Episode 1 : la voie directe, le causse et le Caylaret
C'est une montagne modeste qui culmine à 942 m d'altitude, au Roc Blanc. Longue de 25 km, au nord de Montpellier, elle attire par son versant escarpé, qui domine de jolis villages et une tout aussi jolie vallée, celle de la Buèges. Des villages, des châteaux médiévaux, des résurgences, des grottes, un versant exposé au sud et ensoleillé, tout y est fait pour plaire .
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La Séranne vue depuis le Roc de Trascastel |
Elle se présente comme un coup de dent d'une géante mâchoire ayant mordu le Causse du Larzac, ayant broyé des rocs calcaires et ayant fait de petits trous quasi invisibles : les grottes. Les hommes ont fait le reste...domestiqué jadis tout ce qui pouvait être cultivé en vignes et oliviers sur ces pentes austères aujourd'hui couvertes de chênes verts, bûcheronné et fabriqué du charbon de bois, construit des chemins pour rallier le Causse et y conduire les moutons, exploré les cavités et les résurgences, bref une fourmilière que l'on peut deviner en laissant parler son imaginaire et en écoutant le silence de la montagne.
Venue ici en janvier dernier, j'attendais de pouvoir revenir pour parcourir ce versant. Et je n'ai pas lésiné puisque j'y ai marché sur 27 km de délicieux cailloux ! En finissant par jeter mes pieds dans un bain d'eau glacée, avec soulagement. Malgré de bonnes chaussures!
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Ma première expérience ne fit pas dans la dentelle puisque j'attaquai la face de front en un tout droit dans la pente faisant fi de tout chemin.
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Les délices du jour |
Un départ difficile à trouver, un croquis pour tout topo, quelques hésitations puis une sévère montée dans un sentier cairné plein pot dans les rochers. J'ai croisé le dernier signe de vie, un enclos et une mare après 0.7 km d'ancienne olivette, le sentier rocheux en sous bois est efficace, moucheté de soleil et silencieux . Une petite cabane charbonnière à 300 m d'altitude (0.775 km) offre ses murs ruinés et circulaires sur sa noire plate forme. Un peu plus haut, (345 m, 0.9 km) une grande dalle calcaire inclinée et facile ouvre sur du paysage enfin : le Roc du Midi tout blanc et l'invraisemblable pente entre les falaises qui m'attend.
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En rocs ou pas, le sentier |

Dans mon dos c'est la vallée, les maisons, la vie et le roc de Trascastel que j'ai tant aimé gravir et qui paraît moins impressionnant.
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Grande luminosité du jour |
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Le Pic St Loup |
A 383 m, le sentier émerge en pleine lumière, sur les éboulis, les cairns seront mon seul viatique. Cela grimpe très fort et au terme de quelque usure de mollets je parviens au but essentiel, à 523 m : trouver la Grotte de l'Ours.
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Les choses sérieuses commencent |
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Et c'est mon terrain de prédilection |
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Voilà ce que j'aime !! |
Je suis entrée dans les falaises, paysage familier et aimé. Les arbres y sont grands, bien abrités et chauffés au poêle de la roche, mais j'ai beau chercher, pas de grotte : elle y est, le GPS me confirme que j'y suis, rien. Une ouverture haut perchée dans la falaise m'induit en erreur, inatteignable. Je grimpe sur une vire qui semble avoir été taillée par les humains. Rien ...Mon viatique ne me sert pas davantage :
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Source internet; précieux viatique |
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La vire en oblique |
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Ce que j'ai cru être l'entrée |
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Séance d'équilibrisme |
Déçue, je quitte les lieux je reviendrai mieux documentée car il FAUT que je la trouve !
Et j'entame la montée du couloir ; plus aucun cairn, je trouve en revanche au terme d'un couloir austère un abri sous roche portant des vestiges de présence humaine façon 21 eme siècle : un sac, un gril, je laisse un petit mot et je dévale le couloir un peu trop brutalement pour ma peau !
