jeudi 31 juillet 2025

Aude : de Saint Martin Lys au Col d' Agajos

 Oui mais pas par la route !

Le village de St Martin Lys est surplombé par une croix logée sur un rocher. Le sentier qui y conduit est un ancien chemin d'exploitation, bifurquant vers Quirbajou (ancien chemin de St Martin à Quirbajou, que je nomme Chemin du facteur), fort sympathique.  La première bifurcation, sur la droite, à 0.9 km mène à Quirbajou. La seconde, à gauche, 1 km, conduit au perchoir de la croix. Je continue tout droit sur un sentier pas très évident mais lisible que j'avais repéré il y a très longtemps.

Là en face, le décor du jour

La veille, à la mairie de St Martin, je suis allée à la pêche au cadastre napoléonien et qu'ai je vu ? 

Un chemin d'aspect serpentin ! Alors me voilà en route pour la 6 eme sortie du séjour.

Le très vieux et petit chemin en serpentin

Donc ce chemin serpentin ne date pas d'hier. (Cadastre début 19 eme). Toutefois le chemin que je foule est rectiligne à souhait. Il y a des beaux murs, même dans les bois. Je longe "Carbouneiro" (Carbounière sur IGN) où j'ai trouvé il y a deux jours des traces de charbonnières. Aujourd'hui je foule un joli chemin rectiligne, silencieux, entre hêtres et buis, sans traces de charbonnières. Mon écran me confirme que je suis bien éloignée du serpentin et à ce serpentin, j'y tiens. Je me dispute avec un geai criard, pour m'amuser.


Rectitude de cet ancien chemin


Plusieurs étages de murets





Deux ou trois lacets et près d'un kilomètre plus loin, je parviens en ligne de crête et là, c'est la double rencontre : un point de vue superbe sur la vallée, le viaduc de Rebuzo, la gare, la route, 300 m plus bas. Et surtout je m'aperçois qu'un semblant de chemin aboutit ici. Ce qui met le doute c'est que le point GPS reste éloigné du serpentin sur l'écran. Mais le cadastre est si ancien qu'il est peut être incertain.


Arrivée à la crête



Et vue imprenable


Le viaduc de Rebuzo, l' Aude et la route

La gare

























L'inverse : depuis la gare, la crête (haut gauche)


Pour l'heure je continue mon chemin et je comprends vite que je suis sur le chemin primitif, sa morphologie et sa structure sont explicites. J'en conclus que celui que j'ai emprunté est postérieur et sans doute,  sa déclivité en plan incliné et sa rectitude sont liées à l'évacuation plus aisée soit du bois, du charbon  ou tout simplement des récoltes d' Agajos.

Ce dernier tronçon est le plus beau, creusé parfois dans le roc, il donne sur le versant au soleil, au milieu des chênes. Une ruine de petite bâtisse est construite au bord, j'ai déjà rencontré cela sur d'autres chemins.

Taillé dans le roc

La ruine au bord du chemin




Arrivée aux terres d'Agajos


Et me voici arrivée en terrain plat, le site d' Agajos; un superbe mur longe le chemin; sur ma droite une ruine en pierres qui fut surmontée d'un toit de tuiles. A ma gauche un vaste enclos de pierres atteste d'ancien élevage. Et je me retrouve dans un paysage familier puisque voilà deux ans j'étais venue ici à la recherche du chemin allant à St Martin, mais j'étais bien dans l'erreur. Depuis j'ai bien progressé dans ma stratégie de recherches. Je finis mon parcours à la route de Quirbajou, façon de "terminer mon travail".

La ruine, 687 m



Intérieur "à rénover" 😂😂



Ancien enclos à bestiaux ? 

Détail : épaisseur du mur



Point final 704 m

J'ai hâte de revenir sur mes pas pour aller à la rencontre du serpentin: c'est un jeu d'enfant ! Un magnifique chemin en courbes, pas en zigzags, évoque un parcours de bike ! Les points GPS de mon trajet sont bien éloignés de la trace sur le cadastre, c'est flagrant et rare dans mes recherches.

