mardi 17 octobre 2023

Py (66) : non invitation au voyage


 Vous, lecteurs, qui me suivez depuis longtemps ou non, virtuellement sur mes balades, rarement sur le terrain, je ne vous invite surtout pas à aller sur mon chemin de ce dimanche 15 octobre, parce qu'il n'est pas balisé, presque pas emprunté, pas très lisible sur le sol et parce qu'il est si beau que je ne veux pas le partager ! On m'a récemment traitée de grosse égocentrique et bien je le serai, mais comme je ne suis pas tout à fait égoïste, je vais vous le présenter.

Cela se passe à Py, dont j'ai fait un de mes sites de prédilection depuis quelques mois, par ci, par là. J'y regarde monter l'automne comme jadis le printemps en Ariège ou dans le Larzac. L'automne c'est joli aussi; sera t'il beau cette année, où la sécheresse est dramatique même ici, même à 1500 m? 



La Rotja est peu fournie en eau et ses affluents également. La campagne s'est desséchée pendant mes 15 jours d'absence.

Partie tôt, je suis mon chemin habituel, embaumant l'herbe sèche, voici Cantapoc et sa source non tarie, les ruines un peu plus visibles car les arbres un peu plus nus, et enfin j'arrive au départ de ce nouveau chemin, après une visite de 5 ruines que j'avais ignorées, leurs terrasses et même j'ai poussé jusqu'au torrent et la confluence de son affluent, le Salètes.


Du côté de la passerelle des Salettes, juste en dessous du chemin





Belle façade grimaçante


Une série de prairies encore fréquentées

Le Salettes

Le départ de ce sentier (1254 m, 4.5 km) marqué sur la carte IGN est un point rouge sur un arbre : je cherche donc les autres points et il n'y en a point. Je dégaine alors l'arme dont je fais très peu usage : le GPS. J'aime mieux mon flair, la logique du terrain, les marques lisibles mais là, le départ est essentiel, et même si je sais lire la carte en 3D, sans lui je n'y serais pas arrivée. Ensuite ce ne sera pas un "jeu d'enfant" et il me faudra faire quelques vérifications; le sentier est si peu utilisé qu'il n'est qu'une fine trace; je ne le perdrai qu'une fois, attirée par les sources. 


Le départ du sentier et son point rouge


Le chemin 


Ce sera un parcours qui va me mener à travers bois, en limite de crête, en belles forêts, en terrasses, avec quelques ruines marquées nulle part et fort belles. Le soleil joue avec les arbres, quelques prairies d'altitude surprennent en ce site si perdu, une cabane dont un mur entier est rocher sera le coup de coeur du jour. Et puis je bascule dans la vraie forêt, épaisse et sombre, creusée de torrents où chante une eau pure juste jaillie du sol, comme si Merlin l'Enchanteur m'avait précédée.

Peu lisible le sentier



Le cortal et...


Cabane de Baix de Pujado de Cobertorat ( Claude Pideil)




En descente, de terrasse en terrasse




En montant les feux de la rampe

C'est juste mon décor


Chemin faisant



Un corral



Le coup de coeur de face : Barraque de Dalt del Pujado de Cobertorat ( par Claude Pideil)



Et de profil : le mur du fond est rocher triangulaire,
bien vu le bâtisseur




Et les prairies d'altitude devant l'ensemble




Elles chantent au milieu des bois, les sources


C'est le Royaume du Silence, de la lumière et de l'ombre, des parfums d'herbe sèche et d'automne et de la voix du Salètes qui chatouille mon oreille par vagues.

C'est le Royaume de la Grande Solitude, tous mes sens en éveil surtout celui de l'orientation, ah mon cerveau n'est pas sous le bras ce jour là.

Si mince le sentier


Sur la rive d'en face : j'ignore que le sentier passe juste derrière ce roc

Au loin, en face, à la faveur d'une trouée j'aperçois du terrain familier, si proche, si loin, il faut aller loin dans la vallée chercher le retour. 


 Et de l'autre côté mes vieilles connaissances

J'ai rencontré quelques isards dont un affolé qui s'est enfui en hurlant dans les bois !!

Je franchis un petit ruisseau joliment nommé Du Vent (1407 m, 6.7 km) , un premier balisage délavé se montre, discret, le GPS devra le relayer pour grimper un mur de roche et m'extirper du site.


Ruisseau du vent venu du secteur de la Secallosa


Un très joli corral m'appelle au dessus du sentier, long couloir de 30 m, dans quelques terrasses, et mon sentier, enfin un peu balisé, vieilles taches jaunes et mini cairns m'amène au ruisseau de Salètes (7.9 km 1410 m) où je vais perdre toute trace. Géoportail et son GPS me quittent, Iphigénie est muet car ce sentier n'y est pas marqué, donc ce sera en mode "flair de sanglier" que je vais progresser, après un moment d'inquiétude.

Un exceptionnel corral



30 m de long





Un sentier là ? et oui, balisé chasseurs même



3
Traversée du Salettes


Je reprends mes moyens, et ce sera grimpe d'un talus rocheux et croulant, nage libre dans les genêts et autre "bartas", direction une ruine portée sur la carte en terre connue. Je fais la halte repas, au milieu des fougères blondes.


