vendredi 21 septembre 2018

Le désert du Carlit

Après le Carlit par l'arête sud, j'avais sagement décidé de m'offrir une matinée farniente. En compagnie de "La vagabonde" de Colette, où je me retrouve bien. Mais le vrai vagabondage me rattrape à 9 h du matin, bien installée dans ma lecture au lit. Demi heure après je suis sur les sentiers!


Le lac de barrage des Bouillouses et les pics Péric 9 h 44


L'îlot des Bouillouses

Un peu culpabilisée par mon statut exceptionnel de lève tard. Les jambes lourdes s'allègent vite  et je galope vers les lacs du Carlit.



 Mais quelle est donc cette foule bruyante sur les sentiers ? Vais je supporter cela au long du jour ? Virage sec à gauche au niveau de l'étang Sec qui n'a de sec que le nom et l'îlot dont il est flanqué. 

Etang Sec
Direction le plateau avec sa végétation clairsemée, ses collines douces et ses étangs Long et Llat. Qui brillent sous un ciel implacablement bleu au pied du Tossal Colomer.

Quelques uns des lacs du Désert du Carlit", lacs d'origine glaciaire

Sentier direction  le désert

Les touristes aussi brillent, mais par leur absence. Je suis seule et entends le rester . Quelle sauvagerie habite cette Vagabonde !

Mon projet était de stagner au bord du Llat, avec mon cahier et mon crayon.

L'étang Llat

 Ils resteront sagement dans le sac, mes jambes en ont décidé autrement. Et me voilà vagabondant dans le désert. C'est une succession de molles collines, altitude moyenne 2300 m, à la végétation rase, s'élevant vers les pentes du Tossal, du Carlit, de la Coma des Forats et autres Coll Roig. 

Etang Llat et Tossal Colomer : ah si j'avais eu cette vue hier !!

Au fond coule, que dis-je, serpente une rivière née de l'Etang Llat, lui même servi par l'étang Long qui lui aussi reçoit les eaux du Vallel (ou Bailleul). 


Paysage du "Désert"

La petite rivière qui serpente ensuite dans un fond plat de marécages sautille allègrement avant de s'étaler. Je la traverse et à flanc de colline j'avance.



Marécage





Enfin je trouve mon perchoir, un gros roc sur lequel j'ai l'impression d'habiter sur une énorme Spontex tant ça gratte et ça pique . Mousses et lichens habillent les rochers ronds et polis. Entre l'arête/hérisson et les rochers /gratounettes, c'est confortable le Carlit!!



 Je m'en accommode : sur le rocher, les souliers quittent mes pieds, et le cahier mon sac. Je savoure la solitude, le silence et un en cas. Ainsi que le soleil, les couleurs,l'eau, les arbres, les blondeurs automnales. Et mon bien être.

Le Bonheur

Soudain m'arrive le tintement de clochettes, c'est , au loin, un énorme troupeau de moutons, juste là où je voulais aller.  La voix bien timbrée du berger me parvient : est il seul ? sont ils plusieurs ? Il fait tant de tapage...on dirait un régiment !
Je quitte mon perchoir un peu plus tard et entreprends de faire le tour du marécage : riche idée!
Des tourbières, de l'eau, des trous, des rocs, un parcours du combattant, même en prenant de l'altitude. Que d'eau, que d'eau !

Le marécage que je vais contourner pour gagner la colline en fond
Dire que court ici une légende :

 « Étonnés du grand nombre de cavités remplies d'eau qui parsèment le massif de Carlitte, les montagnards en avaient jadis conclu que tous ces lacs étaient les restes non encore évaporés de l'ancienne mer du déluge ; sur l'un des sommets, le puy de Prigue, ils montraient l'emplacement où s'était arrêtée l'arche et où l'anneau d'amarrage avait été scellé16. »

Qui sait ce que je vais rencontrer ici, d'autant que Satan a aussi sa place dans ce coin...Autre légende.
Pour l'heure c'est à la rencontre du troupeau que je vais : soudain -et c'est bien la réalité- cinq molosses m'encerclent; mais bien sûr, les patous et autres. Je connais le mode d'emploi et bientôt, bien que sur la défensive, ils acceptent les caresses. Mais je connais aussi le cahier des charges donc je laisse venir le berger à ma rencontre. Un homme fort sympathique ravi de rencontrer une randonneuse "gentille" (me dira t'il) pour un moment de conversation. Il me raconte son travail, les montagnes comme on ne les voit pas; les montagnes cadastrées, les limites communales, les rivalités entre propriétaires, les refus de certaines communes, un paysage nouveau naît sous ses mots. Il me raconte ses lectures, ses grimpes , ses joies, sa demeure : "Vous avez vu ma yourte ?". Ah...voilà l'explication pour ce qui m'est apparu hier, dissimulé dans le creux d'un vallon. Il y a l'énergie solaire et un héliportage prévu, la yourte va prendre ses quartier d'hiver . Mais l'an prochain, ce berger venu de son natal Lot et Garonne sera là. 



Il m'a dit "Faites vous bergère"
J'aimerais y vivre !



Quand je veux partir : impossible ! le troupeau nous a encerclés et les chiens m'encerclent à leur tour en grognant. Je n'ai d'autre issue que de me faire raccompagner à la sortie. C'est assez marrant.