(Aucune photo car les jeux d'ombre et soleil rendent les images non explicites)

Sa rencontre avec le chemin rectiligne est invisible sur le terrain. Mais à présent, je sais.

Je n'ai pas fini, je garde un petit dessert à ma rando. 

C'est le cadastre qui m'a offert cette friandise : 

En fait il ne s'agit pas vraiment d'un cadastre mais d'un plan de partage qu' Eric Teulière explique fort bien sur une page (clic) de son site et que je lui laisse le soin d'expliquer à un éventuel lecteur intéressé.


Il s'agit d'une série de parcelles en lamelles comme si elles fussent des bandes de jardin, situées le long du "Chemin de St Martin Lys à Quirbajou", celui là même sur lequel je chemine. Alors je quitte le chemin et vais visiter ce curieux parcellaire. Sur le terrain il n'y a aucun vestige, il faut dire que la route et surtout le rail et ses tunnels ont pu modifier le site ; le terrain est en pente, avec quelques terrasses; des chênes y ont poussé mais on devine que le sol fut propre. Nulle trace d'arrivée d'eau, le ravin est très en contrebas donc pas d'irrigation apparente. Quoique, au passage du ravin sur le sentier, une  ébauche de canal semble avoir été taillée dans le roc. A vérifier une prochaine fois...

Le site anciennement cultivé



Et loin d'être plat

Une des dernières parcelles cultivées, pas encore boisée


Au milieu de ces lamelles, un chemin (en rouge ci dessous) traversait en oblique et portait la mention : " Chemin d'exploitation d'un mètre de largeur qui devra être réservé par les coopartageurs" (sic).
Je n'en trouverai pas la moindre trace, malgré la minutie de ma quête. Ni du parcellaire d'ailleurs. Exista t'il seulement sur papier ? Le cadastre actuel n'y présente aucune similitude.
 

En bleu le ravin, en vert la chemin et en rouge le mystérieux chemin

Et c'est griffée, en sueur, mais satisfaite par une riche rando, bien que modeste en apparence, que je rejoins la chatte Nina et Max le camion. Avec en prime, comme toujours, des questions sans réponse...n'est ce pas le sel de la vie ? 

En chiffres

Dénivelé : 350 m

Distance : environ 6 km


Trajet  (quelques points GPS le rendent assez précis)






lundi 28 juillet 2025

Aude : les insolites martinlyssois.

 Traduire "de Saint Martin Lys". C'est une petite commune de l'Aude, traversée par la rivière du même nom, une commune de moyenne montagne. Ses 999 hectares sont quasi toutes en déclivité et boisées mais sous le couvert végétal se cachent les vestiges de la vie agricole d'autrefois aujourd'hui révolue. Et si la population atteint à présent 24 habitants (2022), elle atteignit le pic de 448 en 1896; à cette époque se construisait le chemin de fer de la ligne Quillan Perpignan, Quillan toute proche étant en pleine expansion industrielle, ville "morte" aujourd'hui..


St Martin et l'entrée du Défilé

La commune vécut de l'exploitation forestière, de l'agriculture, du pastoralisme, aujourd'hui, c'est un charmant petit village situé à l'entrée du Défilé de la Pierrelys, qui conquit à jamais mon coeur voilà très longtemps. Son petit cimetière abrite la tombe de l'Abbé Armand, le pionnier de la route qui désenclava le village au 18 eme siècle.


Alors à intervalles, j'y reviens, nourrie des travaux d' Eric Teulière qui a consacré une étude très fouillée à son village et nourrie de ma curiosité personnelle.

Saint Martin la nuit

Justement, partie pour l'Ariège, je stoppai à St Martin et n'en repartis plus pour promener cette curiosité en des lieux parfois "scabreux". Au gré de six insolites balades. Insolites, elles le furent assurément, même si parfois j'utilisai du vrai sentier. En encre sympathique sur la carte puisque invisibles, ces chemins.

