vendredi 18 mars 2022

Trésors d'Ambulla par Corneilla (de Conflent)-66-

 Depuis quelques jours le temps est exécrable. Certes je me repose;  je fais travailler les  neurones, écriture devant le feu. Mais je piaffe. Alors, broyer du gris en bas ou en haut, je choisis en haut, soit vers 800 m d'altitude. J'ai envie de retourner à Ambullá, cette fois par Corneilla. Le but est d'aller à la rencontre des mines de talc, d'un dolmen, voire des quelques bergeries. Et d'errer sur le plateau, traduisons "avaler du kilomètre". Mais pas seulement....Naviguer dans la brume, m'envelopper dans un autre monde .

Le site majeur du jour.


Partie à la journée, c'est aussi gris en haut qu'en bas; le entrées maritimes ont comme moi envie de dévorer de la montagne. Et la montagne se laisse avaler. 

55 km de route, je pose mon camion à Corneilla, charmant village doté d'une église romane, un prieuré qui fut attenant au palais des Comtes de Cerdagne- Conflent au X eme S. Beau patrimoine que j'effleure du regard.-

Mon sentier part du prieuré, en un remarquable chemin qui sur l'ancien cadastre va rejoindre Sirach. Ensuite le sentier va louvoyer près du chemin, lequel est plutôt désaffecté mais dut être beau, enserré entre des murs et pavé par places. Il y a quelques beaux restes.

L'ancien chemin


Pavage de l'ancien chemin


Le chemin plonge, franchit la Rivière de Fillols, à 550 m et remonte brutalement, enclos entre des murs effondrés. 

Chemin de terre


Chemin d'eau













Puis le sentier le relaie, au milieu des friches. Ce matin mouillé sent bon le végétal, entre bois et friches. Pas une culture, tout est abandonné. Il y a 200 ans tout était cultivé, vignes, champs, supplantés aujourd'hui par des bois où je sais lire le passé. 

Voyez ce site : un petit ruisseau a été aménagé en terrasses. Beaux murs, je fouille le site des yeux, je sens qu'il va me raconter une histoire; un mur différent m'invite, c'est un orri ruiné. A ses pieds, des cercles concentriques en métal signifient qu'il y eut de la vigne et qu'un fût perdit la vie ici. Juste au-dessus deux tonneaux en métal gisent au sol, ils me disent qu'il doit y avoir une source et je trouve un bassin de captage. Oui la montagne sait me raconter sa vie.

Cultures dans le lit du ruisseau


De beaux murs entourant une parcelle




Vestige viticole



Vestige de bassin

Eaux de pluie ? Du ruisseau ?


En dessous du sentier il y a un petit bâti en pierres nanti d'un bassin : donc il y avait des vignes. Ou des jardins.




Je continue et rencontre un petit orri (680 m, 1.3km) solitaire posé comme une cerise sur un gâteau. Il prend appui sur un gros rocher qui lui servit de base. D'où sa position au centre du terrain. Sur cette lande où pousse un curieux champ de cistes, je trouve des cailloux très lourds, les anciennes mines de fer sont proches sans doute. 

Oeil de pluie

Le sentier dans la friche



Un joli orri


Tout me raconte une histoire ce matin; parce que la brume qui rôde et l'atmosphère ouatée invitent à la confidence ? Parce que le silence et la solitude me mettent en osmose avec le terrain ? Ou juste parce que j'avais envie d'ici ?


Plus loin, des terres ont brûlé, brûlis de bergers ? ça sent mauvais. Dommage.




Je retrouve le chemin ancien, il se partage en deux branches : Fillols ou Sirach. Ambullá c'est vers Sirach, donc marchons dans le brûlis malodorant.. Tout est nouveau ici, pour moi. Le paysage s'ouvre légèrement, mais la brume enrobe tout, c'est beau. Avec des perles d'eau pendues aux végétaux comme guirlandes.

Soudain un mur assez bas se profile dans la pente, une bergerie (745 m, 2.1 km) sans doute. Un peu étonnante cette rangée de meurtrières. 