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L'antre de l'ours humain (celui qui a laissé le gril pour cuire le premier humain venu) |
A présent les choses sérieuses commencent : un infini pierrier grimpe vers les falaises sommitales et dévale tout autant vers le bas. On l'appelle le pierrier de la mort mais je l'ignore et je vais le déguster sur 200 m de dénivelé. Je choisis la méthode efficace : sur les rives, les cailloux plus gros servent de marches d'escalier et ça fonctionne. Je maugrée "plus jamais, mais pas le choix, continuer...ne pas redescendre surtout...". Ma seule angoisse est de ne pas trouver la sortie de ce cirque de falaises où plus rien n'indique la présence humaine. Je suis prête à grimper la falaise !!
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L'enfer gris ou mon terrain ou "le pierrier de la mort" vers l'amont |
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Vers l'aval |
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Une idée de la pente |
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Je suis aux rives du coeur de la montagne (vu d'en bas) |
Tout au bout du pierrier, de l' Enfer car les gros cailloux m'ont abandonnée, se trouve un épais bosquet de buissons. Et là je devine une sente . Animale, humaine ? Quelques anciennes coupes de tronçonneuse m'apportent la réponse, il n'y a plus qu'à suivre tout cela et, après une brève escalade en roche, une traversée de chêne vert bien campé sur ses positions j'émerge sur le plateau, émerveillée de m'en être sortie. Toute seule surtout et sans dommage. 721 m d'altitude et 3.55 km seulement . Mais dans ce terrain, ils comptent . Et les 540 m de dénivelé droit dans la pente encore plus .
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Terminus, surtout ne pas redescendre ! On s'enfourate dans le bosquet |
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En suivant les traces ! |
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Et une sortie à taille presque inhumaine : pari gagné |
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Je viens du sud...euh d'en bas, c'est pareil |
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Roc de Trascastel |
Je ne me trouve pas sur un Causse plat et dénudé mais sur un Causse plat et arboré, un fouillis végétal sans sentier ni cairns ni indices. Le petit plan est toujours précieux et, grâce aux sentes animales et au GPS, je parviens à affiner ma trajectoire pour gagner le chemin, une vraie autoroute en comparaison . A présent je peux lâcher la pression, je suis en visite : visite des sous bois fleuris, des tapis de lapiaz crevassés et pâles, des rivières plates, sèches, d'herbe verte, qui se jettent ensuite brutalement du haut des falaises. Impossible de quitter la piste, on ne circule pas dans ces bois peu commodes.
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Le jardin du Causse |
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Lapiaz |
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Piste du Causse |
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Le Trascastel...qui me paraissait si haut en janvier |
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Champ de lapiaz |
Une grande lavogne brune, car il a beaucoup plu sur le secteur, ne parvient pas à m'inviter à la baignade, et toujours ce grand silence du désert. Mais comment puis je me sentir si bien et si heureuse dans ce désert minéral, humain et animal depuis mon départ ? De quel bois ou de quel roc suis je faite ?
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lavogne : abreuvoir |
3.3 km de ce plateau ondulant avec un pied qui hurle de douleur (chaussures neuves ) ; je libère le malheureux et je lui octroie un peu de douceur : herbe, terre, cailloux bien choisis, il me remercie vite sous ce délicieux massage. Accéder à la crête est difficile, circuler sur la crête impossible, mais les points de vue sont superbes et la recherche que j'ose d'une grotte est vraiment trop dangereuse, je renonce, en équilibre instable sur le vide.
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Un des lieux les plus beaux : le village de St Jean de Buèges et le St Loup en fond |
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Enver du décor, à la flèche rouge |
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Sur vide et dans le vent |
J'arrive à une exploitation ovine désertée en cette saison et peu après je vais bifurquer vers la descente musclée vers la vallée.
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Vestige de calade (pavage) |
Cette descente sera un chemin en lacets serrés devenu de randonnée mais en fait une ancienne draille soit chemin d'estive. Ce chemin servait aussi de communication entre la vallée et le Causse; sur le cadastre de 1835 c'est "le chemin de la côte de la Séranne". Sur le plateau il continuait direction Les Natges et St Maurice de Navacelles. Aujourd'hui il fait partie d'un GRP et communique avec le GR 74.