Alors je vais conter quelques insolites :

1) Le chemin de la combe de Brouyères : ne le cherchons pas sur une carte, ni même sur le terrain. Il part d'un invisible sentier  (celui de mon précédent article...clic) et s'enfonce dans les bois, rive droite d'une combe obscure où règne un sépulcral silence. Autrefois la combe bruissait car des parcelles cultivées s'y étageaient. Un chemin s'y aventurait aujourd'hui oublié. Par places émerge pourtant un ancien chemin : fut il celui de l'exploitation de la forêt ou l'ancestral chemin reliant le plateau à la vallée ? J'ai des doutes car il se termine brutalement.  Remonter cette combe est tomber soi même dans l'oubli, je crois qu'il faudrait attendre l'ouverture de la chasse si je m'y accidentais, pour me retrouver, plutôt occise. Néammoins la balade fut merveilleuse. A présent, sur mon écran de téléphone je balade avec le cadastre en surimpression, cela permet de cultiver mon imagination. Je connais le secteur des Brouyères, la déclivité du sentier est escarpée mais je ne le termine pas par sécurité, l'ouverture de la chasse est encore loin 😅😅. Qu'y verrai-je ? Quasi rien sinon des murailles calcaires en filigrane. Mais un jour je le terminerai, peut être en partant d'en haut ? 


La combe de Brouyères jusqu'au Col del Fach


En rouge et blanc les points GPS 
Trajet de  400 m de dénivelé pour 3.65 km AR

Le paysage d'en face

Vestige du chemin



Les murailles de Peyro Blanco


Du chemin bien tracé 


au sentier chasseurs droit dans la pente














2) Le terminus du chemin de mon précédent article soit celui désaffecté depuis au moins 2 siècles et demi.

J'avoue que j'ai une chance folle ! Pour terminer ce parcours il n'existait qu'une solution, que la route fut fermée à la circulation. Improbable mais vrai, elle va être fermée pendant 4 nuits pour travaux! La visite tardive s'impose mais il ne me tente guère de parcourir ce chemin à la frontale...brrr..alors, munie de piolet et de cordes, je vais le tenter depuis son terminus. Sur le papier, ce n'est pas compliqué.  Sur le terrain, un ancien essai m'avait découragée. C'est donc piolet en main que j'attaque la rude et acrobatique montée car le chemin ravagé par le ravin n'a même pas l'ombre de son existence. Et je vais grimper, engluée dans les salsepareilles, piolet ancré dans un sol meuble, mains agrippées aux arbres dont certains ne pensent qu'à descendre. Le soir tombe, l' Aude mugit, le reste n'est que silence troué par mes jurons. Un cadavre de poteau électrique me renseigne sur le trajet de la ligne que j'avais perdue, mais je vais buter sur un passage périlleux qui eut nécessité le 2nd piolet, alors je redescends le tout à la corde. Stupéfaction des hommes du chantier qui m'ouvriront la route car je me suis faite enfermer.


Même lieu vu de la route
Le site vu de la voie ferrée
En jaune le chemin à remonter
(je suis parvenue environ à la croix)


L'outillage
Usage en descente

Et sur l'ancien cadastre


3) les vignes de Saint Martin Lys

D'une superficie que j'évalue à une dizaine d'hectares il ne reste rien sur le terrain, une colline en pente attenante au village, mourant sur la muraille de roches. Lieu dit Lillette. Cadastré en éventail, le site ne porte que vestiges de rares murettes plutôt basses, quelques tessons de vaisselle cassée et, en ce moment, de milliers de tiques qui escaladent mon pantalon, par chance cette fois j'ai évité le short ! Les chênes ont colonisé le site, les éboulis dévorent sa périphérie et j'arpente avec la persévérance du géomètre le terrain épineux à plusieurs titres. Qu'y cherchai je ? Rien. Juste l'éventuel départ d'un sentier de chasseurs.

