Au-dessus de Thuès entre Valls se trouve le Roc de Querangle, qui n'est pas au bord du sentier de randonnée, sentier qui relie le village de Canaveilles à Llar devenu hameau.
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Le "banal" Roc de Querangle Mais...surprenant !
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Ce joli sentier en balcon, ancien chemin de communication et d'exploitation, est bordé de murs, de terrasses et possède encore des restes de pavages (calades). Généralement on démarre à Canaveilles (922 m) et, arrivés à Llar, on bifurque vers le chemin des canons pour faire une jolie boucle avec retour sur Canaveilles. Un parcours à thème historique.
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Canaveilles |
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Le chemin proche de Canaveilles |
Aujourd'hui, je ne referai pas ce circuit, je veux aller sur le Roc de Querangle et "explorer" l'ancien site agricole voisin.
Je marche du pas lent de celle qui cherche, qui scrute. Je suis plus curieuse qu'en 2021 apparemment.
Je cherche la vie ! Pas celle du jour, c'est un désert. La vie d'autrefois qui se cache dans les pentes arides et ardues, dans les ravins et au bord du chemin. Je ne suis pas déçue de ce paysage qui se dessine devant mon regard qui sait l'imaginer.
Les environs du village sont "couverts de la tête aux pieds" d'anciennes terrasses; il y a même la trace de source captée et de bassins alors que les plantes meurent de soif à présent.

En bas, il y a la route, l'ancienne "Grande Route de Perpignan à Mont Louis", qui fut romaine, Royale, puis Nationale 116 et est devenue la RD 66. Son histoire est inscrite dans la pierre du Défilé des Graus. Tout ce secteur sous mes yeux, j'en connais la face visible et les trésors cachés. A présent, après un virage serré où la calade a pris la teinte du calcaire blanc, je quitte le sentier pour aller visiter une pente rebutante. Je ne m'aventure guère, j'y cherche un éventuel chemin dont j'ai la certitude qu'il n'a jamais existé, ma certitude est renforcée. C'est glissant, instable, mais de basses murettes me surprennent, car rien ne peut pousser ici. Ont elles un lien avec les galeries de mine logées dans la falaise en contrebas ? En tout cas nulle trace d'un éventuel chemin du minerai mais il est évident qu'il était évacué en descente et non en montée sévère.
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En bas, la route, la voie du Train Jaune et la Têt, tous à l'étroit Sans compter l'ancêtre de la grand'route, la Route Royale |
En bas coule la Têt, un parcours assez rectiligne entre deux pans de montagne escarpés, dont un est féroce, celui sur lequel je suis juchée. Rive gauche.
Féroce car c'est une interminable falaise crevassée, percée de galeries (eau d'une conduite forcée et mines de cuivre), tranchée de ravins effarants, encombrée de blancs éboulis, saupoudrée de chênes verts acharnés à survivre. Une longue bande de falaises hostiles et imprenables. Entre les deux Thuès : les Bains et Entre Valls.
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Le site (envers de la photo précédente) vu d'en bas, on voit la pente qui arrive à pic de la falaise |
Un paysage vertical qui me fascine, me captive, que j'ai fouillé dans des recoins où personne ne s'aventure, où j'ai retrouvé un invraisemblable sentier. Un paysage qui, à postériori, crée en moi une sorte de frayeur captivante.
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Même chose vers Thuès Entre Valls et le roc de Querangles
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Aujourd'hui je veux examiner ce qui se trouve en haut de ces falaises.
La pente entre le sentier et le bord des falaises est énorme, abrupte, au sol délité et croulant, inhospitalière à souhait, je ne tente même pas l'aventure, il me semble que j'y ferais la glissade jusqu'au fleuve, 200 m en contrebas. Sous son couvert végétal, j'y perdrais l'équilibre car je crois que seuls les arbres et les chèvres parviennent à s'y tenir.
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La pente du Roc de Quérangles |
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Thuès les Bains en fond de vallée |
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Un aperçu de la pente |
Et pourtant...plus tard, chez moi, je découvrirai sur une photo des années 60 qu'il s'y loge un ancien site cultivé : inutile de dire que je reviendrai ! Quitte à prendre le piolet...
J'avance sur le sentier creusé, raviné, bordé à ma droite de murets et terrasses, le tout sous le couvert d'arbres. Je ne quitte guère le sentier, je me réserve pour Quérangle. La pente ne cesse de se renforcer, le ravin de Querangle croise le sentier; abrupt. Mais son visage effrayant il l'offre à ceux d'en bas, d'en face, qui roulent sur la route 66 ou marchent sur l'ubac. Il me l'a offert sous ce visage :
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Ravin de Querangle vu d'en bas |
Je m'approche du but : 1235 m, 2.93 km, le cairn discret est toujours là, je quitte la civilisation.