En mode sanglier



Un sentier, là ? Avec un peu d'imagination...

Très vite je me trouve sur un tracé, quelques dizaines de mètres, des terrasses ourlées de cerisiers, et je salue respectueusement la ruine que j'ai déjà visitée : retour sur Terre après un voyage de rêve. 


Quand reviendra le temps des cerises...


Je salue de vive voix ma vieille connaissance

La ruine est flanquée d'une prairie de fougères hérissées d'orties, je franchis l'ensemble sur la pointe des pieds en démarche de canard pour atteindre un pommier chargé de Coquettes, ces pommes disparues encore vertes et acides. 


Les Coquettes

Très rafraichissantes, alors que mes jambes brûlent. Je sais qu'en dessous de cette belle ruine se trouvent d'autres ruines et cette fois je veux les voir . Ah c'est vite dit, le chemin est introuvable sur le terrain. Alors je vais dégainer l'arme suprême, le cadastre. Sur mon site Iphigénie, en agrandissant au maximum, le cadastre s'affiche, et les chemins même anciens, leur emprise au sol, se teintent d'une jolie double ligne mauve. Je n'ai plus qu'à suivre. Le chemin a disparu, même oublié des chasseurs, mais les animaux ne sont pas bêtes, et pendant qu'un cerf brâme immensément, je suis les traces animales mince filet sur un chemin jadis large.

Le chemin 

La ruine
La petite flèche suit ma position; ensuite je peux afficher les coordonnées et l'altitude : 1417 m

La ruine est à l'écart du chemin mais l'animal savait que je viendrais et il m'a tracé la voie, entre fougères caressantes et orties vivifiantes . Insensible je poursuis mon avance...ce que Femme veut dit-on...

L'accès...faut pas s'en priver !

Et les voilà mes ruines; j'adore cette cabane monoplace où un animal a mis un lit de fougères odorantes pour ses nuits; il aura mon odeur dorénavant. Mille excuses.

Et la ruine apparaît, avec ses portes et fenêtres










Sa cabane monoplace


La seconde cabane défend son entrée par un massif opulent d'orties, et ce que je devine à l'intérieur, n'est autre qu'un camping gaz et sa recharge, rouillés. Le zoom de mon APN me l'a révélé, mais je ne verrai rien de plus. J'ai toujours une appréhension à entrer dans ces cabanes.

Cabane de Saletes del Cebes ( G Rabat)


Je pousse jusqu'à la Rotja, tant qu'à faire, tandis que le cerf brâme au fond des bois d'où je viens mais si loin déjà.


Eau de Rotja

Le ciel intensément bleu s'habille de gris, il est temps de revenir, à présent je n'ai plus à me guider, je peux reposer ma tête, et surtout profiter du paysage enfin découvert. Les montagnes perdent de leur relief, de leurs couleurs, sous ce ciel délavé.

Le paysage dans lequel j'ai marché et, dans le cercle, un lieu sans accès, mais j'irai !


Ceci !


La descente, par un chemin connu mais peu emprunté va être rude, mon pied droit me fait de plus en plus souffrir et pour le rassurer le gauche se joint à lui dans la douleur. Vais je bientôt ne plus vous convier, chers lecteurs, à ne pas me suivre sur mes sentiers cachés ? Pendant que je claudique en douleur et en douceur, un cerf me tient compagnie par sa voix rauque et puissante et un troupeau de chèvres soyeuses me croise avec prudence. 

Le patou qui vient à ma rencontre est peu amène mais je fais comme la grenouille de La Fontaine, j'enfle et me gonfle, je lève les bras et je pousse un cri rauque; l'animal, de peur ou de colère s'enfuit, me contournant en filant sous les rochers, décidément aujourd'hui les montagnes auront résonné de cris aussi sauvages que le décor. Ne le dites pas, on me chasserait !


Les noms entre parenthèses sont ceux des personnes qui ont recensé les cabanes (site Wikipedra) : il s'agit de Claude Pideil, Gérard Rabat et Michel Prats, qui ont fait un travail remarquable sur Py et autres secteurs.

En chiffres
Distance : 14. 99 km
Dénivelé  estimé : 700 m 

Le trajet



3 commentaires:

  1. Py, berceau de ma famille maternelle. Bien sûr, j'en raffole. Merci Amedine.

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  2. la première fois que je suis allé à Cantapoc, en passant la passerelle du rec de Saletes, j'ai vu un isard qui n'a pas posé pour la photo et deux balles ont sifflé au dessus de notre tête tirées de par où tu étais. Nous avons eu assez peur. J'ai hurlé et mis le drapeau catalan en cape. GV

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    1. Je suppose que les deux commentaires sont de toi; figure toi que c'est au même endroit que toi que j'ai rencontré l'isard, il a un peu posé, pas le temps de le prendre en photo il est parti en hurlant. Ce territoire de PY est d'une richesse incomparable sous le couvert des forêts, pour le moment je ne m'en lasse pas et n'en ai pas fait le tour. Décidément ça nous inspire pour pousser des cris sauvages. La chasse avait lieu mais ailleurs; ce secteur est Réserve Naturelle à présent

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