Mini ouverture

A présent, je bifurque vers la droite, je quitte l'axe du chemin car un dolmen repose sur une vaste étendue nommée Serrat d'en Perot. Il est au point culminant, 794 m et sitôt sur le plateau, la brume s'étale, avale le paysage, le prive de contours, de lointains, d'horizon et comme  dans un joli "sfumato", l'enferme dans une ouate épaisse et mouvante. Je me sens bien dans cet univers cotonneux, m'isolant du monde, me projetant l'espace de quelques heures loin des tristesses "d'en bas". Ici je me sens à la naissance du Monde, ce Monde devenu fou quelque part à l'Est, si proche, si violent, si irrationnel. Démentiel.



Chemin de vers

C'est un temps de respiration. C'est un temps suspendu. Sur un plateau désert et nu, ou un rare pin décharné, massacré, se noie dans la poussière d'eau.

Le dolmen est magnifique(794 m, 3.14 km)  il est trop vieux pour que je comprenne son langage. Sur cette étendue nue et stérile, il y a 200 ans, le parcellaire était extrêmement morcelé, mais pas diversifié : "terres"...ce qui veut dire, peut être céréales. Aujourd'hui, les parcelles sont aussi improductives que vastes. Ce sont des pâtures d'été.


Le dolmen du point culminant : 794 m

Habillage du dolmen

Chemin, Serrat d'en Perot


Plus loin je retrouve le chemin, les bois, les épierrages, paysage familier sur un site nouveau. 

Déco sous bois


Nouveau va être ce "Point de vue del Sarrat" (768 m, 4.22 km) sur lequel je me rue . Je ne vois rien. Ni Villefranche, ni les vallées, ni Fort Libéria, tout est dévoré par la ouate, mais Monsieur Coton consent à s'effilocher. 

Un morceau de Villefranche, une bribe de vallée, une esquisse de sommets et soudain, devant mon regard ahuri, ce qui restera la stupéfaction mi admirative mi horrifiée du jour, entre les lignes de la portée musicale de la haute tension, des terrasses suspendues au dessus du vide, de l'à pic, étroites, serrées, émaillées d'orris. Je n'ai jamais rien vu d'aussi vertical, d'aussi risqué et...d'aussi sinistre. Mais Grands Dieux, comment pouvait on travailler ce site ? Et l'avoir construit! Pourtant, que ce devais être beau...Captivant et inquiétant, je les nomme aussitôt "Les vignes du Vertige".

Villefranche



Avec brume



Et sans brume : le site des vignes



En zoomant. Villefranche en bas





Plus qu'escarpé !



Divers orris dans le site




Etroites et empilées


Superposition d'époques

Elles me répulsent, elles m'attirent. Je vais donc aller voir. Facile à repérer, le site, avec la ligne à haute tension. Un sentier de chasseurs descend, que dis je ? plonge vers le site. Je m'y jette, ça glisse, ça me fait peur, pour une fois je rebrousserai chemin, je dois apprivoiser l'idée, je reviendrai. Ce sera difficile, très escarpé, car je fausserai compagnie au sentier pour visiter les terrasses et les nombreux orris, je m'accrocherai mais je ne peux quitter la vie sans voir cette merveille que mon imaginaire recréera tel qu'en ce 19 eme Siècle. Je crois que je serai subjuguée. Non mais, créer des terrasses en ce site, dépasse l'entendement d'un humain actuel. Le mien en tout cas. Le Conflent était couvert de vignes de bas en haut et pas que pour la consommation locale. Monnaie d'échange avec la Cerdagne, échanges vin/céréales pour la farine.


Les Vignes du Vertige

Je reviens sur le plateau et m'avance vers un autre site surprenant : une immense carrière de talc qui a tranché la colline. Un document  dit ceci :

 "Le gisement de talc du plateau d'Ambulla, au Nord du village de Corneilla de Conflent, a été extrait par galerie souterraine, puis à ciel ouvert. L'approfondissement des couches a entraîné l'abandon de ce site vers 1970. Ce talc était alors utilisé dans la céramique industrielle, eu égard à sa grande pureté". 