Ancienne carte IGN
En rouge mon trajet approximatif



Le site des vignes : Lillette

Adossé à la falaise


Et sur le cadastre, en forme de triangle ou éventail

Le plus haut mur, tout en haut de la colline


Anciennes parcelles

En périphérie, éboulis


Hauteur (presque) normale des murets de séparation



et de bas en haut

De haut en bas (St Martin)




Saint Martin Lys et son site d'anciennes vignes

Vu d'en haut (depuis la croix)



Vestiges



On lit encore la structure parcellaire


4) La plongée dans le cadastre.

Bien moins périlleuse que mes aventures en sous bois, ce sera dans l'antre de la petite mairie, sous la bienveillance de Mme le Maire que j'ai déjà rencontrée, que je vais fouiller les plans de 1826 et 1854. Un moment extatique même si le premier cadastre est pâli par les ans. Je fais ma moisson de ces terres devenues stériles et de ces chemins dont certains sont une révélation. Y compris la disposition des parcelles. Mais les bords de fleuve sont souvent atypiques. Et de cette plongée dans les affres du temps, je refais surface, émerveillée comme il se doit, et encore plus curieuse.


1854




1826


5) Le chemin des antennes allias le chemin du facteur, voire du Prieur puisque ce nom est cité à Quirbajou, un "étage" (400 m) plus haut et qu'un prieuré existait à St Martin.

Aujourd'hui des antennes surmontent le plateau et la balade est plaisante, j'ai envie de la refaire pour le plaisir mais pas que...

Je découvre à ce chemin une fonction que je n'avais pas vue précédemment : la fabrication du charbon de bois; des plate formes charbonnières jalonnent le parcours qui s'achève sur un site cultivé jadis, Serre de Casteilles. Je continue sur l'ancien chemin d' Axat à Quirbajou et en dessous des antennes je bascule en forêt où de remarquables parcelles furent construites en terrasses autrefois. Dans une pente extrême, travail titanesque ! Avant que de retrouver le chemin de Quirbajou.

Départ de St Martin Lys


Eboulis

Contraste de paysage



Le chemin, 1.5 km de cette morphologie



Anciennes cultures sur le plateau


Le site autrefois (années 60) et aujourd'hui



Chemin d' Axat à Quirbajou (et Belcaire)



Terrasse

Et morphologie normale du terrain














Ce n'est pas un long trajet, environ 6 km AR, en forêt, avec de rares trouées sur les falaises de la rive droite mais qui vont faire scruter mon regard pour lire le paysage qui me fascine sur 600 m de dénivelé. 

Trajet approximatif


C'était surtout le but de la balade, lire attentivement les falaises opposées. Pour quoi faire ? Ah...Ce secteur est un véritable feuilleton à décrypter. 

J'y cherche des traces d'éventuels sentiers mais surtout je lis les impressionnants ravins dont certains servirent de chemin d'évacuation des bois exploités. Parce que ces pentes furent exploitées, bûcheronnées au maximum en des lieux vraiment inaccessibles. Les hommes s'y rendaient, y travaillaient et expédiaient le bois dans l' Aude, soit par gravité, soit par des câbles, soit par la "tira" (chemin de débardage) de St Martin. Et cela exerce une véritable fascination.


Câbles rive gauche (Courtilles)


Utilisation des ravins pour la descente du bois
(J'ai pu le vérifier, mais pas sur ce site))

La Tira de St Martin


 












C'est peut être une histoire dont je parlerai un jour, lorsque je parviendrai à continuer le déchiffrage . Celle de ce défrichage obstiné.

Et puis il y a la balade N° 6, mais ce sera un prochain chapitre: je conclurai mon petit séjour par une rando qui m'a révélé bien des surprises. Cachées sous les arbres, évidemment. Ce sera St Martin / Agajos par Carbounière. Celle ci était programmée depuis longtemps.