lundi 15 août 2022

Aubrac (48) : " Je reviens dans cinq semaines"

 Pour parler de l'Aubrac, sans doute faut il être enfant du pays comme l'auteur de "Je reviens dans cinq minutes", dont le livre est toujours dans ma voiture; je m'en imprègne si je dois attendre ...plus de 5 mn dans un embouteillage, par exemple. Il est à savourer de toutes façon, n'importe où et un embouteillage laisse presque une frustration quand il s'achève. On est en Aubrac où qu'on se trouve, cet Aubrac profond et haut à la fois (plus de 1100 m), cet Aubrac où je suis allée à la rencontre non du livre mais de quelques images en mes souvenirs. 




Cet Aubrac où je retournerai dès que possible parce que je n'ai fait que l'effleurer mais qu'il m'a prise aux tripes. Comme il l'avait fait par le passé.

L'Aubrac du grand plateau ondoyant vers l'infini entre murettes de roches grises, barbelés entremêlés, chemins de terre fuyant vers un horizon sans fin, burons comme d'immenses rochers, amas de rocs granitiques, lacs d'altitude qui sont d'anciens lacs glaciaires, tourbières, vestiges épars de forêts de hêtres, et le basalte témoin du volcanisme.












Même route, 8 août 2010




Des vaches alanguies par la canicule vous regardent passer ou cherchent l'ombre rare d'un gros rocher, des marcheurs d'un pas mécanique arpentent le plateau où la petite D52 coïncide avec le GR670, le chemin d'Urbain V, (1310 1388), devenu pape en 1362,  né près de la Canourgue, Lozère. Un hommage lui a été rendu par le biais d'un chemin de randonnée, allant de Nasbinals à Avignon, sur lequel je vais rouler un moment sans le savoir.

Mais de cette petite route je vais garder un souvenir ébloui; je n'ai fait qu'esquisser une approche de l'Aubrac. En 2010 j'avais ainsi parcouru des km de piste de terre au pays des burons du Cantal qui me laissa un souvenir impérissable. Et, au retour, j'avais caressé des yeux et des roues, l'Aubrac Lozérien.



Buron


Pont des Nègres : 
les "negras" sont les truites fario qui, ici, prennent
une teinte foncée en raison du basalte

Cet été d'immense canicule et sécheresse, je vois se redessiner l'Espagne que j'ai rencontrée en 1975, province de Huesca et qui m'imprégna à vie de sa beauté aride, désolée et sauvage. Je me sentis irrémédiablement issue de cette terre là et ici, en Aubrac, sous l'ombre rare et le soleil ardent, dans ces champs roux bordés de murs gris, sur ces chemins de terre à l'infini, sous ce ciel bleu où courent quelques blancs vaisseaux, je me sens née de cette terre là. 


Quand j'ai envie de revenir quelque part en hiver, au plus froid de la saison, sous la pluie, la tempête, la neige et le brouillard, où je me vois marcher enveloppée d'une grande cape, luttant contre les éléments, c'est un signe.

 Ici je vois les tourments de l'hiver, les vents que rien ne stoppe et les tourbillons de neige qui aveuglent se superposer à cet été brûlant sur cette route que je parcours lentement, que je savoure, où je fais la pause dans un de ces lacs glaciaires qui émaillent le plateau, où je tombe toute habillée dans un ruisseau qui serpente au milieu des tourbières où j'allai frotter mes semelles, où je me glisse dans les entrailles noires et basaltiques de la fine cascade Duroc dont le saut élégant  semble se jeter depuis le bleu du ciel. Il y a beaucoup de touristes dans cet antre sombre et presque frais, glissant à souhait, mais... qui passe sous la cascade et ressort trempée, qui s'en va hors sentier et accède au plateau par un chemin escarpé d'escalade entre roches et goulets étroits, et qui se sèche voluptueusement en marchant sous le soleil aride et le vent léger ? C'est aussi cela s'imprégner de l'Aubrac, celui qui ne nous appartient pas, pas d'avantage qu'aux touristes mais qu'on s'approprie un peu plus parce qu'on lui offre de sa personne, parce qu'il nous colle un peu plus qu'aux autres à la peau.

Cascade Duroc vue d'en haut

Intérieur de la caverne



Tombée du ciel


Sous la cascade


Grimpette en basalte


Oui de l'eau il y en a contrairement à "mon" Espagne désertique : lacs glaciaires, ruisseaux de tourbières, des perles bleues dans un océan de roux.

Lac de Saint Andéol


Un des nombreux ruisseaux serpentant dans les tourbières


Ici, j'emprunte un chemin de terre, sans savoir où il va, si je pourrai y faire demi tour ou si la longue marche arrière s'imposera. Peu m'importe, l'appel du grand large est bien présent.

Vers l'aventure






L'Aubrac sans les burons ne serait pas l'Aubrac, petites ou grandes demeures de pierre coiffées de lauzes, bâtiments d'altitude pour les bergers et la fabrication des fromages. A présent certains sont reconvertis au tourisme.