La carrière de talc


Les roches sont douces, lisses au doigts, un vrai velours soyeux. Mes mains deviennent blanches, elles aiment ce contact. Les poumons des ouvriers devaient moins aimer.


Textures et grains 

Une grotte, dans la carrière, vieille de près de 500 MA a révélé aux chercheurs des ossements d'animaux tels que la panthère, l'ours, et le loup de Mosbach, espèce éteinte ainsi que d'autres restes d'animaux plus petits, exhumés en 2015. Identiques à ceux de la Caune de l'Arago qui lui est contemporaine. J'ai failli descendre dans cette vaste tranchée où je vois une grotte, mais c'est trop sinistre. je me contenterai, en guise de restes, de ceux d'un sanglier en putréfaction. Brr.

J'entre dans le domaine connu de ma précédente balade, marcher sur le plateau (710 m), longuement, entre les friches et les cèdres, entre murettes et chênes. Je ne m'aventure pas à cause des clôtures. Je longe sagement le chemin boueux creusé d'ornières récentes. Au 8 eme km de ma marche, je fais demi tour, le plateau perd son charme, enfoncé dans les bois : aujourd'hui il n'y a ni ciel, ni contours, ni montagnes, ni Canigou. Il serait pourtant face à moi pendant mon repas...Aucune nostalgie, j'aime ce blanc cocon. Enormément peuplé d'oiseaux, ils signent l'éveil du printemps, des pépiements joyeux aux cris affreux des geais, mais ça fait vivre le grand silence. 

Sur le plateau

Repas rapide entre les bornes concentrées en ce site où je n'en vois pas la raison. Une source peut être ?

Casse croûte : enfin ! je ne vois pas le temps passer
                                                                                         
Champ de bornes


A présent je reviens sur mes pas et je remonte au joli belvédère de l'autre jour, juste pour suivre au plus près cette dentelle de crocs qui mordent la montagne et n'invitent à aucune descente. Il en existait une autrefois, mais j'ai mal évalué. A présent je sais. Cette crête est vertigineuse (794 m) : sur le plateau c'est un champ de pierres couvert de végétation, où l'on peut voir un ou autre muret. Mais la chute sur le vide est brutale et vertigineuse, faut pas glisser ! Bon c'est presque tout boisé.

A présent je sais : il est dans cette pente l'ancien chemin, jusqu'en bas ! Oups...

En déambulant sur la crête

On ne s'en lasse pas


C'est bouché jusque là haut

J'entame le chemin du retour, ce sera vraiment retour sur mes pas sauf que je vais prendre le sentier et non le plateau. 

Cèdre


Un peu de couleur dans l'austèrité

Toujours dans la brume


C'est là que je vais faire une nouvelle trouvaille et pas des moindres. Un mur coloré et bas ne paie pas de mine sinon par la texture très rouge de ses pierres. Je m'approche et je découvre une source captée, bien à l'abri sous sa voûte de pierres en corbeille. Cela pue l'animal sauvage et l'eau est très verte, joli contraste; les ronces recouvrent tout, évidemment, avec de l'eau. De l'eau ici ? Le petit bâtiment enfoncé dans la végétation a en son coeur un massif pilier rouge et un chêne centenaire..quoique...il peut s'abreuver à souhait, lui.


Vu de l'extérieur


La source captée

Une construction très étudiée

J'investis la ruine et dans la petite meurtrière je vois passer le premier humain du jour, une femme emmitouflée qui marche sans rien regarder, comme une classique marcheuse. Je fais grand silence.

Intérieur




Un très vieil arbre



Ouverture dans le mur épais

Je pense toujours "bergerie", ce sont les cartes qui me diront "tuilerie" (765 m). Pourtant je l'avais lu, mais oublié. Dommage j'aurais davantage scruté. Déjà mentionnée sur la carte de Cassini (1755).