Un jour j'ai emprunté ce petit sentier fonçant dans la pente, à la recherche de l'improbable, un ancien chemin qui descendait directement sur Thuès Entre Valls. J'avais peu de chances de trouver quoi que ce fut dans ce terrain immonde et j'ai réussi, mais les filets protecteurs dont la pente est barrée m'ont arrêtée dans cette équipée.
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L'esquisse de sentier se loge dans ce décor On entrevoit le roc |
Aujourd'hui c'est le Roc de Querangle 1194 m que je brigue et j'y suis : c'est une plate forme de terre suivie d'un rocher de calcaire, tout cela et sa situation de vigie évoque un poste de garde, qui aurait eu le regard loin en amont dans la vallée. Je ne trouve aucun vestige.
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Le Roc de Querangles et l'ouverture des gorges de la Carança |
Que signifie Querangle ? Lluis Basseda (1914/1981, enseignant, archéologue, historien et toponymiste) explique dans son ouvrage de référence : de quer = rocher et angle (latin angulus), angle, coin . Ce roc déjà mentionné en l'an 937 était limite des domaines de Toès, Llar, Canaveilles et Exalada, village disparu, en dessous de Canaveilles, dont il reste les ruines de l'église et du château de Cerola.
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Le Roc de Querangle, 1194 m |
Je ne peux m'arracher à ce roc, à ce panorama fascinant ni à ce petit éperon solitaire, isolé, discret; personne en bas ne peut voir le petit point rose que je suis. J'y prends un petit casse croûte, j'ai besoin d'énergie pour la suite.
Alors je vous invite, lecteurs, à un petit tour d'horizon, avant de partir :
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La haute vallée de la Têt et Llar haut perché |
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Llar (au zoom) |
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Pont Séjourné |
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Thuès Entre Valls |
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Thuès les Bains |
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Site du village déserté de Tres Valls et son église |
A présent décrochons nous du perchoir !
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Dans mon dos la Carança et le Pic Gallinas |
Je tourne le dos au sentier et je file vers les terrasses de Querangle que j'avais effleurées, un site cultivé, de plus de 2 hectares: ce jour c'est visite approfondie. Je comprends vite, au vu de leur étendue, que le fameux chemin que j'avais retrouvé permettait aux Thuésiens de venir travailler leurs parcelles; il fallait de sacrées jambes !!
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En rouge le sentier des Thuèsiens, dans le cercle les cultures |
Que cultivait on ici ? Sans doute des céréales. Il y a trois ou quatre terrasses longues, de bonne terre, soutenues par des murs majestueux. Des arbres y ont poussé, gros, nourris de cette terre généreuse. Dans un mur, une splendide cabane est logée, ronde, intacte, cernée d'une banquette intérieure. Y eut il de l'eau ? Une source ? Une citerne peut être ?
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L'angle du site |
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La prairie d'altitude |
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Les habitants des terrasses |
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Les murs séparant les terrasses |
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Et la cabane ! Logée dans un mur |
L'intérieur de la cabane comporte une banquette en pierre, à ras du sol, faisant le tour de la petite construction : un luxe !
Je fais une autre trouvaille étonnante : une armoire métallique accrochée à un arbre; je l'ouvre et à l'intérieur...d'anciennes prises électriques ! Je me suis souvenue avoir trouvé sur le chemin perdu de Thuès des vestiges de ligne électrique ancienne. Mais que venait faire l'électricité dans ce site cultivé sans maisons ? Je ne saurai jamais et n'en ai aucune idée.
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Cela date ! |
Il manque une trouvaille à mes investigations, je sais qu'obligatoirement il doit y avoir un abri à bétail, un corral ou un cortal. Alors je cherche dans les terrasses supérieures plus arides, rocheuses, envahies de buissons et je le trouve, adossé à des rochers. Il est assez particulier au niveau architecture .
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Intérieur du cortal |
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Un des angles du cortal a une originalité (ci-dessous) |
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Angle extérieur du cortal |
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Le même angle, côté intérieur |
Dès lors je continue ma remontée hors sentier, de terrasse en terrasse et je rejoins le sentier balisé que je vais redescendre doucement jusqu'à Canaveilles où m'attendent Nina, mon vieux camion et un bon repas.
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Le retour vers Canaveilles |
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Torrent de Faget (cascade d'eau chaude) |
En chiffres :
Distance : 7.5 km
Dénivelé positif : environ 350 m
Temps d'investigations : 3 h 03