 ans....avec tous ces sapins fossilisés, victimes de l'extinction des feux de la fête. On n'y est pas encore.


La dune et la brande prête à l'emploi




La dune et son cordon de brande pour la fixer


Couverture de brande



Plantation d'oyats

Je suis à Carcans, et la plage s'orne d'un ruisseau venu de je ne sais où, salé cependant, un petit fleuve frétillant qui va rejoindre la mer.

Le fleuve de la plage


Les Sirènes du Soir

C'est l'heure du Bonheur pour les surfeurs.


En attendant l'heure rouge ou mauve, flamboyante en tout cas.


La photo classique


Il a une queue de comète ce soir

Le lendemain,  j'ai le plaisir de faire la route interdite plusieurs mois de l'année, quand le secteur voit rouge, la Route des Phares, entre Etang d' Hourtin dont je ne verrai rien et l'océan dont je ne verrai...rien, même pas un phare. Mais quelle jolie route étroite et déserte !

La route des phares





J'arrive ainsi à une plage sans nom, ou presque, sans maisons, sans barrières (sauf aux parkings), nommée le Pin Sec. Tout est vide, quelques baraques en planches, bien closes, m'accueillent dans un espace en terre battue, désert, derrière la dune, un paysage de western, dans lequel surgit un véhicule officiel qui colle à mes basques, duquel jaillit, tel Lucky Luke, une femme en uniforme, quasi menaçante. La menace est bien réelle : dans ce paysage nu et désolé, j'ai franchi (et sans le voir, tant l'interdit devient familier) le panneau "interdit" du petit parking et si je ne me prends ni une prune ni une amende, encore moins un pruneau, j'ai bien de la chance ! Entre femmes faut parfois faire profil bas.  Au final elle se révèle charmante mais en ces pays d'incivilités fréquentes....Je file me garer sous ses ordres, en lieu sûr (côté amende) et je grimpe sur la dune où je suis accueillie par un autre uniforme, orange, cette fois, avec interdiction d'aller à gauche : c'est le 21 eme siècle en toute sa splendeur, essais de drones monumentaux. Alors je me glisse vers le non interdit, période 2nde Guerre Mondiale et mur de l'Atlantique, presque accueillant en ce Pin Sec !


La plage et ses bunkers, le Mur de l'Atlantique


Bunker


Je ne ferai pas long feu ici, et pourtant les couleurs s'étalent en tous sens.

Moi, dans tout ce bleu, je commence à voir rouge ! 

On se calme...cette fois c'est direction l'estuaire. La pointe de Graves, l'extrémité de la Gironde.



Passé l'intermède "musclé", la sérénité est au menu : les belles maisons de Soulac /Mer sont témoins d'une belle époque, où les bordelais venaient aux bains. Je fais un créneau serré entre deux voitures; au retour un conducteur inspecte sa voiture  pour voir si... et je plaisante un peu, le prenant la main dans le sac et l'oeil rivé au pare chocs. J'ai fait une petite moisson au marché avant d'aller déjeuner face à la mer, enfin le bleu refait surface pendant que j'extirpe mes huîtres de leur cachette. Seule face à la mer d'un bleu grave.


Bâtiment administratif




La ville est emplie de ces belles demeures


Ma maison à Soulac



De la fenêtre de ma cuisine : deux heureux, lui et moi

Et maintenant allons voir les eaux de mer se mêler aux eaux de terre, les épousailles des fleuves et de la mer, à la Pointe de Graves. La tenue des mariés ne laisse aucun doute sur leur identité. Quant aux marées elle remontent jusqu'à Bordeaux, 100 km en aval.

En face, Royan (17). Eaux mêlées



En vert, l'eau fluviale



Il se produit, lors des grandes marées un phénomène nommé le mascaret, qui affecte la Dordogne et la Garonne, bien en deçà de Bordeaux, sur plus de 120 km. C'est une vague déferlante remontant le cours des fleuves  à une vitesse pouvant atteindre 30 km/h. Je l'ai ratée de quelques jours.


Image internet : le mascaret sur la Gironde

 

Une palette de couleurs émotionnelles  que ce secteur, tandis que le merveilleux Phare de Cordouan, que j'ai visité en 2008, élève ses 68 m sur le grand large.


Le Phare de Cordouan



                                                Fin du 2nd épisode.............................................à suivre.................... 


Le Phare de Cordouan 

Construit de 1584 à 1611, toujours en service.

A été précédé dès le 11 eme S par des signaux lumineux et des sons de cloches par les moines vivant sur le plateau de Cordouan. Quand on connait le site, ce devaient être des Moines aquatiques !

Hauteur 68 m

Distance de la pointe de Graves, 8.6 km

Visitable en saison.

Surnommé "le Versailles de la mer"

Monument Historique depuis 1862

Classé au Patrimoine Mondial en 2021