Le chemin de retour, je vais le consacrer à observer l'ancien chemin, beau, comme les chemins l'étaient autrefois, enclos de murs, protégés, endigués.


A mon avis, un autre dolmen; il repose sur un gros roc

L'ancien chemin


Les cloches de Corneilla sonnent dans la grisaille et ce sera -encore- un chat qui m'accueillera, curieux et craintif comme ils savent l'être. Les premières gouttes d'une pluie fine et océane m'accueillent au terme d'une rando cadeau dans un lieu où beaucoup n'auraient pas vu ces petits trésors désuets . Il manque juste un petit quelque chose à ma rando : 500 m. Je voulais faire 16 km et mon compteur affiche 15.5 km. Oh...non je n'ai pas envie de tourner sur le parking sous la pluie !




En chiffres 

Distance : 15.5 km

Dénivelé cumulé: environ 450 m

Belles "trouvailles" : 10 sans compter le chat

La route : 110 km AR

Le trajet en bleu
Les lieux remarquables en rouge




12 commentaires:

  1. Merçi beaucoup, c'est très interessant,bravo,

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Lison, après avoir vu votre rando précédente sur le plateau j étais prêt à vous écrire car il il avait ⁸plusieurs choses à voir ,dont la réserve d eau de la redoute "la font de la perdiu" à coté du fortin, le point de vu au dessus de Villefranche,le dolmen et les pierres gravées .Il y à aussi un accès au plateau depuis Sirach soit par la piste où sentier direct ou encore par le canal de Bohême jusqu au pont aqueduc et ensuite un petit canal sec ou encore par une mine de manganèse perdue dans la végétation. Au passage une maison abandonnée avec meubles et objets divers son nom me semble t il" Mollere" Bonne continuation.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour vos renseignements. Alors la fontaine de la perdiu, je n'ai pas su la voir même si on m'en a parlé. J'ai cru que c'était cette grande grotte mais erreur. faudra que je la trouve...Les pierres gravées...ah je ne savais pas. je sais qu'on peut y accéder depuis Sirach sur ce plateau et dans le vallon côté Mollères se trouve un canal abandonné semble t'il que j'irai voir un jour. Il y en a des choses à voir dans ces moyennes montagnes, elles sont riches de vestiges. La mine de manganèse aussi j'aimerais lui dire bonjour. Mais tout cela fera l'objet de visites prochaine ou plus tardives. La balade du Canal de Bohère doit être super plaisante. Aurais-je assez de la vie qui me reste ? Car je ne suis pas sur place. Merci Alonso pour ces renseignements

      Supprimer
  3. de beaux orris (plutôt cabanes) dans le secteur que vous avez encadré sous la ligne haute tension , 6 au total dont 3 qu'il me reste à visiter
    je voulais vous mettre la photo du plus beau cylindrique qu'on ne voit pas du point de vue mais je ne sais pas faire merci pour vos voyages

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je vais très prochainement visiter le site en détails, j'attends que le temps soit au beau pour la qualité de photo et les contrastes, lumières etc car ce n'est pas un site qu'on va visiter tous les jours. Je retiens le chiffre 6. J'espère trouver votre orri cylindrique il ne doit pas être banal. A bientôt et merci de me suivre

      Supprimer
  4. le cylindrique se voit d'un peu plus haut, il est tout à côté d'un pylône bois EDF, le 4ème je crois en partant du pla herbeux en haut

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je pense que je le trouverai car je compte "éplucher " le site. mais je serai nantie de ce précieux renseignement. Merci

      Supprimer
    2. je crois que je l'ai sur une photo, en zoomant j'ai un pylône en bois et semble t'il, proche, un orri cylindrique

      Supprimer
  5. On le distingue bien sur l'orthophoto d'IGN mais je te donne les coordonnées
    42,58413 N
    2,37457 E

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je l'ai trouvé, mes coordonnées sont 42.35048 et 2.22481. Il est splendide

      Supprimer

Votre commentaire: