mercredi 5 mars 2025

Canaveilles (66) : les mystères d'el Fornàs

 Dans mon précédent article, j'écrivais : "Et pourtant...plus tard, chez moi, je découvrirai sur une photo des années 60 qu'il s'y loge un ancien site cultivé : inutile de dire que je reviendrai ! Quitte à prendre le piolet...".

Je ne cessai d'avoir envie de me rendre sur ce site et, en ce dimanche pluvieux, malgré le temps, je décidai de m'y rendre. IL pleut ? Quelle importance. Même ce sera mieux, sur le sol très pentu, mes souliers accrocheront mieux sur la terre !

Je quitte tard ma maison, 66 km de montée rapide en Kangoo et je suis à Canaveilles, 933 m, il est 11h.

Canaveilles sous pluie

Un sac à dos avec 40 m de cordes, pas de piolet (mdr), une lampe, un rouleau de rubalise et un en cas, je prends le sentier, sous la brume et la bruine, en un rien de temps je suis rendue, 1 km plus loin, là où je vais quitter le sentier, m'engouffrer dans la pente, direction "El Fornàs". El Fornàs ? En route, je me suis dit : "un nom pareil signifie le grand four" . Mais alors ? Si au lieu de parcelles cultivées je tombais sur une exploitation de gypse et son ancien four à chaux ? Car le secteur, c'est du gypse, blanc comme sucre et fin comme farine.

A travers bois, je descends prudemment vers le site des 8 terrasses, le GPS guide ma trajectoire oblique et soudain, joie : le premier mur est là...et c'est du schiste, donc pas de four possible.

Le tout premier mur

Je suis ravie, j'imaginais une pente immonde, elle y est, mais barrée par les terrasses et leurs hauts murs. Je vais minutieusement, carnet en main, arpenter et noter. T1...T2....T6...T7...T8...., chacune a sa particularité, des points communs et des différences, je me régale. Les végétaux sont ruisselants, moi aussi, cela m'indiffère. J'en prends plein les yeux.

Vue aérienne années 60 (Source IGN) : en vert le contour du site cultivé



Le site aujourd'hui


Et la 1ere terrasse


J'ai cru à un habitat, ce mur fait angle avec un tout petit ravin



La parcelle du haut (T1)




Les parcelles sont très longues (200 m) et délimitées par d'imposantes murailles,
juste coupées par le petit ravin


Angle au ravin ouest






Une autre facture de murs : petits cailloux


Partie d'une vaste parcelle

Les parcelles sont longues, larges, elles vont de ravin à ravin, coupées par un petit ravin qui voit le jour à la T2 ou T3. Je comprends mieux, autrefois il y avait toujours de l'eau, donc les parcelles étaient irriguées. Et L'inévitable cabane ? Oh la voilà, en T4. Quel bijou, creusée dans le mur, ovale, environ 2.10 m x 1.40 m, haute, parfaite, avec un parterre de cistes cotonneux qui assurent une floraison rose en saison, je suis admirative ! 

Incluse dans le mur


La cabane et son auvent




Porte d'entrée

Mur intérieur et plafond

Côté ouest, le ravin est immensément profond, un gouffre dans le calcaire, adjacent au ravin de Querangle, côté est, il naît en T5 mais se creuse vite dans le calcaire aussi.


Le ravin, vertigineux s'évase vers la vallée, à l'ouest des parcelles


Quant au tout petit entre les parcelles, dès la 5 eme parcelle (T4), il creuse son gouffre, ici c'est la démesure ! 


La 8 eme parcelle (T8) ne finit pas en douceur, elle surplombe la pente boisée par un mur que je vais longer à sa base. Pour descendre de terrasse en terrasse, il suffit de choisir les angles des parcelles, parfois très brutaux car éboulés, mais j'ai le pied sûr.

Angle des parcelles, entamé par le ravin
Le dernier mur avant la pente

Et ce dernier mur va me révéler une surprise de taille ! 

D'abord un chêne né avant les autres, énorme et immense car il n'a pas succédé à une culture. Il trône  sur la photo des années 60, comme un unique individu. Ensuite dans ce dernier mur, une petite ouverture pas plus grande qu'une niche à chien . Même pas s'y tenir accroupie....peut être une arrivée d'eau ? 