Lorsqu' arrivent les bouquets de hêtre épars et épais, c'est le visage de l'Aubrac qui change un peu, qui s'adoucit, des collines plus moelleuses, des coussins de verdure, une nouvelle page se dessine dans la chaleur épaisse de ce jour d'août.




8 août 2010




Hêtres et buron


L'Aubrac se pointille de vert, le ciel s'habille de lents voyageurs, la vallée du Tarn m'attend pour de nouvelles aventures, voyager laisse peu le temps de se poser, mais voyager ne laisse pas place aux regrets, on se dit déjà "je reviendrai".




Bien sûr j'ai savouré l'aligot avec une bonne viande d'Aubrac, peut être pas au meilleur endroit, mais à présent, je sais.

Aumont Aubrac

Bien sûr, je ne me suis jamais autant "vautrée" dans l'eau qu'en Aubrac.

Euh...faut les ignorer et passer à côté !


Bien sûr, je ne me suis jamais autant glissée sous des barbelés qu'en ces quelques heures d' Aubrac, pour aller au plus près de cette terre et de cette eau.




Bien sûr je l'ai quitté à regret dans une plongée phénoménale jusqu'à la vallée du Lot, 700m de dénivelé comme un vertige en ayant choisi le chemin des "écoliers", même pas numéroté sur une carte, mais il est une évidence: Aubrac, je reviendrai, dans cinq semaines ou plus mais j'irai explorer ta voie romaine, patauger dans tes tourbières, plonger dans d'autres lacs, au moins y plonger le regard, me frotter à ta rudesse et peut être aussi rôder dans ces petits villages dont le fameux "Je reviens dans cinq minutes" nous met l'eau à la bouche.

Descente sur la vallée du Lot


A Jean Paul Pelras



15 commentaires:

  1. magnifique texte, magnifique chant d'amour à la terre

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    1. Merci, si j'ai fait passer mon ressenti, et bien...c'est qu'il n'y a pas que ma plume qui a parlé...

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  2. Que c'est beau ce que tu écris ! Je me suis régalé même si ce désert ne m'attire pas vraiment. Merci pour ce magnifique texte et bien sûr, tes jolies photos. Guy V.

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    1. Oui j'ai écrit ça d'un seul jet hier soir parce que je le portais en moi depuis ...tant d'années je crois. Bises de Amé

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  3. Magnifique à couper le souffle par tant de beauté. Merci beaucoup pour ce partage bonne soirée👍🙋‍♀️

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    1. Merci, dommage aucune indication pour ce chaleureux anonymat

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  4. Toujours autant de plaisir à te lire
    Bisous

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  5. Quel style ! C'est un bonheur de te lire, on part avec toi dans ces contrées qui ont tout de la steppe, où le regard se perd au loin, dans cet été écrasé de chaleur. Une déclaration d'amour pour ce Pays rude qui chante dans le coeur de Jean-Paul.

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    1. Ton commentaire me touche particulièrement tu nous connais tous les deux, on ne s'est jamais rencontrés , je ne connais pas Jean Paul mais qu'est ce que je me sens proche de ces amitiés nées sur un réseau social. bises

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  6. Terre de mystères, brûlante en été et si rude en hiver, si attirante et dépaysante à la fois mais aux éléments bien vivants (l'eau, l'air, le vent, la neige !). Tu as bien conté tous ces aspects si typiques de la région (et sa cuisine aussi, roborative à souhaits !) Encore une fois.... merci "Lison" !! P.D.S.

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    1. Si tout va bien, si le temps me le permet, je repartirai en Aubrac pour mieux le conter à mon retour. A moins qu'il ne soit un de ces pays dont on ne revient jamais ? Mais oui, car le mien de pays il est beau aussi et j'ai encore envie de le conter. Je n'en ai pas fait le tour, et je n'ai pas envie d'en faire le tour, car écrire le mot Fin serait trop triste.

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    2. Il y a tant de contrées si belles et si attachantes qu'on n'a jamais fait le tour de leurs mystères, leurs secrets, leurs légendes réelles ou imaginaires ! Mes trésors à moi se cachent quelque part en terres cathares ariégeoises ! :)

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    3. Aux confins des terres ariégeoises, en limite 66/09, quelque part près de la Porteille d'Orlu, se trouve un site qui m'inspira une légende ; immédiatement en lisant ce commentaire, ce texte inventé de toutes pièces avec les morceaux épars que je découvris en se site secret, caché et captivant, me revient en mémoire donc je te l'offre, toi l'amoureux des beaux mots et des phrases, tu devrais y trouver un certain charme, si je ne suis pas trop prétentieuse. Il date d'aout 2016.
      https://balades-lison.blogspot.com/2016/08/le-diable-qui-se-voulait-ecrivain.html

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    4. merci ! lu avec grand plaisir et.... commenté !

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