Ces roches et moi nous avons un point commun, c'est 3 lettres de notre nom. C'est un signe, pour moi qui suis arrivée ici par hasard. Les 3 lettres suivantes sont une divergence. En catalan, cela signifie muet, alors que je suis une bavarde invétérée ! Mais nous ne sommes pas en Catalogne; c'est l' Aragon et le nom provient d'un mot berbère, Masmuda, du temps de la très lointaine colonisation.
Ce qui me frappe, c'est en ce soir où je grimpe les presque 100 m de dénivelé du village de Pennaroya de Tastavins, où il n'y a pas davantage de vignes que d'eau dans les ravins, c'est la phénoménale couleur rouge de ce flamboyant Masmut.
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En rouge à la tombée du soir (face nord) |
Alors je décide d'y aller, en plein jour.
Et c'est parti pour 10 km de plaisir. Le chemin part du village, les enfants vont à l'école et, au vu des foulards, je ne sais plus si je vais au Masmut ou à la très ancienne Masmuda.
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Pennaroya de Tastavins, le soir |
Rapidement je suis en pleine campagne : une falaise de conglomérats rocheux et d'anciens habitats troglodytes, des cyprès, des terrasses d'oliviers, puis de la garrigue, de la piste en alternance avec du sentier. Cela ne monte pas très fort, seule la température escalade, un groupe d'hommes me rejoint, je marche avec eux, sans trop bavarder, je les écoute, bain linguistique indispensable à ma culture, le catalan y est mâtiné. D'Aragonais.
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Habitat troglodyte (ancien) |
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El Pont Xafat (le pont écrasé) |
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Autour du village |
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Le village s'éloigne |
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Le Masmut se dévoile |
Arrivés à un petit col, nos routes divergent : la masse rougeâtre du Masmut est impressionnante et mon sang ne fait qu'un tour au vu de la forteresse crénelée d'une arête. Il y a un sentier me disent ils, tu peux toujours essayer de monter, mais pour descendre ?? Je leur réponds que je peux sauter ou utiliser ma corde. Mais aussi que je peux "juste aller voir...".
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Face sud |
Et je vais voir. Le sentier grimpe sec dans les plantes aromatiques, chênes verts et cailloux. La falaise se dévoile, juste un morceau...brrr...
Arrivée en haut j'observe et je vois un chemin tracé dans la roche, plus lisse, de couleur différente, le cheminement est évident. Certes, escarpé ! Mains et pieds sont en action, c'est très facile (pour mon petit niveau), mais j'ai la corde si...le sol s'éloigne à grande vitesse, je me retourne c'est impressionnant.
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Il suffit de poser pieds et mains |
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Et encore mains et pieds |
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Et on y est. |
Et me voilà en haut ...de quoi ? du premier étage. A présent, ce n'est plus de l'arête, c'est du plateau ascendant, parsemé de cairns, jongler avec l'arête est un jeu d'enfant ! L'arête est "molle", arrondie, formes courbes, conglomérat poli et lisse, mais sur la dorsale, on a le vide sous les pieds, plus de 150 m. Cela ne m'impressionne guère, je cours même sur le fil, et j'irais bien plus loin, tout au bout de l'éperon, mais je fais une fixation sur mon bâton abandonné tout en bas et que j'aimerais bien avoir. C'est idiot !
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Une arête "molle" |
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Vide abrupt |
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Un des couloirs |
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Le sommet style "chaise percée" |
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Le croisement en bas, d'où je viens |
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Là ou je devrais aller |
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Et où je n'irai pmas...je m'en veux encore, tout ça pour un bâton |
Cela va me priver de l'éperon. J'oublie complètement qu'il y a une autre face, une arête opposée, une façade nord, tout aussi envoûtante. Le groupe d'hommes me regarde depuis le col et me crie "tu vas tomber !!". et moi je m'amuse.