Je remonte, j'ai fait le "tour du propriétaire" du 1.4 hectare, je suis trempée, la pluie fine crépite sur les parapluies que sont les chênes verts, le silence est immense, la paix infinie.

Mais ? Mais point de four, évidemment...

A la 7 eme terrasse, j'ai vu un sentier filer bien à plat dans la pente ravinée, je me réserve la sortie par là. Effectivement, il est l'ancien chemin d'accès des parcelles, d'une simplicité enfantine.

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Sitôt quittée la parcelle le schiste cède le pas au gypse blanc sous enveloppe grise : un chemin à plat, quelques murs, des éclats de gypse témoignant d'une exploitation, je poursuis le chemin, en courbe de niveau, c'est un livre de lecture . Paysager, certes, mais pas que ! Des vestiges d'exploitation ancienne sont à ciel ouvert : barres rocheuses tranchées à vif, éclats immaculés. Il ne manque que le four...





Site d'exploitation

et les débris 













Alors, patiemment, étage par étage, dans une pente qui me terrifiait voilà 15 jours et où je me meus avec l'aisance d'un poisson dans l'eau, je ratisse et je scrute. En vain. Un grand four...j'en connais l'aspect et la structure. Se chargeant par le haut, je le cherche donc en aval. Et l'aval, il se termine dans le vide. 



Tiens voilà cette plate forme sur vide, j'y vais ? Je tends 20 m de corde bien ancrée et je descends, rencontrant au passage des vestiges de câbles, de bâti en bois, du vieux pin livide. J'exulte. Je ne lâche rien et surtout pas la corde ! Il y a un éperon rocheux en bas, serait il le terminus du pont aérien ? Je sais qu'en dessous de moi se trouvent les galeries de la mine de cuivre. Et si gypse et cuivre avaient joint leurs destinées pour l'évacuation ?

Au bouquet d'arbres la plate forme sur vide



J'y suis descendue ainsi


Vestiges


Et encore

Près de cette plate forme, une pente insensée, se terminant sans doute en couloir, file vers le bas. Quelque chose m'aimante, je vais voir et je rencontre 4 énormes câbles dont l'un est dévoré par un gros chêne hors d'âge. Les câbles sont rompus en amont, rompus en aval mais la direction de la pente immense est évidente, sans appel. D'ailleurs, un puis un autre cairn m'invitent. Je n'hésite pas mais que c'est raide ! La sagesse me dit "ne continue pas, tu reviendras avec des cordes". 


Coincé depuis longtemps

Ils sont 4 les câbles, et de taille



Un petit tour dans la pente

Oui je reviendrai avec des cordes pour aller rôder dans cette pente


Alors je continue à baguenauder car cette pente me donne non le vertige mais une idée du délice. Il n'y a donc pas que les chênes et les chèvres qui y gardent l'équilibre : moi aussi . Je n'ai rien compris il y a 15 jours : les petits murs sont liés à l'exploitation minérale, ce minéral nommé gypse qui était expédié vers le bas, peut être quand fut désaffecté le grand four ? 

Face à moi, loin, sur la rive d'en face, j'entends les cris de joie des baigneurs que je vois dans les vasques d'eau chaude. Et je les envie alors que je suis trempée et glacée !

Là haut la poussière de neige tombée dans la nuit sur la forêt
Ici tout est blanc de gypse


Vallée de la Têt et rocs de gypse

Enthousiasmée, je le suis, déçue aussi...la pluie a cessé, je suis trempée et gelée, mais pas bredouille oh non.



Canaveilles

Ce qui m'ennuie c'est que mes sorties sont comme un roman feuilleton, je pourrais n'en écrire jamais la fin, il y a toujours un épisode prêt à s'ajouter, au gré d'une minuscule trouvaille, même si ce n'est pas sous...

"Un si grand soleil " !!

D'ailleurs se profile déjà, tout proche, le lieu dit "Caussines", dont la grande pente blanchâtre m'avait évoqué un ancien site avalancheux. Mais non, cela vient du latin "Calx, calcis = chaux". Oh mais il me faut le trouver ce four !

(Et je crois que les photos aériennes en 3D du site Mapy.cz, site tchèque, auront parlé...il n'y a plus qu'à retourner au Fornàs.)

En chiffres

Distance parcourue : 7.5 km

Temps de marche et investigations : 3 h 15

Le trajet et les zones de recherches






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