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Le chemin muletier |
Ce chemin garde son ancien tracé enserré souvent dans des murs et pavé encore en certains endroits malgré la dégradation du sol. C'est un monument de beauté par sa facture et son décor; le point de vue sur la vallée, les villages, les falaises, sont aussi une vraie beauté.
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Un des virages |
Malgré la fatigue et la douleur au pied, je progresse en terrain de bonheur. Je rencontre les premiers humains du jour.
Sur ma route se dresse le Roc du Caylaret, un monument calcaire où on peut aller parcourir une longue et étroite vire : je vais y faire une belle découverte, me glisser dans une jolie faille avec auvent et entrevoir une grotte et une arche; j'y suppose un sentier s'y glissant mais j'évite car je sens le secteur dangereux et je ne suis plus assez "fraîche". Ce sont les grottes du Caylaret, bien cachées. Malgré mon regret je joue la sécurité. Une Nina m'attend en bas !
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Roc du Caylaret |
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Son avant poste et le décor |
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La vire du Caylaret |
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Petite cavité étroite dans la falaise |
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Merveilleux décor |
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Créature 21 eme S |
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Créature d'il y a des millions d'années |
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L'arche |

Justement en arrivant en bas, quelque chose change dans les sous bois : des terrasses, des oliviers abandonnés, une cabane logée dans un muret, toute une infrastructure m'invite à un peu de tourisme agricole. La visite ultérieure sur cartes, plans, vues aériennes anciennes et actuelles va me sidérer : ces pentes aujourd'hui recouvertes de bois de chênes verts abritent un immense patrimoine foncier agricole né de la patience, de l'endurance et de l'ingéniosité des paysans, tout était cultivé ici. Si j'écoutais mon vieil instinct paysan, je grimperais ces pentes de murettes en murettes et d'olivettes en olivettes...qui sait si...? Mais oui, bien sûr...voyons !
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D'étage en étage on arrive au pied de la montagne si on a le courage. Et je l'aurai, bientôt |
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Cabane dans le mur |
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Et trois marches d'escalier ! |
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Roc du Caylaret : il a un chapelet de grottes bien cachées |
En bas, les champs sont plus récemment abandonnés, ils se dessinent bien avec leurs hauts murs et leurs arbres encore opulents bien qu'embroussaillés : un olivier "ne meurt jamais". D'ailleurs quelques parcelles sont en voie de réhabilitation et un producteur est au village. Le chemin, quant à lui, enserré entre deux hauts murs, au sol mal commode est magnifique.
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Entre ses murs le chemin ou ancienne draille |
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Réhabilités les anciens oliviers : ouverture sur demain |
Et, au terme de 12.5 km et 4 h de marche , les pieds usés de douleur et le regard enchanté de bonheur, je clôture une rando d'exception.
Fin du1er épisode. Episode suivant : la draille et le Roc du Midi
En chiffres
Distance : 12. 5 km
Dénivelé positif : environ 600 m
Temps de marche : 4 h 05
Le trajet
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Suivre en sens inverse des aiguilles d'une montre |
Ah.. Intéressant cette montée à l'ours ! Je tâcherai de tester cet itinéraire, mais il me semble que je vais réussir à trouver une entaille au bord du plateau pour descendre à la grotte de l'ours et ensuite enchaîner tout du long avec Le Pierrier. À tester, merci !
RépondreSupprimerJean Baptiste, ton projet de descendre à la corde, oublie le. J'ai trouvé la grotte ce sera l'épisode 3, c'est relativement fac ile, je ne dévoilerai pas sur le blog les détails du trajet mais je te les mettrai en MP . L'orifice ovale en falaise est inaccessible, mais la belle et vaste grotte à la portée des humains est merveilleuse. Le pierrier dit "de la mort" sur un site de trail est finalement une expérience fascinante. C'est mon terrain de prédilection , ce que quasi personne n'aime.
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