Je décide d'aller chercher mon bâton et de remonter. La descente est aisée jusqu'à un point un peu plus coriace. Je maltraite un genévrier blanchi par les ans, lui mets ma corde au cou et je descends. Là je réalise qu'il fait très chaud . Remonter ? Beuhhh
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La corde au cou du malheureux |
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Mais il ne faillira pas |
Alors je reprends le chemin pour "el mirador" soit le belvédère qui va me raconter l'histoire de cette montagne "muette".
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Depuis le "Mirador" ou belvédère |
C'est bien sûr une histoire de mer peu profonde et chaude qui couvrit le site entre moins 250 et moins 65 Millions d'années. D'une montagne qui s'éleva ensuite, se plissa, s'éroda, se solidifia en rocs compacts et soudés, le poudingue ou conglomérat; classique dans cette région. Et puis, la suite, banale; érosion, émergence de formes dentelées et plissées, fossiles en "décoration". Rien n'y manque. Même pas le dinosaure qui fut exhumé dans les années 90 et dont un splendide musée honore les ossements d'origine (fossilisés) et la représentation grandeur nature de la Bête du Masmut. A voir absolument !
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Fossiles originaux |
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Reconstitution 17 m de long L'original pesait 20 tonnes |
Ce qui me fascine ce sont ces saignées, ces colonnes. Et une sorte d'abri sous roche, à leur base.
Je scrute la falaise, à la recherche d'un chemin et soudain je vois briller un métal dans la roche. J'ai compris ! Un site d'escalade, donc un accès.
Et me voici déjà revenue au petit col ; un cairn discret, à côté du chemin VTT m'invite à m'enfoncer dans les bois à l'écart de tout et je la tiens l'originalité . C'est un sentier bien agencé, qui longe la falaise, traverse l'abri sous roche, témoin d'une ancienne balme pastorale; d'ailleurs dans le secteur les ruines d'un mas se défont doucement alors que la végétation enfouit les murets des terrasses. Mais oui, le Masmut se penchait sur des terres agricoles en gradins. Jusqu'au rio sec. Tout en bas. Le Masmut lâche quatre confidences.
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La ruine |
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Le rio seco tout en bas |
Moi je suis envoûtée, sous la voûte végétale, non par la forêt de chênes verts mais par les replis de cette roche, ces colonnes séparées par des gouffres verticaux d'ombre bleue et rose, où il fait frais, silencieux, austère et où de petits figuiers se cramponnent à la roche dans laquelle coule insidieusement de l'eau.
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Sous bois pas très frais :alzines ou chênes verts |
Je m'enfouis dans une de ces saignées qui savent se transformer en torrents, ou ont su, par le passé : dégueulis de rocs et gravats, roche polie et luisante, oui des torrents liquides ont déboulé ici. Pour l'heure, des pitons de métal luisent sur les murs.
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Abri sous roche |
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Mur de l'abri |
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Abri sous roche |
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Les falaises |
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Un des couloirs |
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Depuis l'intérieur du couloir |
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Petit figuier |
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Ne deviendra pas grand |
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le conglomérat de la roche mis à nu |
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Impressionnantes falaises |
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Depuis l'intérieur du couloir |
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Autre figuier |
La chaleur s'intensifie au sortir de ces gouffres montant au ciel et je vais faire le chemin à l'envers, chaude remontée et descente solitaire jusqu'au village où je vais dégotter la maison de mes rêves : un café restaurant.
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Pennaroya de Tastavins |
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Saint Michel |
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Autre lieu saint |
Mais il est certain que je reviendrai, du Masmut je n'ai vu sans doute que le plus beau mais peut on juger de ce qu'on ne connait pas ?
En chiffres
Distance : 10 km
Dénivelé : 400 m environ
Situation du lieu
Plan large
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En rouge, delta de l'Ebre et le Masmut |
Plan rapproché
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Le Delta de l' Ebre et la situation du Masmut et de Pennaroya en noir |