Amoureuse de ce paysage


Et je reprends mon chemin de Désert. Un vrai pèlerin. Mes chaussures autour du cou et mes pieds nus dans l'herbe douce et l'eau. 



Le marécage et la rivière




L'eau ? Loin de tout regard, je me baigne dans la rivière. Un pêcheur pourrait garder les bords du lac. L'eau est fraîche, sans plus. Vivifiante et douce. Quel régal.




L'air est tiède, avec déjà ce relent d'automne précoce de la montagne. Le berger m'a annoncé l'orage mais il tarde et je m'attarde. Demain je serai dans la moiteur des vignes.
Je m'attarde donc : Etang Llat; je ne cherche pas les restes de la cabane des Frères Aymar. Elle est bien cachée , et j'avais idée qu'elle était ruinée. pas du tout semble t'il.

Etang Llat (petite partie)


Empruntée à Internet : cabane des Frères Aymar

Ah vous ne connaissez pas leur histoire ? 
La  voici : en 1883 les frères Aymar, cerdans, bâtirent une cabane composée de 2 pièces de 3 m x 4 m, un vrai luxe. Faut dire qu'ils  avaient un droit de pêche à la truite sur tous les étangs et que cette pêche se pratiquait au filet et en barque (un radeau).  Ensuite ils amenaient leur pêche dans les villages, à travers la montagne, dans des corbeilles en osier, à pied, il n'y avait pas de route. Ils avaient loué leur concession aux Coll, c'est pourquoi figure sur la cabane "Frères Aymar- Coll". Le tourisme commençant à se développer ils s'instaurèrent guides et hébergèrent des randonneurs dans leur cabane. Tout n'était pas rose cependant : une sombre histoire de meurtre entacha leur famille et conduisit leur père au bagne de Cayenne pendant 30 ans.
La cabane sert de refuge aux randonneurs à moins qu'elle ne soit redevenue ruine. Il paraît que son toit est renforcé avec des rails du petit train jaune ! A moins que ces rails aient eu un autre usage, peut être faire glisser le radeau ! Ce serait plus vraisemblable....

Donc un jour j'irai voir cette cabane. Non loin, un abri métallique, construit pour les pêcheurs , gît au sol, aplati comme sous un rouleau compresseur; j'imagine que ce coin doit être violent. Ah ...oui...le Diable ? Ou le vent, ou la neige, ou les deux réunis.

Un abri qui fut moderne

En attendant je pousse jusqu'à l'Etang Long, envahi par les herbes avant de rentrer. Il devrait faire de l'orage m'a dit le pêcheur...Et puis je suis si bien dans ma solitude dans  ce paysage austère et doux à la fois que je ne sais m'en arracher. 

Etang long repeint en vert

Etang Long adossé aux montagnes, en fond, arrière plan,le Carlit

Je me résous enfin à rallier le vrai sentier, celui de la boucle des lacs, celui là même que j'ai fui ce matin. Et à retrouver la civilisation, déjà discrète en cette heure.



Le Vivers, en partie repeint en  brun


Comme j'ai été bien inspirée ce matin! 


Les Péric 14 h 46

9 commentaires:

  1. Un super reportage, une superbe découverte pour moi Merci

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci à vous pour "m'avoir accompagnée là bas par la lecture"

      Supprimer
  2. Quelle magnifique « balade »!
    Vos photos sont dignes des plus beaux reportages d’Ushuaïa
    Mais si!
    Mes photos préférées sont celles des marécages...époustouflantes de beauté avec ses « lignes » d’arbustes, sa végétation, ces roches posées de-ci de-là par le hasard mais de façon tellement harmonieuse qu’elle en devient douteuse... et puis cette rivière majestueusement sinueuse qui coule tantôt calmement tantôt un peu folle
    Bravo et merci!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'espère un jour que vous pourrez aller le découvrir par vous même, je pense que vous serez conquis par ces grands espaces que j'ai surnommés "la pampa". Voyez vous toutes les montagnes autour je les ai gravies dans l'allégresse et ce petit coin discret à leur pied, comme un tapis de haute laine un peu bouclé par endroits m'a fait davantage rêver. Pampa, Mongolie, on peut tout imaginer...L'âme féminine a de ces détours...comme cette rivière.

      Supprimer
  3. Un désert ou l’eau court dans tous les sens, un sol marécageux, une végétation vivace, ce n’est pas commun pour un désert, c’est ce qui fait le charme de celui-ci. Belle rencontre avec le berger et sa yourte, c’est dépaysant. Sur la photo de l’etang Long se dessine une tête sur la roche en premier plan. Belles photos comme d’habiture, un régal de te lire.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Le connaissez vous ce Désert enfin ce côté ouest? A découvrir même par tempête et surtout peut être ! De pluie et de vent, pas de neige car on peut y périr !!

      Supprimer
    2. Oui, Amédine nous le connaissons, nous l’avons parcouru il y a quelques années. L’appelation Désert nous avait surpris, mais c’est plaisant d’être surpris.

      Supprimer
  4. Un bien beau désert, finalement pas si désertique que cela.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. deux humains, des ovins et de l'eau : donc pas un désert

      Supprimer

Votre commentaire: